ADLC, 19 août 2016, n° 16-DCC-136
AUTORITÉ DE LA CONCURRENCE
Décision
relative à la prise de contrôle conjoint de la société Groupama Banque par Orange aux côtés de Groupe Groupama
L'Autorité de la concurrence,
Vu le dossier de notification adressé complet au service des concentrations le 13 juillet 2016, relatif à la prise de contrôle conjoint de la société Groupama Banque par Orange aux côtés de Groupe Groupama, formalisée par un protocole d'accord en date du 21 avril 2016 ; Vu le livre IV du code de commerce relatif à la liberté des prix et de la concurrence, et notamment ses articles L. 430-1 à L. 430-7 ; Vu les éléments complémentaires transmis par les parties au cours de l'instruction ; Adopte la décision suivante :
I. Les entreprises concernées et l'opération
1. Groupe Groupama est un groupe mutualiste d'assurance généraliste (assurance de biens et responsabilités et assurance de personnes). Groupe Groupama développe également une activité financière et bancaire qui reste marginale au sein du groupe (2 % de son chiffre d'affaires total en 2015). Il est essentiellement présent en France, en Italie et en Europe de l'Est. Groupe Groupama et la Banque Postale ont également créé en 2009 la Banque Postale Assurance IARD qui développe certains produits d'assurance.
2. Le groupe Groupama est constitué de 3 200 caisses locales, 13 caisses régionales et spécialisées ainsi que de trois instances nationales : la Fédération nationale Groupama, Groupama Holding et Groupama S.A. La Fédération nationale Groupama rassemble les caisses régionales. Elle représente les sociétaires et a pour mission de définir les orientations générales du groupe. Groupama SA (1), détenue intégralement par les caisses régionales, anime et coordonne la stratégie opérationnelle du groupe conformément aux recommandations de la Fédération nationale Groupama.
3. Groupama Banque est une société anonyme sous le contrôle exclusif de Groupe Groupama via les sociétés Groupama SA (84 %) et Groupama GAN Vie (16 %). Groupama Banque propose une offre de produits et de services bancaires aux particuliers, professionnels, exploitants et coopératives agricoles. Elle développe également une activité de banque privée. Elle est la maison-mère des filiales de gestion d'actifs de Groupe Groupama (Groupama Asset Management, Groupama Immobilier, Groupama Epargne Salariale).
4. Orange SA est la société de tête du groupe Orange (anciennement France Telecom), opérateur de communications électroniques à destination d'une clientèle de particuliers, de professionnels et de grandes entreprises en France et dans le monde. Orange est détenue à 72 % par des actionnaires institutionnels et individuels, à 23 % par l'Etat et BPI France, et à 5 % par des salariés. Orange n'est que marginalement présent dans le secteur bancaire via sa filiale à 100 % W-HA qui exerce des activités de monnaie électronique et de gestion des moyens de paiement. Orange détient également une participation minoritaire non contrôlante dans la société KissKissBankBank qui est une plateforme de financement participatif (" crowdfunding ").
5. Aux termes du protocole d'accord du 21 avril 2016, l'opération consiste en l'apport par la société Cofintex 17, filiale de Groupe Groupama, de 100 % du capital social de la seule société Groupama Banque SA à la société RAPP 77, filiale d'Orange Participations, elle-même filiale à 100 % d'Orange SA. En contrepartie de cet apport, Cofintex 17 deviendra actionnaire à hauteur de 35 % du capital de RAPP 77 tandis qu'Orange Participations détiendra 65 % du capital. A l'issue de l'opération, RAPP 77 sera renommée Compagnie Financière d'Orange Bank et détiendra 100 % du capital de Groupama Banque renommée Orange Bank.
6. Au sein des organes de direction d'Orange Bank, (2) [Confidentiel].
7. [Confidentiel]. A l'issue de l'opération Groupe Groupama sera donc en mesure d'exercer une influence déterminante sur l'activité d'Orange Bank.
8. En ce qu'elle se traduit par la prise de contrôle conjoint de Groupama Banque, rebaptisée Orange Bank, par Orange aux côtés de Groupe Groupama, l'opération notifiée constitue une concentration au sens de l'article L. 430-1 du code de commerce
9. Les entreprises concernées réalisent ensemble un chiffre d'affaires hors taxes total sur le plan mondial de plus de 150 millions d'euros (Orange : 40,24 milliards d'euros pour l'exercice clos le 31 décembre 2015 ; Groupe Groupama : 10,29 milliards d'euros pour l'exercice clos de la même année (3)). Chacune de ces entreprises a réalisé en France un chiffre d'affaires supérieur à 50 millions d'euros (Orange : [...] milliards d'euros pour l'exercice clos le 31 décembre 2015 ; Groupe Groupama : 7,52 milliards d'euros pour l'exercice clos de la même année). Compte tenu de ces chiffres d'affaires, les seuils prévus par l'article 1, paragraphe 2, a) et b) du règlement (CE) n° 139/2004 du Conseil du 20 janvier 2004 sont atteints. Néanmoins, Orange (4) et Groupe Groupama réalisant plus des deux tiers de leur chiffre d'affaires en France, l'opération ne relève pas de la compétence de l'Union européenne. En revanche, les seuils de contrôle mentionnés au I de l'article L. 430-2 du code de commerce sont franchis. Cette opération est donc soumise aux dispositions des articles L. 430-3 et suivants du code de commerce relatifs à la concentration économique.
II. Délimitation des marchés pertinents
A. LES CARACTERISTIQUES D'ORANGE BANK
10. Groupama Banque intervient principalement dans le secteur de la banque de détail en tant que banque de Groupe Groupama. Elle exerce également, de manière marginale, des activités de banque commerciale, principalement auprès des exploitants agricoles, et de banque privée.
11. Orange Bank a pour objectif de développer une offre bancaire complète, principalement à destination d'une clientèle de particuliers, accessible par téléphone mobile sur le modèle des banques en ligne, telles que Boursorama Banque (Société Générale), ING Direct (ING), Fortuneo Banque (Crédit Mutuel/Arkea) ou encore Hello Bank ! (BNP Paribas).
12. L'ouverture d'un compte bancaire chez Orange Bank sera possible depuis les canaux digitaux (site internet et application mobile dédiés) sous la marque Orange Bank. Ces offres bancaires continueront d'être distribuées sous marque Groupama ou Gan au travers du réseau d'agences, majoritairement en zones rurales, de Groupama et Gan en vertu d'accords de distribution et de licence de marque.
13. Les parties notifiantes ont indiqué que les boutiques Orange n'ont pas vocation à offrir les services bancaires généralement prestés au sein des agences. Si 140 des 517 boutiques du réseau Orange pourront proposer aux clients de téléphonie mobile la souscription d'un compte à vue Orange Bank, l'intégralité des actes de gestion courante sera réalisée par le client lui-même sur l'application mobile ou par un conseiller téléphonique du service client d'Orange Bank.
14. En l'espèce, l'analyse concurrentielle de la présente opération au titre des effets verticaux et congloméraux, sera menée sur les marchés présentant des liens de connexité entre les activités exercées par l'entreprise commune et celles d'Orange, en particulier sur les marchés de la téléphonie mobile, et de Groupe Groupama, en particulier sur les marchés de produits d'assurance.
B. LES MARCHES DE LA BANQUE DE DETAIL
1. LES MARCHES DE SERVICES
15. Au sein des activités bancaires, la pratique décisionnelle nationale (5) et européenne (6) distingue traditionnellement trois catégories de services :
? les services bancaires destinés aux particuliers (banque de détail) ;
? les services bancaires destinés aux entreprises (banque commerciale) ;
? les opérations sur les marchés financiers (banque de financement et d'investissement).
16. En outre, la pratique décisionnelle nationale (7) a envisagé de distinguer un marché de l'intermédiation en opérations bancaires, distinct des marchés de fournitures de services bancaires.
17. Il ressort de la pratique décisionnelle que la banque de détail regroupe les services bancaires à destination des particuliers. En outre, les entrepreneurs ont été considérés comme des clients de la banque de détail, dans la mesure où leurs besoins sont plus proches de ceux des particuliers que ceux des sociétés commerciales (8).
18. Pour l'ensemble de cette clientèle, les marchés suivants ont été analysés : le marché des dépôts à vue, le marché de l'épargne bancaire (notamment les bons de caisses et les comptes non mobilisables immédiatement comme les comptes à terme), le marché de l'épargne hors bilan (Société d'Investissement à Capital Variable, Fonds Commun de Placement et fonds de pension), le marché du crédit immobilier, le marché du crédit à la consommation (9), le marché du crédit de restructuration d'endettement, le marché de l'émission de cartes de paiement (émission au profit des clients), le marché de la banque privée ou encore le marché de la conservation de titres (" retail custody ").
19. Il n'y a pas lieu de remettre en cause ces délimitations de marché à l'occasion de la présente opération.
2. LES MARCHES GEOGRAPHIQUES
20. La pratique décisionnelle nationale et européenne considère généralement que les marchés de la banque de détail sont tout au plus de dimension nationale, malgré une certaine harmonisation européenne (10).
21. Les autorités de concurrence ont déjà noté que s'agissant des services bancaires (11) aux particuliers, la proximité des agences était un facteur important compte tenu de l'importance de l'aspect relationnel. A cet égard, la Commission européenne relevait dans sa décision COMP/M.4844 - Fortis/ABN AMRO ASSETS du 3 octobre 2007, qu'en dépit d'un taux de pénétration croissant d'Internet, les agences conservaient un rôle crucial afin d'établir une relation client, notamment en ce qui concerne le conseil pour les produits et services bancaires complexes.
22. En France, il est de pratique constante de considérer que chacun des DROM constitue un marché géographique distinct, compte tenu de l'important éloignement géographique par rapport à la métropole, de l'insularité et des spécificités des économies locales (12). Par ailleurs, la pratique décisionnelle a souligné que les conditions de concurrence sur le territoire métropolitain n'étaient pas homogènes compte tenu notamment de la place importante détenue, dans le système bancaire français, par les réseaux mutualistes et coopératifs, des différences d'implantation entre groupes bancaires, de l'adaptation des stratégies commerciales au contexte concurrentiel local et de l'existence d'enseignes bancaires régionales. L'analyse concurrentielle a ainsi été effectuée à la fois au niveau national et au niveau local, la pratique ayant retenu, pour ce dernier niveau, des cercles d'un rayon correspondant à un parcours d'une vingtaine de minutes en voiture autour d'une commune (13).
23. En l'espèce, la définition géographique exacte de ces marchés peut néanmoins rester ouverte dans la mesure où, quelle que soit la délimitation retenue, les conclusions de l'analyse concurrentielle demeureront inchangées en l'absence de tout chevauchement d'activités entre les parties.
C. LE SECTEUR DES ASSURANCES
24. En France, Groupe Groupama a une activité de production et de distribution de produits d'assurance de biens et de responsabilité, d'une part, et d'assurance de personnes (14), d'autre part. Groupe Groupama ne distribue pas de produits d'assurance développés par des tiers. Groupe Groupama s'appuie sur trois réseaux de distribution : le réseau Groupama, le réseau Gan et le canal de la vente directe en ligne " Amaguiz.com ".
25. A l'issue de l'opération, en vertu du contrat de fourniture exclusive que concluront les parties (15), Orange Bank s'engage à se fournir auprès de Groupe Groupama, pendant une période de 10 ans, en produits d'assurance.
26. Orange Bank sera donc active sur le marché aval de la distribution de produits d'assurance pour compte de tiers (2), tandis que Groupe Groupama est présent sur les marchés amont de la " production " de ces mêmes produits (1).
1. LES MARCHES AMONT DE PRODUITS D'ASSURANCE
a) Marchés de produits et de services
27. Au sein du secteur des assurances, la pratique décisionnelle européenne (16) et nationale (17) distingue, de manière constante, le marché des assurances de personnes du marché des assurances de dommages (biens et responsabilités), chacun pouvant à son tour être segmenté en autant de marchés qu'il existe d'assurances couvrant les différents types de risques ou types de contrats, dans la mesure où, du point de vue de la demande, ces assurances ou ces contrats diffèrent et ne sont pas substituables.
28. En ce qui concerne le marché des assurances de personnes, une segmentation supplémentaire peut être opérée entre les contrats d'assurance collective, conclus entre un assureur et un souscripteur distinct du bénéficiaire, et les contrats d'assurance individuelle pour lesquels le souscripteur est également le bénéficiaire (18)
29. Au sein des marchés des assurances de dommages, une segmentation supplémentaire peut être opérée entre les assurances à destination des particuliers et les assurances à destination des professionnels (19).
30. En tout état de cause, la définition exacte de chacun de ces marchés peut être laissée ouverte, dans la mesure où les conclusions de l'analyse concurrentielle demeureront inchangées quelles que soient les segmentations retenues.
b) Marchés géographiques
31. S'agissant de leurs délimitations géographiques, à l'exception de certaines assurances couvrant des risques de grande ampleur, la pratique décisionnelle nationale (20) considère que les marchés de l'assurance sont de dimension nationale compte tenu des préférences des consommateurs, de l'existence de législations et de contraintes fiscales nationales, de la structure actuelle de ces marchés ou encore des systèmes de régulation concernant ce secteur d'activités.
32. En l'espèce, il n'y a pas lieu de remettre en cause la délimitation géographique de ces marchés.
2. LES MARCHES AVAL DE LA DISTRIBUTION DE PRODUITS D'ASSURANCE POUR COMPTE DE TIERS
a) Marchés de produits
33. La distribution de produits d'assurance consiste à commercialiser et assurer la gestion administrative des garanties ou contrats d'assurance dont le risque est porté par des assureurs tiers (21). Les autorités de concurrence nationale, ont laissé ouverte la délimitation précise des marchés dans ce secteur, plusieurs segmentations étant envisagées (22).
34. La pratique décisionnelle (23) a ainsi envisagé un marché large de la distribution des produits d'assurance par des intermédiaires indépendants, comprenant tous les canaux de distribution : agents, courtiers, et autres intermédiaires (dont les banques), à l'exception toutefois de la distribution directe par les compagnies d'assurance (24). Un marché limité au courtage d'assurance a été envisagé dans certaines décisions de la Commission européenne (25).
35. Les marchés de la distribution de produits d'assurance peuvent également être segmentés en fonction de la catégorie de risques assurés (assurance de dommages et assurance de personnes) et selon la clientèle (entreprises ou particuliers). Une distinction entre la distribution de produits d'assurance-vie et la distribution d'autres produits d'assurance a également été envisagée (26).
36. En l'espèce, la question de la délimitation exacte des marchés de la distribution de produits d'assurance peut être laissée ouverte dans la mesure où elle est sans incidence sur l'analyse concurrentielle.
b) Marchés géographiques
37. La pratique décisionnelle considère les marchés de la distribution de produits d'assurance pour compte de tiers comme étant, pour l'essentiel, de dimension nationale (27).
38. En l'espèce, il n'y a pas lieu de remettre en cause la délimitation géographique de ces marchés.
D. LES MARCHES DE LA TELEPHONIE MOBILE
39. La pratique décisionnelle distingue trois marchés de la téléphonie mobile : en amont, le marché de gros de l'accès et du départ d'appel sur les réseaux téléphoniques mobiles (i), en aval, le marché de détail de la téléphonie mobile (ii), et le marché de la distribution de produits et services de téléphonie mobile (iii).
40. Orange est présente sur ces marchés dont seuls les marchés de détail de la téléphonie mobile (1) et de distribution de produits et services de téléphonie mobile (2) présentent un lien vertical et congloméral avec les services bancaires qu'offrira Orange Bank à partir de l'application mobile dédiée qui présuppose la détention d'un téléphone mobile et d'un abonnement.
1. MARCHES DE DETAIL DE TELEPHONIE MOBILE
a) Marchés de produits et services
41. S'agissant des marchés de détail, la pratique décisionnelle a défini de façon constante le marché de détail de la téléphonie mobile comme étant celui sur lequel se rencontrent, d'une part, une offre pour la fourniture de services de téléphonie mobile (émanant des opérateurs de réseaux mobiles (MNO) ou des opérateurs de réseaux mobiles virtuels (MVNO)) et, d'autre part, une demande constituée des consommateurs finaux, qu'il s'agisse de particuliers ou de professionnels (28). La pratique décisionnelle a également envisagé de segmenter le marché en fonction des catégories de clients en distinguant la clientèle grand public de la clientèle entreprises.
42. Au cas d'espèce, la question de la délimitation exacte des marchés de détail de téléphonie mobile peut être laissée ouverte, les conclusions de l'analyse demeurant inchangées quelle que soit l'hypothèse retenue.
b) Marché géographique
43. Au plan géographique, la pratique décisionnelle nationale a précisé que le marché de détail de téléphonie devait être circonscrit à la France métropolitaine, les départements d'outre-mer et les collectivités territoriales de Mayotte et Saint Pierre-et-Miquelon possédant des particularités qui amènent à les distinguer de la métropole (29).
44. En l'espèce, il n'y a pas lieu de remettre en cause les délimitations géographiques de ce marché.
2. MARCHE DE LA DISTRIBUTION DE PRODUITS ET SERVICES DE TELEPHONIE MOBILE
a) Marché de produits et services
45. La pratique décisionnelle nationale (30) a défini un marché global de la distribution de produits et services de téléphonie mobile qui regroupe la vente de temps de communication, de terminaux de téléphonie mobile et d'autres services aux consommateurs finaux.
46. Il n'y a pas lieu de remettre en cause cette délimitation à l'occasion de l'examen de la présente opération.
b) Marchés géographiques
47. La pratique décisionnelle (31) a retenu une délimitation locale des marchés de la distribution de produits et services de téléphonie mobile, compte tenu notamment du fait que les opérateurs de téléphonie mobile développent constamment leur propre réseau de distribution, avec une volonté de maîtriser davantage la distribution de leurs produits et services. L'Autorité conduit également une analyse concurrentielle au niveau national, la vente à distance représentant en effet en métropole une part significative des ventes de services de téléphonie mobile (32), tout en distinguant toutefois les départements et territoires d'outre-mer compte tenu de leurs particularités locales (33).
48. En l'espèce, il n'y a pas lieu de remettre en cause les délimitations géographiques de ce marché.
III. Analyse concurrentielle
A. ANALYSE DES EFFETS HORIZONTAUX
49. La création d'une entreprise commune peut entraîner des effets horizontaux lorsque les maisons-mères, étant simultanément présentes sur un même marché, transfèrent tout ou partie de cette activité à cette filiale.
50. Si Orange propose d'ores et déjà à ses clients des services de paiement mobiles, dénommés Orange Cash et Orange Money, le développement commercial de ces offres [confidentiel].
51. En l'espèce, seule Groupe Groupama exerce donc une activité sur les marchés de la banque de détail, de sorte que l'opération n'est pas susceptible d'entraîner des effets horizontaux.
B. ANALYSE DES EFFETS VERTICAUX SUR LES MARCHES DE L'ASSURANCE
52. Une concentration verticale peut restreindre la concurrence en rendant plus difficile l'accès aux marchés sur lesquels la nouvelle entité sera active, voire en évinçant potentiellement les concurrents ou en les pénalisant par une augmentation de leurs coûts. Ce verrouillage peut viser les marchés aval, lorsque l'entreprise intégrée refuse de vendre un intrant à ses concurrents en aval (verrouillage par les intrants), ou les marchés amont, lorsque la branche aval de l'entreprise intégrée refuse d'acheter les produits des fabricants actifs en amont et réduit ainsi leurs débouchés commerciaux (verrouillage de l'accès à la clientèle). La pratique décisionnelle des autorités de concurrence écarte en principe les risques de verrouillage du marché lorsque la part de l'entreprise issue de l'opération sur les marchés concernés ne dépasse pas 30 %.
53. Ainsi qu'il a été évoqué ci-dessus, à l'issue de l'opération, Orange Bank se fournira exclusivement auprès de Groupe Groupama en produits d'assurance, et plus particulièrement ceux complémentaires au service bancaire d'ouverture de compte (assurance de l'emprunteur et assurance des moyens de paiement).
54. L'opération n'est toutefois pas susceptible d'entraîner une atteinte à la concurrence par le biais d'effets verticaux dans la mesure où la part de marché de Groupe Groupama sur les marchés amont de l'assurance est inférieure à 25 % sur chacun des marchés de produits ou service identifiés. Par ailleurs, avant l'opération Groupama Banque se fournissait déjà auprès de Groupe Groupama en produit d'assurance.
C. ANALYSE DES EFFETS CONGLOMERAUX
55. Une concentration est susceptible d'emporter des effets congloméraux lorsque la nouvelle entité étend ou renforce sa présence sur plusieurs marchés dont la connexité peut lui permettre d'exploiter un effet de levier. L'entreprise augmente ainsi les ventes d'un produit sur un marché en exploitant la forte position sur le marché d'un autre produit auquel le premier produit est lié ou groupé.
56. La présente opération a pour objectif le développement d'une offre bancaire nouvelle sur le marché de la banque de détail reposant principalement sur l'application pour terminaux mobiles d'Orange Bank. A l'issue de l'opération, l'entreprise commune pourrait bénéficier de la position du groupe Orange sur les marchés de détail de téléphonie mobile à partir de laquelle elle pourrait promouvoir les services bancaire associés à son application et accroître ainsi sa position sur les marchés de la banque de détail.
57. De la même manière que pour les effets verticaux, la pratique décisionnelle des autorités de concurrence écarte en principe les risques d'effets congloméraux lorsque la part de l'entreprise issue de l'opération sur les marchés concernés ne dépasse pas 30 %.
58. En l'espèce, la part de marché du groupe Orange sur les marchés de détail de la téléphonie mobile, estimée à [30-40] %, est légèrement supérieure au seuil fixé par la pratique décisionnelle. Sur les marchés de la distribution de produits et services de téléphonie mobile, les parties ont indiqué que seules 140 des 517 boutiques qui composent le réseau d'Orange seront habilitées à proposer la souscription d'un compte Orange Bank, un réseau dont l'empreinte physique apparait relativement limitée en comparaison des 37 623 agences bancaires recensées en France en 2014 (34).
59. Au demeurant, la nouvelle entité restera soumise à la concurrence de plusieurs groupes également actifs sur les marchés de la téléphonie mobile et de la banque de détail tels que les groupes La Poste, avec sa filiale La Poste Mobile, et Crédit Mutuel, avec sa filiale EI Telecom.
60. Par conséquent, l'opération n'est pas de nature à porter atteinte à la concurrence par le biais d'effets congloméraux sur les marchés de la banque de détail.
DECIDE
Article unique : L'opération notifiée sous le numéro 16-057 est autorisée.
1 Groupama SA est l'entité consolidante du groupe. Son activité comprend, en plus de l'activité des filiales, environ 35 % de l'activité des caisses régionales, activité captée par le mécanisme de réassurance interne.
2 Voir l'annexe 3.4 Liste des décisions importantes au projet de pacte d'actionnaires en annexe 3.2.2 au protocole d'accord.
3 Le chiffre d'affaires est le chiffre d'affaires consolidé Le chiffre d'affaires de Groupe Groupama inclut le chiffre d'affaires de la cible Groupama Banque SA conformément au point 90 des lignes directrices de l'Autorité de la concurrence relative au contrôle des concentrations.
4 Conformément au point 173 de la Communication consolidée sur la compétence de la Commission en vertu du règlement n° 139/2004, le chiffre d'affaires d'Orange réalisé au sein de l'UE au cours de l'année 2015 pris en compte au titre du périmètre consolidé exclut le chiffre d'affaires de l'entreprise EE cédée le 28 janvier 2016 et inclut le chiffre d'affaires de Jazztel acquis le 18 août 2015 (M.7421- ORANGE / JAZZTEL du 19 mai 2015).
5 Voir la lettre du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie n°C2006-45 du 10 août 2006 aux conseils de la Caisse Nationale des Caisses d'Epargne et de la Banque Fédérale des Banques Populaires, relative à une concentration dans le secteur des services bancaires, la lettre du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie n°2007-08 du 26 mars 2007 aux conseils de la société Banque Fédérale des Banques Populaires, relative à une concentration dans le secteur des services immobiliers, la décision de l'Autorité de la concurrence n°09-DCC-16 du 22 juin 2009 relative à la fusion entre les groupes Caisse d'Epargne et Banque Populaire, et la décision de l'Autorité de la concurrence n°10-DCC-116 du 10 septembre 2010 relative à la prise de contrôle exclusif de la banque Société Marseillaise de Crédit par le groupe Société Générale-Crédit du Nord.
6 Voir par exemple les décisions de la Commission européenne n°COMP / M.4844, Fortis / Actifs d'ABN AMRO, du 3 octobre 2007, et COMP / M. 2567, Nordbanken / Postgirot du 8 novembre 2001.
7 Voir la lettre du ministre n°2007-08 précitée, et la décision de l'Autorité n° 09-DCC-16, précitée.
8 Voir la décision n° 15-DCC-105 du 12 août 2015 relative à la prise de contrôle conjoint de la société Primonial Holding par les sociétés Crédit Mutuel Arkéa, Primonial Management, Blackfin et Latour Capital.
9 Voir la lettre C2006-45 du ministre de l'économie aux conseils de la Caisse Nationale des Caisses d'Epargne et de la Banque Fédérale des Banques Populaires et la décision de l'Autorité n°09-DCC-16 précitée. Voir également les décisions de la Commission européenne COMP/ M.5384 BNP Paribas / Fortis, M.5432 Crédit Mutuel / Cofidis et M..5222 Sofinco/Banco Popolare/Ducato/Agos.
10 Voir la décision n° 15-DCC-105, précitée, point 22 ; voir la décision de la Commission européenne COMP/M. 4844 - Fortis/ABN AMRO Assets.
11 Voir les décisions de l'Autorité n° 09-DCC-16, point 138 à 146, et n° 15-DCC-105, précitée, point 35.
12 Voir la décision de l'Autorité n° 09-DCC-16, précitée, point 87.
13 Ibid.
14 En particulier, des produits d'assurances-vie, de prévoyance, d'assurance santé, d'épargne-retraite, d'épargne salariale, et des assurances collectives.
15 Ce contrat de fourniture et de distribution figure en annexe 3.2.4, appendice 3 du protocole d'accord conclu entre les parties.
16 Voir notamment les décisions de la Commission européenne COMP/M.5083 - Groupama / OTP Garancia du 15 avril 2008 ; et COMP/M.3556 - Fortis / BCP du 19 janvier 2005.
17 Voir les décisions de l'Autorité n° 13-DCC-84 du 4 juillet 2013, relative à l'affiliation de la mutuelle interprofessionnelle SMI à la société de groupe d'assurance mutuelle Covéa, n° 10-DCC-52 du 2 juin 2010 relative à la création d'une Société de Groupe d'Assurance Mutuelle ("SGAM") par la MACIF, la MAIF et la MATMUT et n°11-DCC-97 du 29 juin 2011 relative à l'affiliation de l'institution de prévoyance Apgis à la société de groupe d'assurance mutuelle Covéa et n° 14-DCC-84 du 20 juin 2014 du 20 juin 2014 relative à la prise de contrôle conjoint du groupe Primonial par les sociétés Crédit Mutuel Arkéa et Primonial Management.
18 Voir notamment la décision de la Commission européenne COMP / M.5083 précitée, et la décision n° 09-DCC-61 du 4 novembre 2009 relative aux prises de contrôle exclusif de la mutuelle Altéis et de la mutuelle Releya par la mutuelle Prévadiès.
19 Voir, par exemple, les décisions de l'Autorité n° 13-DCC-84, n°10-DCC-52 et n° 11-DCC-97, précitées.
20 Voir notamment la décision n°10-DCC-52, précitée.
21 Voir la décision n° 15-DCC-151 du 23 novembre 2015 relative à la prise de contrôle exclusif de la société Legal & General Holdings SA France par le groupe Apicil, paragraphe 11, et la lettre du ministre de l'économie C2008-77 du 28 octobre 2008 précitée.
22 Voir notamment la lettre du ministre C2008-77 du 28 octobre 2008 précitée et la décision de l'Autorité n°13-DCC-126 du 5 septembre 2013 relative à la prise de contrôle de la société Sofaxis par la société d'assurance mutuelle Sham.
23 Voir notamment la décision n° 12-DCC-111 du 3 août 2012 relative à la fusion par absorption des mutuelles Harmonie Mutualité, Mutuelle Existence, Prévadiès, Santévie, Santévie MP et Spheria Val-de-France par Harmonie Mutuelle , paragraphe 12.
24 Voir par exemple les décisions de l'Autorité n° 11-DCC-117, 12-DCC-111 et 12-DCC-111 ; les décisions de la Commission européenne COMP/M.6053 - CVC/ Apollo/Brit Insurance du 19 janvier 2011 et COMP/M.4284 - Axa/Winterthur du 28 août 2006.
25 Décisions de la Commission européenne COMP/M. 1280, KKR/Willis Corroon du 24 août 1998, et n° COMP/M. 1307 Marsh & Mc lennan / Sedgwick du 23 octobre 1998.
26 Voir la décision de la Commission européenne COMP/M.6957 - IF P&C/TOPDANMARK du 23 septembre 2013.
27 Voir les décisions de l'Autorité n° 15-DCC-151, 15-DCC-105 et 15-DCC-16, précitées.
28 Voir les décisions de l'Autorité n°14-DCC-15 du 10 février 2014, n°13-DCC-69 du 25 juin 2013, n°11-DCC-07 du 28 janvier 2011 et n° 14-DCC-160 précitée.
29 Voir les décisions de l'Autorité n°14-DCC-160, n° 14-DCC-15, n°13-DCC-69 et n° 11-DCC-07, précitées.
30 Voir notamment les décisions de l'Autorité n°14-DCC-160, n°12-DCC-95 et n°11-DCC-07, précitées, ainsi que et les décisions n°11-DCC-118 du 20 juillet 2011 relative à la prise de contrôle exclusif de la société Compagnie Européenne de Téléphonie par la société France Télécom SA, et n°09-DCC-35 du 6 août 2009 relative à la prise de contrôle exclusif de la société Cinq sur Cinq par la société SFR.
31Voir la décision de l'Autorité n° 15-DCC-142, précitée, paragraphe 36 et les décisions citées.
32 Voir la décision de l'Autorité n° 14-DCC-179, précitée, point 27.
33 Voir la décision de l'Autorité n° 15-DCC-142, précitée, paragraphe 36 et les décisions citées.
34 Statistiques de la BCE en 2014, voir : http://www.fbf.fr/fr/files/987KJD/Chiffres-cles-secteur-bancaire-francais-06072016.pdf