Cass. 1re civ., 3 novembre 2016, n° 15-24.886
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
PARTIES
Demandeur :
SDAR (SARL)
Défendeur :
Selarl Weil et Guyomard (ès qual.), Schiefelbein, YSMB (SARL)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Batut
Rapporteur :
M. Avel
Avocat général :
M. Cailliau
Avocats :
SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle, Hannotin, SCP Fabiani, Luc-Thaler, Pinatel
LA COUR : - Sur le moyen unique : - Attendu, selon l'arrêt attaqué (Colmar, 24 juin 2015), que la société YSMB, dirigée par M. Schiefelbein, a conclu, le 8 juin 2011, un contrat de franchise avec la société SDAR, aux fins d'exploiter un restaurant de pâtes à emporter, sous l'enseigne Nooï ; qu'estimant que cette dernière s'était rendue coupable de dol à leur égard, ils l'ont assignée en nullité du contrat et en réparation de leurs préjudices ;
Attendu que la société SDAR et la Selarl Weil et Guyomard, agissant en qualité de commissaire à l'exécution du plan de celle-ci, font grief à l'arrêt de prononcer la nullité du contrat et de la condamner au paiement de certaines sommes à titre de dommages-intérêts, alors, selon le moyen : 1°) que le dol n'est constitué que lorsque les manœuvres dolosives ont entraîné une erreur du cocontractant ; qu'au cas présent, la société SDAR faisait valoir que, dans la mesure où il était constant que M. Schiefelbein avait été informé de l'adresse du précédent point de vente à Mérignac et que celui-ci se situait à 500 m de son propre point de vente, il avait nécessairement connaissance de la circonstance que ce point de vente avait fermé depuis lors ; qu'en retenant que la société SDAR aurait volontairement caché à son cocontractant la fermeture du premier point de vente à Mérignac, sans rechercher, ainsi qu'il le lui était demandé, si la société YSMB et M. Schiefelbein n'en avaient pas nécessairement eu connaissance par eux-mêmes, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1116 et 1382 du Code civil ; 2°) que la société SDAR faisait valoir qu'au cas présent, M. Schiefelbein n'avait pas considéré les calculs de profitabilité et de comptes prévisionnels comme un élément déterminant de son consentement dans la mesure où M. Schiefelbein avait souhaité conclure " le plus rapidement possible " et qu'il n'avait réalisé les prévisionnels que postérieurement au consentement donné ; que, pour toute réponse, la cour d'appel s'est bornée à énoncer que " à l'évidence, l'établissement des comptes prévisionnels sont un élément déterminant du processus de consentement " ; qu'en statuant ainsi, par des motifs généraux et abstraits, sans rapport avec les faits de l'espèce, la cour d'appel a violé l'article 455 du Code de procédure civile ; 3°) que l'erreur, provoquée par dol ou non, est un décalage entre la réalité et la représentation qu'en a eu l'une des parties ; que le simple fait que les résultats prévus ne soient pas atteints n'établit pas une erreur de la part du franchisé dès lors qu'il n'est pas établi que cet échec est imputable au caractère exagérément optimiste des résultats prévus, ce qu'il appartient à la cour de vérifier ; qu'au cas présent, pour caractériser une erreur sur la rentabilité, la cour d'appel s'est bornée à constater que la société YSMB n'avait pas réalisé les résultats escomptés ; qu'en statuant ainsi, sans rechercher ni établir que cet échec aurait été imputable à des données exagérément optimistes communiquées par la société SDAR, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1116 du Code civil ; 4°) que la société SDAR faisait valoir qu'en tout état de cause, les prévisions établies par M. Schiefelbein auraient pu être atteintes si le trafic routier n'avait pas été fortement perturbé après l'ouverture du point de vente, toutes les routes y conduisant ayant été successivement fermées ; que la cour d'appel a retenu une erreur sur la rentabilité par cela seul que le franchisé n'avait pas atteint les résultats prévisionnels sans répondre à ce moyen ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé l'article 455 du Code de procédure civile ; 5°) que la société SDAR faisait valoir que M. Schiefelbein avait lui-même choisi une surface de vente plus de quatre fois supérieure aux surfaces moyennes recommandées par la société SDAR, ainsi qu'indiqué dans les différents documents remis à M. Schiefelbein, et que ce choix, inhabituel, créait un risque que M. Schiefelbein avait en toute connaissance de cause choisi d'assumer ; que la cour d'appel n'a pas répondu à ce moyen, en violation de l'article 455 du Code de procédure civile ;
Mais attendu qu'après avoir relevé, par motifs propres et adoptés, qu'il résultait des contrats de partenariat par elle conclus que la société SDAR s'engageait à fournir au partenaire les statistiques commerciales et les performances des autres établissements du réseau Nooï, avec l'affirmation que ces informations étaient indispensables à l'évolution de l'enseigne et aux performances du réseau, qu'il appartenait impérativement à celle-ci d'informer son cocontractant de la cessation d'exploitation de l'enseigne dans la même zone de chalandise, et, plus généralement, que la société SDAR avait l'obligation de faire une présentation loyale du réseau d'exploitants, l'arrêt retient qu'en occultant les raisons de l'échec du précédent franchisé ainsi que les répercussions qui en ont découlé sur le secteur au regard de la réputation commerciale de l'enseigne, en procédant à une présentation erronée du réseau et en opérant une transmission erronée des chiffres prévisionnels, le franchiseur a enfreint son obligation de sincérité sur des données nécessairement déterminantes au regard du consentement du franchisé et que les informations transmises, par leur caractère erroné et dénué de sérieux, sont révélatrices de la volonté délibérée de la société SDAR de tromper le consentement de son cocontractant ;
Que, par ces seules énonciations, procédant de son appréciation souveraine, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de suivre les parties dans le détail de leur argumentation ni de procéder à des recherches que ses propres constatations rendaient inopérantes, a satisfait aux exigences de l'article 455 du Code de procédure civile et légalement justifié sa décision ;
Par ces motifs : rejette le pourvoi.