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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 1, 18 octobre 2016, n° 14-22069

PARIS

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Alpa (SAS)

Défendeur :

Editions Quo Vadis (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Rajbaut

Conseillers :

Mmes Auroy, Douillet

Avocats :

Mes Teytaud, Marcus Mandel, Boccon Gibod, Canlorbe

T. com. Paris, du 29 sept. 2014

29 septembre 2014

La SAS Éditions Quo Vadis, filiale du groupe Exacompta-Clairefontaine, fabrique et commercialise des fournitures scolaires, déclinant ses différents produits en plusieurs gammes, dont certaines sont développées sous licence ;

Elle expose proposer depuis 1994 une collection d'agendas, cahiers de texte, carnets de notes, sacs, trousses et autres produits scolaires, décorés de visuels réalisés par l'artiste peintre niçois Benjamin Vautier, connu sous le pseudonyme de Ben pour ses œuvres consistant en des épigraphes et slogans à la calligraphie particulière, le plus souvent inscrits en lettres blanches sur fond noir ;

La SAS Alpa commercialise une large gamme de produits dans les domaines du textile, de la maroquinerie, des bijoux, des jouets, des loisirs créatifs, des articles scolaires et de la décoration, travaillant le plus souvent sous licence ;

Elle commercialise depuis 2011 une gamme Shadok, issue de la série télévisée éponyme, en vertu d'un contrat de licence d'exploitation signé le 08 janvier 2010 avec la société AAA, titulaire des droits sur les Shadoks ;

Constatant au mois de février 2013 que la SAS Alpa commercialisait des produits "Shadoks", selon elle visuellement similaires à ses produits 'Ben', la SAS Éditions Quo Vadis lui a adressé le 15 février 2013 une mise en demeure d'avoir à cesser la commercialisation de ces produits ;

La SAS Alpa ayant contesté par lettres des 22 et 25 février 2013 les faits dénoncés, la SAS Éditions Quo Vadis a fait procéder les 11 et 18 mars 2013 à un constat d'achat avant de faire assigner le 19 juin 2013 la SAS Alpa devant le tribunal de commerce de Paris en concurrence déloyale et parasitisme ;

Par jugement contradictoire du 29 septembre 2014, le tribunal de commerce de Paris a :

- dit que la SAS Alpa a commis des actes de concurrence déloyale et de parasitisme à l'égard de la SAS Éditions Quo Vadis,

- condamné la SAS Alpa à payer à la SAS Éditions Quo Vadis la somme de 30 000 euros à titre de dommages et intérêts, tous chefs de préjudices confondus,

- débouté la SAS Alpa de sa demande reconventionnelle,

- condamné la SAS Alpa à payer à la SAS Éditions Quo Vadis la somme de 15 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

- débouté les partie de leurs demandes autres, plus amples ou contraires,

- ordonné l'exécution provisoire de sa décision,

- condamné la SAS Alpa aux dépens de l'instance ;

La SAS Alpa a interjeté appel de ce jugement le 04 novembre 2014 ;

Par ses dernières conclusions récapitulatives, transmises par RPVA le 18 mai 2015, la SAS Alpa demande :

- d'infirmer le jugement entrepris dans toutes ses dispositions sauf en ce qu'il a débouté la SAS

Éditions Quo Vadis de ses demandes de réparation du manque à gagner, de publication de la décision et d'interdiction et de retrait des produits litigieux,

- de débouter la SAS Éditions Quo Vadis de sa demande de dommages et intérêts au titre du préjudice subi au motif qu'elle n'a commis aucun acte de concurrence déloyale et parasitaire à son égard en commercialisant la gamme de produits "Shadok rentrée scolaire 2013" et que subsidiairement, la SAS Éditions Quo Vadis ne rapporte pas la preuve de son préjudice,

- de condamner la SAS Éditions Quo Vadis à la somme de 30 000 euros à titre de dommages et intérêts du fait du caractère particulièrement abusif de la présente procédure,

- de condamner la SAS Éditions Quo Vadis à lui verser la somme de 15 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux dépens ;

Par ses dernières conclusions récapitulatives, transmises par RPVA le 02 mai 2016, la SAS Éditions Quo Vadis demande :

- de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :

- dit que la SAS Alpa a commis des actes de concurrence déloyale et de parasitisme à son égard,

- débouté la SAS Alpa de sa demande reconventionnelle en procédure abusive,

- condamné la SAS Alpa à lui payer la somme de 15 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens de l'instance,

- de condamner la SAS Alpa à lui payer la somme de 250 000 euros en réparation du manque à gagner que lui causé ses agissements,

- de condamner la SAS Alpa à lui payer la somme de 500 000 euros en réparation du détournement injustifié de ses investissements,

- de condamner la SAS Alpa à lui payer la somme de 100 000 euros en réparation de l'atteinte causée à l'image des produits de la collection 'Ben',

- d'ordonner la publication du dispositif de l'arrêt à intervenir, entièrement ou par extraits, à son choix, dans un délai de 8 jours à compter de sa signification, pendant une période ininterrompue de 30 jours, en tête de la page d'accueil du site Internet de la SAS Alpa, accessible à l'URL www.alpa.fr ou à toute autre URL qui lui serait substituée, de manière visible et en caractères gras de taille au moins aussi importante que celle des plus gros caractères utilisés sur cette page, et ce sous astreinte de 5 000 euros par jour de retard,

- d'ordonner la publication du dispositif de l'arrêt à intervenir dans deux publications à son choix et aux frais de la SAS Alpa, dans la limite de 5 000 euros par publication, et ce sous astreinte de 5 000 euros par jour de retard à compter de la communication à la SAS Alpa du bon à tirer reçu des publications concernées, se réservant la liquidation de l'astreinte,

- de condamner la SAS Alpa à lui payer la somme de 18 000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens ;

L'ordonnance de clôture a été rendue le 31 mai 2016 ;

Motifs de l'arrêt :

Considérant que, pour un exposé complet des faits de la cause et de la procédure, il est expressément renvoyé au jugement déféré et aux écritures des parties ;

I : Sur la concurrence déloyale :

Considérant que la SAS Alpa fait d'abord valoir que l'évolution de sa gamme "Shadok" qui lui est reprochées n'a commencé qu'avec la gamme rentrée des classes 2013 et qu'on peut déjà mettre hors de cause les gammes précédentes ;

Qu'elle rappelle que les personnages des Shadoks, créés en dessins animés en 1968 et diffusés à la télévision de 1968 à 1973 puis à nouveau à partir de janvier 2000 étaient particulièrement originaux du fait de leurs commentaires dont certains sont passés dans le langage courant et l'inconscient collectif ;

Qu'elle ajoute que les produits qu'elle fabrique sous licence comportent tous, pour coller à l'univers "Shadok", des petites phrases amusantes, ironiques et absurdes et ce, bien avant la saison rentrée des classes 2013 ;

Qu'elle soutient qu'à la différence des œuvres de Ben, le fond de ses produits peut être noir mais aussi rose, que la SAS Éditions Quo Vadis ne peut revendiquer la similitude des produits et qu'il n'existe aucun risque de confusion entre les articles, les siens comportant de manière visible un dessin représentant un Shadok jaune, présenté sur une large bande blanche située à la bordure du produit, le Shadok empiétant en partie sur le fond noir ou rose des articles avec, à côté, la mention "Les Shadoks" où la lettre "O" est remplacée par une tête de Shadok orange ;

Qu'elle soutient encore que l'usage de lettres manuscrites blanches sur fond noir s'inscrit dans le cadre de la tendance du street art depuis les années 1960 et que les phrases reproduites renvoient indéniablement aux Shadoks, appartenant de surcroît à l'univers de l'absurde, de l'onirique et du surréalisme, se distinguant nettement et sans confusion possible, des phrases de Ben qui sont très 'terre-à-terre' ;

Considérant que la SAS Éditions Quo Vadis réplique que les produits de sa collection 'B' sont reconnaissables à différentes caractéristiques clairement identifiées et identifiables par les consommateurs et que leur spécificité n'est pas démentie par la SAS Alpa ;

Qu'elle affirme que les produits de la SAS Alpa reprennent les caractéristiques de la collection "Ben" : de brèves phrases typographiées dans un style manuscrit, écrites en couleur blanche, entrées sur la face du produit visible par le consommateur, sur un fond de couleur noire, contrastant avec le texte blanc ;

Qu'elle fait valoir que la méthode de comparaison des produits mise en œuvre par la SAS Alpa est inopérante, le caractère fautif de l'imitation des produits de la gamme "Ben" ne pouvant être appréciée qu'au terme d'une comparaison d'ensemble et synthétique de l'apparence des produits en présence ;

Qu'elle ajoute que la présence d'éléments censés écarter le risque de confusion entre les produits ne sont pas de nature à faire disparaître l'impression globale de ressemblance et d'appartenance à une même collection ;

Qu'elle affirme encore que la prétendue appartenance des produits en cause à une même tendance de street art n'est ni démontrée, ni pertinente car il existe de multiples manières pour les artistes de s'inscrire dans cette tendance ;

Considérant ceci exposé, qu'est considéré comme déloyal pour un commerçant de faire en sorte, sans justification sérieuse, que le produit qu'il commercialise présente, par sa présentation ou par la publicité qui en est faite, ou évoque dans l'esprit de la clientèle, une forte ressemblance avec celui de l'un de ses concurrents, créant ainsi un risque de confusion avec ce dernier ;

Considérant qu'il ressort des pièces versées aux débats que la SAS Éditions Quo Vadis commercialise depuis 1994 une collection de fournitures scolaires (agendas, cahiers de texte, carnets de notes, sacs, trousses, etc) décorés de visuels réalisés par l'artiste peintre Benjamin Vautier, dit Ben ;

Qu'il n'est pas contesté que cet artiste jouit d'une notoriété certaine pour ses œuvres consistant en des épigraphes et slogans, généralement en lettres blanches sur fond noir, d'une calligraphie particulière, reprenant une écriture manuscrite ;

Considérant qu'ainsi les produits de la gamme "Ben" reprennent les caractéristiques de l'œuvre de cet artiste par la présence d'une maxime centrée sur la face du produit visible par le consommateur, dans une écriture manuscrite de couleur blanche sur un fond noir, proportionnée à la taille du produit;

Considérant que la SAS Alpa exerce une activité proche de celle de la SAS Éditions Quo Vadis en commercialisant également des fournitures scolaires, le plus souvent sous licence et que c'est dans ces circonstances qu'elle a signé le 08 janvier 2010 un contrat de licence d'exploitation avec la société AAA, titulaire des droits sur les Shadoks, personnages de dessins animés créés en 1968 ;

Considérant que la collection 'Les Shadoks' a été lancée en septembre 2011 et a fait l'objet de nouvelles commercialisations en février, juin et septembre 2012 puis février et juin 2013 ;

Considérant qu'au vu des produits ainsi commercialisés entre 2011 et 2013 (pièce 6 de la SAS Alpa), il apparaît que si dès le début figuraient sur ces produits des phrases ou des maximes empruntées à l'univers absurde des Shadoks, en revanche l'apparence générale de ces produits était tout à fait différente de ceux commercialisés par la SAS Éditions Quo Vadis dans sa gamme "Ben" ;

Qu'en effet les phrases étaient plus longues, généralement en caractères noirs, sur des fonds de couleurs vives et variées (vert pomme, jaune, bleu, rouge) et la représentation des personnages Shadoks était prédominante, recouvrant généralement tout le produit ;

Considérant que c'est à la rentrée des classes 2013 que les produits de la gamme "Les Shadoks" ont connu une nette évolution par rapport aux années précédentes ; qu'en effet ces produits n'ont quasiment plus été déclinés qu'en noir (les produits de couleur rose n'étant que très minoritaires pour certains agendas, chemises ou classeurs en parallèle avec les mêmes produits en noir) et ne comportent plus que des phrases courtes dans une police de caractère reproduisant une écriture manuscrite, de couleur blanche se détachant sur le fond noir, proportionnée à la taille du produit ;

Que la représentation d'un personnage Shadok devient à partir de 2013 particulièrement discrète, reléguée au bas des produits, dans un bandeau blanc singulièrement peu visible, notamment sur des produits tels que les sacs à dos borne ou les besaces, voire invisibles sur la face principale de produits tels que les trousses ou fourre-tout ;

Considérant que la comparaison, à laquelle s'est livrée la cour, de cette nouvelle gamme de produits "Les Shadoks" commercialisée à partir de 2013 par la SAS Alpa (pièce 13 de la SAS Éditions Quo Vadis) avec les produits de même catégorie commercialisés par la SAS Éditions Quo Vadis dans sa gamme "Ben" (pièce 3) révèle une similitude réelle entre les produits : mêmes maximes en caractères manuscrits blancs sur fond noir, d'une taille proportionnée à celle du produit ;

Considérant qu'il en ressort qu'à partir de 2013, la SAS Alpa s'est appropriée sans justification, les éléments faisant l'attractivité des produits de la gamme "Ben" commercialisés par la SAS Éditions Quo Vadis, de telle sorte que la clientèle concernée risque soit de confondre les deux gammes de produits, soit de leur attribuer une origine commune, soit encore de se détourner des produits "Ben" au profit des produits imitant, supposant notamment que, compte tenu de leurs ressemblances, les deux gammes de produits doivent présenter des caractéristiques identiques ou très voisines ;

Considérant qu'il importe peu, pour l'appréciation du risque de confusion, que les produits de la gamme "Ben" portent la signature "Ben" et que ceux de la gamme 'Les Shadoks' reproduisent, ainsi qu'indiqué précédemment, un personnage Shadok ;

Qu'en effet, en présence, comme en l'espèce, de deux entreprises exerçant une activité identique ou proche et commercialisant des produits de même nature, le constat d'un risque de confusion découlant de la fabrication et de la vente par l'une de produits similaires à ceux commercialisés par l'autre n'est pas subordonné à la condition que sur les produits en cause, soit que la marque de l'entreprise accusée de concurrence déloyale n'y ait pas été apposée, soit à l'inverse que la marque de l'entreprise victime d'actes de concurrence déloyale y ait été apposée ;

Considérant en conséquence que le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a dit que la SAS Alpa a commis des actes de concurrence déloyale à l'égard de la SAS Éditions Quo Vadis ;

II : Sur le parasitisme :

Considérant que la SAS Alpa conteste le grief de parasitisme en faisant valoir que le demandeur à l'action en parasitisme doit rapporter la preuve de la recherche d'une économie au détriment d'un concurrent, par reprise de savoir-faire, de notoriété ou des fruits des investissements ;

Qu'elle affirme avoir beaucoup investi dans le projet de sa gamme "Shadok" et n'a pas cherché à profiter des investissements de la SAS Éditions Quo Vadis sans bourse délier, ayant notamment conclu un contrat de licence avec la société AAA et avoir multiplié les investissements face au faible succès de cette gamme, abandonnée fin 2013 ;

Considérant que la SAS Éditions Quo Vadis réplique que les produits de sa gamme "Ben" sont particulièrement renommés grâce à la réputation de l'artiste Ben mais aussi grâce à ses investissements très conséquents et que la SAS Alpa n'a pas hésité à s'immiscer dans le sillage de cette notoriété en suscitant l'équivoque avec ses produits ;

Qu'elle souligne que le comportement parasitaire de la SAS Alpa est caractérisé dès lors qu'elle a fait délibérément évoluer l'identité de ses produits de manière à profiter de l'effet d'attraction de ceux de la gamme "Ben" en économisant les coût de création, les efforts de communication et de publicité;

Considérant ceci exposé, que le parasitisme consiste, pour un opérateur économique, à se placer dans le sillage d'une entreprise en profitant indûment de sa notoriété ou de ses investissements, indépendamment de tout risque de confusion ;

Que caractérise ainsi un comportement parasitaire le fait de se placer dans le sillage d'un concurrent en cherchant à évoquer, dans l'esprit du public, les éléments qui servent à l'identifier afin de tirer profit de ses investissements sans bourse délier ;

Considérant que la SAS Éditions Quo Vadis justifie en pièce 18 de la réalité et de l'importance de ses investissements sur sa collection "Ben" pour les années 2010 à 2012 en ce qui concerne les frais de publicité, de développement des produits, de leur présentation, des catalogues, des redevances versées à l'artiste Ben et des coopérations commerciales ; que ces investissements, au demeurant non sérieusement contestés, se montent ainsi à la somme de 485 216 euros en 2010, de 562 211 euros en 2011 et de 550 356 euros en 2012 ;

Considérant que le succès de cette collection depuis plus de vingt ans n'est pas davantage sérieusement contestable, ainsi qu'il en est notamment justifié par les articles de presse versés aux débats (pièces 6 et 9 de la SAS Éditions Quo Vadis ) ;

Considérant en revanche que l'importance justifiée des investissements que la SAS Alpa affirme avoir effectués pour sa gamme 'Les Shadoks' se limite au versement des redevances à la société AAA en exécution du contrat de licence et qui ne dépassent pas 34 393,63 euros depuis le début du contrat (pièce 21 de la SAS Alpa) ;

Qu'au surplus à l'origine de la commercialisation des produits de cette gamme "Les Shadoks", ceux-ci se distinguaient nettement de ceux de la gamme concurrente "Ben" par leurs couleurs variées et la prédominance des personnages Shadoks ;

Que c'est à partir de l'année 2013 alors que, du propre aveu de la SAS Alpa, la commercialisation des produits de la gamme 'Les Shadoks' ne rencontrait pas le succès escompté, que l'apparence de ces produits a été profondément modifiée pour offrir, dans une même gamme, une ressemblance quasi-identique avec ceux de la gamme "Ben" qui connaissaient quant à eux depuis près de vingt ans un succès constant ;

Qu'il apparaît ainsi que confrontée au faible succès de sa gamme de fournitures scolaires "Les Shadoks", la SAS Alpa a cherché, en modifiant en 2013 l'apparence de ces produits, à se placer dans le sillage de la SAS Éditions Quo Vadis en cherchant à évoquer, dans l'esprit du public, les éléments caractéristiques de sa gamme "Ben" afin de tirer profit de la notoriété de cette gamme et de tirer indûment profit des investissements de la SAS Éditions Quo Vadis ;

Qu'il sera précisé que l'apposition du signe "Shadok" et la reproduction désormais très discrète des personnages Shadoks sur ces produits est insuffisante pour écarter le parasitisme découlant des autres caractéristiques connues du public comme étant celle des produits de la gamme "Ben" ainsi qu'analysé précédemment ;

Considérant en conséquence que le jugement entrepris sera également confirmé en ce qu'il a dit que la SAS Alpa a commis des actes de parasitisme à l'égard de la SAS Éditions Quo Vadis ;

III : Sur les mesures réparatrices :

Considérant qu'à titre subsidiaire, en cas de confirmation du jugement entrepris, la SAS Alpa affirme que la somme allouée par les premiers juges à titre de dommages et intérêts est manifestement excessive en raison de l'absence totale de démonstration du préjudice allégué, ainsi que du lien de causalité ;

Qu'elle soutient que la SAS Éditions Quo Vadis ne justifie pas du prétendu détournement de ses investissements qu'elle invoque, ni d'aucun manque à gagner et qu'en tout état de cause cette société ne peut demander des dommages et intérêts correspondant à la totalité de ses investissements ;

Qu'elle fait en outre valoir que la licence "Shadok" a été un véritable échec, n'ayant généré pour l'année 2013 qu'un chiffre d'affaires d'à peine 22 000 euros, ce dont il convient de tenir compte dans l'évaluation du prétendu préjudice de la SAS Éditions Quo Vadis ;

Considérant que la SAS Éditions Quo Vadis réplique que le seul fait de recourir à un agissement déloyal dans la conquête de la clientèle est générateur d'un trouble commercial en créant un déséquilibre dans la compétition économique que se livrent les opérateurs du marché ;

Qu'elle fait ainsi valoir que les agissements de la SAS Alpa lui ont nécessairement causé un manque à gagner du fait du détournement de sa clientèle et que faute d'éléments permettant d'évaluer plus précisément son manque à gagner, elle demande à ce titre le versement d'une indemnité de 250 000 euros ;

Qu'en ce qui concerne le préjudice résultant du détournement de ses investissements, elle expose que ceux-ci ont été de plus de 550.000 euros pour la seule année 2012 et qu'elle a incontestablement engagé des efforts financiers importants afin de bâtir et de maintenir la renommée des produits de la licence "Ben" ;

Qu'elle fait ainsi valoir que par ses agissements parasitaires, la SAS Alpa a détourné ces investissements à son profit, bénéficiant de l'effet d'attraction suscité par les caractéristiques visuelle créées par l'artiste Ben et appliquées aux fournitures scolaires, tout en économisant le coût que représente la mise en œuvre d'une telle stratégie de développement ;

Qu'elle évalue son préjudice à ce titre à la somme de 500 000 euros ;

Qu'elle ajoute enfin qu'en reprenant les caractéristiques qui font la singularité de ses produits "Ben", la SAS Alpa a galvaudé cette identité visuelle et altéré cette image décalée que procure l'association de produits a priori insignifiants à une célèbre figure de l'art contemporain, ce d'autant plus que les codes particuliers qui s'attachent à l'univers des produits de la gamme 'BEN' sont appliqués à l'univers des Shadoks, personnages burlesques et difformes de dessins animés ; Qu'elle évalue son préjudice à ce titre à la somme de 100 000 euros ;

Considérant ceci exposé, que les actes fautifs de concurrence déloyale, engageant la responsabilité civile délictuelle de la SAS Alpa sur le fondement des dispositions de l'article 1382 du Code civil, en vigueur à l'époque des faits, causent nécessairement un préjudice à la SAS Éditions Quo Vadis qui en est la victime ;

Qu'en particulier comme il l'a été exposé précédemment, le risque de confusion engendré par ces actes de concurrence déloyale a notamment pour conséquence de détourner une partie de la clientèle de la SAS Éditions Quo Vadis au bénéfice de la SAS Alpa, les consommateurs étant pour le moins amenés à supposer que, compte tenu de leur ressemblance, les produits en cause présentent des caractéristiques identiques ou très voisines ;

Considérant que la SAS Éditions Quo Vadis précise expressément en page 31 de ses conclusions que son préjudice économique correspond au "montant des redevances perdues qu'elle aurait été en droit de percevoir si elle avait dûment concédé une licence en vue de la commercialisation des produits litigieux" ;

Que les actes de concurrence déloyale ne concernant que l'année 2013, seule cette année sera prise en compte pour évaluer le préjudice économique ainsi subi par la SAS Éditions Quo Vadis ;

Considérant qu'il ressort du relevé de chiffre d'affaires concernant la licence "Shadoks" pour l'année 2013 (pièce 21 de la SAS Alpa, ce document étant certifié conforme par expert-comptable), que le chiffre d'affaires réalisé pour cette période a été de 31 735,02 euros (708,73 + 29 266 + 1 760,29) et que le montant total des redevances versées à la société AAA a été de 3.173,50 euros (70,87 + 2 926,60 + 176,03) correspondant à un taux de 10 % ;

Considérant que la SAS Éditions Quo Vadis ne justifie pas qu'elle aurait réclamé un taux de redevance plus élevé, de telle sorte que son préjudice économique peut donc être évalué à la somme arrondie de 3 200 euros ;

Considérant qu'en ce qui concerne le préjudice résultant des actes de parasitisme, la réalité et le montant des investissements consacrés par la SAS Éditions Quo Vadis à sa collection 'BEN' sont avérés ainsi qu'il l'a été analysé précédemment ;

Considérant que le détournement par la SAS Alpa de ces investissements à son profit du fait de ces actes de parasitisme cause donc à la SAS Éditions Quo Vadis un préjudice économique par l'économie ainsi réalisé à son détriment et que la cour évalue, au vu des éléments de la cause à la somme de 16 800 euros ;

Considérant enfin que la SAS Éditions Quo Vadis subit un préjudice moral résultant de la dévalorisation de l'image des produits de sa collection "Ben", eu égard en particulier à la grande renommée de cet artiste, par la confusion ainsi créée avec les personnages de dessins animés des Shadoks ;

Qu'au vu des éléments de la cause, la cour évalue ce préjudice à la somme de 10.000 euros ;

Considérant en conséquence que le préjudice global de la SAS Éditions Quo Vadis sera évalué à la somme de 30 000 euros, toutes causes confondues, de telle sorte que le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a condamné la SAS Alpa à payer à la SAS Éditions Quo Vadis la somme de 30 000 euros à titre de dommages et intérêts, tous chefs de préjudice confondus ;

IV : Sur les autres demandes :

Considérant que la SAS Éditions Quo Vadis ne reprend pas devant la cour ses demandes d'interdiction et de retrait des produits litigieux, de telle sorte que le jugement entrepris sera confirmé par adoption de ses motifs en ce qu'il n'a pas fait droit à ces demandes ;

Considérant que c'est également à juste titre que les premiers juges ont débouté la SAS Éditions Quo Vadis de sa demande de publication judiciaire, le jugement entrepris étant également confirmé de ce chef ;

Considérant que de même il apparaît que les préjudices subis par la SAS Éditions Quo Vadis sont suffisamment réparés par l'octroi de dommages et intérêts et qu'eu égard à l'ancienneté des faits, il n'apparaît pas davantage opportun d'ordonner les mesures de publications judiciaires du présent arrêt, demandées par la SAS Éditions Quo Vadis à titre d'indemnisation complémentaire ;

Considérant que dans la mesure où le jugement entrepris est confirmé en ce qu'il a condamné la SAS Alpa pour concurrence déloyale et parasitaire, il ne peut également qu'être confirmé en ce qu'il a débouté la SAS Alpa de sa demande reconventionnelle pour procédure abusive ;

Que pour les mêmes motifs la SAS Alpa sera déboutée de sa demande de restitution des sommes qu'elle a versées à la SAS Éditions Quo Vadis en vertu de l'exécution provisoire attachée au jugement entrepris ;

Considérant qu'il est équitable d'allouer à la SAS Éditions Quo Vadis la somme complémentaire de 18 000 euros au titre des frais par elle exposés en cause d'appel et non compris dans les dépens, le jugement entrepris étant par ailleurs confirmé en ce qu'il a statué sur les frais irrépétibles de première instance ;

Considérant que la SAS Alpa sera pour sa part, déboutée de sa demande en paiement au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Considérant que la SAS Alpa, partie perdante en son appel, sera condamnée au paiement des dépens d'appel, le jugement entrepris étant par ailleurs confirmé en ce qu'il a statué sur la charge des dépens de la procédure de première instance ;

Par ces motifs : La COUR, statuant publiquement et contradictoirement ; Confirme en toutes ses dispositions le jugement entrepris, Y ajoutant : Déboute la SAS Éditions Quo Vadis de ses demandes de publication judiciaire du dispositif du présent arrêt ; Déboute la SAS Alpa de sa demande de restitution des sommes qu'elle a versées à la SAS Éditions Quo Vadis en vertu de l'exécution provisoire attachée au jugement entrepris ; Condamne la SAS Alpa à payer à la SAS Éditions Quo Vadis la somme complémentaire de DIX HUIT MILLE EUROS (18 000 euros) au titre des frais exposés en cause d'appel et non compris dans les dépens ; Déboute la SAS Alpa de sa demande en paiement au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ; Condamne la SAS Alpa aux dépens de la procédure d'appel, lesquels seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.