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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 9, 27 octobre 2016, n° 15-17088

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Bord'O Vins Fins (SARL)

Défendeur :

Patriwine (SAS), BCN (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Franchi

Conseillers :

Mmes Picard, Rossi

Avocats :

Mes Hardouin, Vouin, Henry, Balay, Saoudi

T. com. Bordeaux, du 5 juin 2015

5 juin 2015

La société Patriwine a été créée le 12 avril 2010 sous la forme d'une société à responsabilité limitée, par trois associés égalitaires, Messieurs Nicolas Capeyron, Philippe Bureau et Franck Nogues. L'objet social de la société Patriwine est le négoce de gros et de détail de vins, notamment de primeurs, le négoce de vins sans entrepositaire.

Les associés de la société Patriwine ont pour projet de développer un produit de placements financiers reposant sur le profit tiré de la plus-value sur les reventes de grands vins de Bordeaux à moyen et long terme au travers de la constitution de "caves patrimoniales".

Monsieur Nicolas Capeyron était président de la société Patriwine en complément de sa fonction de dirigeant de la société Bord'O Vins Fins. Le comité de direction de ladite société était composé de Monsieur Nicolas Capeyron, Monsieur Franck Nogues et de la société PHB Finances représentée par son gérant, Monsieur Philippe Bureau.

Le 20 avril 2010, une convention d'assistance était passée entre la société Patriwine et les sociétés PHB Finances (Monsieur Philippe Bureau) et Nogues Investissements (Monsieur Franck Nogues). Ladite convention prévoyait les interventions de chacun des associés dans le développement de la société Patriwine ainsi que la rémunération de chacun dans la cadre de leurs prestations.

Quatre types de prestations sont prévus :

- les prestations courantes annuelles, dévolues à la société PHB Finances et à la société Nogues Investissements, dont la rémunération est fixée à 1 % du chiffre d'affaire net global,

- la réalisation de vente directe pour le compte de la société Patriwine, dévolue à la société PHB Finances et à la société Nogues Investissements, dont la rémunération est fixée à 8 % du chiffre d'affaire net global,

- la réalisation de vente indirecte pour le compte de la société Patriwine, dont la rémunération est fixée à 3 % du chiffre d'affaire net global,

- l'assistance et prestations d'approvisionnement de marchandises et de négoce de vins, dont les prestations sont réalisées exclusivement par la société par la société Bord'O Vins Fins et dont l'exclusivité de la rémunération est concédée à la société Bord'O Vins Fins.

La société BCN, société holding, a été enregistrée en septembre 2012 sous la forme d'une société à responsabilité limitée. Elle a été constituée par apport de l'intégralité du capital social de la société Patriwine et de ses trois associés. Messieurs Nicolas Capeyron, Philippe Bureau et Franck Nogues en sont co-gérants.

Le 1er août 2013 avait lieu une assemblée générale ordinaire de la société BCN, à laquelle Monsieur Nicolas Capeyron était absent et aux termes de laquelle ce dernier était révoqué de sa fonction de co-gérant de la société BCN.

Le 1er août 2013 avait lieu une réunion du comité de direction de la société Patriwine, à laquelle Monsieur Nicolas Capeyron était absent, par laquelle était ratifié la nomination de la société BCN en qualité de présidente de la société Patriwine et de son comité de direction, décision prise lors d'une précédente réunion s'étant tenue le 11 septembre 2012.

Au cours de la réunion du comité de direction de la société Patriwine du 1er août 2013, étaient désignés en qualité de membres du comité : Monsieur Franck Nogues, Monsieur Philippe Bureau et la société BCN représentée par messieurs Franck Nogues et Philippe Bureau. Par ailleurs, pour ces deux sociétés il était décidé du déménagement de leurs sièges sociaux sis 350 avenue du Prado à Marseille.

A la suite de ces événements, par acte en date du 28 mai 2014, Monsieur Nicolas Capeyron et la société Bord'O Vins Fins, saisissaient le Tribunal de commerce de Bordeaux de demandes fondées notamment sur la violation de l'article L. 442-6, 5° du Code de commerce, relatif à la rupture brutale des relations commerciales, à l'encontre des sociétés Patriwine et BCN et sur la révocation de Monsieur Capeyron et le rachat de ses parts sociales.

Les sociétés Patriwine et BCN demandaient reconventionnellement au tribunal de reconnaître que la société Bord'O Vins Fins avait fait disparaître 5280 bouteilles et se plaignaient d'une perte de marge. Elles sollicitaient la condamnation solidaire de Monsieur Capeyron, de la société Bord'O Vins Fins et de la société Grand Cru Storage à les indemniser.

Par jugement en date du 5 juin 2015, le Tribunal de commerce de Bordeaux a :

- disjoint les deux procédures,

- débouté la société Bord'O Vins Fins de sa demande d'indemnité sur le fondement de l'article L. 442-6 I 5° du Code de commerce,

- débouté Monsieur Nicolas Capeyron de ses demandes de dommages et intérêts à l'encontre de la société BCN pour révocation sans justes motifs et préjudice moral,

- débouté Monsieur Nicolas Capeyron de sa demande de rachat de ses parts par la société Patriwine,

- condamné solidairement Monsieur Nicolas Capeyron et la société Bord'O Vins Fins à payer à la société Patriwine et à la société BCN, chacune, la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,

- condamné solidairement Monsieur Nicolas Capeyron et la société Bord'O Vins Fins aux dépens.

Le tribunal a disjoint la procédure relative à la demande en paiement des bouteilles détournées et celle portant sur la perte de marge et sursis à statuer sur ces deux demandes aux motifs d'une part que la société Grand Cru Sorage n'était pas dans l'instance et d'autre part qu'une procédure pénale était en cours contre Monsieur Capeyron et la société Bord'O Vins Fins pour abus de biens sociaux, abus de confiance et escroquerie.

Monsieur Nicolas Capeyron et la société Bord'O Vins Fins ont interjeté appel de cette décision le 6 août 2015.

Dans leurs dernières conclusions notifiées par voie électronique le 12 mai 2016, Monsieur Nicolas Capeyron et la société Bord'O Vins Fins demandent à la cour d'appel, au visa des articles 1134, 1147, 1184 et 1382 du Code civil ainsi qu'au visa de l'article L. 442-6 du Code de commerce:

- de réformer le jugement entrepris,

Statuant à nouveau :

- de condamner la société Patriwine à verser à la société Bord'O Vins Fins une indemnité de 1 500 000 euros au titre de la rupture brutale des relations commerciales établies,

- de condamner la société BCN à verser à Monsieur Nicolas Capeyron une indemnité 406 400 euros au titre de sa révocation de son poste de co-gérant sans justes motifs,

- de condamner la société BCN à verser à Monsieur Nicolas Capeyron une indemnité de 20 000 euros au titre de son préjudice moral,

- de constater l'exclusion de fait de Monsieur Nicolas Capeyron de ses prérogatives d'associé de la société BCN et en conséquence de condamner la société BCN à racheter les parts de Monsieur Nicolas Capeyron à la valeur fixée à dire d'expert conformément aux dispositions de l'article 1843-4 du Code civil,

- de déclarer la société Patriwine et la Société BCN irrecevables et mal fondées en leurs demandes reconventionnelles,

- de condamner solidairement la société Patriwine et la société BCN à leur verser a une indemnité de 8 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.

Dans leurs dernières conclusions notifiées par voie électronique le 12 mai 2016, la société Patriwine et la société BCN demandent à la cour d'appel, au visa des articles 1315 du Code de procédure civile ; 564 du Code civil ; L. 123-5-1 et L. 442-6, I, 5° du Code de commerce :

A titre principal :

- de confirmer le jugement déféré,

- de déclarer irrecevable la nouvelle demande en cause d'appel de Monsieur Monsieur Nicolas Capeyron relative au rachat de ses parts de la société BCN,

A titre subsidiaire :

- de débouter Monsieur Nicolas Capeyron et la société Bord'O Vins Fins de l'intégralité de leurs demandes indemnitaires et de dommages et intérêts,

- de débouter Monsieur Nicolas Capeyron de sa demande de dommages et intérêts et de sa demande de rachat de ses parts sociales,

A titre reconventionnel :

- d'accueillir la société Patriwine en ses demandes reconventionnelles,

- de juger que Monsieur Nicolas Capeyron et la société Bord'O Vins Fins se sont rendues coupables de fautes à l'égard de la société Patriwine engageant leurs responsabilités solidaires et qu'ils devront solidairement l'indemniser de son entier préjudice,

- de condamner solidairement Monsieur Nicolas Capeyron et la société Bord'O Vins Fins à payer à la société Patriwine la somme de 945 120 euros correspondant aux bouteilles non livrées ou détournées,

- de condamner solidairement Monsieur Nicolas Capeyron et la société Bord'O Vins Fins à payer à la société Patriwine la somme provisionnelle de 2 511 800 euros au titre de la perte de marge qui a été captée à son détriment par la société Bord'O Vins Fins en 2011 et 2012, à parfaire à dire d'expert judiciaire dûment désigné par la cour,

- de désigner tel expert afin de déterminer les montants exacts des préjudices subis par la société Patriwine, afin que Monsieur Nicolas Capeyron et la société Bord'O Vins Fin soient définitivement et solidairement condamné à lui payer ces sommes,

En tout état de cause :

- de condamner solidairement Monsieur Nicolas Capeyron et la société Bord'O Vins Fins à payer à la société Patriwine la somme de 30 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Sur ce,

Sur le sursis à statuer

La société BCN et la société Patriwine demandent à la cour d'appel de statuer sur leur demande reconventionnelle relative à la disparition des bouteilles et à la perte de marge.

Les appelants s'y opposent en faisant valoir qu'une décision de sursis ne peut être frappée d'appel que sur autorisation du premier président.

Il est constant que les intimés ont déposé plainte avec constitution de partie civile pour abus de confiance, abus de biens sociaux et escroqueries à l'encontre de Monsieur Capeyron et de la société Bord'O Vins Fins et que cette procédure est toujours en cours.

Il résulte de l'article 380 du Code de procédure civile que si l'appel d'une décision de sursis à statuer requiert l'autorisation du premier président, en revanche l'appel est recevable lorsque la décision frappée d'appel tranche une partie du principal.

La cour note cependant que le litige porté devant le juge pénal est identique à l'objet de la demande reconventionnelle. Il repose sur les mêmes faits que ce que les intimés demandent à la cour de trancher, soit la réalité du détournement de 5280 bouteilles de vin et la perte de marge.

Il est donc d'une bonne administration de la justice afin d'éviter des décisions contradictoires de confirmer la décision des premiers juges sur ce point.

Sur la rupture abusive des relations commerciales

La société Bord'O Vins Fins reproche à la société Patriwine d'avoir rompu brutalement leurs relations commerciales. Elle fait valoir que la rupture des relations commerciales entre les sociétés Patriwine et Bord'O Vins Fins est particulièrement brutale puisque les approvisionnements de la société Bord'O Vins Fins ont cessé sans le moindre préavis du jour au lendemain. Elle soutient que les relations se sont poursuivies de manière pérenne et exclusive pendant les deux années suivant la fin de l'exclusivité et qu'aucun préavis formel n'a été notifié. Elle ajoute que la rupture brutale des relations commerciales entre les sociétés Patriwine et Bord'O Vins Fins engage la responsabilité de la société Patriwine au visa de l'article L. 442-6 5° du Code de commerce, justifiant l'allocation d'une indemnité de 1 500 000 euros au profit de la société Bord'O Vins Fin.

La société Patriwine et la société BCN font valoir d'une part que la société Bord'O Vins Fins n'avait plus d'exclusivité et d'autre part qu'en vertu de l'article L. 442-6 I 5° du Code de commerce qui prévoit qu'en cas d'inexécution par l'autre partie de ses obligations il peut y avoir résiliation sans préavis des relations commerciales. Ils exposent que Monsieur Nicolas Capeyron a mis en œuvre des pratiques déloyales visant à détourner les marges, le chiffre d'affaires et la clientèle de la société Patriwine au profit de la société Bord'O Vins Fins. La société Patriwine et la société BCN exposent que la société Patriwine a commandé et réglé, en 2013, des bouteilles de vin auprès de la société Bord'O Vins Fins. Elles soutiennent que ces bouteilles n'ont jamais été livrées par la société Bord'O Vins Fins. Elles font également valoir que Monsieur Nicolas Capeyron a fait prendre en charge par la société Patriwine des factures et des dépenses qui n'étaient pas liées à son activité et qui concernaient notamment des sociétés concurrentes. Elles soutiennent que les faits précités sont constitutifs de graves manquements justifiant la cessation des relations commerciales entre les sociétés Patriwine et Bord'O Vins Fins. Elles soutiennent de plus que les relations commerciales entre les sociétés Patriwine et Bord'O Vins Fins n'étaient pas établies, ni exclusives, et que leur rupture n'est en aucun cas intervenue de manière brutale. Elles ajoutent que la société Bord'O Vins Fins ne justifie pas de sa demande indemnitaire au titre de la rupture de ses relations commerciales avec la société Patriwine.

Aux termes de l'article L. 442-6 I 5° du Code de commerce la rupture brutale d'une relation commerciale établie engage la responsabilité de son auteur. L'article L. 442-6 I 5° ajoute que la résiliation sans préavis est possible en cas d'inexécution par l'autre partie de ses obligations.

En l'espèce, les parties ont signé une "Convention d'assistance et d'organisation d'un pool de prestataires-conseils" le 20 avril 2010 qui stipulait dans son article 3 qu'une exclusivité était concédée à Bord'O Vins Fins pour les prestations d'approvisionnement de marchandises et de négoce de vins en contrepartie de tarifs avantageux concédés par Bord'O Vins Fins.

L'article 4 de la même convention prévoyait expressément qu'elle était conclue pour une durée d'un an et qu'elle n'était pas renouvelable par tacite reconduction, toute prorogation devant faire l'objet d'un avenant.

Aucun avenant n'a été signé. En revanche une convention dite "Convention de rémunération du président" était signée par Monsieur Capeyron le 11 septembre 2012 dans le préambule de laquelle il était précisé que la convention du 20 avril 2010 avait pris fin le 31 décembre 2011.

Il convient en conséquence de constater que la société Bord'O Vins Fins ne disposait plus de l'exclusivité d'approvisionnement des marchandises de Patriwine.

Nonobstant l'absence d'exclusivité conventionnelle, l'exclusivité pouvait résulter d'une situation de fait et il n'est pas contesté que la société Bord'O Vins Fins a continué à assurer seule l'approvisionnement de la société Patriwine jusqu'en été 2013. Il est à noter sur ce point que Monsieur Capeyron était alors président des deux sociétés.

L'existence de relations commerciales établies ne faisant l'objet d'aucune contestation il convient de déterminer si la rupture de ces relations a été imprévisible, soudaine et violente.

En l'espèce les intimés produisent un échange de courriels entre Nicolas Capeyron et Franck Nogues. Il en ressort que dès le mois d'avril 2013 Monsieur Nogues et les actionnaires de Patriwine ont interrogé Monsieur Capeyron notamment sur les marges pratiquées par sa société Bord'O Vins Fins au détriment de la société Patriwine. Dans un courriel daté du 17 mai 2016 Monsieur Nogues, après avoir reproché à Monsieur Capeyron de pratiquer par sa société Bord'O Vins Fins des prix supérieurs à ceux de ses concurrents lui indique clairement qu'il envisage de s'approvisionner auprès des négociants. Dans son courriel en réponse daté du 22 mai 2013 Monsieur Capeyron se défend des reproches qui lui sont adressés et conseille à Monsieur Nogues d'aller s'approvisionner ailleurs. Puis dans un courriel du 5 juin Monsieur Capeyron mentionne que Monsieur Nogues a essayé de faire des achats auprès du liv-ex mais sans succès.

Il ressort de cette correspondance que dès le mois d'avril 2013 les relations entre Monsieur Nogues et Monsieur Capeyron s'étaient dégradées avec des reproches de toutes parts que la cour n'a pas à examiner. Il en ressort également que l'exclusivité d'approvisionnement n'est jamais mentionnée puisqu'il est clairement indiqué par Monsieur Nogues qu'il envisage de s'approvisionner ailleurs sans que Monsieur Capeyron ne proteste au nom de la convention du 20 avril 2010.

Ces échanges touchent en effet notamment et précisément le problème de l'approvisionnement auprès de Bord'O Vins Fins.

Ainsi plusieurs mois avant la rupture celle-ci est envisagée comme une possibilité sérieuse de sorte que la rupture ne peut être qualifiée de soudaine, imprévisible et brutale.

Il convient en conséquence de confirmer le jugement attaqué sur ce point.

Sur la révocation abusive de Monsieur Capeyron

Monsieur Capeyron fait valoir qu'une assemblée de la société BCN s'est tenue le 15 juillet 2013 au cours de laquelle les associés n'ont pas décidé sa révocation et qu'une autre assemblée a été convoquée pour le 1er août 2013 alors que les deux autres cogérants savaient que Monsieur Nicolas Capeyron était absent. Il fait alors valoir que c'est au mépris du principe du contradictoire que l'assemblée s'est tenue et sans qu'aucun procès-verbal n'ait été établi ni signifié. Monsieur Nicolas Capeyron soutient que les reproches qui lui sont faits reposent sur des faits hypothétiques et imprécis, justifiant que lui soient versés des dommages et intérêts conformément à l'article 17 des statuts de la société BCN à hauteur de 406 400 euros, soit deux années de rémunération selon la convention en vigueur à la date de son éviction. Monsieur Nicolas Capeyron fait valoir que cette éviction s'est faite au mépris du principe du contradictoire justifiant ainsi également le règlement d'une de 20 000 euros au titre du préjudice moral.

La société Patriwine et la société BCN font valoir que les fautes commises par Monsieur Nicolas Capeyron consistant en des pratiques déloyales visant à détourner les marges, le chiffre d'affaires et la clientèle de la société Patriwine sont constitutives de fautes graves justifiant la révocation de ce dernier de ses fonctions de co-gérant de la société BCN et de sa qualité de membre du comité de direction de la société Patriwine. La société Patriwine et la société BCN soutiennent que la révocation de Monsieur Nicolas Capeyron n'est en aucun cas intervenue de manière brutale, abusive ou vexatoire. Elles font valoir que la demande indemnitaires et de dommages et intérêts de Monsieur Nicolas Capeyron au titre de sa révocation et de son préjudice moral ne sont donc pas fondées et qu'elles ne sont pas justifiées.

La cour constate que Monsieur Nicolas Capeyron reproche aux intimés de l'avoir révoqué de son mandat de gérant de la société BCN. Il ne se plaint pas de sa révocation du comité de direction de Patriwine.

La cour rappelle que les gérants de SARL ne peuvent être révoqués que pour justes motifs.

En l'espèce Monsieur Capeyron a été révoqué de son mandat de gérant de BCN par décision de l'assemblée générale des associés du 1er août 2013. Une première assemblée générale avait eu lieu le 15 juillet précédent à laquelle Monsieur Capeyron avait été convoqué et dont l'ordre du jour était notamment "la situation du mandat social de Monsieur Nicolas Capeyron : maintien de la confiance des associés, révocation ou demande d'explications complémentaires".

Cette convocation faisait suite à des échanges très conflictuels entre Monsieur Capeyron et ses autres associés pendant les mois précédents. Au cours de ces courriels Monsieur Capeyron réalisant la situation difficile dans laquelle il se trouvait envers ses associés proposait lui-même de démissionner de ses mandats.

Le rapport des co-gérants, messieurs Nogues et Bureau, lors de l'assemblée générale du 15 juillet fait état de divergences sur la politique de la société et la conduite des affaires. Lors de l'assemblée il est demandé à Monsieur Capeyron de présenter des observations sur plusieurs sujets et notamment sur la non publication des formalités liées à la nomination de BCN en qualité de président de Patriwine dont l'absence ne permet pas à BCN d'exercer son mandat social qui demeure de ce fait seul exercé par Monsieur Capeyron . Monsieur Capeyron est également interrogé sur l'absence de tenue de l'assemblée générale ordinaire de Patriwine, sur ses orientations stratégiques, sur sa situation comptable, financière, etc. Il est indiqué que selon les réponses apportées par Monsieur Capeyron il conviendra soit de renouveler la confiance que la société lui porte, soit de le révoquer de ses fonctions de gérant ou soit encore de prendre un délai de réflexion.

Le procès-verbal des débats retranscris par huissier montre que Monsieur Capeyron était en fait opposé à la nomination de BCN à la présidence de Patriwine pour des raisons fiscales entre autres. Il fait valoir également qu'aucune démarche formelle telle la tenue d'une assemblée avec un procès-verbal de délibération n'avait été effectuée de sorte qu'il ne pouvait rien publier. Lors de l'assemblée Monsieur Capeyron refusait de parler de la situation de Patriwine qui n'était selon lui pas concernée par l'assemblée générale de BCN.

Aux termes de la résolution adoptée à la fin de l'assemblée générale par les associés ceux-ci décidaient de prendre un délai de réflexion et de reconvoquer une nouvelle assemblée générale dans les plus brefs délais afin d'étudier les arguments présentés par Monsieur Capeyron.

Le lendemain, 16 juillet 2013, une nouvelle assemblée générale était convoquée pour le 1er août 2013 afin de réexaminer la situation du mandat social de Monsieur Capeyron. Une liste de questions lui était adressée. Parmi les résolutions proposées figurait notamment la révocation de Monsieur Capeyron.

Monsieur Capeyron ne se présentait pas à cette assemblée et une résolution était prise qui le révoquait de sa fonction de gérant.

La cour observe que le procès-verbal produit de l'assemblée générale du 1er août 2013 est consacré à une réunion du Comité de direction de Patriwine ayant eu lieu le même jour et non à l'assemblée générale de BCN. Aucun procès-verbal de cette assemblée n'est produit ni aucun texte des résolutions qui y ont été adoptées.

Cependant dans la lettre de révocation qui a été adressée à Monsieur Capeyron figure la retranscription de la décision de révocation avec une référence explicite au rapport du co-gérant sur les questions posées à Monsieur Capeyron auxquelles il devait apporter des réponses en vue ou au cours de cette assemblée.

Monsieur Capeyron ne se présentait pas à l'assemblée générale, ni ne sollicitait un report de la date, ni ne s'excusait de ne pas venir.

L'absence de Monsieur Capeyron à cette assemblée sans aucune explication alors qu'il savait qu'elle serait convoquée rapidement et dans quel but constitue en soi au regard des débats ayant eu lieu à la précédente assemblée générale un juste motif de révocation puisque de nature à inquiéter les autres associés sur sa gestion ainsi qu'il est mentionné dans le procès-verbal de Patriwine le même jour.

La cour note par ailleurs que l'un des reproches principaux fait à Monsieur Capeyron est l'absence de publication de la nomination de BCN à la présidence de Patriwine, laissant ainsi Monsieur Capeyron seul président.

Ainsi, aucune réponse aux questions posées n'a été apportée par Monsieur Capeyron alors que la réponse à ces questions était déterminante pour la survie de son mandat.

La cour considère au surplus que les questions posées relatives à la société Patriwine et non à la société BCN étaient justifiées puisque la société BCN est une holding qui a pour unique filiale la société Patriwine.

La cour considère que les reproches faits à Monsieur Capeyron qu'ils soient justifiés ou non, constituent en l'absence d'explications données par l'intéressé, de justes motifs de révocation.

Il convient en conséquence de confirmer le jugement entrepris sur ce point.

Sur le rachat des parts sociales de Monsieur Capeyron

Monsieur Nicolas Capeyron et la société Bord'O Vins Fins font valoir que l'éviction de Monsieur Nicolas Capeyron le prive de fait de ses fonctions d'associé de la société Patriwine. Monsieur Nicolas Capeyron soutient qu'il est donc fondé à demander le rachat de ses parts par la société Patriwine à un prix évalué par expertise selon les termes de l'article 1844-3 du Code civil.

La société Patriwine et la société BCN font valoir que Monsieur Nicolas Capeyron fait une nouvelle demande en cause d'appel relative au rachat de ses parts dans la société BCN. Elles soutiennent que Monsieur Nicolas Capeyron ne justifie pas sa demande de rachat de ses parts sociales de la société BCN, et que sa révocation de son mandat de co-gérant de cette société ne le prive pas des droits attachés à ses parts.

La cour relève que Monsieur Capeyron avait demandé aux premiers juges le rachat par Patriwine de ses parts sociales sans cependant préciser de quelles parts sociales il s'agissait.

Comme l'ont fait justement remarquer les premiers juges Monsieur Capeyron avait apporté la totalité de ses parts sociales de Patriwine à la société BCN. Il ne pouvait donc s'agir que des parts sociales de BCN.

La révocation de Monsieur Capeyron de ses fonctions de gérant de BCN ne justifie pas à elle seule que Monsieur Capeyron soit privé de sa qualité d'associé fondant sa demande de rachat de ses parts sociales.

Cette demande sera en conséquence rejetée.

Sur l'article 700 du Code de procédure civile

La société BCN et la société Patriwine sollicitent la condamnation solidaire de Monsieur Capeyron et de la société Bord'O vins Fins à leur verser la somme de 30 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

Il serait inéquitable de laisser à leur charge les frais qu'elles ont exposées et qui ne sont pas compris dans les dépens.

Il leurs sera donc allouée de ce chef la somme de 5 000 euros.

Par ces motifs : Confirme le jugement rendu par le tribunal de commerce de Bordeaux le 5 juin 2015, Y ajoutant, Condamne solidairement Monsieur Nicolas Capeyron et la société Bord'O Vins Fins à payer à la société BCN et à la société Patriwine la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, Condamne solidairement Monsieur Nicolas Capeyron et la société Bord'O Vins Fins aux dépens qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.