CA Paris, Pôle 5 ch. 2, 21 octobre 2016, n° 15-20414

L'entreprise des automobiles Delage fondée en 1905 par l'ingénieur Louis Delage a connu la célébrité dans les années 20 et 30 grâce à la fabrication de voitures de luxe et l'obtention de victoires sportives prestigieuses.

En 1935, Louis Delage s'est associé avec Monsieur Walter W., homme d'affaires britannique.

En 1955, la production industrielle des automobiles Delage a cessé.

L'Association Les Amis de Delage a été constituée après la cessation de la production industrielle des véhicules Delage par déclaration en préfecture du 10 janvier 1956 publiée au Journal Officiel du 2 février 1956 sur l'initiative d'anciens employés, de propriétaires de véhicules Delage et de simples amateurs.

La société Denty, créée en 2011, a pour objet social "la création, la production, la commercialisation de produits de qualité, articles de voyages, sacs, articles de mode, luxe, maroquinerie ou articles de peaux ou fourrures de toute nature, vêtements, chaussures, accessoires, bijoux, horlogerie, produits cosmétiques, de beauté ou de soins, articles de loisirs".

Après sa création, les représentants légaux de la société ont pris contact avec l'association Les Amis de Delage afin de leur faire part de leur intention de créer une gamme de produits de luxe de maroquinerie sous la marque Delage et la société Denty a adhéré à l'association en décembre 2011.

Monsieur W., a déposé en son nom personnel, les 6 octobre 1941, 19 avril 1944 et 5 octobre 1956, pour désigner des automobiles et des pièces d'automobiles, trois marques semi-figuratives françaises composées du nom Delage. Ces marques sont arrivées à expiration sans avoir fait l'objet de renouvellements.

L'Association Les Amis de Delage a déposé le 24 mai 1985 une marque française semi-figurative reprenant le logo objet des marques de 1941 et 1956, enregistrée sous le n°1310386, pour désigner en classe 12 les "véhicules ; appareils de locomotion par terre, par air ou par eau".

Cette marque a fait l'objet d'une action en déchéance de la part de la société Denty et par arrêt en date du 14 avril 2015, la cour d'appel de Paris (5-1) a infirmé le jugement du tribunal de grande instance de Paris du du 19 septembre 2013 Paris ayant prononcé la déchéance des droits de l'association Les Amis de Delage sur ladite marque n° 1310386.

La société Denty a formé un pourvoi contre cet arrêt, lequel est pendant devant la Cour de Cassation.

L'association Les Amis de Delage indique utiliser depuis sa création cette dénomination et être propriétaire de deux noms de domaine "delage.org" et "delage.net" réservés le 28 mars 2000 pour donner accès à son site internet.

La société Denty expose être titulaire d'une licence exclusive d'exploitation de la marque communautaire verbale Delage n° 1717172, déposée par l'héritière de monsieur W., madame B., le 21 juin 2000 en classes 18 et 25 pour désigner les articles de maroquinerie et les vêtements, et de la marque internationale Delage enregistrée sous le n° 1125358 le 27 juin 2012 dans les mêmes classes ;

La société Denty a, par ailleurs, déposé elle-même :

- le 17 novembre 2011 la marque française verbale Delage n°3874687 pour désigner les produits des classes 3, 9 et 14,

- le 7 décembre 2011 la marque française semi-figurative n° 3879868 représentant un dessin de cuir incluant la dénomination "Delage" pour désigner les produits des classes 3, 18 et 25,

- le 16 avril 2012 la marque française verbale Delage n° 3913349 pour désigner les produits et services des classes 12, 28, 33 et 35,

- le 16 mai 2012, la marque communautaire verbale Delage n° 10889061 pour désigner les produits des classes 3, 9 et 14, sous priorité de la marque française n° 3874687,

- le 7 mai 2014, elle a déposé une demande de marque française semi-figurative n° 4089347 Delage pour désigner les produits et services des classes 18, 25 et 35 et en classe 12, les "Véhicules ; appareils de locomotion par terre, par air ou par eau" ; cette marque a été frappée d'opposition partielle par l'association Les Amis de Delage pour les produits de la classe 12 et l'opposition est pendante devant l'INPI ,

- le 8 septembre 2014 la marque française semi-figurative n° 4116409 pour désigner les produits et services des classes 18, 25 et 35 et en classe 12, les "Véhicules ; appareils de locomotion par terre, par air ou par eau",

- le 5 mars 2015 une marque communautaire semi-figurative n° 13795109 pour désigner les produits et services des classes 18, 25 et 35 et en classe 12, les 'Véhicules ; appareils de locomotion par terre, par air ou par eau' ; cette marque a été frappée d'opposition partielle par l'association Les Amis de Delage pour les produits de la classe 12 et l'opposition est pendante devant l'OUEPI,

- le 20 octobre 2015 une marque française verbale Delage n° 4219282 pour désigner des produits des classes 8, 21 et 24.

Par ailleurs, la société Denty a réservé le 22 mars 2012 le nom de domaine "Delage1905.com" et le 30 juillet 2012 le nom de domaine "Delage1905.fr", son président Monsieur de V. ayant par ailleurs réservé le 22 décembre 2011 le nom de domaine "Delageparis.com".

Reprochant à la société Denty, d'avoir exploité sur le site internet "Delage paris.com" un logo similaire au logo historique Delage, et d'avoir présenté et offert à la vente des articles de maroquinerie sous ce logo sur le site d.1905.com, l'association Les Amis de Delage, après avoir adressé le 3 avril 2012 à la société Denty une mise en demeure d'avoir à cesser ces agissements et fait établir deux constats d'huissier les 26 mars et 16 octobre 2012, a fait assigner cette dernière le 3 décembre 2012 devant le tribunal de grande instance de Paris.

Par jugement réputé contradictoire en date du 11 septembre 2015, le tribunal de grande instance de Paris, a, sans ordonner l'exécution provisoire :

- déclaré irrecevables, faute d'intérêt à agir, les demandes de l'association Les Amis de Delage au titre de la tromperie du consommateur,

- rejeté les autres fins de non-recevoir,

- déclaré recevables les autres demandes,

- dit que les marques françaises Delage n° 3874687, n° 3879868 et n° 3913349 n'ont pas été déposées par la société Denty en fraude des droits antérieurs opposés par l'association Les Amis de Delage et rejeté les demandes formées à ce titre,

- dit que le dépôt des marques précitées ne porte pas atteinte à la dénomination sociale et aux noms de domaine Delage.org et Delage.net de l'association Les Amis de Delage et rejeté les demandes formées à ce titre,

- dit que la réservation des noms de domaine Delageparis.com, Delage1905.com et Delage1905.fr et l'exploitation des sites auxquels ils donnent accès ne sont pas fautives et rejeté les demandes formées à ce titre,

- rejeté les demandes au titre des agissements parasitaires,

- rejeté la demande reconventionnelle de la société Denty en procédure abusive,

- condamné l'association Les Amis de Delage aux dépens, avec droit de recouvrement direct,

- condamné l'association Les Amis de Delage à payer une somme de 6 000 euros à la société Denty au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

L'association Les Amis de Delage a interjeté appel de ce jugement par déclaration au greffe en date du 15 octobre 2015.

Par dernières écritures notifiées par voie électronique le 29 juin 2016, auxquelles il est expressément renvoyé, l'Association Les Amis de Delage demande à la cour, au visa des articles L. 711-1, L. 712-6, L. 711-4, L. 714-3 du Code de la propriété intellectuelle, 549, 1134, 1147 et 1382 du Code civil, de la loi du 1er juillet 1901 relative au contrat d'association, et du principe fraus omnia corrumpit, de :

- infirmer le jugement entrepris dans toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau :

- la dire et juger recevable en l'ensemble de ses demandes,

A titre principal :

- ordonner le transfert des marques françaises Delage n° 3874687, n° 3879868 et n° 3913349 à son profit avec toutes les conséquences de droit y attachées,

- ordonner à la société Denty de procéder à ses frais au transfert des noms de domaine Delageparis.com, Delage1905.com et Delage1905.fr à son profit, sous astreinte de 1.000 euros par jour de retard, passé un délai de 15jours à compter de la signification de la décision à intervenir,

A titre subsidiaire,

- prononcer l'annulation des marques françaises Delage n°3874687, n°3879868 et n°3913349 pour l'ensemble des produits et services qu'elles désignent,

- ordonner à la société Denty de procéder à ses frais à la radiation des noms de domaine Delageparis.com, Delage1905.com et Delage1905.fr, sous astreinte de 1.000 euros par jour de retard, passé un délai de 15 jours à compter de la signification de la décision à intervenir,

A titre infiniment subsidiaire,

- prononcer l'annulation de la marque n°3913349 pour l'ensemble des produits de la classe 12,

En tout état de cause,

- ordonner à la société Denty de :

- cesser tout usage, sur son site internet, dans ses publicités, dans ses documents administratifs et institutionnels de photographies et de représentations d'automobiles de marque Delage sous astreinte de 1.000 euros par infraction constatée, passé un délai de 15 jours à compter de la signification de la décision à intervenir,

- cesser tout usage, sur son site internet, dans ses publicités, dans ses documents administratifs et institutionnels du logo du constructeur automobile Delage sous astreinte de 1.000 euros par infraction constatée, passé un délai de 15 jours à compter de la signification de la décision à intervenir,

- cesser tout usage, sur son site internet, dans ses publicités, dans ses documents administratifs et institutionnels de la mention "Cuirs et automobiles", sous astreinte de 1 000 euros par infraction constatée, passé un délai de 15 jours à compter de la signification de la décision à intervenir,

- cesser tout usage, sur son site internet, dans ses publicités, dans ses documents administratifs et institutionnels d'une mention indiquant 1905 comme date de création, sous astreinte de 1 000 euros par infraction constatée, passé un délai de 15 jours à compter de la signification de la décision à intervenir,

- cesser plus largement tout usage de la dénomination Delage sous quelque forme que ce soit et à quelque titre que ce soit, pour établir quelque lien que ce soit entre ses produits et services et les automobiles de marque Delage et le constructeur automobile Louis Delage,

- condamner la société Denty à lui payer la somme de 100 000 euros au titre de la réparation de son préjudice moral,

- condamner la société Denty à lui payer la somme de 160 000 euros au titre de la réparation de son préjudice matériel,

- ordonner la publication de la décision à intervenir, par extrait ou dans son intégralité, dans trois journaux, revues ou magazines de son choix et aux frais avancés de la société Denty, le coût de chaque insertion ne pouvant excéder 4 000 euros,

- ordonner au greffier en chef la transmission de la décision à intervenir à l'INPI aux fins d'inscription au Registre national des marques,

- condamner la société Denty à lui verser la somme de 50 000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile,

- condamner la société Denty aux entiers dépens.

Par dernières écritures notifiées par voie électronique le 29 juin 2016, auxquelles il est expressément renvoyé, la société Denty demande à la cour de :

- déclarer mal fondé l'appel interjeté par l'association Les Amis de Delage,

l'en débouter

- la recevoir en l'ensemble de ses demandes, et y faisant droit,

- rejeter les demandes, fins et conclusions de l'association Les Amis de Delage

- confirmer le jugement entrepris,

- dire que l'Association Les Amis de Delage a abusé de son droit d'agir en justice, et en conséquence la condamner à lui verser la somme de 50 000 euros à titre de dommages et intérêts,

- condamner l'Association Les Amis de Delage à lui payer la somme de 30 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance, qui seront recouvrés par son conseil, conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 30 juin 2016.

Sur ce,

Sur la recevabilité des demandes et l'intérêt à agir de l'Association Les Amis de Delage

Considérant qu'aux termes de l'article 954 du Code de procédure civile, les prétentions des parties sont récapitulées sous forme de dispositif et la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif ; qu'en conséquence en l'espèce, la cour n'est pas saisie des moyens de la société Denty qui ne font pas l'objet de demande dans le dispositif de ses dernières écritures du 29 juin 2016 et notamment de ses moyens tendant à voir écarter des débats la pièce n° 40 de l'Association Les Amis de Delage ou ceux visant à obtenir la nullité du constat d'huissier du 26 mars 2012 ; qu'il en est de même de ses moyens tendant à voir déclarer irrecevables les demandes de l'appelante, y compris ceux tirés de la forclusion par tolérance de la marque communautaire n° 001717172 dont madame B. est au demeurant seule titulaire ;

Que, par ailleurs, selon le dispositif des dernières écritures respectives des parties, l'Association Les Amis de Delage demande à la cour d'infirmer le jugement dont appel en toutes ses dispositions et de la déclarer recevable en l'ensemble de ses demandes et la société Denty sollicite le débouté de l'ensemble des demandes de l'Association Les Amis de Delage et la confirmation du jugement entrepris ; que ledit jugement a déclaré irrecevables, faute d'intérêt à agir, les demandes de l'association Les Amis de Delage au titre de la tromperie, rejeté les autres fins de non-recevoir, et déclaré recevables les autres demandes ;

Qu'en conséquence, la cour n'est saisie d'aucune demande tendant à voir déclarer l'action de l'Association Les Amis de Delage irrecevable et il n'y a pas lieu d'examiner les moyens de l'intimée relatifs à la capacité à agir de l'association contenus dans les motifs de ses dernières écritures du 29 juin 2016, mais qui ne font l'objet d'aucune demande dans le dispositif de celles-ci, seule restant soumise à l'appréciation de la cour la question de la recevabilité les demandes de l'association Les Amis de Delage au titre de la tromperie, déclarées irrecevables par le tribunal faute d'intérêt à agir, et qui fait notamment l'objet de l'appel de cette dernière.

Considérant que l'Association Les Amis de Delage agit à ce titre sur le fondement de l'article 1382 du Code civil pour demander, non pas la protection des intérêts des tiers, mais la réparation d'un préjudice moral et matériel dont elle aurait été personnellement victime ;

Qu'aucune demande n'étant formée devant la cour par la société Denty quant à la capacité à agir de l'Association Les Amis de Delage, la contestation de l'authenticité des statuts de l'association du 11 février 2008 est inopérante, la cour relevant en tout état de cause que ces statuts ont été modifiés selon procès-verbal d'assemblée générale du même jour déclaré à la préfecture de Police le 18 mars 2008 (publication au JO du 3 mai 2008) ;

Que selon ces statuts, l'association a pour objet :

1°/ D'entretenir le souvenir de Louis Delage, Ingénieur constructeur d'automobiles (1875-1947),

2°/ D'établir des liens d'amitiés entre toutes les personnes portant intérêt aux voitures automobiles, moteurs et machines diverses, portant la marque 'Delage',

3°/ de veiller par tous les moyens appropriés à la pérennité de ladite marque (marque Delage), de ses constructions de tous ordres et de toute nature,

4°/ de suggérer, étudier, promouvoir, entreprendre toutes démarches et actions tendant à défendre et développer en tous lieux, le rayonnement de ladite marque et de ses constructions ;

Qu'étant ajouté que l'intérêt à agir n'est pas subordonné à la démonstration préalable du bien fondé de l'action, l'appelante a donc bien un intérêt à agir dans le cadre du présent litige et l'ensemble de ses demandes doivent donc être déclarées recevables ;

Que le jugement qui en a disposé autrement sera en conséquence infirmé de ce chef ;

Sur la demande de transfert des marques françaises n° 3874687, n° 3879868 et n° 3913349 au profit de l'Association Les Amis de Delage

Considérant que selon l'article L. 712-6 du Code de la propriété intellectuelle, 'si un enregistrement a été demandé soit en fraude des droits d'un tiers, soit en violation d'une obligation légale ou conventionnelle, la personne qui estime avoir un droit sur la marque peut revendiquer sa propriété en justice' ;

Considérant que la revendication ou l'annulation d'une marque pour fraude ne suppose pas la justification de droits antérieurs sur le signe litigieux mais la preuve d'intérêts sciemment méconnus par le déposant ;

Considérant qu'au soutien de ses demandes, et après avoir rappelé les efforts qu'elle a accomplis pour préserver l'image de la marque Delage l'appelante soutient en substance que la société Denty a mis en œuvre une stratégie pour s'approprier l'image et la renommée du constructeur automobile Delage, qu'elle a déposé de mauvaise foi les trois marques françaises en litige et que ces enregistrements portent atteinte à ses droits sur sa dénomination sociale, ses noms de domaine Delage.org et Delage.net et sur la marque française semi-figurative n° 1310386 dont elle se prévaut en cause d'appel ;

Que la société Denty réplique, également en substance, que cette marque se heurte à une action en déchéance, pendante devant la Cour de Cassation, que l'appelante n'apporte pas la preuve d'un usage public de sa dénomination sociale, et que les extraits de son site internet ne prouvent pas une exploitation publique de ses noms de domaine, que les parties ne sont pas en situation de concurrence sur un même marché, que la preuve de l'existence d'intérêts sciemment méconnus n'est pas rapportée pas plus que celle de la violation d'une obligation conventionnelle et enfin que les dépôts litigieux s'inscrivent dans les relations avec le successeur de monsieur W. ;

Considérant ceci exposé, qu'il a été dit que si par jugement du 19 septembre 2013, le tribunal de grande instance de Paris a prononcé la déchéance des droits de l'association Les Amis de Delage sur la marque française semi-figurative n° 1310386, par arrêt en date du 14 avril 2015, la cour d'appel de Paris (5-1) a infirmé ce jugement et a notamment dit sur ce point n'y avoir lieu à déchéance de l'association Les Amis de Delage de ses droits sur cette marque française n°1310386 pour les produits de la classe 12 à compter du 6 avril 2007 ; que si un pourvoi a été formé par la société Denty et est actuellement pendant, force est de constater que l'intimée ne sollicite pas devant la cour de sursis à statuer dans l'attente de la décision de la Cour de Cassation à intervenir ;

Considérant qu'il est en l'espèce établi :

- que constituée le 10 janvier 1956 l'Association Les Amis de Delage a fait l'objet d'une déclaration le même jour, laquelle déclaration a été publiée au Journal Officiel du 2 février 1956 ; qu'une déclaration de modification a été faite le 30 avril 2009 et que selon les statuts du 11 février 2008, l'association a pour objet, ainsi qu'il a déjà été dit :

1°/ D'entretenir le souvenir de Louis Delage, Ingénieur constructeur d'automobiles (1875-1947),

2°/ D'établir des liens d'amitiés entre toutes les personnes portant intérêt aux voitures automobiles, moteurs et machines diverses, portant la marque ' Delage',

3°/ de veiller par tous les moyens appropriés à la pérennité de ladite marque (marque Delage), de ses constructions de tous ordres et de toute nature,

4°/ de suggérer, étudier, promouvoir, entreprendre toutes démarches et actions tendant à défendre et développer en tous lieux, le rayonnement de ladite marque et de ses constructions,

- que l'Association Les Amis de Delage justifie par les pièces qu'elle verse aux débats établir des fiches techniques, téléchargeables sur son site internet www.d..org, proposer aux possesseurs de véhicules Delage des conseils en matière de réparation et d'entretien et l'accès aux pièces détachées au travers de la revue "L'automobile" qu'elle édite au moins depuis 1959, fournir aux particuliers et aux professionnels un catalogue des pièces de rechange et le manuel d'entretien des différents modèles de voiture, ainsi qu'une assistance à la reconstruction des véhicules, participer à différents salons et événements professionnels consacrés aux véhicules d'époque et organiser des rallyes automobiles, diffuser différents produits dérivés revêtus de la marque Delage, être consultée sur les archives de la maison Delage et ses véhicules ainsi qu'à un projet de coopération avec le constructeur Renault, avoir recensé en avril 2013 les véhicules Delage et les avoir classés par type, être reconnue sur le marché des véhicules de collection par différents articles de presse, être habilitée par la Fédération Française des Véhicules d'Epoque (FFVE) à établir la conformité des véhicules présentés aux descriptifs d'époque de réception des Mines nécessaires à la délivrance des attestations, selon attestation du président de la fédération, en date du 3 octobre 2012 et versée aux débats en pièce 40 qui, si elle ne répond pas aux conditions posées par l'article 202 du Code de procédure civile, n'en vaut pas moins à titre de renseignement, et être consultée pour la datation et l'authentification des véhicules,

- que l'Association Les Amis de Delage a reçu pour adhésion un chèque du 15 décembre 2011 au nom de la société Denty après que son dirigeant monsieur de V. ne lui adresse le 4 novembre 2011 un courriel sollicitant une rencontre 'dans le cadre d'un projet de création d'une ligne de produits très haut de gamme sous cette marque prestigieuse dont (notre) société a récemment acquis les droits en classes 18 et 25", et avant d'être assignée par la société Denty en déchéance de ses droits sur la marque Delage n° 1310386 pour non-usage selon acte d'huissier du 6 avril 2012 ;

Qu'il résulte de ces éléments que l'appelante a ainsi contribué à préserver le savoir-faire du constructeur automobile Delage ainsi qu'à la diffusion et au rayonnement des automobiles de la marque éponyme, et que la société Denty avait connaissance au jour où elle a déposé les marques litigieuses, que l'Association Les Amis de Delage utilisait la dénomination Delage pour fournir différents services se rapportant aux véhicules Delage, étant précisé qu'en tant qu'association, cette dernière n'a pas pour objet de générer des bénéfices et ne peut exercer d'activité commerciale ;

Que l'enregistrement le 16 avril 2012 de la marque française verbale Delage n° 3913349, en ce qu'il vise les produits de la classe 12 et lui seul, dès lors d'une part que les dépôts des marques n° 3874687 et n° 3879868 visent en classes 3, 9, 14, 18 et 25 des produits sans lien de similarité avec ceux visés par la marque dont est titulaire l'Association Les Amis de Delage ou son activité résultant de son objet et d'autre part que la société Denty bénéficie d'une licence exclusive d'exploitation de la marque communautaire verbale Delage n°1717172, déposée madame B., le 21 juin 2000 en classes 18 et 25 pour désigner les articles de maroquinerie et les vêtements, ainsi que de la marque internationale Delage enregistrée sous le n°1125358 le 27 juin 2012 dans les mêmes classes, a donc pour effet de priver l'appelante d'un signe nécessaire à son activité et revêt ainsi un caractère frauduleux ;

Considérant que le jugement dont appel sera en conséquence infirmé en ce qu'il a rejeté la fraude de ce chef et rejeté en totalité la demande de revendication de la propriété de la marque Delage n° 3913349 formée par l'Association Les Amis de Delage ;

Sur la demande de nullité des marques françaises n° 3874687 et n° 3879868

Considérant qu'à titre subsidiaire, l'Association Les Amis de Delage demande à la cour, de prononcer la nullité des marques susvisées pour l'ensemble des produits et services qu'elles visent conformément au principe Fraus omnia corrumpit, dès lors que ces marques ont été déposées par la société Denty de mauvaise foi et au prix d'un détournement du droit des marques, à la seule fin de susciter une association indue entre ses activités et celles du constructeur automobile Delage, ainsi que l'annulation des mêmes marques en raison de l'atteinte à ses droits antérieurs sur la marque Delage n°1310386, sur sa dénomination sociale et ses noms de domaine d..org et d..net ;

Considérant sur le premier chef de demande subsidiaire, qu'il a été dit que les dépôts des marques n° 3874687 et n° 3879868 visent en classes 3, 9, 14, 18 et 25 des produits sans lien de similarité avec ceux visés par la marque dont est titulaire l'Association Les Amis de Delage ou encore avec son activité résultant de son objet ; qu'il n'y a donc pas lieu de faire droit à la demande d'annulation sur le fondement de la fraude ;

Considérant que selon l'article L. 711-4 du Code de la propriété intellectuelle :

Ne peut être adopté comme marque un signe portant atteinte à des droits antérieurs, et notamment :

a) A une marque antérieure enregistrée ou notoirement connue au sens de l'article 6 bis de la convention de Paris pour la protection de la propriété industrielle,

b) À une dénomination ou raison sociale, s'il existe un risque de confusion dans l'esprit du public (...)' ;

Considérant que la marque française semi-figurative antérieure Delage a été déposée le 24 mai 1985 et enregistrée sous le n° 1310386, pour désigner en classe 12 les 'véhicules; appareils de locomotion par terre, par air ou par eau ' ;

Que les marques dont l'annulation est poursuivie ont été déposées en classes 3, 9, 14, 18 et 25 pour des produits qui ne présentent pas de lien de similarité et à fortiori d'identité avec ceux visés par la marque opposée de sorte qu'il ne peut y avoir aucun risque de confusion entre les signes et partant d'atteinte à la marque première ;

Considérant que l'appelante a pour dénomination l'expression "Les amis de Delage", que la marque n° 3874687 est composée de la dénomination verbale Delage et la marque semi-figurative n° 3879868 d'un motif de cuir dans lequel le signe Delage est inséré ;

Que l'expression "les amis de Delage" renvoie explicitement à une amicale associative de soutien et de perpétration de la mémoire du constructeur automobile alors que cette notion est totalement absente des deux marques litigieuses ;

Que surtout, ces marques désignent des produits qui ne présentent pas de similitude avec l'objet de l'association appelante, en lien avec le domaine de l'automobile, ou peu de similitudes s'agissant des produits dérivés vendus par l'association et en dépit de cette similarité, au demeurant très relative, le consommateur ne pourra se méprendre sur l'origine respective de ces produits, tant est distincte la perception des signes en cause ;

Considérant s'agissant des noms de domaine d..org et d..net réservés le 28 mars 2000 par l'Association Les Amis de Delage, qu'il peut être admis que ceux-ci donnent accès à un site internet effectivement exploité antérieurement aux marques en cause, notamment eu égard aux chiffres de fréquentation de ce site révélé en 2008-2009 par le bulletin de l'association de juin 2009 (plus de 1.000 visiteurs et environ 4.000 pages par mois), les extraits du site de l'association versés aux débats en pièce 34 ne comportant quant à eux que la date de leur impression du 21 novembre 2012 ;

Considérant toutefois, que le site de l'Association Les Amis de Delage donnent accès à des annonces, le calendrier des manifestations, à un forum, aux réunions et assemblées ainsi qu'aux fiches techniques des modèles de véhicules fabriqués ; que ce contenu est sans relation avec les produits désignés par les dépôts des marques françaises Delage n° 3874687 et n° 3879868 en classes 3, 9, 14, 18 et 25, de sorte qu'il ne peut être fait aucun lien entre les signes en cause, lien que l'appelante ne propose d'ailleurs pas de démontrer dans ses dernières écritures;

Considérant que le jugement dont appel sera en conséquence confirmé en ce qu'il a dit qu'il n'existait pas de risque de confusion entre d'une part la marque Delage n°1310386, la dénomination de l'association appelante et les noms de domaine d..org et d..net et d'autre part les marques incriminées ;

Sur les demandes de transfert ou de radiation des noms de domaine

Considérant que le nom de domaine "d.paris.com" a été réservé par monsieur de V. à titre personnel, ce qui n'est pas contesté, et que ce dernier n'est pas dans la cause ; que les demandes de transfert au profit de l'association ou de radiation de ce nom de domaine ne peuvent donc pas prospérer ;

Considérant que les noms de domaine "d.1905.com" et "d.1905.fr" ont été réservés les 22 mars et 30 juillet 2012 par la société Denty ; qu'ils reprennent l'élément verbal de la marque antérieure Delage n°1310386, une partie de la dénomination de l'association appelante et de ses noms de domaine antérieurs en y ajoutant l'année "1905" correspondant à l'année de création des automobiles Delage ; qu'il résulte du constat d'huissier du 16 octobre 2012 que sur le site internet de la société Denty est représenté un logo comportant la dénomination Delage et sous l'onglet 'histoire', l'historique des automobiles Delage accompagné de photographies de véhicules de cette marque ;

Que, dans ces conditions, la coexistence des noms de domaine est source de confusion dans l'esprit du public ;

Que par l'exploitation de son site internet par la société Denty porte donc atteinte aux droits antérieurs de l'Association Les Amis de Delage ;

Sur le parasitisme

Considérant que le parasitisme économique se caractérise par la circonstance selon laquelle une personne physique ou morale, à titre lucratif et de façon injustifiée, s'inspire ou copie une valeur économique d'autrui, individualisée et procurant un avantage concurrentiel, fruit d'un savoir-faire, d'un travail intellectuel et d'investissements ;

Que l'appelante soutient en l'espèce qu'elle est un acteur du marché de véhicules collection, et que ses investissements humains ont pour effet de valoriser l'image qui s'attache au constructeur Delage et à ses automobiles, que l'économie d'investissements réalisée par Denty qui capte à son profit cette image et cette renommée présente un caractère injustifié, ce d'autant que l'intimée adopte une présentation de nature à laisser croire au public qu'elle est elle-même sinon le constructeur Delage lui-même, à tout le moins son continuateur ;

Considérant toutefois, que seule une captation des investissements faite dans des circonstances déloyales sont de nature à caractériser une faute de parasitisme ;

Que le tribunal a à juste titre relevé que si par son action, l'Association Les Amis de Delage contribue à maintenir le souvenir du constructeur automobile Delage elle n'est pas pour autant à l'origine de cette notoriété et de cette image ;

Que, par ailleurs, il a été dit qu'en tant qu'association, l'appelante n'a pas pour objet de générer des bénéfices et ne peut exercer d'activité commerciale nonobstant la vente résiduelle de quelques produits dérivés dans le cadre de son activité associative ; que selon ses propres déclarations la majeure partie de ses ressources provient des cotisations de ses membres, soit entre 11 700 euros et 13 000 euros de 2012 à 2016 pour environ 164 membres en 2015 selon l'intimée qui n'est pas contredite sur ce point ;

Qu'enfin, dans ses dernières écritures, l'association conteste l'appréciation du tribunal mais ne démontre pas une quelconque captation fautive des investissements qu'elle dit consacrer à son activité ; que le jugement qui a rejeté l'action en parasitisme doit donc être confirmé ;

Sur la tromperie

Considérant que l'Association Les Amis de Delage invoque à ce titre un préjudice personnel du fait des tromperies opérées par la société Denty et qui consisteraient pour cette dernière à prendre l'identité du constructeur et à faire passer ce dernier pour un maroquinier ;

Que, toutefois, la société Denty se présente sur son site internet comme une maison de maroquinerie de luxe qui propose des sacs faits main de haute qualité ; qu'elle ne prend donc pas l'identité du constructeur automobile pas plus qu'elle ne fait passer ce dernier pour un maroquinier, rappelant au contraire le savoir-faire de ce dernier ;

Que les demandes formées au titre de la tromperie doivent donc être rejetées ;

Sur les mesures réparatrices

Considérant que les transferts au profit de l'Association Les Amis de Delage de la marque Delage n° 3913349 pour l'ensemble dans produits qu'elle désigne en classe 12 et des noms de domaine "d.1905.com" et "d.1905.fr" sont de nature à réparer l'entier préjudice de l'appelante, laquelle n'établit nullement en tout état de cause ni le principe ni le quantum des préjudices matériel et moral qu'elle réclame et qu'elle évalue à hauteur des sommes de 100 000 et 160 000 euros ; que tant la demande de dommages-intérêts que la demande de publication seront donc rejetées ;

Sur les autres demandes

Considérant que la société Denty qui succombe en partie ne peut prétendre à des dommages-intérêts pour procédure abusive ;

Qu'en tant que partie perdante, elle supportera en revanche la charge des dépens ;

Considérant enfin que l'Association Les Amis de Delage a dû engager des frais non compris dans les dépens qu'il serait inéquitable de laisser en totalité à sa charge ; qu'il y a lieu de faire application des dispositions de l'article 700 dans la mesure qui sera précisée au dispositif.

Par ces motifs : La Cour, Infirme le jugement rendu entre les parties le 11 septembre 2015 entre les parties en ce qu'il a déclaré irrecevables les demandes de l'association Les Amis de Delage au titre de la tromperie du consommateur, dit que la marque française Delage n° 3913349 n'a pas été déposée par la société Denty en classe 12 en fraude des droits de l'association Les Amis de Delage, et dit que la réservation des noms de domaine Delageparis.com, Delage1905.com et Delage1905.fr et l'exploitation des sites auxquels ils donnent accès ne sont pas fautives et rejeté les demandes formées à ce titre, Statuant à nouveau dans cette limite, Déclare recevable l'ensemble des demandes de l'Association Les Amis de Delage. Dit que la marque Delage n°3913349 a été déposée par la société Denty en classe 12 en fraude des droits de l'Association Les Amis de Delage. Dit que la réservation et l'exploitation des noms de domaine "d.1905.com" et "d.1905.fr" par la société Denty portent atteinte aux droits de l'Association Les Amis de Delage. En conséquence, Ordonne le transfert de la marque française Delage n° 3913349 au profit de l'Association Les Amis de Delage pour l'ensemble des produits désignés en classe 12. Dit que le présent arrêt sera transcrit à l'Institut National de la Propriété Industrielle par le greffier préalablement requis par la partie la plus diligente aux fins d'inscription au Registre National des Marques. Ordonne à la société Denty de procéder à ses frais au transfert des noms de domaine Delage1905.com et Delage1905.fr au profit de l'Association Les Amis de Delage, sous astreinte de 500 euros par jour de retard, passé un délai de 30 jours à compter de la signification du présent arrêt. Condamne la société Denty à payer à l'Association Les Amis de Delage la somme de 15 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile. Rejette le surplus des demandes. Condamne la société Denty aux entiers dépens.