Cass. crim., 26 octobre 2016, n° 15-83.477
COUR DE CASSATION
Arrêt
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Guérin
Rapporteur :
Mme Chauchis
Avocat général :
M. Bonnet
Avocats :
SCP Célice, Soltner, Texidor, Périer, SCP Baraduc, Duhamel, Rameix
LA COUR : - Statuant sur les pourvois formés par la société Novartis groupe France SAS, la société Novartis pharma SAS, contre l'ordonnance du premier président de la Cour d'appel de Versailles, en date du 7 mai 2015, qui a confirmé l'ordonnance du juge des libertés et de la détention autorisant la direction de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes à effectuer des opérations de visite et de saisie de documents en vue de rechercher la preuve de pratiques anticoncurrentielles ; - Joignant les pourvois en raison de la connexité ; - Vu les mémoires en demande et en défense et les observations complémentaires produits ;
I - Sur les moyens relatifs aux autorisations de visite : - Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 420-1, L. 420-2 et L. 450-4 du Code de commerce, des articles L. 4211, L. 5121-1, L. 5121-8, L. 5121-9 et L. 5121-12 et L. 5121-12-1 et R. 5121-166 du Code de la santé publique, du règlement CE 726/2004 et des articles 101 et 102 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, 593 du Code de procédure pénale, 16 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, 4 de la Déclaration des droits de l'Homme et du citoyen de 1789, et 8 de la Convention européenne des droits de l'Homme, défaut et contradiction de motifs, manque de base légale ;
"en ce que le premier président de la cour d'appel a, rejetant le recours de la société Novartis, confirmé l'ordonnance du juge des libertés et de la détention du 1er avril 2014 et a ainsi validé l'autorisation de faire procéder à des opérations de visite et saisies sur requête à l'encontre des sociétés demanderesses ;
"aux motifs propres qu'il est rappelé que les éléments et documents fournis au juge par l'autorité peuvent être regroupés autour des informations et indications suivantes : - une série de documents émanant d'autorités de santé à destination des spécialistes et praticiens et des articles de presse portant sur le traitement de la DMLA par les produits Lucentis et Avastin ; - la réponse faite le 26 mai 2011 par la présidente de Roche France au directeur général de l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (AFSSAPS) qui l'interrogeait sur intentions concernant l'usage de la spécialité Avastin dans le traitement de la DLMA ; - l'existence de liens de capitaux et contractuels entre les sociétés Roche et Novartis, le médicament Lucentis a été découvert par Genentech du groupe Roche et ses droits en Europe ont été donnés en licence à la société Novartis qui détient une participation dans le capital de la société Roche ; - les conclusions de la procédure conduite devant l'Autorité de la concurrence italienne (l'Autorita Garante della Concorrenza e del Mercato - AGCM) ayant abouti à une condamnation des sociétés Novartis et Roche en mars 2014 ; - les échanges d'informations entre les dirigeants des filiales italiennes des sociétés Novartis et Roche ; - la demande faite par la société Roche à l'Agence européenne du médicament (l'AME) tendant à voir préciser que l'utilisation intra-vitréenne de l'Avastin emporterait des effets secondaires sérieux ; qu'étayée par les dix-huit pièces produites, la requête présente un faisceau d'indices qui, pris isolément, ne suffiraient pas à démontrer l'existence de présomptions de pratiques anticoncurrentielles ; que, pris en revanche dans leur globalité, ces éléments sont cependant de nature à convaincre le juge de la pertinence de la demande ; qu'en effet, les deux laboratoires Roche et Novartis, qui détiennent ensemble une position dominante et qui ont des liens capitalistiques non contestés, de nature à créer une convergence d'intérêts, sont soupçonnés d'une coordination ayant pour ou pour effet de préserver la position quasi-monopolostique de Novartis sur le marché français du traitement anti-angiogénique de la DMLA exsudative en favorisant les ventes de son médicament Lucentis et pour lequel Roche perçoit des revenus ; que le coût respectif des deux médicaments (d'environ 900 euros pour le Lucentis et 40 euros pour la dose d'Avastin), alors que ces deux spécialités comprennent des principes actifs communs, la position prise par Mme Kornowski-Bonnet, présidente de la filiale française de Roche, en réponse à une interrogation du directeur de l'AFSSAPS, faisant valoir que Roche n'envisageait pas de développer Avastin dans le traitement de la DMLA pour des raisons de nocuité par rapport au Lucentis, les échanges d'information entre responsables des filiales italiennes des deux laboratoires, dont l'un est devenu président de Novartis France, qui laissaient penser qu'il existerait des rapprochements analogues sur le marché français et une volonté de recherche de "cohérence" entre les deux sociétés ; que les propos tenus par le directeur général du groupe Roche lors d'une conférence tenue à Paris, l'intervention des laboratoires Roche auprès de l'Agence européenne du médicament signalant des effets secondaires sérieux de l'utilisation intra-vitréenne de l'Avastin, ajoutés à la décision italienne de condamnation des filiales italiennes le 27 février 2014, sur le fondement de l'article 101 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, qu'il était important d'attendre, ainsi qu'au communiqué diffusé par cette autorité mettant en évidence une connivence et une collusion illicite entre les deux sociétés pharmaceutiques, étaient de nature à justifier la mesure d'investigation autorisée par le juge des libertés et de la détention ; qu'il est constant par ailleurs que les dispositions de l'article 450-4 du Code de commerce ne contreviennent pas aux exigences de l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'Homme ; que c'est donc après une analyse concrète des éléments de preuve qui lui étaient soumis que le juge des libertés et de la détention par des motifs qui sont réputés établis par lui et qu'il y a lieu d'approuver, a autorisé les mesures litigieuses ; que ces mesures étaient au cas d'espèce utiles et proportionnées ; qu'il est au surplus de jurisprudence constante que la procédure de l'article L. 450-4 du Code de commerce ne présente pas un caractère subsidiaire par rapport aux autres procédures pouvant être utilisées ;
"et aux motifs adoptés que dans sa requête, l'Autorité de la concurrence fait état d'informations selon lesquelles les entreprises Roche et Novartis groupe France (ci-après Novartis) auraient convenu de limiter l'accès au marché ou le libre exercice de la concurrence par d'autres entreprises, faire obstacle à la fixation des prix par le libre jeu du marché en favorisant artificiellement la hausse ou la baisse de la spécialité Lucentis(r), limiter ou contrôler la production, les débouchés, les investissements ou le progrès technique et se répartir les marchés ; qu'alternativement, l'Autorité de la concurrence présume que les entreprises susvisées abuseraient de la position dominante qu'elles détiennent collectivement sur le marché du traitement antiangiogénique de la DMLA exsudative, ce, en violation des dispositions des articles L. 420-1, 1°, 2°, 3° et 4°, L. 420-2 du Code de commerce et 101-1 a), b), c), 102 ME ; qu'à l'appui de ses allégations, l'Autorité de la concurrence verse divers documents dont la consultation permet de retenir les points suivants : que la DMLA est une maladie dégénérative de la rétine, d'évolution chronique, qui entraîne une perte progressive de la vision centrale (Annexe 2 à la requête) ; que l'on distingue deux formes évolutives de DMLA, la forme atrophique (ou " sèche ") et la forme exsudative (ou " humide ") (annexe 2 à la requête) ; qu'il existe à ce jour plusieurs méthodes de traitement de la DMLA exsudative parmi lesquelles les agents anti-angiogéniques ou anti-VEGF (pour Vascular Endothelial Growth Factor : facteur de croissance vasculaire endothélial extra cellulaire) (annexes 2 et 3 à la requête) ; que, selon la Haute autorité de santé (HAS) seuls les principes actifs, pegaptanib, aflibercepte et ranibizumab, tous trois, à base d'anti-VEGF, disposent d'une autorisation de mise sur le marché (AMM) (annexe 2 à la requête) ; que le ranibizumab, contenu dans le produit Lucentis(r) du laboratoire Novartis, est majoritairement préconisé en France avec plus de 95 % des prescriptions en 2010 (annexe 8 à la requête) ; que le Lucentis(r), qui coûte environ 900 euros sur le territoire national (annexes 4 et 7 à la requête) est devenu le premier poste de remboursement de l'assurance-maladie en 2012, avec 389 millions d'euros (annexe 4 à la requête) ; que l'Avastin*, commercialisé par le laboratoire Roche, est un anticancéreux indiqué chez les patients atteints de certaines formes de cancer métastatique du sein, du rein ou du colon ; que le bévacizumab contenu dans l'Avastin est l'anticorps entier dont le ranibizumab, principe actif du Lucentis n'est qu'un fragment (annexes 2, 3, 4, 9 et 13 à la requête) ; que la dose d'Avastin coûte en France près de 40 euros (annexe 4 à la requête) ; qu'en raison de son coût très inférieur à celui du Lucentis(r), Avastin(r) a été utilisé pour le traitement de la DMLA, en dérogation des directives de l'étiquette (utilisation " off label ") (annexes 3, 4 et 9 à la requête), notamment en France (annexe 4 à la requête), et en dépit de l'homologation de Lucentis(r) pour cette pathologie depuis 2007 (annexes 4 et 8 à la requête) ; que, dans ce contexte, le directeur général de l'AFSSAPS a interrogé, par lettre du 20 mai 2011, Mme Komowski-Bonnet, présidente de la filiale française du laboratoire Roche, pour connaître ses intentions concernant l'usage de la spécialité Avastin dans le traitement de la DML (annexe 5 à la requête) ; que, dans sa réponse du 26 mai 2011, la présidente de Roche a fait savoir qu'elle n'envisageait pas de développer Avastin pour cet usage, pour des raisons de nocuité par rapport au Lucentis (annexe 5 à la requête) ; que les laboratoires Roche et Novartis, détenant collectivement une position dominante, exerceraient une influence forte sur le marché du traitement antiangiogénique de la DMLA exsudative ; que Genentech (pour Genetic Engineering Technology Inc.) est une entreprise spécialisée dans les biotechnologies acquise par le groupe Roche en 2009 (annexes 4 et 6 à la requête) ; que Genentech est l'entreprise qui a développé et breveté les deux anticorps, objets des pratiques présumées, le bevacizurnab présent dans l'Avastin(r) et le ranibizumab contenu dans le Lucentis(r) (annexe 4 à la requête) ; que, selon le rapport annuel de l'entreprise Novartis pour l'année 2012 (annexe 6 à la requête), celle-ci détiendrait une participation de 33,3 % au capital de la société Roche holding AG ; que le revenu net retiré de sa participation dans le groupe Roche se serait élevé en 2012 à 538 millions de dollars (annexe 6 à la requête) ; que, d'après ce même rapport, Novartis aurait signé un accord de licence exclusif avec Genentechi Roche aux termes duquel, Genentech/Roche, développerait et commercialiserait Lucentis(r) aux Etats-Unis, tandis que Novartis ferait de même en dehors du territoire des Etats-Unis (annexe 6 à la requête) ; que, dans le cadre de cet accord, Novartis paie des redevances sur les ventes nettes de Lucentis(r), dans le territoire qui lui est concédé, dont le montant s'élevait en 2012 à 2,4 milliards de dollars (annexe 6 à la requête) ; que ces liens capitalistiques et contractuels seraient de nature à créer une convergence d'intérêts, susceptible de conduire les deux entreprises précitées à adopter une même ligne d'action sur le marché ; qu'en effet, l'étroitesse des liens qui les unissent pourrait avoir conforté les deux groupes de maintenir les profits inhérents à la vente du Lucentis et les dissuader d'étendre l'Avastin(r) à des usages ophtalmologiques ; que l'Autorité de la concurrence italienne, l'AGCM, a ouvert le 6 février 2013, une instruction à l'encontre de Roche et Novartis afin de vérifier l'existence d'une entente horizontale prohibée par l'article 101 Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (annexe 9 à la requête) ; que cette procédure fait suite à deux signalements déposés par une association d'hôpitaux privés (Aiudapds) et la société italienne d'ophtalmologie, selon lesquels les groupes Roche et Novartis pourraient être impliqués dans un accord anticoncurrentiel visant à " maintenir sur le marché le seul médicament (Lucentis) ayant le prix le plus élevé, en évitant par tous les moyens que les applications d'Avastin puissent nuire à ses performances commerciales " (annexe 9 à la requête) ; que, le 27 février 2014, l'AGCM a condamné les sociétés Roche et Novartis respectivement à 90,5 millions d'euros et 92 millions d'euros pour avoir contrevenu à l'article 101 Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (annexe 18 à la requête) ; que le communiqué de presse de l'Autorité de la concurrence italienne traduit de l'anglais précise : " Les preuves récoltées montrent que, depuis 2011, Roche et Novartis étaient de connivence pour créer une différenciation de produit artificielle et soutenir que l'Avastin était plus dangereux que le Lucentis, afin d'influencer les prescriptions des médecins et des services de santé " ; que ce communiqué révèle également que " Roche et Novartis ont établi une stratégie collusive complexe, dans le but d'éviter le succès commercial ne soit gêné par les applications ophtalmiques de l'Avastin. Ces efforts des sociétés se sont intensifiés depuis qu'un nombre croissant d'études comparatives indépendantes ont soutenu l'équivalence des deux médicaments dans les utilisations ophtalmiques " (annexe 18 à la requête) ; que l'Autorité de la concurrence italienne en conclut que " cette collusion illicite pourrait avoir empêché l'accès au traitement à de nombreux patients et provoqué des frais supplémentaires pour le service de santé national, estimés à 45 millions d'euros en 2012, tandis que des coûts accrus ultérieurs pourraient éventuellement dépasser les 600 millions d'euros par an " (annexe 18 à la requête) ; que la rapporteure générale de l'Autorité de la concurrence a sollicité l'AGCM afin que celle-ci lui transmette, en application de l'article 12 du règlement n° 1/2003, tout élément d'information qu'elle aurait pu recueillir et qui concernerait des pratiques illicites similaires sur le territoire français (annexe 10 à la requête) ; que l'AGCM a fait droit à, cette demande et transmis des documents relatifs à une infraction éventuellement commise sur le territoire national par les entreprises susvisées (annexe 11 à la requête) ; qu'il ressort des éléments communiqués par l'AGCM qu'il existe des échanges d'informations sensibles entre les dirigeants des filiales italiennes des sociétés Roche et Novartis (annexes 12 et 13 à la requête) ; qu'ainsi, par courriel, en date du 23 octobre 2012 (annexe 13 à la requête), M. Philippe Barrois, à l'époque président de la filiale italienne de Novartis et, depuis le 1er octobre 2013, président de Novartis France (annexe 14 à la requête), a transmis à son homologue de Roche, M. Maurizio de Cicco, directeur général de la filiale italienne, une dépêche relatant la conférence de presse tenue à Paris par M. Severin Schwan, directeur général du groupe Roche ; qu'il ressort des propos tenus par M. Severin Schwan que Roche n'aurait aucunement l'intention de demander une extension d'AMM concernant l'Avastin, pour la DMLA, en invoquant comme justification, l'existence d'effets secondaires significatifs par rapport au Lucentis(r) ; que M. Maurizio de Cicco de Roche a répondu dans son courriel du même jour traduit de l'anglais : " Merci Philippe. Rien de nouveau non plus de la part Séverin. Ce problème est assez contagieux dans les pays affectés par un manque de ressources. Je crois vraiment que nous devons être cohérents dans notre dialogue avec les Autorités. En outre, en lisant Scrip, la France pallie le déficit avec des idées similaires à celles auxquelles nous devons faire face en Italie : réduction de prix, prescription de génériques (dans le système de prix de référence) et une " recommandation d'utilisation temporaire " qui est clairement le problème mentionné par Séverin. En outre, nous traitons avec les parties prenantes en expliquant nos raisons et en pensant à la santé des patients. Je te tiens informé " (annexe 13 à la requête) ; que cet échange entre les filiales italiennes des groupes Roche et Novartis laisserait supposer que la ligne d'action exprimée par le directeur général du groupe Roche, la situation du marché français s'apparentant à celle de l'Italie, au regard de la réduction des dépenses des systèmes d'assurance-maladie, ainsi que le mentionne le courriel (" Ce problème est assez contagieux dans les pays affectés par un manque de ressources "), ferait l'objet d'une communication régulière comme le suggère le ton employé et l'assertion " je te tiens informé " (annexe 13 à la requête) ; que le vocable " nous " donnerait également à penser que les décisions de chacune des deux sociétés seraient prises en concertation (annexe 13 à la requête) ; qu'en outre, la phrase du dirigeant de Roche Italie : " nous devons être cohérents dans notre dialogue avec les Autorités " sous-entendrait que la coordination entre les entreprises en cause ne se limiterait pas à l'Italie (" la France pallie le déficit avec des idées similaires à celles auxquelles nous devons faire face en Italie ") mais toucherait également la France, visée dans cet échange de courriels (annexe 13 à la requête) ; que la suite du courriel précité contient le passage suivant traduit de l'italien, de M. Dario Francolin, de Roche : " Comme indiqué mercredi à Antonio, si nous souhaitons éviter des rencontres susceptibles de provoquer par la suite d'ennuyeux suivis et donner un signal fort à Novartis - une fois la tempête des vaccins passée - indiquant que nous sommes présents en soutien, j'ai une petite idée toute simple qui pourrait être réalisée à zéro coût au niveau des médias " (annexe 13 à la requête) ; que le message rédigé par ce représentant de Roche fait état du soutien apporté par sa société à Novartis ; que cet envoi laisse à penser que Roche s'est engagé auprès de Novartis à maintenir son refus de solliciter une AMM pour l'Avastin ; que d'autres informations relatives à la politique de différenciation des deux produits susvisés ont été échangées entre les filiales italiennes des deux groupes, ainsi que l'illustre un courriel daté du 3 mai 2012 de M. Maurizio de Cicco, directeur général de Roche, adressé à ses collaborateurs, notamment M. Antonio Pellagi, et à M. Philippe Barrais, président de Novartis Italie en 2012, qui figure en copie (annexe 12 à la requête) ; que les termes de ce message traduits de l'italien sont les suivants : " S'il vous plaît, où en sommes nous des activités de " différenciation " des deux produits ? De la modification dans la fiche technique ? En mai, nous aurions dû avoir une intervention réglementaire, n'est-ce pas ? Merci pour le retour " ; qu'il s'avère d'ailleurs, que les laboratoires Roche ont sollicité l'Agence européenne du médicament (AME) le 19 juillet 2012 (annexe 15 à la requête) aux fins de modifier le SMPC (Summary of product characteristics) ou Résumé des Caractéristiques du Produit (RCP) pour indiquer que l'utilisation intra-vitréenne de l'Avastin, emporterait des effets secondaires sérieux, dès lors que celui-ci a été développé et autorisé pour une utilisation intraveineuse (annexe 5 à la requête) ; que, dans sa décision de modification, en date du 30 août 2012, l'AME a ainsi autorisé la mise à jour suivante de la section 4.4 (mises en garde spéciales et précaution d'emploi) : " Avastin n'est pas formulé pour une utilisation intra-vitréenne " (annexe 15 à la requête) ; que l'ensemble de ces agissements semble constituer les premiers éléments d'un faisceau d'indices présumant de l'existence d'une coordination entre les laboratoires Roche et Novartis ; que cette coordination suspectée aurait pour objet ou pour effet de préserver la position quasi monopolistique de Novartis sur le marché français du traitement anti-angiogénique de la DMLA exsudative en favorisant les ventes de son médicament Lucentis(r) et pour lequel Roche perçoit des revenus ; qu'une telle ligne d'action commune, au demeurant mise en place par deux entreprises suspectées de détenir collectivement une position dominante, est susceptible de limiter, fausser, voire anéantir le jeu de la concurrence, effective ou potentielle, dans le secteur concerné ; que, si les pratiques prohibées présumées peuvent toucher potentiellement l'ensemble du territoire national, elles sont également susceptibles d'affecter sensiblement le commerce entre Etats membres et ainsi relever de l'application des articles 101-1, a), b), c), 102 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ; que la portée de nos présomptions est suffisante au regard des qualifications prévues aux articles L. 420-1, 1°, 2°, 3°, 4°, L. 420-2 du Code de commerce et 101-1, a), b), c), 102 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ; que la recherche de la preuve de ces pratiques nous apparaît justifiée ; que l'énumération des agissements pour lesquels il existe des présomptions quant à un éventuel accord anticoncurrentiel ou abus de position dominante collective n'est probablement pas exhaustive, ceux mentionnés dans la présente ordonnance n'étant que des illustrations des pratiques prohibées dont la preuve est recherchée dans le secteur concerné ; que, par ailleurs, l'utilisation des pouvoirs définis à l'article L. 450-3 du Code de commerce ne paraît pas suffisante pour permettre à l'Autorité de la concurrence de corroborer ses soupçons ; qu'en effet, les stratégies élaborées qui ont pour objet ou effet l'entente illicite ou l'abus de position dominante sont établies selon des modalités secrètes, et les documents nécessaires à la preuve de ces pratiques prohibées sont vraisemblablement conservés dans des lieux et sous une forme qui facilitent leur dissimulation, destruction ou altération en cas de vérification ; que, dans ces conditions, le recours aux pouvoirs de l'article L. 450-4 du Code de commerce constitue le seul moyen pour atteindre l'objectif recherché ; qu'en outre, les opérations de visite et de saisie sollicitées ne nous apparaissent pas disproportionnées au regard de l'objectif à atteindre puisque les intérêts et droits des entreprises concernées sont garantis dès lors que les pouvoirs des agents mentionnés à l'article L. 450-1 du Code de commerce sont utilisés sous notre contrôle ; que les décisions stratégiques sont vraisemblablement prises dans les locaux des sièges sociaux des laboratoires pharmaceutiques Roche et Novartis ; que, par conséquent, les documents utiles à l'apport de la preuve recherchée se trouveraient dans les locaux des entreprises Roche et Novartis dont les coordonnées sont portées dans les documents figurant à l'annexe 16 de la requête ;
"1°) alors que l'autorisation de visite domiciliaire en matière de libre concurrence est subordonnée à l'existence d'indices permettant de suspecter des pratiques illicites sur un marché commercial et que le juge des libertés et de la détention doit " vérifier " qu'une telle demande est fondée ; qu'en considérant que les laboratoires Roche et Novartis pouvaient détenir une position dominante collective sur le marché du traitement anti-angiogénique de la DMLA et que ces entreprises pourraient s'être livrées à des pratiques condamnables pour limiter l'accès audit marché de l'Avastin en vue de favoriser le Lucentis, le premier président fait totalement abstraction de la réglementation d'ordre public figurant notamment dans le règlement CE 726/2004 et dans les articles L. 5121-1 et L. 5121-8 du Code de la santé public qui faisaient légalement obstacle à la commercialisation du médicament Avastin sans AMM sur le marché considéré et qui, excluait, par là-même, toute présence de Roche sur le marché en tant qu'offreur, donc toute possibilité de concurrence sur ce marché entre les deux laboratoires pharmaceutiques et, par voie de conséquence, la caractérisation d'une position collective prétendument dominante et d'une atteinte même potentielle à une prétendue libre concurrence sur le marché du traitement de la DMLA ; qu'en statuant de la sorte le premier président a violé, ensemble les textes susvisés et les articles L. 420-1, L. 420-2 et L. 450-4 du Code de commerce ;
"2°) alors que, ni l'ordonnance du juge de la liberté et de la détention ni celle du premier président ne font mention de l'absence d'AMM du médicament Avastin pour le traitement de la DMLA et qu'en se contentant ainsi d'accueillir les affirmations trompeuses de la requête de l'Administration qui, pour justifier une prétendue substituabilité des produits faisait état d'une simple " dérogation des directives de l'étiquette " (sic), le juge des libertés et de la détention et le premier président, qui s'abstiennent de se référer au contenu des pièces qu'ils visent cependant et dont il résultait que la commercialisation du produit litigieux hors AMM était interdite, tant en France que dans l'Union européenne, ont, en autorisant les opérations de visite et saisies sur ces bases manifestement erronées, privé leur décision de toute base légale au regard des articles susvisés ;
"3°) alors qu'en acceptant de délivrer une autorisation de visite domiciliaire concernant un marché hautement réglementé sans exiger d'être objectivement informé par le service d'enquête sur la spécificité des règles applicables à la commercialisation des médicaments, le juge des libertés et de la détention et le premier président ont privé leur décision de base légale au regard notamment des articles L. 450-4, alinéa 2, du Code de commerce et 8 de la Convention européenne des droits de l'Homme ;
"4°) alors que toute entreprise demeure libre de choisir le marché sur lequel elle entend exercer une action commerciale et en assumer les risques ; qu'en estimant au contraire que constituerait un indice valable de concertation illicite le désintérêt du fabricant de l'Avastin pour une AMM dans des indications ophtalmiques, exigeant des recherches et des responsabilités complémentaires, le premier président a méconnu, ensemble, la liberté d'un laboratoire de définir le champ de son activité professionnelle, en sollicitant une AMM pour un usage relevant de sa spécialité comme le prévoit l'article L. 5121-8 du Code de la santé publique et, plus généralement, le principe de la liberté d'entreprendre qui comporte celle de ne pas entreprendre ;
"5°) alors qu'en tenant pour négligeables les réserves suscitées par l'absence d'innocuité de l'Avastin dans le traitement de la DMLA telles qu'elles sont exprimées dans les études scientifiques versées aux débats, dans le communiqué de l'AEM et dans les déclarations de Roche appelé à en supporter éventuellement les conséquences, le juge des libertés et de la détention et le premier président ont substitué incompétemment leur appréciation personnelle à celle des autorités médicales et du laboratoire pharmaceutique lui-même, en violation des textes susvisés et n'ont aucunement caractérisé, sur ces bases, un quelconque indice de pratique illicite ;
"6°) alors qu'en vertu de l'article L. 5121-9-3 du Code de la santé publique " l'entreprise qui exploite une spécialité pharmaceutique contribue au bon usage de cette dernière en veillant notamment à ce que la spécialité soit prescrite dans le respect de son autorisation de mise sur le marché mentionnée à l'article L. 5121-8... Elle prend toutes les mesures d'information qu'elle juge appropriées à l'attention des professionnels de santé relevant de la quatrième partie du présent code lorsqu'elle constate des prescriptions non conformes au bon usage de cette spécialité tel que défini au premier alinéa et en avise sans délai l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé " et que viole de façon flagrante ce texte, ainsi que l'article 24 du règlement n° 726/2004, le juge des libertés et de la détention qui retient à l'encontre du laboratoire pharmaceutique un indice de pratique illicite pour avoir informé, dans les conditions prévues par le texte susvisé, l'AEM des risques inhérents à l'utilisation hors AMM (à la fois en termes d'indication (ophtalmologique) et de mode d'administration (intra-vitréenne) de l'Avastin et pour avoir laissé diffuser son opinion sur les risques propres à une telle utilisation de son produit (ordonnance du 7 mai 2015, page 4, alinéa 8, et ordonnance du 1er avril 2014, page 7, alinéa 2) ;
"7°) alors que les sociétés Novartis avaient fait valoir que des " différences radicales caractérisent le fonctionnement des systèmes de santé français et italien " comme l'avait reconnu la commissaire européenne de la concurrence et que " contrairement au marché français, Avastin a été autorisé pour le traitement de la DMLA par l'Agence italienne du médicament ", l'usage du Lucentis étant réservé en Italie à l'hôpital (id loc) ; que les demanderesses soutenaient, dans ces conditions, que des échanges d'informations entre deux responsables de filiales italiennes opérant sur ce marché étranger ne pouvaient en aucun cas être considérés comme des indices valables sur le marché français ; qu'en se bornant à énoncer laconiquement que le communiqué diffusé par l'autorité italienne de la concurrence était " de nature à justifier la mesure d'investigation autorisée par le juge des libertés et de la détention ", le premier président a entaché sa décision d'une insuffisance de motivation caractérisée ;
"8°) alors qu'en outre, en s'abstenant de vérifier que les informations déterminantes susvisées sur les caractéristiques du marché italien avaient légalement et loyalement été communiquées par le service d'enquête au juge des libertés et de la détention dont l'autorisation était sollicitée dans le cadre d'une requête non contradictoire, le premier président a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 450-4, alinéa 2, du Code de commerce" ;
Attendu que les énonciations de l'ordonnance attaquée mettent la Cour de cassation en mesure de s'assurer que le premier président de la cour d'appel a, sans insuffisance ni contradiction, répondu aux chefs péremptoires des conclusions dont il était saisi et caractérisé, s'étant référé, en les analysant, aux éléments d'information fournis par l'Administration, l'existence de présomptions de pratiques anticoncurrentielles justifiant la mesure autorisée qui n'est pas disproportionnée avec les nécessités de la lutte contre de telles pratiques ; d'où il suit que le moyen doit être écarté ;
Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 420-1, L. 450-4 du Code de commerce, L. 5121-8, L. 5121-12 et L. 5121-12-1 du Code de la santé publique, 8 de la Convention européenne des droits de l'Homme, du règlement CE 726/2004, des articles 101 et 102 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, ainsi que de l'article 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;
"en ce que le premier président de la cour d'appel a, rejetant le recours des sociétés Novartis, confirmé l'ordonnance du juge des libertés et de la détention du 1er avril 2014 et a ainsi validé l'autorisation de perquisition délivrée sur requête à l'encontre de la société Novartis groupe France ;
"aux motifs qu'en requérant du juge une autorisation de mettre en œuvre les mesures prévues par l'article L. 450-4 du Code de commerce, l'Autorité de la concurrence n'est pas tenue de rapporter la preuve d'une pratique anticoncurrentielle ; qu'elle doit seulement établir l'existence de présomptions de pratiques prohibées ; qu'ainsi qu'il a été dit dans l'ordonnance avant-dire droit du 19 février 2015, la requête présentée par l'Autorité de la concurrence au juge des libertés et de la détention fait état d'un faisceau d'indices tendant à démontrer que les entreprises Roche et Novartis se seraient coordonnées pour préserver la position quasi monopolistique de Novartis sur le marché français du traitement anti-angiogénique de la DMLA exsudative en favorisant la vente de son médicament Lucentis pour lequel Roche perçoit des revenus, de telles pratiques étant susceptibles de limiter, de fausser voire d'anéantir le jeu de la concurrence, effective ou potentielle, dans le secteur concerné et d'affecter sensiblement le commerce entre Etats membres ;
"et qu'il est constant, par ailleurs, que les dispositions de l'article 450-4 du Code de commerce ne contreviennent pas aux exigences de l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'Homme ; que c'est donc après une analyse concrète des éléments de preuve qui lui étaient soumis que le juge des libertés et de la détention, par des motifs qui sont réputés établis par lui et qu'il y a lieu d'approuver, a autorisé les mesures litigieuses ; que ces mesures étaient au cas d'espèce utiles et proportionnées ; qu'il est au surplus de jurisprudence constante que la procédure de l'article L. 450-4 du Code de commerce ne présente pas un caractère subsidiaire par rapport aux autres procédures pouvant être utilisées ;
"1°) alors que les sociétés Novartis avaient fait valoir que l'objectif de permettre une substitution des médicaments Avastin/Lucentis ne relevait pas des autorités de la concurrence mais, s'agissant d'un marché réglementé, des pouvoirs exclusifs des autorités de santé lesquelles disposent des facultés prévues par les articles L. 5121-12 et L. 5121-12-1 du Code de la santé publique ; qu'en estimant cependant que la procédure de l'article L. 450-4 du Code de commerce ne présenterait pas un caractère " subsidiaire " par rapport aux autres procédures pouvant être utilisées, le premier président a violé par fausse application ce dernier texte et par refus d'application les textes susvisés ;
"2°) alors que le respect dû au domicile et au secret des correspondances imposé par l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'Homme, s'il n'interdit pas toute autorisation de perquisition, exige cependant la réunion d'un ensemble de conditions qui sont de nature à rendre son application " subsidiaire " par rapport au pouvoir d'intervention direct dont l'administration chargée de la santé dispose sur le marché réglementé du médicament ; qu'en décidant l'inverse le premier président a de plus fort violé les textes susvisés" ;
Attendu que l'Administration n'a pas à rendre compte de son choix de recourir à la procédure de l'article L. 450-4 du Code de commerce, dont le déroulement est de nature à assurer la préservation des preuves et qui n'a pas un caractère subsidiaire par rapport aux autres procédures pouvant être utilisées ; d'où il suit que le moyen ne peut être accueilli ;
II - Sur les moyens relatifs à la régularité des opérations de visite : - Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 6 et 8 de la Convention européenne des droits de l'Homme, de l'article 66-5 de la loi du 31 décembre 1971, de l'article L. 450-4 du Code de commerce, 56, 97, 99, 136, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;
"en ce que le premier président a débouté la société Novartis de son recours tendant à voir déclarer intégralement nulles les opérations de visite domiciliaire et de saisie qui se sont déroulées le 8 avril 2014 et s'est borné à ordonner la restitution de certaines correspondances, notamment avec les avocats et à interdire à l'Autorité de la concurrence de les utiliser ;
"aux motifs qu'il est reproché au juge des libertés et de la détention de ne pas avoir contrôlé effectivement le déroulement des opérations, dans la mesure où la société Novartis Pharma se serait trouvée dans l'impossibilité d'accéder au juge sans l'intermédiation d'un tiers alors qu'elle présentait une contestation fondée ; que l'incident soulevé au cours des opérations de visite est décrit en page 6 du procès-verbal du 8 avril 2014 ; qu'il en ressort que l'avocat de la société Novartis pharma a fait valoir qu'il ne lui avait pas été donné accès aux écrans des ordinateurs d'investigation et aux modalités de recherche utilisées par les rapporteurs dans le cadre de l'analyse des supports informatiques ; que, contacté, à la demande de cet avocat, par un officier de police judiciaire, le juge des libertés et de la détention a indiqué que les remarques faites ne donnaient pas lieu à suspension de l'opération en cours et que l'avocat de la société avait la possibilité de rédiger des observations jointes au procès-verbal, ce qui a été fait ; qu'aucun texte ne prescrit que les parties concernées ou leur avocat puissent accéder personnellement au juge, le contrôle juridictionnel s'étant exercé au cas d'espèce par le truchement de l'officier de police judiciaire qui a aussitôt rendu compte au juge, comme cela est son rôle, de l'incident soulevé pendant le cours des opérations ; que, sur le fond de l'incident, il est acquis que les enquêteurs de l'Autorité de la concurrence ne sont pas tenus de communiquer avec précision les critères de sélection des données saisies, ni de révéler les modalités techniques des saisies, les moteurs de recherche et les mots-clés utilisés ; qu'à cet égard, la lecture des observations consignées par l'avocat de la société, annexées au procès-verbal, montrent que l'incident portait bien sur la possibilité d'observer les opérations conduites sur les ordinateurs dans le bureau du président de Novartis France et sur la vérification de la méthode utilisée par les enquêteurs ; que la critique formulée contre le règlement de cet incident, qui a été traité dans le respect des exigences légales, n'est pas fondé ; que, pour le reste, la visite pratiquée l'a été dans vingt-trois bureaux alors que le site en comprend plusieurs centaines et les investigations ont seulement porté sur les ordinateurs de treize salariés et sur des fichiers récupérés sur le réseau ; qu'un inventaire des messageries a été effectué sur place, gravé sur CDR et annexé au procès-verbal ; qu'en outre, il ressort du procès-verbal que les enquêteurs ont procédé à une copie des documents saisis et qu'une copie intégrale des documents saisis a été remise à l'occupant des lieux, afin de permettre à celui-ci de vérifier les fichiers appréhendés et d'exercer un recours ; que seuls 10 % des soixante mille fichiers ayant fait l'objet d'investigations ont par ailleurs été retenus ; que les enquêteurs ont ainsi fait montre d'un discernement suffisant et de proportionnalité dans la recherche de documents en relation avec les agissements reprochés ; que le grief tiré de ce qu'il aurait été procédé à une saisie massive et indifférenciée de documents ne peut dès lors être accueilli ; qu'en revanche, les sociétés Novartis produisent deux inventaires de documents appréhendés, dont le premier dénombre plus de cent soixante correspondances échangées entre un avocat et son client, et, de ce fait relevant de la protection du secret qui s'attache à ces échanges, telle qu'instituée par l'article 66-5 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971, et le second environ neuf cents messages électroniques personnels des salariés sans relation avec les investigations conduites et l'autorisation accordée ; que les sociétés Novartis fournissent des éléments propres à établir que ces fichiers contiennent des données confidentielles couvertes par le secret des correspondances échangées avec un avocat ou de caractère privé, sans rapport avec les soupçons d'actes prohibés ; qu'elles nous saisissent d'allégations motivées selon lesquelles les correspondances et messages litigieux ne pouvaient être appréhendés ; qu'il importe peu que la saisie de ces documents n'ait été qu'accidentelle et il est regrettable que les enquêteurs n'aient pas mis en œuvre, s'agissant au moins des correspondances échangées avec les avocats, des règles d'exclusion ou de sélection a priori des documents protégés ; que l'examen du nom de ces documents ainsi que leur objet ne montre pas que ceux-ci échapperaient à la protection légale ou aux règles régissant le respect de la vie privée ; que l'Autorité de la concurrence de son côté n'a pas procédé à une réfutation exhaustive du caractère confidentiel ou privé des documents litigieux ; que l'annulation de ces saisies illicites sera par conséquent prononcée dans les termes du dispositif de la présente ordonnance et la restitution des correspondances et messages litigieux et l'interdiction d'en faire usage ordonnées ;
"1°) alors que l'article L. 450-4, alinéa 3, qui dispose que " la visite et la saisie s'effectuent sous le contrôle du juge qui les a autorisées " implique un contrôle effectif de ce dernier et que ne satisfait pas à cette obligation le juge de la liberté et de la détention, dont la compétence est liée à la durée de la visite, et qui pour refuser d'entendre la contestation de la partie visitée la renvoie à la rédaction d'observations à joindre au procès-verbal, lesquelles ne peuvent qu'être examinées a posteriori et par un autre juge ; qu'en affirmant que le contrôle exercé par le vice-président du Tribunal de grande instance de Versailles aurait été effectué " dans le respect des exigences légales ", le premier président a violé le texte susvisé ;
"2°) alors que, selon la jurisprudence de la Cour de justice et de la Cour de cassation, l'exercice des droits de la défense doit être respecté dès le stade de l'enquête préalable ; que méconnaît ce principe fondamental ainsi que l'article 66-5 de la loi du 31 décembre 1971 le premier président qui considère qu'aucun texte n'impose un accès direct des parties ou de leur avocat au juge qui a autorisé la perquisition et que le contrôle juridictionnel pourrait s'exercer " par le truchement de l'officier de police judiciaire " sans avoir entendu le contestataire, lui-même ; qu'en estimant, au cas d'espèce, que la communication téléphonique exclusivement entre l'officier de police judiciaire et le juge aurait satisfait aux droits de la défense, sans rechercher, comme il le lui était demandé, si le refus du juge d'entendre l'avocat de Novartis et si l'interposition du policier n'étaient pas au contraire de nature à faire " écran " à l'exposé de la contestation soulevée par la demanderesse, le premier président a derechef violé l'ensemble des textes susvisés ;
"3°) alors qu'ayant reconnu que l'accès aux écrans des ordinateurs d'investigation avait été interdit aux avocats de la demanderesse, ce qui est indispensable pour prévenir en temps utile la saisie prohibée des correspondances avec les avocats, que celle-ci soit volontaire ou accidentelle, ou encore pour exiger le recours aux scellés fermés prévus par l'article 56 du Code de procédure pénale, le premier président qui réduit cette contestation, élevée au cours des opérations, à un simple " incident " concernant seulement le refus des enquêteurs de communiquer les critères de sélection des données saisies, a entaché sa décision d'une insuffisance de motifs caractérisée ;
"4°) alors que le premier président qui estime " regrettable que les enquêteurs n'aient pas mis en œuvre, s'agissant au moins des correspondances échangées avec les avocats, des règles d'exclusion ou de sélection a priori des documents protégés ", ne justifie pas légalement la décision de refuser, pendant le déroulement de la visite, la présence des avocats devant les écrans des ordinateurs d'investigation ; qu'en statuant de la sorte, le premier président a méconnu le principe de l'effectivité des droits de la défense dès le stade de l'enquête ;
"5°) alors que se contredit dans sa motivation, en violation de l'article 593 du Code de procédure pénale, le juge qui impute aux enquêteurs une irrégularité pour n'avoir pas mis en œuvre les règles d'exclusion des documents protégés et notamment les correspondantes avec les avocats tout en affirmant par ailleurs qu'" ils ont fait montre d'un discernement suffisant et de proportionnalité dans la recherche de documents en relation avec les agissements reprochés " ;
Attendu qu'il résulte de l'ordonnance attaquée et des pièces de procédure que, les 8 et 9 avril 2014, les enquêteurs de l'Autorité de la concurrence, agissant en vertu d'une ordonnance du juge des libertés et de la détention du Tribunal de grande instance de Nanterre, en date du 1er avril 2014, ont effectué des opérations de visite et de saisie dans les locaux des sociétés Roche et Novartis groupe France, dans le but de rechercher la preuve de pratiques anticoncurrentielles ; que, le 8 avril 2014, l'avocat de la société Novartis a demandé à prendre contact avec le juge des libertés et de la détention chargé du contrôle des opérations, afin de régler un incident relatif au défaut d'accès aux écrans des ordinateurs d'investigation et aux modalités de recherche utilisées par les rapporteurs dans le cadre de l'analyse des supports informatiques ; que l'officier de police judiciaire présent sur les lieux a porté l'incident à la connaissance du juge qui a dit n'y avoir lieu de suspendre les opérations et suggéré que les observations soient faites par écrit et jointes au procès-verbal ; qu'il a été ainsi procédé ;
Attendu que, pour refuser d'annuler l'ensemble des opérations, l'ordonnance retient qu'aucun texte ne prescrit que les parties ou leur avocat puissent accéder personnellement au juge ; que le contrôle juridictionnel s'est exercé au cas d'espèce par le truchement de l'officier de police judiciaire qui a aussitôt rendu compte au juge de l'incident soulevé pendant le cours des opérations ; qu'il est acquis que les enquêteurs de l'Autorité de la concurrence ne sont pas tenus de communiquer avec précision les critères de sélection des données saisies ni de révéler les modalités techniques des saisies, les moteurs de recherche et les mots-clés utilisés ; que la lecture des observations consignées par l'avocat de la société, annexées au procès-verbal, montrent que l'incident portait bien sur la possibilité d'observer les opérations conduites sur les ordinateurs dans le bureau du président et sur la vérification de la méthode utilisée par les enquêteurs ; que le règlement de cet incident a été traité dans le respect des exigences légales ;
Attendu qu'en l'état de ces énonciations, qui établissent le caractère effectif du recours dont l'occupant des lieux a disposé auprès du juge chargé du contrôle des opérations qui a pu en suivre le cours et statuer sur l'incident soulevé par une partie, le premier président, qui n'avait pas à répondre à la critique visée par le moyen relative à l'absence de possibilité d'exercice concret des droits de la défense qui n'était pas formulée devant lui, a justifié sa décision ; d'où il suit que le moyen doit être écarté ;
Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles 6 et 8 de la Convention européenne des droits de l'Homme, de l'article L. 450-4 du Code de commerce, 56, 97, 99, 136, 593 et 802 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale, 101 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, 7, 47 et 52 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, 66-5 de la loi du 31 décembre 1971 ;
"en ce que le premier président a débouté la société Novartis de son recours tendant à voir déclarer intégralement nulles les opérations de visites domiciliaires et de saisies qui se sont déroulées le 8 avril 2014 et s'est borné à ordonner la restitution de certaines correspondances, notamment avec les avocats et à interdire à l'Autorité de la concurrence de les utiliser ;
"aux motifs qu'en revanche, les sociétés Novartis produisent deux inventaires de documents appréhendés, dont le premier dénombre plus de cent soixante correspondances échangées entre un avocat et son client, et, de ce fait relevant de la protection du secret qui s'attache à ces échanges, telle qu'instituée par l'article 66-5 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971, et le second environ neuf cents messages électroniques personnels des salariés sans relation avec les investigations conduites et l'autorisation accordée ; que les sociétés Novartis fournissent des éléments propres à établir que ces fichiers contiennent des données confidentielles couvertes par le secret des correspondances échangées avec un avocat ou de caractère privé, sans rapport avec les soupçons d'actes prohibés ; qu'elles nous saisissent ainsi d'allégations motivées selon lesquelles les correspondances et messages litigieux ne pouvaient être appréhendés ; qu'il importe peu que la saisie de ces documents n'ait été qu'accidentelle et il est regrettable que les enquêteurs n'aient pas mis en œuvre, s'agissant au moins des correspondances échangées avec les avocats, des règles d'exclusion ou de sélection a priori des documents protégés ; que l'examen du nom de ces documents ainsi que de leur objet ne montre pas que ceux-ci échapperaient à la protection légale ou aux règles régissant le respect de la vie privée ; que l'Autorité de la concurrence de son côté n'a pas procédé à une réfutation exhaustive du caractère confidentiel ou privé des documents litigieux ; que l'annulation de ces saisies illicites sera par conséquent prononcée dans les termes du dispositif de la présente ordonnance et la restitution des correspondances et messages litigieux et l'interdiction d'en faire usage ordonnées ;
"1°) alors que la société demanderesse avait démontré dans ses conclusions que plusieurs consultations d'avocats saisies étaient " en lien direct " avec l'objet de l'enquête et que dès lors même si ces documents n'étaient pas finalement invoqués dans une décision de sanction aux règles de la concurrence, l'entreprise restait victime d'un préjudice irréparable du fait de la prise de connaissance du contenu de ces pièces ; qu'en prononçant cependant une annulation de la saisie des seules correspondances et messages figurant aux pièces produites par les sociétés Novartis sous les numéros 7 et 8 sans prononcer, comme il le lui était demandé, l'annulation de l'ensemble des opérations de visites et saisies effectuées le 8 avril 2014, le premier président a violé les textes susvisés ;
"2°) alors qu'en s'abstenant de s'expliquer sur le moyen péremptoire des conclusions des sociétés Novartis selon lesquelles la consultation du cabinet Arnold et Porter consistant à évaluer les conséquences pour les médecins d'une prescription hors AMM, les consultations Ginestie-Paley Vincent et associés portant sur la facturation d'injections intra-vitréenne de Lucentis, la transmission aux cabinets Allen & Overy et CMS Francis Lefèbvre d'un projet de plainte concernant l'incompatibilité d'une RTU (Recommandation Temporaire d'Utilisation) avec le droit de l'Union européenne, traitaient de sujets correspondant directement à l'objet de l'enquête tendant, selon le juge des libertés et de la détention, à reprocher aux entreprises visitées de s'entendre pour maintenir un refus de solliciter une AMM, le premier président a entaché sa décision d'une insuffisance de motifs caractérisée ;
"3°) alors que l'annulation prononcée qui se réduit, en l'occurrence, à la simple restitution des pièces irrégulièrement saisies ne rétablit pas, du fait de la connaissance acquise par le service d'enquête du contenu desdites pièces dès qu'elles sont saisies, la partie visitée dans le plein exercice des droits de la défense et ne répond pas aux exigences d'un procès équitable, de sorte qu'en refusant de prononcer la nullité de l'ensemble des opérations, le juge a, de plus fort, violé l'ensemble des textes susvisés ;
"4°) alors qu'en interdisant à l'Autorité de la concurrence d'utiliser les correspondances et les messages litigieux " en original ou en copie ", le juge judiciaire, auquel il n'appartient pas de donner des injonctions à une autorité indépendante, a pris une disposition entièrement inopérante et n'a donc pas replacé intégralement la victime de l'irrégularité dans la situation où elle se serait trouvée sans l'acte annulé" ;
Attendu que, pour refuser d'annuler l'ensemble des opérations, l'ordonnance prononce par les motifs repris au moyen ;
Attendu qu'en l'état de ces énonciations, le premier président, qui a constaté que les enquêteurs ont fait preuve d'un discernement suffisant et de proportionnalité dans la recherche de documents en relation avec les agissements reprochés, a justifié sa décision tendant à annuler la seule saisie des fichiers contenant des données confidentielles couvertes par le secret des correspondances échangées avec un avocat ou de caractère privé sans rapport avec les soupçons d'actes prohibés, mesure de nature à garantir une protection efficace contre l'utilisation des dits documents ; d'où il suit que le moyen ne saurait être accueilli ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
Rejette le pourvoi.