CA Paris, Pôle 5 ch. 1, 8 novembre 2016, n° 15-09275
PARIS
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Consortium Ménager Parisien Cmp (SAS)
Défendeur :
Cote D'amour (SARL)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Rajbaut
Conseillers :
Mmes Auroy, Douillet
Avocats :
Mes Fromantin, Bensimhon Cance, Hoffman Attias
La société CMP a pour activité l'achat, la vente, la fabrication en gros, demi-gros et détail de tous produits dérivés du plastique et de tous produits ménagers, articles de bazar et de décoration, accessoires de beauté et de mode, jouets, et autres articles similaires. Elle expose qu'elle est spécialisée dans la conception et la distribution de produits pour l'équipement de la maison et de la personne et qu'elle dispose d'un service marketing et de design qui crée et développe ses propres produits et élabore des packagings originaux et personnalisés, notamment pour une gamme d'articles de cuisine commercialisée sous la marque " Saveur et Dégustation ".
Elle indique que les salariés de ce service ont créé, sous sa direction, différents produits d'équipements de la cuisine, ainsi que des packagings mettant en valeur les produits qu'elle a développés et importés, et que l'ensemble de ces créations constituent des œuvres collectives pour lesquelles elle est titulaire de droits d'auteur en application de l'article L. 113-5 du code de la propriété intellectuelle.
Elle revendique ainsi des droits d'auteur sur les 6 articles d'équipement pour la cuisine suivants :
- Couteaux de cuisine en céramique illustrés (référencés KB8380 et KB8379), - Protection anti-rayures pour poêles et casseroles (référencée KB5431), - Set spécial herbes (référencé KM4001), - Bac récupérateur de déchets (référencé KB5575), - Emporte-pièces de présentation de mets avec poussoir (référencés KB5454, KB5455 et KB5456), - Boîte de rangement 16 couverts avec égouttoir (référencée KB8420).
Elle revendique également des droits d'auteur sur les emballages originaux des produits suivants :
- Marque-verres fantaisie en silicone (référencé KB6265), - Tapis fraîcheur pour le bac à légumes du réfrigérateur (référencé KB5581), - Plaque de cuisson pour 2 et 4 baguettes (référencée KB7477 et KB7478), - Bouchons-canettes (référencés KB7906), - Patère pour placard (référencée KB5462).
Ayant découvert que la société Cote d'Amour, laquelle se présente comme grossiste importateur, spécialisé dans le linge de maison, les articles de bazar, les arts de la table et les articles de cuisine, la décoration et les jouets, commercialisait notamment sur le site internet www.boutiquecotedamour.com qu'elle exploite, des articles contrefaisant, selon elle, ses propres produits et, dans certains cas, ses packagings originaux, la société CMP a fait procéder, le 24 septembre 2012, à un constat par huissier de justice sur le site internet de cette société.
Par acte d`huissier du 10 décembre 2012, elle a fait assigner devant le tribunal de grande instance de Paris la société Cote d'Amour en contrefaçon de droits d'auteur, concurrence déloyale et parasitisme.
Dans un jugement du 20 février 2015, le TGI a notamment :
- rejeté la fin de non-recevoir de la société Cote d'Amour, - rejeté les demandes au titre de la contrefaçon de droit d'auteur, - dit qu'en commercialisant et en offrant à la vente les produits : couteaux motifs couleurs GM et couteaux motifs couleurs PM (références Cote d'Amour ZZ 90817 et ZZ 90818), protections anti-rayures pour poêles (référence Cote d'Amour ZZ 90634), coffret boîte fraîcheur fines herbes (référence Cote d'Amour ZZ 90944), bac ramasse épluchures (référence Cote d'Amour ZZ 90947), lots de 3 carrés ou trois ronds de présentation (référence Cote d'Amour ZZ 30815), boîte de 16 couverts (référence Cote d'Amour ZZ 80347), et en les présentant dans leur emballage, ainsi qu'en commercialisant dans l'emballage retenu les produits : tapis fraîcheur pour réfrigérateur (référence Cote d'Amour ZZ 30933), moules pour 2 pains et moules pour 4 pains (références Cote d'Amour ZZ 90755 et 90756), lot de trois bouchons canettes (références Cote d'Amour ZZ 30964 et 30934-1), la société Cote d'Amour a commis des actes de parasitisme au préjudice de la société CMP, - interdit à la société Cote d'Amour la poursuite de ces agissements et ce, sous astreinte de 350 euros par infraction constatée à l'expiration d'un délai d'un mois à compter de la signification du présent jugement, - condamné la société Cote d'Amour à verser à la société CMP une somme de 20 000 euros au titre du préjudice résultant des actes de parasitisme, - ordonné la publication du jugement dans deux périodiques au choix de la société CMP et aux frais de la société Cote d'Amour dans la limite de 3 500 euros HT par publication, - rejeté le surplus des demandes, - condamné la société Cote d'Amour aux dépens ainsi qu'au paiement à la société CMP d'une somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, - ordonné l'exécution provisoire.
Le 22 avril 2015, la société CMP a interjeté appel de ce jugement.
Dans ses dernières conclusions transmises le 13 septembre 2016, la société CMP, appelante, demande à la cour :
- de confirmer le jugement en ce qu'il a
- rejeté la fin de non-recevoir de la société Cote d'Amour et l'a dite recevable à agir sur le fondement du droit d'auteur,
- reconnu l'existence d'actes de parasitisme commis par la société Cote d'Amour à son préjudice,
- d'infirmer le jugement pour le surplus et en conséquence :
à titre principal :
- de juger que les modèles de couteaux de cuisine en céramique illustrés, de protection anti-rayures pour poêles et casseroles, de set spécial herbes, de bac récupérateur de déchets, d'emportes pièces de présentation de mets avec poussoir, de boîte de rangement 16 couverts avec égouttoir, de marques-ventes fantaisie en silicone, de tapis fraîcheur pour le bac à légumes du réfrigérateur, de plaque de cuisson pour 2 et 4 baguettes, de bouchons-canettes et de patère pour placard, présentent des caractéristiques originales au titre du produit en lui-même et/ou de son packaging, de sorte qu'ils bénéficient de la protection conférée par les dispositions des Livres I et III du code de la propriété intellectuelle, - de juger que les modèles de couteaux motif couleur (PM et GM), de moules pour 4 pains et 2 pains, de coffret boîte fraîcheur fines herbes 3pièces, de lot de 3 bouchons canettes, de lot de 2 protections anti-rayure pour poêles, de bac ramasse épluchures, de tapis fraîcheur pour réfrigérateur, de lots de 3 emporte-pièces ronds et carrés, de boîte de 16 couverts avec égouttoir, de lot de 12 marques verres ventouse, de barre porte-torchon (actuellement référencés ZZ908l7, ZZ908l8, ZZ90634, ZZ90944, ZZ90947, ZZ30815, ZZ308l8, ZZ80347, ZZ80352, ZZ30933, ZZ90756, ZZ90755, ZZ30934, ZZ80355, ZZ80346, ZZ80342, ZZ3089l, ZZ30759) commercialisées par la société Cote d'Amour constituent des contrefaçons des produits et/ou packagings développés et commercialisés par la société CMP ; - de juger que la société Cote d'Amour s'est rendue coupable, en application des article L.111-1 et suivants, L.122-4, L.335-2 et L.335-3 et suivants du code de la propriété intellectuelle, d'actes de contrefaçon en important, offrant à la vente et en présentant au public, directement ou indirectement, des modèles reprenant, en toute ou partie, les caractéristiques originales des produits et/ou packagings des références développées et commercialisées par la société CMP ; - de condamner la société Cote d'Amour à lui payer la somme de 500 000 euros en réparation des actes de contrefaçon, - de juger que la société Cote d'Amour a commis des actes distincts de concurrence déloyale et parasitaire, et, à tout le moins des agissements fautifs, à son préjudice, - de la condamner à lui régler la somme de 700 000 euros en réparation des faits de concurrence déloyale et parasitaire, - d'ordonner à la société Cote d'Amour, sous astreinte de 500 euros par jour de retard à compter de la décision qui sera rendue, de produire les documents et informations suivantes :
Nom et adresse des producteurs, fabricants, distributeurs, fournisseurs, détaillants, grossistes et autres détenteurs antérieurs des produits litigieux à savoir: couteaux motif couleur (petits et grands modèles), de moules pour 4 pains et 2 pains, de coffret boîte fraîcheur fines herbes 3pièces, de lot de 3 bouchons canettes, de lot de 2 protections anti-rayure pour poêles, de bac ramasse épluchures, de tapis fraîcheur pour réfrigérateur, de lots de 3 emporte-pièces ronds et carrés, de boîte de 16 couverts avec égouttoir, de lot de 12 marques verres ventouse, de barre porte-torchon (actuellement référencés ZZ90817, ZZ90818, ZZ90634, ZZ90944, ZZ90947, ZZ308l5, ZZ308l8, ZZ80347, ZZ80352, ZZ30933, ZZ90756, ZZ90755, ZZ30934, ZZ80355, ZZ80346, ZZ80342, ZZ30891, ZZ30759) offerts à la vente par la société Cote d'Amour notamment sur son site marchand accessible à l'adresse http://www.boutiguecotedamouncom ;
Quantités produites, commercialisées, livrées, reçues ou commandées ainsi que le prix d'achat pour l'ensemble des produits suivants : couteaux motif couleur (petits et grands modèles), de moules pour 4 pains et 2 pains, de coffret boîte fraîcheur fines herbes 3piéces, de lot de 3 bouchons canettes, de lot de 2 protections anti-rayure pour poêles, de bac ramasse épluchures, de tapis fraîcheur pour réfrigérateur, de lots de 3 emporte-pièces ronds et carrés, de boîte de 16 couverts avec égouttoir, de lot de 12 marques verres ventouse, de barre porte-torchon (actuellement référencés ZZ90817, ZZ90818, ZZ90634, ZZ90944, ZZ90947, ZZ30815, ZZ30818, ZZ80347, ZZ80352, ZZ30933, ZZ90756, ZZ90755, ZZ30934, ZZ80355, ZZ80346, ZZ80342, ZZ3089l, ZZ30759) commercialisées par la société Cote d'Amour,
à titre subsidiaire, si la cour ne faisait pas droit à ses demandes sur le fondement du droit d'auteur :
- de confirmer le jugement en ce qu'il a dit que la société Cote d'Amour s'est rendue coupable d'actes de concurrence déloyale et parasitaire au préjudice, - d'ordonner à la société Cote d'Amour, sous astreinte de 500 euros par jour de retard à compter de la décision qui sera rendue, de produire les documents et informations précités, - de juger que la cour se réservera le droit de liquider directement cette astreinte, - de condamner la société Cote d'Amour à lui payer la somme de 700 000 euros en réparation du préjudice subi du fait des agissements de concurrence déloyale et parasitaire,
en tout état de cause :
- d'interdire à la société Cote d'Amour ainsi qu'à l'ensemble de ses filiales, établissements, succursales, toute fabrication, exportation, importation, détention, offre à la vente,
présentation à la vente, commercialisation et diffusion sous quelque forme que ce soit , et ce sous astreinte de 1 000 euros par infraction constatée à compter du prononcé de la décision à intervenir, des modèles de couteaux motif couleur (petits et grands modèles), de moules pour 4 pains et 2 pains, de coffret boîte fraîcheur fines herbes 3pièces, de lot de 3 bouchons canettes, de lot de 2 protections anti-rayure pour poêles, de bac ramasse épluchures, de tapis fraîcheur pour réfrigérateur, de lots de 3 emporte-pièces ronds et carrés, de boîte de 16 couverts avec égouttoir, de lot de 12 marques verres ventouse, de barre porte-torchon, reprenant en toute ou partie les caractéristiques essentielles des produits et/ou emballages créés et commercialisés par la société CMP, - de dire que cette interdiction s'entend d'une interdiction totale pour la société Cote d'Amour de commercialiser lesdits produits et emballages, que ce soit chacun des modèles pris isolément ou pris ensemble, - d'ordonner à la société Cote d'Amour la destruction par voie d'huissier de l'ensemble des modèles de couteaux motif couleur (petits et grands modèles), de moules pour 4 pains et 2 pains, de coffret boîte fraicheur fines herbes 3pièces, de lot de 3 bouchons canettes, de lot de 2 protections anti-rayure pour poêles, de bac ramasse épluchures, de tapis fraîcheur pour réfrigérateur, de lots de 3 emporte-pièces ronds et carrés, de boîte de 16 couverts avec égouttoir, de lot de 12 marques verres ventouse, de barre porte-torchon (actuellement référencés ZZ90817, ZZ90818, ZZ90634, ZZ90944, ZZ90947, ZZ308l5, ZZ308l8, ZZ80347, ZZ80352, ZZ30933, ZZ90756, ZZ90755, ZZ30934, ZZ80355, ZZ80346, ZZ80342, ZZ3089l, ZZ30759) encore en sa possession ou en celle de ses filiales, établissements ou succursales, en quelque lieu que ce soit, ainsi que tous documents, notamment catalogues, brochures, publicités sur lesquels seraient reproduits lesdites références, ceci aux frais exclusifs de la société Cote d'Amour et dans un délai d'un mois à compter de la signification de la décision à intervenir, et sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard passé ce délai, - d'enjoindre à la société Cote d'Amour, dès la signification de l'arrêt à intervenir et sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard et par infraction constatée, de supprimer toute reproduction et/ou représentation, sur le site Internet accessible à l'adresse http://www.boutiquecotedamour, ou sur tout nouveau site internet ou blog qui pourrait être créé et exploité par la société Cote d'Amour, des visuels des produits et/ou packagings contrefaisants, - d'ordonner la publication du jugement à intervenir, en intégralité ou par extraits, dans cinq (5) journaux ou revues françaises ou étrangères, aux choix de la société CMP, mais aux frais avancés et exclusifs de la société Cote d'Amour, sans que le coût global de ces insertions n'excède la somme de 20 000 euros HT, - de juger que la cour se réservera le droit de liquider directement les astreintes prononcées, - de condamner la société Cote d'Amour à lui verser la somme de 25 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, - de condamner la société Cote d'Amour à l'intérêt légal avec capitalisation des intérêts dans les conditions de l'article 1154 du code civil, à compter de la signification de son assignation devant le TGI, sur l'intégralité des condamnations à intervenir, - de condamner la société Cote d'Amour aux entiers dépens, en ce compris les frais relatifs au constat d'huissier et frais de signification, - de débouter la société Cote d'Amour de l'intégralité de ses demandes.
Dans ses dernières conclusions, numérotées 3, transmises le 31 août 2016, la société Cote d'Amour demande à la cour :
sur la contrefaçon de droits d'auteur :
- d'infirmer le jugement en ce qu'il a jugé que la société CMP était recevable à agir sur le fondement du droit d'auteur et de le confirmer en ce qu'il a jugé que les produits et emballages sur lesquels la société CMP revendique des droits d'auteur étaient dépourvus de caractère original et qu'ils ne pouvaient, en conséquence, bénéficier de la protection au titre du droit d'auteur, - de juger en conséquence - que la société CMP est irrecevable à agir sur le fondement du droit d'auteur, - que les produits et emballages sur lesquels la société CMP revendique des droits d'auteur sont dépourvus de caractère original et qu'ils ne peuvent, en conséquence, bénéficier de la protection au titre du droit d'auteur, - qu'en tout état de cause et en conséquence, aucun acte de contrefaçon de droits d'auteur ne peut lui être imputé,
sur la concurrence déloyale et parasitaire :
- d'infirmer le jugement en ce qu'il a condamnée au titre d'actes de parasitisme ; - de juger en conséquence qu'aucun acte de concurrence déloyale et parasitaire ne peut lui être imputé, tant à titre principal qu'à titre subsidiaire, - en conséquence : de débouter la société CMP de toutes ses demandes et de la condamner à lui payer : - la somme de 5 000 euros en réparation du préjudice subi du fait de la publication erronée et dénigrante insérée de façon fautive par la société CMP sur son site Internet et sur la devanture de ses magasins, - la somme de 15 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 13 septembre 2016.
Motifs de l'arrêt
Considérant qu'en application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il est expressément renvoyé, pour un exposé exhaustif des prétentions et moyens des parties, aux conclusions écrites qu'elles ont transmises, telles que susvisées ;
Sur la contrefaçon de droits d'auteur
Sur la recevabilité des demandes de la société CMP : la titularité des droits d'auteur
Considérant que la société Cote d'Amour soutient que la société CMP n'est pas recevable à agir en contrefaçon de droits d'auteur en ce qu'elle ne démontre pas être titulaire de ces droits ;
Que la société CMP soutient, à titre principal, que les œuvres qu'elle revendique sont des œuvres collectives créées sous sa direction et sous son nom par les graphistes et designers de son service marketing et design et, à titre subsidiaire, qu'elle peut bénéficier de la présomption de titularité, selon laquelle, en l'absence de revendication du ou des auteurs, l'exploitation d'une œuvre par une personne morale sous son nom fait présumer, à l'égard des tiers recherchés pour contrefaçon, que cette personne morale est titulaire sur l'œuvre des droits d'auteur ;
Considérant que c'est par des motifs exacts et pertinents, adoptés par la cour, que le tribunal a estimé que les œuvres revendiquées ne pouvaient pas être qualifiées d'œuvres collectives, les attestations de salariés fournies révélant que le design des produits ou leur packaging était le fruit du travail d'un seul designer ou graphiste, de sorte que la société CMP n'était pas fondée à invoquer le bénéficie de l'article L. 113-5 du code de la propriété intellectuelle pour établir la titularité des droits sur les produits en cause ;
Que c'est par des motifs exacts et pertinents, adoptés par la cour, que le tribunal a retenu, au vu des pièces versées aux débats par la société CMP (premières factures de commercialisation sous son nom des produits concernés, procès-verbal d'huissier de justice constatant l'existence d'une enveloppe scellée adressée par la société CMP à son conseil en propriété industrielle contenant, lors de son ouverture, un cd-rom comportant des fiches-produits montrant les produits en cause, ainsi que leur emballage avec mention de leur nom, de leur code et des logos 'Saveur et Dégustation' et 'CMP', factures datées portant sur chacun des produits en cause), qu'elle établissait avoir commercialisé en France les produits et emballages concernés à partir d'une période comprise entre mars 2009 et mars 2011, de sorte qu'en l'absence de revendication de(s) auteur(s), elle était présumée être titulaire des droits patrimoniaux d'auteur des produits et emballages en cause à l'égard de la société Cote d'Amour et que celle-ci, qui n'apportait aucun élément de nature à renverser cette présomption, devait voir sa fin de non-recevoir rejetée ;
Que le jugement déféré sera confirmé sur ces points ;
Sur la protection au titre du droit d'auteur : l'originalité des produits et emballages
Considérant que la société CMP soutient que les articles et emballages qu'elle invoque sont tous originaux et doivent être, à ce titre, protégés par le droit d'auteur ; qu'elle fait valoir notamment qu'elle ne prétend pas faire reconnaître l'originalité de ses produits en raison de leurs caractéristiques prises isolément mais en raison de la combinaison de ces caractéristiques, originales pour la plupart, qui confère à l'ensemble un aspect esthétique original ;
Que la société Cote d'Amour argue que les produits et emballages revendiqués sont dépourvus d'originalité en sorte qu'ils ne peuvent être éligibles à la protection par le droit d'auteur ;
Considérant que l'article L.112-1 du code de la propriété intellectuelle protège par le droit d'auteur toutes les œuvres de l'esprit, quels qu'en soient le genre, la forme d'expression, le mérite ou la destination, pourvu qu'elles soient des créations originales ; que selon l'article L. 112-2,10 du même code, sont considérées comme œuvres de l'esprit les œuvres d'art appliqués ;
Que la combinaison d'éléments qui en eux-mêmes ne présentent pas d'originalité ne peut manifester un effort créatif que si elle confère au produit concerné une physionomie propre qui le distingue des autres modèles appartenant au même genre et si elle traduit un parti pris esthétique du créateur, révélant l'empreinte de sa personnalité ;
Considérant que c'est par des motifs exacts et pertinents, adoptés par la cour, que le tribunal a retenu que les produits revendiqués avec leurs emballages - à savoir, les couteaux de cuisine en céramique illustrés (référencés KB 8380 (grands modèles) et KB 8379 (petits modèles)), la protection anti-rayures pour poêles et casseroles (référencée KB 5431), le set spécial herbes (référencé KM 4001), le récupérateur de déchets (référencé KB 5575), les emporte-pièces de présentation et leur poussoir carrés ou ronds (référencés KB 5454, KB 5455, KB 5456), la boîte de 16 couverts et égouttoir intégré (référencée KB 8420) - ne relèvent pas d'une création originale et ne peuvent bénéficier de la protection au titre du droit d'auteur ;
Que c'est également par des motifs exacts et pertinents, adoptés par la cour, que le tribunal a retenu que les emballages revendiqués seuls - à savoir les emballages du lot de 12 marque-verres fantaisie en silicone (référence KB 5265), du tapis fraîcheur fruits et légumes (référence KB 5581), de la plaque de quatre baguettes (référence KB 7477) et de deux baguettes (référence KB 7478), des trois bouchons canettes (référence KB 7906), de la patère pour placard (référence KB 5462) - ne relèvent pas davantage d'une création originale et ne sont donc protégeables au titre du droit d'auteur ;
Qu'il sera seulement ajouté qu'en ce qui concerne l'emballage de la patère pour placard, la société CMP, pour répondre à la critique du tribunal qui a relevé que la société ne précisait pas le contenu de la stylisation et de la composition de la combinaison revendiquée, précise qu'elle a mis en avant, par l'apposition d'une pastille dans le coin en haut et à gauche de la carte en carton habillant le fond de l'emballage, le fait que la patère n'abîmait pas les meubles, qu'elle a aussi élaboré l'argumentaire et la description du produit présents sur l'emballage, mettant notamment en exergue la mention 'sans vis, sans clou' et que l'ombre de la patère est reproduite sur la carton ; que ces éléments qui constituent une description des caractéristiques de l'emballage revendiqué, au demeurant banales, ne sont pas de nature à traduire l'empreinte de la personnalité de l'auteur et à conduire à remettre en question l'analyse des premiers juges;
Que le jugement déféré sera en conséquence confirmé en ce qu'il a dit que les articles et emballages revendiqués, dépourvus d'originalité, ne pouvaient bénéficier de la protection du droit d'auteur et en ce qu'il a, en conséquence, débouté la société CMP de ses demandes au titre de la contrefaçon de droit d'auteur ;
Sur la concurrence déloyale et le parasitisme
Sur les actes de concurrence déloyale et de parasitisme
Considérant que la société CMP soutient que la société Cote d'Amour a commis à son préjudice des actes de concurrence déloyale, en copiant de manière servile ses modèles de produits et packagings, ce qui a créé un risque de confusion dans l'esprit du public quant à l'origine des produits, ce risque étant aggravé par l'identité des réseaux de distribution et des marchés sur lesquels opèrent les deux entreprises et par la reprise d'une gamme de produits ('Saveur et dégustation') très étendue ; qu'elle soutient que la société Cote d'Amour s'est également rendue coupable d'actes de parasitisme en s'appropriant ses créations pour tirer avantage, sans bourse délier, de ses investissements, du succès commercial et de la réputation de ses produits ;
Que la société intimée s'oppose à ces demandes, faisant valoir que les conditions de la concurrence déloyale ne sont pas réunies en l'absence à la fois de reproduction des produits de la société CMP, d'effet de gamme, de détournement de notoriété et de clientèle et de risque de confusion compte tenu du caractère peu distinctif des produits de l'appelante ; qu'elle réfute le grief de parasitisme en
arguant que les produits et emballages revendiqués sont banals et dépourvus de notoriété, qu'il n'y a pas eu d'imitation fautive des produits de la société CMP et que cette dernière ne démontre pas la réalité de ses investissements en lien avec ces produits et emballages alors qu'elle-même est en mesure d'établir la réalité de ses propres investissements ;
Considérant que la concurrence déloyale et le parasitisme, pareillement fondés sur l'article 1382 du code civil (selon la numérotation antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016), sont caractérisés par application de critères distincts, la concurrence déloyale l'étant au regard du risque de confusion, considération étrangère au parasitisme qui requiert la circonstance selon laquelle, à titre lucratif et de façon injustifiée, une personne morale ou physique copie une valeur économique d'autrui, individualisée et procurant un avantage concurrentiel, fruit d'un savoir-faire, d'un travail intellectuel et d`investissements ;
Que ces deux notions sont appréciées à l'aune du principe de la liberté du commerce qui implique qu'un produit qui ne fait pas ou ne fait plus l'objet de droits de propriété intellectuelle, puisse être librement reproduit, sous certaines conditions tenant à l'absence de faute par la création d'un risque de confusion dans l'esprit de la clientèle sur l'origine du produit ou par l'existence d'une captation parasitaire, circonstances attentatoires à1'exercice paisible et loyal du commerce ;
Que l'appréciation de la faute au regard du risque de confusion doit résulter d'une approche concrète et circonstanciée des faits de la cause prenant en compte notamment, le caractère plus ou moins servile, systématique ou répétitif de la reproduction ou de l'imitation, l'ancienneté d'usage, l'originalité, la notoriété du produit copié ;
Considérant que c'est à juste raison que les premiers juges ont estimé que plusieurs produits commercialisés par la société Cote d'Amour reproduisent de manière particulièrement fidèle plusieurs des caractéristiques essentielles des produits et emballages revendiqués par la société CMP qu'il en est ainsi des couteaux motifs couleurs GM et PM(références Cote d'Amour ZZ 90817 et 90818), des protections anti-rayures pour poêles (référence Cote d'Amour ZZ 90634),du coffret boîte fraîcheur fines herbes(référence Cote d'Amour ZZ 90944), du bac ramasse épluchures (référence Cote d'Amour ZZ 90947), du lots de 3 carrés ou trois ronds de présentation ( référence Cote d'Amour ZZ 30815), de la boîte de 16 couverts (référence Cote d'Amour ZZ 80347) qui constituent des reproductions très ressemblantes des produits et des emballages commercialisés par la société CMP sous les références KB 8380 et 8379, KB5431, KM4001,KB5575 et KB5454 KB8420 ; qu'il en est de même des emballages des produits tapis fraîcheur pour réfrigérateur (référence Cote d'Amour ZZ 30933), moule pour 2 pains et moule pour 4 pains (références Cote d'Amour ZZ 90753 et 90756), lot de 3 bouchons canettes (références Cote d'Amour ZZ 30964 et 30934-1) qui sont très similaires aux emballages dans lesquels la société appelante commercialise des produits identiques ; qu'il est relevé que la carte cartonnée insérée dans l'emballage du bac ramasse épluchures (référence Cote d'Amour ZZ 90947) reprend même, et dans les mêmes bulles graphiques, des photographies de mise en situation du produit récupérateur de déchets (référencé KB 5575) de la société CMP figurant sur l'emballage du produit de la société appelante ; que 7 produits avec leurs emballages et 3 emballages ont ainsi été imités par la société Cote d'Amour ;
Que le risque de confusion résultant de ces imitations, même si les deux sociétés interviennent sur le même marché, s'adressant à une même clientèle de magasins spécialisés dans la décoration, de magasins de vaissellerie et de grandes surfaces, n'est pas démontré dès lors que la société CMP ne peut se prévaloir d'une réelle notoriété, insuffisamment démontrée par sa participation à trois salons en Europe, et que les produits commercialisés par la société Cote d'Amour le sont sous sa propre marque, visible sur les emballages ; que l'effet de gamme invoqué ne peut résulter du fait que les produits imités appartiennent à la même marque 'Saveur et Dégustation", s'agissant de produits tous différents qui n'ont en commun que le fait de relever du domaine des accessoires de cuisine ; que les faits de concurrence déloyale ne sont donc pas établis ;
Que cependant, en imitant des produits et emballages de la société CMP, la société Cote d'Amour a pu faire l'économie d'investissement en matière de création et de design, ce qui lui a permis de commercialiser ses propres produits à des prix significativement inférieurs établis par les données fournies par l'appelante (page 64 de ses écritures) et non contestées ; que la société CMP justifie, par deux attestations de son commissaire aux comptes, qu'elle a engagé, en 2009, 2010 et 2011, des dépenses au titre de son département 'création design' à hauteur respectivement de 272 708 euros, 327 088 euros et 483 512 euros ; que de son côté, la société Cote d'Amour produit l'attestation de son expert-comptable, de laquelle il ressort qu'elle a consacré au cours de la période 2011/2013 des investissements, pour 188 000 euros, à la rémunération de trois salariés, d'un artiste indépendant et d'un assistant marketing, à la participation à des salons professionnels et à des achats d'ordinateurs et de logiciels de développement, sans que soit mise en évidence la part spécialement consacrée à la création de ses produits et packagings ; que, dans ces conditions, il sera retenu que la société Cote d'Amour a indûment profité des investissements de la société CMP et s'est rendue coupables d'actes de parasitisme à son préjudice ;
Que le jugement déféré sera confirmé sur ces points également ;
Sur les mesures réparatrices
Considérant que la société CMP sollicite la somme de 700 000 euros à titre de dommages et intérêts, faisant valoir qu'elle subit un préjudice du fait de la dévalorisation de ses investissements de création et de promotion lui permettant de développer, différencier et faire connaître ses produits auprès de sa clientèle, ainsi qu'une atteinte à sa réputation auprès du public et de ses partenaires contractuels qui peuvent lui attribuer des produits banalisés et des pratiques de prix inférieurs injustifiées ;
Que la société Cote d'Amour oppose que l'appelante ne rapporte pas la preuve de son préjudice ;
Considérant que les actes de parasitisme ont nécessairement causé un préjudice à la société CMP ; que les premiers juges ont procédé à une exacte appréciation du préjudice subi par l'appelante en tenant compte de l'absence de démonstration de baisse de son chiffre d'affaires, et spécialement de celui afférent aux produits imités, du nombre de produits copiés au regard de l'ensemble des produits commercialisés par chacune des parties (la société CMP indique qu'elle vendait, en 2011, près de 50 millions de références - page 67 de ses écritures), ainsi que du faible coût des articles concernés, en rejetant la demande de communications de documents et d'informations et en fixant à la somme de 20 000 euros le montant des dommages et intérêts devant être alloués à la société CMP ;
Que le jugement sera confirmé de ce chef également ;
Qu'en application de la règle posée à l'alinéa 2 de l'article 1153-1 du code civil (numérotation ancienne, applicable à la présente instance), à laquelle il n'y a lieu de déroger, les intérêts sur cette somme courront à compter du jugement de première instance ; que la société CPM ayant elle-même interjeté appel du jugement, il n'y a lieu de faire application des dispositions de l'article 1154 du code civil ;
Considérant que le sens de la présente décision conduit à confirmer le jugement en ses dispositions relatives à la mesure d'interdiction prononcée à l'encontre de la société Cote d'Amour ;
Que le préjudice étant suffisamment réparé, il n'y a lieu de faire droit à la demande de publication présentée par la société CMP ; que le jugement sera infirmé de ce chef ;
Que le jugement sera confirmé en ce qu'il a rejeté les demandes relatives à la destruction des produits et à la suppression des visuels des produits litigieux sur le site internet de la société Cote d'Amour ;
Sur la demande incidente de la société Cote d'Amour en dommages et intérêts pour dénigrement :
Considérant que la société Cote d'Amour se plaint de ce que la société CMP, postérieurement au jugement déféré, plutôt que de faire procéder à la publication autorisée par cette décision, a affiché sur la devanture de ses magasins, ainsi qu'en page d'accueil de son site internet, un bandeau d'information intitulé 'contrefaçon interdite' faisant état du jugement ; qu'elle estime les propos contenus dans ce bandeau sont dénigrants et constitutifs de concurrence déloyale ;
Que la société CMP répond que les informations contenues sur le bandeau n'ont pas dénaturé le jugement rendu ;
Considérant que l'information litigieuse indique, sous l'intitulé contrefaçon interdite', que la société Cote d'Amour a été reconnue coupable d'avoir commis des actes de parasitisme au préjudice de la société CMP et condamnée à lui payer la somme de 25 000 euros, le tribunal ayant ordonné la cessation de la commercialisation de 7 références et la modification des packagings de 5 autres références ;
Que l'information ainsi diffusée par la société CMP est inexacte en ce qu'elle vise des faits de contrefaçon et pas seulement de parasitisme, seuls ces derniers ayant été retenus par le tribunal ; qu'elle aggrave ainsi, pour le public auquel elle est destinée, la nature des faits retenus à l'encontre de la société Cote d'Amour par le tribunal ; qu'il en résulte nécessairement un préjudice pour l'intéressée qui sera indemnisée par l'allocation d'une somme de 2 000 euros à titre de dommages et intérêts ;
Sur les dépens et frais irrépétibles
Considérant que la société CMP qui succombe en son appel sera condamnée aux dépens d'appel et gardera à sa charge les frais non compris dans les dépens qu'elle a exposés à l'occasion de la présente instance, les dispositions prises sur les dépens et les frais irrépétibles de première instance étant confirmées.
Qu'en équité, il n'y a lieu de faire droit à la demande de la société Cote d'Amour formée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
Par ces motifs : LA COUR, Confirme le jugement déféré, si ce n'est en ses dispositions relatives à la publication du jugement, Y ajoutant, Condamne la société CMP à payer à la société Cote d'Amour la somme de 2 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice résultant de la diffusion d'un bandeau d'information intitulé 'contrefaçon interdite faisant état du jugement de première instance ; Déboute les parties du surplus de leurs demandes, Condamne la société CMP aux dépens d'appel.