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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 4, 19 octobre 2016, n° 14-07956

PARIS

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Elysées Shopping (SARL)

Défendeur :

Rolex France (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Cocchiello

Conseillers :

Mme Mouthon Vidilles, M. Thomas

Avocats :

Mes d'Armagnac, Vampouille, Fajgenbaum

T. com. Paris, du 12 mars 2014

12 mars 2014

FAITS ET PROCÉDURE

La société Rolex France commercialise des produits d'horlogerie et d'horlogerie-joaillerie de prestige par le biais d'un réseau de distribution sélective.

La société Elysées Shopping exploite une boutique d'articles d'horlogerie de luxe située 14, rue de Berri dans le 8e arrondissement de Paris. Elle exerce son activité sous l'enseigne "Elysées Horlogerie".

Par courrier du 4 mai 2012, la société Elysées Shopping a fait part à la société Rolex France de son souhait d'intégrer le réseau de distribution sélective Rolex.

Le 10 mai 2012, la société Rolex France lui a répondu qu'elle ne pouvait donner une suite favorable à sa demande.

Par lettre recommandée avec accusé réception du 13 juillet 2012, la société Elysées Shopping a réitéré sa demande auprès de la société Rolex France en s'étonnant de la décision de rejet dès lors qu'elle considérait remplir les critères de la distribution sélective.

Le 23 juillet 2012, la société Rolex France a confirmé son refus d'intégrer la société Elysées Shopping à son réseau de distribution sélective Rolex.

Considérant que le refus d'agrément qui lui était opposé était illicite au regard du droit de la concurrence et subsidiairement constitutif d'un abus de droit, la société Elysées Shopping a assigné la société Rolex France devant le Tribunal de commerce de Paris par exploit du 22 novembre 2012.

Par jugement en date du 12 mars 2014, le Tribunal de commerce de Paris a :

- débouté la SARL Elysées Shopping de sa demande d'agrément sous astreinte au réseau de distribution de Rolex,

- débouté la SARL Elysées Shopping de sa demande en dommages et intérêts,

- condamné la SARL Elysées Shopping à payer à la SAS Rolex France la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, déboutant pour le surplus,

- débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,

- ordonné l'exécution provisoire du présent jugement,

- condamné Elysées Shopping aux entiers dépens.

La société Elysées Shopping a interjeté appel de ce jugement par déclaration du 9 avril 2014.

Vu les dernières conclusions notifiées et déposées le 30 mai 2016 par la société Élysées Shopping, appelante, par lesquelles elle demande à la cour de :

Vu les articles 101 et 102 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne,

Vu le règlement 330/2010 du 20 avril 2010 de la Commission européenne,

Vu les articles 420-1, 420-2 du Code de commerce et L. 442-6 du même Code,

Vu l'article 1382 du Code civil,

Vu l'article 700 du Code de procédure civile,

Vu les jurisprudences et pièces versées aux débats,

- infirmer le jugement rendu par le Tribunal de commerce de Paris le 12 mars 2014, sauf en ce qu'il a débouté Rolex France de l'ensemble de ses demandes,

- constater que les critères de sélection à l'entrée dans le réseau de distribution sélective Rolex n'ont pas été déterminés au préalable,

- constater qu'aucun critère de sélection n'a été communiqué à Elysées Shopping,

- constater que la candidature d'Elysées Shopping n'a fait l'objet d'aucun examen,

- constater que le refus d'agrément opposé à Elysées Shopping n'a fait l'objet d'aucun examen,

- constater que le refus d'agrément opposé à Elysées Shopping par Rolex France n'a pas été motivé,

- constater que Rolex France a agréé deux autres distributeurs, les magasins Bücherer et Le Bon Marché Rive Gauche, après avoir refusé d'agréer Elysées Shopping,

- constater que Rolex France a fait preuve de discrimination tant dans le processus de sélection qu'en refusant d'agréer Elysées Shopping tout en délivrant deux nouveaux agréments par la suite,

- dire que le marché pertinent à prendre en considération est celui des montres Rolex,

- dire que le réseau de distribution sélectif mis en place par Rolex a un effet sensible sur la concurrence,

- dire que l'exemption par catégorie du règlement n° 330/2010 du 20 avril 2010 ne s'applique pas au réseau de distribution sélectif Rolex,

- constater que Rolex France ne démontre pas détenir une part inférieure à 30 % sur le marché constitué par la ville de Paris,

en conséquence,

- dire que le refus d'agrément opposé à Elysées Shopping par Rolex France est illicite au regard du droit de la concurrence,

à titre subsidiaire

- constater que Rolex France n'a jamais communiqué ses conditions générales de vente à Elysées Horlogerie,

- dire que Rolex France a engagé sa responsabilité sur le fondement de l'article L. 442-6, 9° du Code de commerce,

- dire que le refus d'agrément opposé à Elysées Shopping par Rolex France est constitutif d'un abus de droit,

- dire que Rolex France engage sa responsabilité civile,

- dire qu'Elysées Shopping doit être admise dans le réseau de distribution sélective Rolex,

- ordonner à Rolex France d'agréer la société Elysées Shopping en tant que distributeur au sein du réseau de distribution sélective Rolex, sous astreinte de 5 000 euros par jour de retard passé le délai d'un mois à compter de la signification de la décision à intervenir,

- condamner Rolex France à payer à Elysées Shopping la somme de 2 012 817 euros à titre de dommages et intérêts pour le préjudice subi au cours de la période courant du 4 mai 2012 au 4 mai 2013, ce montant étant à parfaire au jour de la décision à intervenir,

- condamner Rolex France à payer à Elysées Shopping la somme de 40 000 euros au titre des frais irrépétibles,

- condamner Rolex France aux dépens.

Vu les dernières conclusions notifiées et déposées le 30 mai 2016 par la société Rolex France, intimée, par lesquelles elle demande à la cour de :

Vu les articles 101 et 102 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE)

Vu le Règlement vertical n° 330/2010 du 20 avril 2010,

Vu l'article 16 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne,

Vu l'article 4 de la Déclaration des droits de l'Homme et du citoyen de 1789,

Vu les articles L. 420-1 et L. 420-2 du Code de commerce,

Vu l'article L. 442-6, I, 9° du Code de commerce,

Vu l'article 1382 du Code civil,

Vu l'article 564 du Code de procédure civile,

Vu les articles 699 et 700 du Code de procédure civile,

VU les pièces versées aux débats,

- confirmer le jugement rendu par le Tribunal de commerce de Paris le 12 mars 2014 en ce qu'il a :

- dit que c'est à bon droit que la société Rolex France a refusé de considérer la candidature de la société Elysées Shopping à intégrer son réseau de distribution sélective,

- débouté la société Elysées Shopping de sa demande d'agrément sous astreinte en vue d'intégrer le réseau de distribution de la société Rolex France,

- débouté la société Elysées Shopping de sa demande en dommages et intérêts,

en conséquence

- déclarer irrecevable la demande présentée pour la première fois en cause d'appel par la société Elysées Shopping visant à obtenir la communication des conditions générales de vente de la société Rolex France,

- débouter la société Elysées Shopping de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

et statuant à nouveau,

- condamner la société Elysées Shopping à verses à la société Rolex France la somme de 30 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile pour les frais irrépétibles engagés en première instance,

- condamner la société Elysées Shopping à payer à la société Rolex France la somme de 20 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile, pour les frais irrépétibles engagés en cause d'appel,

- condamner la société Elysées Shopping aux entiers dépens de l'instance dont distraction au profit de la SCP Nataf & Fajgenbaum, en application des dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile ;

SUR CE,

Sur le refus d'agrément constitutif d'une pratique anti-concurrentielle :

La société Elysées Shopping fait valoir que le refus d'agrément est constitutif d'une entente prohibée par l'article 101 du TFUE. Elle soutient que la société Rolex France ne peut se prévaloir du bénéfice de l'exemption par catégorie prévue par le règlement communautaire n° 330/2010 dans la mesure où elle détient une part de marché supérieure à 30 %. Elle indique sur ce point que le marché pertinent à prendre en considération est à titre principal, le marché des montres Rolex, une montre Rolex n'étant pas substituable à une autre montre de luxe et subsidiairement, le " marché parisien des montres de luxe " qui est un marché spécifique sur lequel la société Rolex détient une part supérieure à 30 %.

Elle ajoute que l'examen de la situation révèle une application discriminatoire par la société Rolex de ses critères de sélection propres au commerce de l'horlogerie de luxe qu'elle estime remplir de sorte qu'elle aurait dû être automatiquement agréée par la société Rolex. Elle lui reproche l'absence de mise en œuvre d'une procédure de sélection (absence de communication des critères de sélection et d'instruction de sa demande d'agrément), l'application discriminatoire des critères de sélection, l'absence de motivation du refus d'agrément et la délivrance d'agréments concomitants à d'autres distributeurs. Elle affirme que le traitement discriminatoire qu'elle a subi, constitue une pratique anti-concurrentielle.

En défense, la société Rolex France indique que la part de marché des produits Rolex sur le segment des produits horlogers haut de gamme et très haut de gamme est bien inférieure au seuil de 30 % visé par le règlement UE n° 330/2010 sur l'application de l'article 101 §3 du TFUE. Elle estime donc qu'elle bénéficie d'une exemption catégorielle.

Elle fait aussi valoir que le recours à la distribution sélective pour les produits de la marque Rolex est parfaitement légitime et n'a ni pour objet ni pour effet de porter atteinte à la concurrence et en particulier, d'empêcher le développement de l'activité de distributeur/revendeur de produits de l'horlogerie haut de gamme. Dès lors, elle considère que le refus d'agréer la société Elysées Shopping en qualité de distributeur relève de sa liberté d'organisation et que sa décision respecte les dispositions du règlement vertical n° 330/2010 et des lignes directrices du 19 mai 2010.

Les parties s'accordent à reconnaître que le réseau mis en place par la société Rolex qui consiste à agréer des distributeurs selon des critères de sélection objectifs, est un système de distribution sélective qualitative. Elles ne contestent pas l'application du droit européen de la concurrence.

Il est constant que la distribution sélective limite nécessairement la concurrence entre les différents acteurs économiques en entravant l'accès au marché des revendeurs non membres du réseau.

Un système de distribution sélective qualitative peut être considéré comme licite au regard des prévisions du 1° de l'article 101 du TFUE ou de l'article L. 420-1 du Code de commerce, si trois conditions sont réunies cumulativement : 1. la nature du produit en question doit requérir un système de distribution sélective, c'est-à-dire qu'un tel système doit constituer une exigence légitime eu égard à la nature du produit concerné afin d'en préserver la qualité et d'en assurer l'usage, 2. les revendeurs doivent être choisis sur la base de critères objectifs de caractère qualitatif, qui sont fixés de manière uniforme pour tous les revendeurs potentiels et appliqués de façon non discriminatoire, 3. les critères définis ne doivent pas aller au-delà de ce qui est nécessaire ;

A cet égard, il doit être relevé que la société Elysées Shopping ne peut, sans contradiction, d'une part, faire état des critères de sélection retenus par la société Rolex, les décrire précisément puis conclure qu'elle les remplit de sorte qu'elle ne peut que " s'interroger sur les raisons pour lesquelles Rolex a refusé de l'agréer " et d'autre part, simultanément, affirmer qu'il n'existe pas de critères de sélection précis et objectifs et que les critères retenus ne présentent pas " certaines caractéristiques " auxquelles ils doivent impérativement répondre. De surcroît, il sera observé qu'elle s'abstient d'expliciter en quoi ces critères ne répondraient pas à des caractéristiques qu'elle se garde, en outre, de déterminer.

Par ailleurs, la société Elysées Shopping ne fait aucunement état de l'existence de critères discriminatoires susceptibles de permettre d'écarter du marché une catégorie de bijouterie-horlogerie ; elle ne démontre ni même n'allègue que les critères retenus par la société Rolex France ne sont pas justifiés par les nécessités d'une distribution adéquate des produits.

En outre, la société Elysées Shopping n'invoque l'existence d'aucune clause au sens de l'article 4 du règlement de la Commission n° 330/2010 du 13 avril 2010 ayant pour effet d'éliminer toute concurrence et qui serait donc constitutive d'une entente illicite ni aucune clause comportant des restrictions exclues à l'article 5 du règlement.

Elle soutient que l'exemption automatique dont se prévaut la société Rolex, n'a pas vocation à s'appliquer.

Le règlement n° 2790/1999 du 22 décembre 1999 concernant l'application de l'article 81 § 3 du traité de Rome à des catégories d'accords verticaux et de pratiques concertées, auquel est désormais substitué le règlement n° 330/2010 du 20 avril 2010, prévoit une exemption de l'interdiction stipulée au paragraphe 1 de l'article 81,devenu l'article 101 du TFUE, aux accords de distribution, dits " accords verticaux " conclus entre les distributeurs et un fournisseur, lorsque, notamment, la part détenue par le fournisseur sur le marché pertinent sur lequel il vend ses biens et services ne dépasse pas 30 % et ce, sous réserve que ces accords ne comportent pas de restrictions caractérisées, à savoir, pour l'essentiel, celles qui obligent chaque distributeur à respecter un prix de vente identique, à s'interdire de revendre à un autre distributeur du réseau ou à s'interdire de répondre passivement à des commandes de clients situés hors de sa zone d'exclusivité (article 4 du règlement) ; il en résulte que des pratiques discriminatoires commises par un fournisseur, qui ne constituent pas des restrictions caractérisées, sont exemptées, lorsque celui-ci a une part de marché inférieure à 30 %.

- Sur le marché concerné

Le marché, au sens où l'entend le droit de la concurrence, est défini comme le lieu sur lequel se rencontrent l'offre et la demande pour un produit ou un service spécifique ; qu'une substitualité parfaite entre produits et services s'observant rarement, sont considérés comme interchangeables ou substituables en raison de leurs caractéristiques, de leur prix et de l'usage auquel ils sont destinés, les produits et services dont on peut raisonnablement penser que les consommateurs les regardent comme des moyens alternatifs entre lesquels ils peuvent arbitrer pour satisfaire une même demande ;

La définition du marché pertinent incombe à la société Elysées Shoping, qu'il s'agisse du marché de produits concernés ou du marché géographique, afin de permettre à la cour d'apprécier le pouvoir de marché de la société Rolex ; à titre principal, elle soutient qu'il s'agit du marché des montres Rolex et à titre subsidiaire, du marché parisien des montres de luxe ;

- le marché de produits

Se plaçant sur le marché amont de la distribution qui confronte les fournisseurs et les distributeurs, et non sur le marché aval qui met en relation les distributeurs avec les consommateurs finaux, la société Elysées Shoping se garde de définir les caractéristiques d'une montre Rolex qui lui conféreraient la possibilité d'être rendue non substituable à une autre montre de luxe dans l'esprit du distributeur qui peut vendre des montres de différentes marques. La notoriété d'un produit ne saurait lui permettre de constituer à lui seul un marché particulier. Faute de justifier de critères de délimitation du marché des montres Rolex qu'elle invoque, elle ne démontre pas qu'il existe un marché de la distribution des montres Rolex, suffisamment identifiable pour être distinct du marché des montres de luxe et/ou de prestige en général.

- le marché géographique

Le marché pertinent étant celui de la distribution des montres de luxe et/ou de prestige, la société Elysées Shopping ne démontre pas qu'il serait limité au marché parisien, s'abstenant, au demeurant, de caractériser le marché qu'elle invoque. Elle n'établit pas que ce secteur géographique corresponde à une zone dans laquelle les conditions objectives de concurrence du produit seraient homogènes et similaires pour les opérateurs économiques de sorte que le marché national des montres de luxe ou de prestige doit être retenu.

- sur la part de la société Rolex sur ce marché

Selon la société Elysées Shoping, la société Rolex détiendrait sur le marché parisien des montres de luxe une part de marché supérieure à 30 %. La société Rolex se contente de répliquer que sa part sur les segments moyens, hauts et très hauts du marché des produits d'horlogerie de luxe et/ou de prestige est " loin d'approcher les 30 % ". Les uniques pièces qu'elle produit à cet égard sont un extrait de la revue " Capital " (pièce n° 7), un extrait du site société.com relatif à la société Rolex France (pièce n° 11) et le Hors-Série n° 18 de l'Express (pièce n° 16).

Or, ces documents ne font aucunement référence à une quelconque part de marché national de la société Rolex France et à tout le moins, ne contiennent aucun élément permettant de la déterminer alors même qu'il appartient cette dernière qui se prévaut de l'exemption catégorielle automatique prévue par le règlement, de démontrer que sa part de marché est inférieure à 30 % et ce, d'autant que cette proportion est contestée par l'appelante. Force est de constater que la société Rolex France ne justifie donc pas du bénéfice de l'exemption par catégorie qu'elle revendique.

Pour autant, l'accord de distribution sélective n'est pas présumé relever de l'interdiction du paragraphe 1 de l'article 101 du traité ni ne pas remplir les conditions du paragraphe 3 de cet article. Il appartient à la société Elysée Shopping de démontrer que le refus d'agrément qui lui a été opposé, constitue une entente prohibée par l'article L. 420-1 du Code de commerce.

Considérant que l'article L. 420-1 du Code de commerce prohibe toutes les formes de concertation qui "ont pour objet ou peuvent avoir pour effet d'empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence sur une marché" et notamment "de limiter l'accès au marché ou le libre exercice de la concurrence par d'autres entreprises".

Pour constituer une entente, un refus d'agrément doit être de nature à éliminer la concurrence ou permettre cette élimination. Mais en l'espèce, le nombre de marques fabriquant de l'horlogerie de luxe et de prestige est conséquent et par ailleurs, il est établi que la société Elysées Shopping commercialise vingt-cinq marques de luxe et de prestige dans son magasin sans subir d'entrave de la part de la société Rolex. Au demeurant, elle affirme elle-même dans ses écritures qu'elle " n'a jamais prétendu que Rolex l'empêchait de distribuer d'autres marques de montres ! ". Dès lors, l'appelante ne rapporte pas la preuve que le refus d'agrément au réseau résulterait d'une entente entre la société Rolex et ses distributeurs de nature à affecter le fonctionnement concurrentiel du marché national de l'horlogerie de luxe et de prestige.

Le jugement entrepris sera donc confirmé sur ce point.

Sur la référence aux articles 102 du TFUE et L. 420-2 du Code de commerce :

La société Elysées Shopping se contente de viser dans le dispositif de ses écritures l'article 102 du TFUE et l'article L. 420-2 du Code de commerce et ne développe aucune argumentation à cet égard. Dès lors, faute de caractériser et partant, de justifier d'un comportement constitutif d'un abus de position dominante de la part de la société Rolex France, elle sera déboutée de la demande formée à ce titre.

À titre subsidiaire, sur le refus d'agrément constitutif d'un abus de droit

La société Elysées Shopping soutient, à titre subsidiaire, si la cour devait ne pas reconnaître l'existence d'une atteinte au droit de la concurrence, que le refus d'agrément qui lui a été opposé serait constitutif d'une discrimination abusive, c'est-à-dire, d'un abus de droit constitutif d'une faute ;

La société Rolex France réplique qu'à partir du moment où les conditions d'application des articles L. 420-1 et L. 420-2 du Code de commerce ne sont pas réunies, les dispositions de l'article 1382 du Code civil ne sauraient avoir pour vocation de sanctionner seules tout refus d'agrément et la société Elysées Shopping doit rapporter la preuve d'une faute distincte de ce refus d'agrément.

Il doit être rappelé qu'en suite de la loi du 1er juillet 1996 (loi Galland) qui a supprimé le principe de l'interdiction du refus de vente entre professionnels, la loi du 4 août 2008 a mis fin à l'interdiction des pratiques discriminatoires (ancien texte de l'article L. 442-6, I, 1° du Code de commerce) à compter de son entrée en vigueur, soit le 5 août 2008 ; à compter du 5 août 2008, la discrimination ne constitue donc plus, en soi, une faute civile et elle n'est prohibée que si elle constitue une entente illicite visée à l'article L. 420-1 du Code de commerce, un abus de position dominante visé à l'article L. 420-2 du Code de commerce (ce qui n'est pas le cas en l'espèce) ou un abus de droit.

Le principe fondamental de liberté contractuelle autorise tout opérateur économique à organiser son réseau de distribution comme il l'entend sous la seule réserve de ne commettre aucune pratique anticoncurrentielle. La société Rolex était donc libre de ne pas examiner la candidature de la société Elysées Shopping sans avoir à en justifier, peu important que celle-ci remplisse les critères de sélection. La société Rolex étant seule en droit de déterminer son orientation commerciale, c'est vainement que la société Elysées Shopping lui fait grief d'avoir agréé des grands magasins plutôt qu'une boutique de moyenne surface.

Enfin, s'il est constant que les mêmes critères de sélection doivent être appliqués de façon non discriminatoire à des candidats au réseau placés dans une situation comparable, il apparaît toutefois que la société Elysées Shopping qui a la charge de la preuve de l'application discriminatoire à son égard des critères de sélection qu'elle invoque, ne justifie aucunement avoir été dans une situation comparable au regard de la commercialisation des produits à celle des magasins Bücherer et Le Bon Marché, agréés postérieurement à sa candidature. De surcroît, il est établi que les dossiers de candidatures de ces magasins ont été instruits antérieurement à la demande de candidature de la société Elysées Shopping.

En conséquence de ces éléments, la société Elysées Shopping échoue à démontrer que le refus d'agrément soit constitutif d'un abus de droit. Le jugement entrepris sera donc également confirmé sur ce point.

Sur l'absence de communication des conditions générales de vente :

La société Elysées Shopping soutient à titre subsidiaire que la société Rolex France a également engagé sa responsabilité pour avoir refusé de lui communiquer malgré ses demandes répétées, ses conditions générales de vente prévues à l'article L. 441-6 du Code de commerce alors qu'elles constituent le socle unique de la négociation commerciale ; elle ajoute que ce moyen nouveau est recevable conformément aux dispositions de l'article 563 du Code de procédure civile ;

La société Rolex France soutient qu'il s'agit d'une demande nouvelle de sorte qu'elle serait irrecevable ; au fond, elle conclut à son débouté.

Or, l'action initiée par la société Elysées Shopping tend à voir reconnaître la responsabilité de la société Rolex pour traitement discriminatoire. En invoquant pour la première fois en appel l'absence de communication des conditions générales de vente, elle fait seulement état d'un moyen nouveau au soutien de sa demande initiale de sorte que l'exception d'irrecevabilité sera rejetée.

En revanche, ce moyen apparaît inopérant dans la mesure où la société Elysées Shopping ne peut être acheteur à l'égard de la société Rolex qui ne l'a pas agréé en qualité de distributeur de sorte qu'aucune faute de la société Rolex France à cet égard n'est établie.

Sur les autres demandes :

La société Rolex sollicite l'infirmation du jugement en ce qu'il a fixé à 10 000 euros l'indemnité qu'il lui a allouée au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ; elle sollicite à ce titre la somme de 30 000 euros outre celle de 20 000 euros pour les frais irrépétibles engagés en cause d'appel.

Toutefois, la somme de 10 000 euros retenue par les premiers juges apparaît équitable de sorte que le jugement entrepris sera confirmé de ce chef.

La société Elysées Shopping qui succombe en appel, devra verser à la société Rolex une somme au titre de l'article 700 du Code de procédure civile qui en équité sera fixée à 20 000 euros.

Par ces motifs : LA COUR, statuant par arrêt contradictoire, publiquement par mise à disposition au greffe, Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions, et y ajoutant, Condamne la société Elysées Shopping aux dépens de l'appel, Autorise la SCP Nataf & Fajgenbaum, avocat, à recouvrer les dépens dans les conditions de l'article 699 du Code de procédure civile, Condamne la société Elysées Shopping à verser à la société Rolex la somme de 20 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.