CA Bordeaux, 2e ch. civ., 10 octobre 2016, n° 14-00009
BORDEAUX
Arrêt
Infirmation partielle
PARTIES
Demandeur :
Jardins de Chloé et Clémentine (SARL), Selarl Lecaudey (ès qual.)
Défendeur :
Flora Nova (SAS), Financière Postulka (SARL)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Chelle
Conseillers :
Mme Fabry, M. Pettoello
Avocats :
Mes Puybaraud, Threard, Boyreau, Taillard, de Saint Pol
EXPOSE DU LITIGE :
Michel P. a créé dans les années 1980 un concept spécifique de magasins de vente en libre-service de fleurs coupées et a développé un réseau de magasins franchisés sous l'enseigne " Le Jardin des Fleurs " par le biais de sa société Flora Partner.
La société Flora Partner, devenue à cette occasion société Financière Postulka, a cédé son fonds de commerce à la société Flora Nova le 28 février 2011, en ce compris l'ensemble des contrats de franchise qui la liaient aux magasins du réseau, notamment celui signé le 7 novembre 2005 avec Philippe D., gérant de la SARL Les Jardins de Chloé et Clémentine situé à Nevers (58). Cette société a rencontré en avril 2012 des difficultés de trésorerie et a cessé de régler ses factures de redevance de franchise.
Par exploit d'huissier en date du 27 décembre 2012, la société Flora Nova a fait assigner la SARL Les Jardins de Chloé et Clémentine à comparaître devant le Tribunal de commerce de Bordeaux pour obtenir le règlement des redevances impayées.
Le 12 juin 2013, la société Les Jardins de Chloé a appelé dans la cause la société Financière Postulka pour la voir condamner solidairement avec la société Flora Nova à l'indemniser des conséquences de la rupture fautive des contrats existants.
Par jugement contradictoire en date du 21 novembre 2013, le Tribunal de commerce de Bordeaux a :
- joint les instances ;
- dit n'y avoir lieu à ordonner un sursis à statuer
- condamné la SARL Les Jardins de Chloé à payer à la société Flora Nova la somme de 26 826 euro outre intérêts au taux légal à compter du 16 octobre 2012 ;
- débouté la société Flora Nova de sa demande de condamnation de la SARL Les Jardins de Chloé à lui verser la somme de 5 000 euro à titre de dommages et intérêts ;
- débouté la SARL Les Jardins de Chloé du surplus de ses demandes principales à l'encontre de la société Flora Nova ;
- débouté la SARL Les Jardins de Chloé de l'intégralité de ses demandes reconventionnelles à l'encontre de la société Flora Nova ;
- jugé la SARL Les Jardins de Chloé irrecevable en ses demandes à l'encontre de la société Financière Postulka ;
- débouté la SARL Les Jardins de Chloé de l'intégralité de ses demandes à l'encontre de la société Financière Postulka ;
- condamné la SARL Les Jardins de Chloé à payer à la société Financière Postulka la somme de 5 000 euro à titre de dommages et intérêts ;
- ordonné l'exécution provisoire nonobstant appel et sans caution ;
- condamné la SARL Les Jardins de Chloé à payer à la société Flora Nova la somme de 2 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;
- condamné la SARL Les Jardins de Chloé à payer à la société Financière Postulka la somme de 2 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;
- condamné la SARL Les Jardins de Chloé aux dépens.
La SARL Les Jardins de Chloé a relevé appel du jugement par déclaration en date du 2 janvier 2014. Selon jugement du Tribunal de commerce de Nevers du 15 avril 2015, elle a fait l'objet d'un redressement judiciaire converti en liquidation judiciaire le 21 octobre 2015, la Selarl Aurélie Lecaudey étant désignée en qualité de liquidateur judiciaire.
Dans ses dernières conclusions, remises et notifiées le 22 février 2016, auxquelles il convient de se reporter pour plus ample exposé de ses moyens et prétentions, la Selarl Aurélie Lecaudey ès qualité demande à la cour de :
- se déclarer incompétente pour statuer sur la demande de la société Flora Nova tendant à voir fixer à son passif la somme de 3 100 euro au titre de la liquidation de l'astreinte prononcée par le Président du Tribunal de commerce de Bordeaux dans son ordonnance du 1er juillet 2014,
- dire et juger que son droit de préemption n'a pas été purgé,
- dire et juger que les sociétés Financière Postulka et Flora Nova ont été déloyales dans l'exécution du contrat de franchise du 7 novembre 2005 et ont commis des manquements contractuels au titre :
du non-reversement des remises de fin d'années,
du non-remboursement du budget communication,
de leur devoir d'assistance,
en conséquence,
- infirmer le jugement du 21 novembre 2013 en intégralité sauf en ce qu'il a débouté la société Flora Nova de sa demande de dommages et intérêts,
et, statuant à nouveau,
- dire et juger les demandes de la société Flora Nova infondées et la débouter de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions,
- dire et juger les demandes de la société Financière Postulka infondées et la débouter de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions,
- prononcer la résiliation du contrat de franchise aux torts et griefs exclusifs des sociétés Financière Postulka et Flora Nova à compter du 28 février 2011,
- condamner in solidum les sociétés Financière Postulka et Flora Nova à verser à la Selarl Aurélie Lecaudey ès qualités les sommes de :
27.255,78 euro, sauf à parfaire, au titre du remboursement des redevances de franchise versées depuis le 28 février 2011,
33 826,14 euro, sauf à parfaire, au titre du remboursement des redevances de communication versées,
300 000 euro à titre de dommages et intérêts,
subsidiairement,
- prononcer la résiliation du contrat du 7 novembre 2005 à compter du 13 novembre 2012 aux torts et griefs exclusifs de la société Flora Nova,
- condamner la société Flora Nova à verser à la Selarl Aurélie Lecaudey ès qualités les sommes de :
27 255,78 euro, sauf à parfaire au titre du remboursement des redevances de franchise,
300 000 euro, sauf à parfaire à titre de dommages et intérêts.
- condamner in solidum les sociétés Financière Postulka et Flora Nova à verser à la Selarl Aurélie Lecaudey la somme de 10 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.
Dans ses dernières conclusions, remises et notifiées le 11 février 2016, auxquelles il convient de se reporter pour plus ample exposé de ses moyens et prétentions, la société Flora Nova demande à la cour de :
- statuer ce que de droit sur la recevabilité de l'appel,
- le déclarer mal fondé,
en conséquence,
- confirmer le jugement en ce qu'il a fait droit à sa demande en paiement de la somme de 26 826 euro outre intérêts, et a débouté l'appelante des demandes formée à son encontre,
- l'infirmer en ce qu'il l'a déboutée de sa demande en dommages et intérêts,
et statuant à nouveau,
- tenant compte de l'évolution de l'instance en cause d'appel et conformément aux dispositions de l'article 566 du Code de procédure civile,
- fixer sa créance au passif de la liquidation judiciaire de la société Les Jardins de Chloé pour les montants suivants :
sommes dues au titre des factures impayées : 51 912,63 euro
intérêts au taux légal majorés de 5 points depuis le jugement du 21 novembre 2013 jusqu'à la date d'ouverture du redressement judiciaire : 3 662,96 euro
astreinte ordonnée par l'ordonnance de référé du 1er juillet 2014 (100 euro par jour de retard pendant un mois à compter du 1er août 2014) : 3 100 euro
dommages et intérêts réclamés dans le cadre de la présente instance : 5 000 euro
frais de procédure forfaitisés : 10 000 euro
indemnité article 700 devant la cour d'appel : 10 000 euro,
soit un total de 83 675,59 euro
à titre privilégié, en vertu du nantissement judiciaire provisoire inscrit le 7 décembre 2012,
- débouter la société Les Jardins de Chloé de l'ensemble de ses demandes,
- débouter la société Financière Postulka de sa demande d'être relevée indemne par elle de toutes condamnations qui seraient prononcées à son encontre,
- condamner la SARL Les Jardins de Chloé aux entiers dépens distraits au profit de la SCP Luc Boyreau sur son affirmation de droit.
Dans ses dernières conclusions, remises et notifiées le 02 décembre 2015, auxquelles il convient de se reporter pour plus ample exposé de ses moyens et prétentions, la SARL Financière Postulka demande à la cour de :
- la dire et juger recevable et bien fondée en toutes ses demandes, fins et conclusions ;
à titre principal, confirmer en son entier le jugement dont appel en ce qu'il a :
- condamné la SARL Les Jardins de Chloé à lui verser la somme de 5 000 euro de dommages et intérêts ;
- condamné la SARL Les Jardins de Chloé à lui verser la somme de 2 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;
subsidiairement,
avant toute défense au fond,
- constater que la SARL Les Jardins de Chloé a donné mandat à la société Flora Nova de recouvrer contre elle toute créance contractuelle ;
- constater que la SARL Les Jardins de Chloé est de ce fait dépourvue du droit d'agir à son encontre ;
- juger en conséquence la SARL Les Jardins de Chloé irrecevable en toutes ses demandes, fins et conclusions à son encontre ;
- constater l'aveu judiciaire de la SARL Les Jardins de Chloé que la société Flora Nova s'est substituée à elle dans l'exécution de son contrat de franchise à compter du 28 février 2011 ;
- constater au surplus que, par application des stipulations de l'article 9 de l'acte de cession du fonds de commerce par elle à la société Flora Nova du 28 février 2011, sa responsabilité ne peut être recherchée pour des faits postérieurs au 23 juillet 2009 ;
- constater que par application des stipulations de l'article 16 de l'acte de cession de fonds de commerce du 28 février 2011, seule la responsabilité de la société Flora Nova peut être recherchée à l'exclusion de celle de la société Financière Postulka au titre de la violation prétendue du droit de préemption de la SARL Les Jardins de Chloé ;
- constater que les demandes de la SARL Les Jardins de Chloé au titre du remboursement de la redevance communication pour les exercices 2005-2006 et 2006-2007 sont prescrites ;
- constater au surplus que la somme de 350 974,95 euro a été versée par elle à la société Flora Nova au titre du remboursement aux franchisés de la redevance communication non utilisée ;
- dire en conséquence la SARL Les Jardins de Chloé irrecevable en toutes ses demandes à ce titre à son encontre ;
- constater au surplus qu'il appartient à la société Flora Nova de rétrocéder à la SARL Les Jardins de Chloé la part de la redevance communication remboursée par elle et lui revenant ;
- constater que la purge du prétendu droit de préemption de la SARL Les Jardins de Chloé a été effectuée par la société Flora Nova postérieurement au 23 juillet 2009 ;
- juger en conséquence la SARL Les Jardins de Chloé et Me Lecaudey ès qualité irrecevables en leurs demandes à son encontre au titre de la violation prétendue de son droit de préemption ;
- débouter la SARL Les Jardins de Chloé et Me Lecaudey ès qualité de leur demande de remboursement de la somme de 27 255,78 euro au titre des redevances de franchise versées depuis le 28 février 2011 et de la somme de 33 826,14 euro des redevances de communication versées depuis le 28 février 2011 ;
- débouter la SARL Les Jardins de Chloé et Me Lecaudey ès qualité de leur demande de versement de la somme de 300 000 euro de dommages et intérêts et de ses autres demandes ;
encore plus subsidiairement et au fond,
- constater que les manquements contractuels invoqués par la SARL Les Jardins de Chloé sont postérieurs au 23 juillet 2009, et qu'ils ne sont pas de son fait ;
- constater au surplus que la SARL Les Jardins de Chloé n'apporte pas la preuve des manquements qu'elle invoque ;
- constater que la cession de son fonds de commerce n'est pas incluse dans le droit de préemption dont bénéficiait la SARL Les Jardins de Chloé ;
- dire en conséquence la SARL Les Jardins de Chloé et Me Lecaudey ès qualité mal fondées en leurs demandes à son encontre tirées de la prétendue violation de son droit de préemption ;
- si par impossible la cour devait faire droit aux demandes de la SARL Les Jardins de Chloé et Me Lecaudey ès qualité, condamner, par application des stipulations de l'article 9 de l'acte du 28 février 2011, la société Flora Nova à la relever indemne de toute condamnation pouvant être prononcée à son encontre ;
- débouter en tout état de cause la SARL Les Jardins de Chloé et Me Lecaudey ès qualité de l'intégralité de leurs demandes à son encontre ;
en tout état de cause,
- débouter la SARL Les Jardins de Chloé et Me Lecaudey ès qualité de toutes leurs demandes, fins et conclusions ;
- fixer la créance de dommages et intérêts de 20 000 euro à laquelle elle peut prétendre au titre de la réparation de son préjudice au passif de la SARL Les Jardins de Chloé ;
- fixer la créance de 15 000 euro à laquelle elle peut prétendre au titre de l'indemnité de procédure prévue à l'article 700 du Code de procédure civile au passif de la SARL Les Jardins de Chloé ;
- condamner la même aux entiers dépens de l'instance.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 22 août 2016.
MOTIFS :
Sur les demandes formulées par la SARL Les Jardins de Chloé :
Reprenant devant la cour les griefs développés devant les premiers juges, l'appelante fait valoir que les deux intimées ont été déloyales et sont responsables de ses difficultés financières en raison de divers manquements :
- le non-respect du droit de préemption ;
- l'absence de redistribution des bénéfices de la centrale d'achats ;
- le non-remboursement du budget communication :
- le défaut d'assistance et déloyauté.
Sur le non-respect du droit de préemption :
L'article 6 de la charte de fonctionnement de la franchise stipule que " pour tout projet de cession, de la société Flora Partner, le franchiseur s'engage à respecter un droit de préemption au profit des franchisés qui disposeront d'un délai d'un mois afin de le faire jouer dans les mêmes conditions que celles proposées ".
Le 21 février 2011, préalablement à la cession intervenue le 28 février, chaque franchisé a signé sans réserve un acte de renonciation à se prévaloir de son droit de préemption et un mandat au profit de Flora Nova pour recueillir les fonds versés par les franchisés au titre notamment de la redevance communication et pour exercer leurs droits individuels.
L'appelante soutient que cette renonciation n'a cependant aucune valeur dès lors que les conditions de la cession n'ont pas été transmises aux franchisés, en violation des clauses du contrat de franchise ; que le grief est d'autant plus sérieux que pendant plusieurs années, le franchiseur n'a effectué aucun acte de communication, à tel point que les franchisés ont envisagé de se regrouper pour racheter le réseau mais en ont été dissuadés par le prix annoncé ; que Philippe D. a découvert beaucoup plus tard que le réseau avait été cédé au prix de 303 384 euro, soit un montant très inférieur à celui présenté aux franchisés (plusieurs millions d'euros) ; que la société Financière Postulka a agi en fraude de leurs droits ; que l'argument qu'elle lui oppose, selon lequel l'acte de cession du fonds de commerce avec la société Flora Nova mettait à la charge de celle-ci la purge du droit de préemption, lui est d'autant moins opposable, étant insérée dans un contrat auquel elle n'est pas partie, que malgré ses multiples demandes, Flora Nova ne lui a pas communiqué l'acte de cession. L'appelante soutient par ailleurs que le droit de préemption de l'article 6, qui vise " tout projet de cession " ne concernait pas uniquement le cas de la cession de la société Flora Partner toute entière, mais couvrait tous les cas de cession quels qu'ils soient ; que c'est d'ailleurs bien ainsi que l'ont compris les deux sociétés qui ont pris le soin d'organiser entre elles la purge du droit de préemption et fait renoncer expressément les franchisés. Elle en conclut que le droit de préemption n'est pas purgé et que les deux franchiseurs sont fautifs et solidairement responsables de son préjudice.
En réponse, la société Flora Nova allègue que les franchisés, dont l'appelante prétend, sans en justifier, qu'ils auraient envisagé de racheter le fonds de commerce, n'ont fait aucune proposition ni fait valoir leur droit de préemption alors que le projet de vente a été annoncé courant 2009 ; qu'ils ont au contraire signé sans réserve un acte de renonciation à s'en prévaloir ; que contrairement à ce qui est soutenu, tous les membres du réseau ont été informés des conditions précises de la cession ; que les comptes de l'appelante montrent qu'elle n'avait pas les moyens d'acheter le fonds de commerce. Elle émet par ailleurs une réserve sur l'application de la clause dans le cas d'espèce, le droit de préemption n'ayant vocation à s'exercer qu'en cas de cession de la société Flora Partner en son entier.
La société Flora Partner quant à elle fait valoir que l'appelante ne produit aucun justificatif ni de la faute ni du préjudice ; que l'acte de cession du fonds de commerce avec Flora Nova, opposable aux tiers, mettait à la charge de celle-ci la purge du droit de préemption, ce qu'elle a d'ailleurs affirmé avoir fait (cf. art 16 de l'acte de cession) de sorte que seule la responsabilité de Flora Nova peut être recherchée en cas de violation ; qu'en tout état de cause, le droit de préemption de l'article 6 du contrat de franchise ne concernait que le cas de la cession de la société Flora Partner, à l'exclusion de toute autre hypothèse ; que seul le fonds de commerce a été cédé et non les actions ; que le droit de préemption doit être interprété de manière restrictive.
Si la rédaction de l'article 6 du contrat de franchise est un peu ambiguë, le fait que la société Flora Nova ait demandé expressément aux franchisés de renoncer au droit de préemption, et que mention de cette renonciation figure dans l'acte de cession entre les deux intimées, confirme que ce droit avait vocation à s'appliquer y compris dans le cadre de la seule cession du fonds de commerce. En tout état de cause, ce débat semble de moindre intérêt dans la mesure où les franchisés y ont tous expressément renoncé. La validité de cette renonciation ne peut sérieusement être remise en cause dès lors que l'appelante ne prouve ni que les franchisés avaient envisagé d'acheter le fonds de commerce ni le réseau, ni qu'on leur a menti sur le prix de cession, et qu'il leur appartenait, en tout état de cause, d'en contester les modalités d'exercice et de s'informer le cas échéant du prix avant de formaliser leur renonciation. Aucune fraude n'est donc établie, l'appelante ne rapportant pas non plus la preuve d'un préjudice résultant de ce manquement.
Il y a lieu en conséquence de rejeter à la fois la demande de résiliation du contrat de franchise au 28 février 2011 et les demandes de dommages et intérêts formées à hauteur des sommes de 300 000 euro (au titre de la privation du droit de préemption qui " aurait représenté une formidable opportunité économique ") et 27 255,78 euro (en remboursement des redevances de franchise depuis le 28 février 2011).
Sur l'absence de redistribution des bénéfices de la centrale d'achats :
L'article 14-7 du contrat de franchise prévoit que " la centrale d'achat et de référencement procédera (...) au partage par moitié des bénéfices réalisés entre le franchiseur et le réseau au prorata des achats effectués par chacun des franchisés à la centrale d'achat et de référencement (...) Ce partage des bénéfices interviendra sous forme de remises de fin d'année versées après l'arrêté fiscal. (...) ".
L'appelante soutient qu'elle n'a jamais reçu de remise de fin d'année depuis son entrée dans le réseau en novembre 2005 ; que la société Flora Partner a cessé de présenter les comptes de la centrale d'achat en 2006 (faute qu'elle a reconnue cf. arrêts de cette cour des 28 février 2011 et 14 décembre 2011 et 7 juin 2013) ; que l'expertise a révélé que du 30 septembre 1999 au 30 septembre 2006 le franchiseur avait détourné plus de 3 millions d'euros de la centrale d'achats, économisant ainsi au préjudice des franchisés une somme de 1 542 400 euro ; que l'argument de Flora Nova, qui se dit étrangère au conflit puisqu'elle a acquis le réseau en février 2011, est inopérant dans la mesure où la cession du fonds de commerce s'accompagnait de celle de l'ensemble des contrats de franchise et où le cessionnaire d'un contrat est tenu de l'intégralité des droits et obligations nés du contrat cédé ; que par ailleurs, les manquements se sont poursuivis après la cession.
Cependant, comme le souligne la société Flora Nova, les décisions et expertises invoquées par l'appelante s'inscrivent dans une procédure qui leur est à toutes deux étrangère puisqu'elle concerne une période antérieure non seulement à la cession mais même à l'entrée de l'appelante dans le réseau de franchise, de sorte qu'elles ne peuvent constituer des éléments de preuve dans le cadre du présent litige. Le débat sur la question de savoir si le cessionnaire est tenu de l'intégralité des droits et obligations nés du contrat cédé est sans intérêt car même à l'admettre, cela ne saurait justifier que la société Flora Nova puisse se voir reprocher des manquements au contrat commis avant la cession et surtout pour lesquels une procédure a déjà été intentée, et est en cours, à l'encontre de la société Flora Partner seule.
Quant aux manquements postérieurs à la cession, l'appelante n'en rapporte pas la preuve, alors que la société Flora Nova justifie avoir, dès l'acquisition de 2011, logé la centrale d'achats dans une structure dédiée, la société Direct Flo, dont les comptes sont communiqués au réseau et publiés.
En conséquence, les demandes formulées à ce titre tant à l'encontre de la société Flora Partner que de la société Flora Nova seront elles aussi rejetées.
Sur le non-remboursement du budget communication :
L'article 15-3 du contrat de franchise met à la charge de chaque franchisé une redevance de 1,5 % HT minimum du chiffre d'affaires global HT destinée à financer les opérations de communication. Il prévoit que si le budget n'est pas totalement utilisé, le franchiseur doit le rembourser, sa réaffectation à chaque franchisé s'effectuant au prorata des sommes versées par lui.
L'appelante fait valoir qu'en l'espèce, le franchiseur ne justifie pas de l'utilisation de la redevance, ce qui d'une part constitue un faute grave puisque la communication est un élément indispensable au succès des franchisés en permettant d'entretenir le caractère notoire de la marque (art. 5 du Code de déontologie européen), de sorte que l'absence d'utilisation a privé les franchisés des moyens de faire progresser l'activité et le chiffre d'affaires, et d'autre part oblige le franchiseur à rembourser les sommes perçues à ce titre. Elle réclame la somme de 33 826,14 euro versée par elle entre 2005 et 2011.
Est versé aux débats un jugement du Tribunal de commerce de Bordeaux du 25 mai 2012 qui a ordonné la remise à la société Flora Nova, pour le compte des franchisés, d'une somme de 350 974,95 euro dont la société Flora Partner se reconnaissait redevable. Il s'en déduit que si la société Flora Partner a manqué à ses engagements contractuels s'agissant de la gestion du budget communication, elle a remboursé les sommes indument perçues et ne saurait dès lors s'en voir réclamer de nouveau le paiement. La demande à son encontre ne saurait donc prospérer.
Quant à la société Flora Nova, si elle justifie avoir exercé son mandat et préservé les intérêts du réseau en obtenant de Flora Partner la restitution des sommes prélevées et non utilisées, elle ne fournit aucune explication sur l'affectation de ces sommes qu'elle devait reverser aux franchisés et dont l'appelante soutient, à juste titre, que rien ne justifie que la somme versée par elle ne lui soit pas remboursée dans la mesure où les intimées ne justifient pas l'avoir affectée tout ou partie à la communication. Le jugement sera en conséquence infirmé, et la société Flora Nova condamnée au paiement de cette somme de 33 826,14 euro sans que la prescription de la demande portant sur les sommes versées avant 2007 puisse être opposée à l'appelante, son assignation étant datée du 12 juin 2013, soit avant l'expiration du délai de cinq ans instauré par la loi du 17 juin 2008.
Sur le défaut d'assistance et la déloyauté :
L'appelante allègue par ailleurs que le système de franchise suppose un partenariat étroit, quotidien et loyal, et que l'assistance, avec le savoir-faire, en est un élément essentiel ; que le franchiseur a même un devoir général de conseil ; que la société Flora Nova, qui était engagée contractuellement à visiter régulièrement le magasin (à raison d'une demi-journée minimum au moins trois fois par an), à apporter à cette occasion informations et conseils au franchisé (cf. article 8-2 du contrat), a rapidement cessé toute visite, et est particulièrement de mauvaise foi quand elle prétend que Philippe D. est seul responsable de la situation économique des deux sociétés alors qu'elle ne lui a jamais reproché aucune faute de gestion ni manquement à ses obligations contractuelles. L'appelante soutient que ce sont l'inertie du franchiseur avant la cession, puis l'absence d'action après, qui sont clairement à l'origine de la baisse de chiffre d'affaires ; que non seulement la société Flora Nova ne l'a pas aidée, mais qu'elle a au contraire tout bloqué en lui adressant une relance immédiate dès le rejet du prélèvement franchiseur, en lui coupant l'accès aux commandes de fleurs dès le 15 mai 2012, et en multipliant les relances jusqu'à faire inscrire un nantissement sur le fonds de commerce. Elle fait valoir enfin que la société Flora Nova a empêché la cession de son fonds de commerce et contacté le possible repreneur seulement après son assignation devant le tribunal de commerce.
La société Flora Nova s'oppose au moyen en soutenant qu'elle a essayé à plusieurs reprises de contacter l'appelante et de trouver une solution amiable ; qu'elle lui a même proposé un prêt ; qu'elle n'a pas obtenu de réponse, Philippe D. s'étant volontairement coupé du réseau en ne participant plus aux réunions. Elle allègue que par son inertie et sa mauvaise gestion, il est seul responsable de la situation de ses sociétés ; que contrairement à ses allégations, il n'avait pas vraiment l'intention de vendre ses sociétés alors qu'elle-même y était favorable.
Il ressort des justificatifs versés aux débats que dès le premier rejet de prélèvement franchiseur, la société Flora Nova a adressé de nombreux mails et messages à l'appelante, mais dans des termes visant exclusivement à recouvrer les arriérés. Elle ne justifie pas de démarches d'aide telles que prévues au contrat de franchise, pas plus qu'elle ne justifie avoir réalisé de visites régulières du magasin. Par ailleurs, le fait de couper dès le 15 mai 2012 à sa franchisée l'accès aux commandes de fleurs n'a pu que contribuer à aggraver la situation.
S'agissant du projet de vente, l'article 17 du contrat stipule que " pour tout projet de cession de droit au bail ou de fonds de commerce le franchisé s'engage à respecter un droit de préemption au profit du franchiseur. En conséquence, le franchisé soumettra tout projet de cession au franchiseur en précisant les conditions de celle-ci et les qualités de l'acquéreur éventuel, le franchiseur disposant d'un délai de trente jours suivant réception de la notification écrite de ladite offre pour préempter aux mêmes conditions.(...) Le fait pour le franchiseur de ne pas exercer son droit de préemption ne constitue pas acceptation de la cession. Après renonciation du franchiseur à son droit de préemption, le projet de cession devra être agréé par celui-ci au travers d'une décision prise par le Conseil National qui devra motiver sa décision d'agrément ou de refus d'agrément au plus tard dans les 30 jours de la renonciation par le franchiseur de son droit de préemption. "
Conformément à ces dispositions, l'appelante a informé le 31 mai 2012 le franchiseur de ce qu'elle souhaitait vendre ses magasins et avait trouvé un repreneur dont elle lui a transmis l'offre (255 000 euro) le 29 août 2012 afin de recueillir son agrément ou lui permettre d'exercer son droit de préemption conformément à l'article 17 du contrat. La réponse qui lui a été faite par mail le 12 octobre 2012, soit 45 jours plus tard, ne l'a pas été dans des termes très clairs puisqu'ainsi formulée : " tu m'as fait passer l'offre de Monceau sur la reprise de ton magasin. Avec ce document tu devrais pouvoir obtenir de la banque un prêt relai afin de solder tes comptes. Je te remercie de faire d'urgence le nécessaire ou de m'apporter les garanties nécessaires qui me permettraient de refinancer ce montant en attendant la vente. " Ce courriel ne répond pas aux exigences de l'article 17, qui décrit une procédure particulièrement stricte pouvant d'autant moins se satisfaire d'une acceptation tacite que le projet de cession n'a pas été soumis au Conseil National.
Le comportement du franchiseur caractérise un manquement à ses obligations contractuelles qui a participé à la fois à la détérioration de la situation du franchisé et à l'échec de la vente de ses magasins.
L'appelante est dès lors fondée à invoquer l'exception d'inexécution, qui justifie que les sommes dues à Flora Nova restent à la charge du franchiseur. La demande de paiement des redevances de franchise sera donc rejetée, et le jugement infirmé sur ce point.
- Sur la date de résiliation du contrat :
En l'état des documents versés aux débats par les parties, il y a lieu de fixer au 28 janvier 2014, date du courrier recommandé adressé par le franchiseur à la franchisée, la date de résiliation du contrat de franchise, résiliation qui sera prononcée aux torts partagés des parties compte tenu des circonstances du litige.
Sur les demandes de la société Flora Nova :
Sa demande au titre des redevances de franchise ayant été rejetée par la cour, et la société Flora Nova ne justifiant du montant des sommes réclamées par ailleurs que par un tableau récapitulatif joint à sa déclaration de créances, sa demande formée au titre des factures impayées pour un montant de 51 912,63 euro sera rejetée.
Celle tendant à voir liquider l'astreinte prononcée par l'ordonnance de référé du 1er juillet 2014 du président du Tribunal de commerce de Bordeaux, qui a condamné la SARL Les Jardins de Chloé à enlever tout signe distinctif appartenant à la société Flora Nova, sera elle aussi rejetée faute pour l'intimée de rapporter la preuve du non-respect de cette injonction par l'appelante.
L'intimée ne rapportant pas par ailleurs la preuve d'un préjudice particulier résultant notamment de l'utilisation par l'appelante, après la cessation du règlement des redevances, de la marque " Jardins des fleurs " et des caisses, sa demande de dommages et intérêts sera aussi rejetée, comme le sera sa demande au titre des " frais de procédure forfaitisés " sur lesquels elle ne fournit aucune explication et dont, en tout état de cause, le principe même est remis en question par le présent arrêt.
Sur les demandes de la société Financière Postulka :
La société Financière Postulka ne rapportant pas non plus la preuve d'un préjudice particulier résultant de la procédure engagée contre elle, sa demande de dommages et intérêts sera également rejetée.
Sur les demandes accessoires :
Il apparaît inéquitable de laisser à la charge de la société Financière Postulka les sommes exposées par elle et non comprises dans les dépens. Il y a lieu de mettre à la charge de la SARL Les Jardins de Chloé, outre l'indemnité de 2 000 euro accordée en première instance, une somme de 4 000 euro sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile au titre de ses frais exposés en appel.
Il n'apparaît pas inéquitable de laisser à la charge de la SARL Les Jardins de Chloé et de la société Flora Nova les sommes exposées par chacune d'elles dans le cadre des procédures de première instance comme d'appel et non comprises dans les dépens. Il y a lieu d'infirmer le jugement qui a alloué à la société Flora Nova la somme de 2 000 euro et de débouter la société Flora Nova et la SARL Les Jardins de Chloé de leurs demandes sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile au titre de ses frais exposés en première instance comme en appel.
La société Flora Nova et la SARL Les Jardins de Chloé seront condamnées aux dépens de première instance et d'appel.
Par ces motifs, LA COUR, statuant publiquement, contradictoirement et en premier ressort, Confirme le jugement du Tribunal de commerce de Bordeaux en date du 21 novembre 2013 en ce qu'il a : débouté la société Flora Nova de sa demande de condamnation de la SARL Les Jardins de Chloé à lui verser la somme de 5 000 euro à titre de dommages et intérêts ; débouté la SARL Les Jardins de Chloé de l'intégralité de ses demandes à l'encontre de la société Financière Postulka ; condamné la SARL Les Jardins de Chloé à payer à la société Financière Postulka la somme de 2 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ; L'infirme pour le surplus et statuant à nouveau, Déboute la société Flora Nova de sa demande de condamnation de la SARL Les Jardins de Chloé à lui payer la somme de 26 826 euro outre intérêts au taux légal à compter du 16 octobre 2012 ; Condamne la société Flora Nova à payer à la SARL Les Jardins de Chloé la somme de 33 826,14 euro au titre des redevances communication indûment versées pour les années 2005 à 2011 ; Déboute la société Financière Postulka de sa demande de condamnation de la SARL Les Jardins de Chloé à lui payer la somme de 5 000 euro à titre de dommages et intérêts ; Déboute les parties de leurs demandes plus amples et contraires ; Y ajoutant, Déboute la société Flora Nova de ses demandes indemnitaires à l'encontre de la SARL Les Jardins de Chloé ; Déboute la société société Financière Postulka de sa demande de dommages et intérêts à l'encontre de la SARL Les Jardins de Chloé ; Fixe à 4 000 euro la créance de la société Financière Postulka au passif de la SARL Les Jardins de Chloé au titre des frais irrépétibles exposés en appel ; Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile au titre des frais irrépétibles exposés par les sociétés Flora Nova et Les Jardins de Chloé dans le cadre de la procédure de première instance et d'appel ; Condamne la société Flora Nova et la SARL Les Jardins de Chloé aux entiers dépens de la procédure.