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Décisions

CA Paris, Pôle 1 ch. 2, 10 novembre 2016, n° 15-04309

PARIS

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Hyundai Motor France (SAS)

Défendeur :

Safirauto (SARL), 74 Diffusion Auto (SARL), Automobiles Jean Paul Benmeleh (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Chevalier

Conseillers :

Mmes Bodard-Hermant, Grivel

Avocats :

Mes Lallement, Henry, Lesénéchal, Mihailov

T. com. Paris, prés., du 11 févr. 2015

11 février 2015

Les faits et la procédure

La société Hyundai Motor France est l'importatrice en France des véhicules neufs de la marque Hyundai ainsi que des pièces de rechange de cette même marque. Ces véhicules et ces pièces sont mis en vente par l'intermédiaire de vendeurs et de réparateurs indépendants agréés par cette société.

La société Hyundai Motor France a conclu ainsi avec les sociétés Safirauto, 74 Diffusion Auto et Automobiles Jean Paul Benmeleh d'une part, un contrat de distribution sélective, ayant pour objet la vente de véhicules neufs de marque Hyundai et, d'autre part, un contrat de réparateur agréé ayant pour objet la réparation des véhicules de cette marque ainsi que la vente de pièces de rechange et d'accessoires.

Ces contrats sont venus à expiration le 30 juin 2014.

En juin 2014, la société Hyundai a conclu avec chacune des trois sociétés précitées un nouveau contrat les agréant en qualité de réparateurs agréés.

Estimant que ces sociétés, malgré plusieurs mises en demeure, n'avaient pas mis leur signalisation en conformité avec les dispositions de ce contrat, la société Hyundai, par lettre recommandée avec accusé de réception du 2 janvier 2015, leur a notifié à chacune la résiliation de celui-ci avec effet immédiat à la première présentation de ce courrier.

Par acte du 9 janvier 2015, les sociétés Safirauto, 74 Diffusion Auto et Automobiles Jean Paul Benmeleh ont fait assigner la société Hyundai Motor France à l'audience des référés du Tribunal de commerce de Paris du 12 janvier 2015, ainsi qu'elles avaient été autorisées à le faire par ordonnance du 8 janvier 2015.

Par ordonnance du 14 janvier 2015, le juge des référés du Tribunal de commerce de Paris a renvoyé l'affaire au 3 février 2015 au motif que les parties s'engageaient d'ici là à tenter de trouver un accord et la société Hyundai Motor France à maintenir les enseignes, les accès Internet, le fonctionnement des comptes, le bénéfice des encours et, plus généralement, toutes les modalités permettant l'exécution normale des relations contractuelles.

Par décision rendue le 11 février 2015, il a :

- ordonné à la société Hyundai Motor France, sous astreinte provisoire de 1 000 euros par jour, courant à compter du lendemain du prononcé de la présente ordonnance, de poursuivre l'exécution des contrats de réparateur agréé conclus avec les sociétés Safirauto, 74 Diffusion Auto et Automobiles Jean Paul Benmeleh, ainsi que de maintenir les enseignes, les accès Internet, le fonctionnement des comptes, le bénéfice des encours et, plus généralement, toutes les modalités permettant l'exécution normale des relations contractuelles,

- débouté pour le surplus,

- condamné la société Hyundai Motor France au paiement de 3 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.

La société Hyundai Motor France a fait appel de cette ordonnance le 24 février 2015.

Les demandes et les moyens et arguments des parties.

La société Hyundai Motor France

Au terme de ses dernières conclusions communiquées par voie électronique le 28 septembre 2016, la société Hyundai Motor France demande à la cour de :

- Infirmer l'ordonnance de référé du 11 février 2015 en toutes ses dispositions ;

- Dire que cette ordonnance n'a pas statué sur ses demandes ; en conséquence,

1) Sur les demandes des sociétés Safirauto, 74 Diffusion Auto et Automobiles Jean Paul Benmeleh,

- Juger que les demandes de ces sociétés sont dépourvues d'objet et les rejeter ;

- Dire que la résiliation des contrats de réparateur desdites sociétés ne constitue pas un trouble manifestement illicite et ne cause aucun dommage imminent ;

- Débouter les sociétés Safirauto, 74 Diffusion Auto et Automobiles Jean Paul Benmeleh de l'ensemble de leurs demandes ;

2) Sur sa demande

- Dire que les agissements de la société Automobile Jean Paul Benmeleh violent ses obligations contractuelles prévues par le contrat de distribution sélective Hyundai et sont constitutifs d'actes de concurrence déloyale à l'égard de la société Hyundai Motor France ; en conséquence,

- Dire que le maintien de ses enseignes distributeurs Hyundai par la société Automobiles Jean Paul Benmeleh constitue un trouble manifestement illicite qu'il convient de faire cesser ;

- Autoriser en conséquence la société Hyundai Motor France ou toute société qu'elle aura mandatée, notamment la société Westiform, à procéder à la dépose des enseignes et panneaux de distributeur Hyundai actuellement arborés par la société Automobiles Jean Paul Benmeleh sur la façade de ses locaux ;

- Ordonner à la société Automobiles Jean Paul Benmeleh, dans un délai de huit jours à compter de la signification de l'arrêt à intervenir, de permettre la dépose des enseignes et panneaux de distributeur Hyundai figurant sur la façade de ses locaux par la société Hyundai Motor France ou toute société qu'elle aura mandatée, sous astreinte de 1 500 euros par jour de retard et par infraction ;

- Ordonner à la société Automobiles Jean Paul Benmeleh dans un délai de huit jours à compter de la signification de l'arrêt à intervenir, de supprimer toute mention ou toute référence (affiches, bandeaux, publicités, moteurs de recherches, Internet, ...) pouvant faire croire qu'elle est membre du réseau de distribution sélective Hyundai, sous astreinte de 1 500 euros par jour de retard et par infraction ;

- Se Réserver la liquidation des différentes astreintes ;

3) en tout état de cause,

- Dire que la procédure d'appel initiée par la société Hyundai Motor France n'est pas abusive ; en conséquence,

- Débouter les sociétés Safirauto, 74 Diffusion Auto et Automobiles Jean Paul Benmeleh de leur demande de dommages et intérêts ;

- Condamner chacune des sociétés Safirauto, 74 Diffusion Auto et Automobiles Jean Paul Benmeleh à lui payer la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- les Condamner aux dépens.

La société Hyundai Motor France expose en substance les moyens et les arguments suivants :

1) sur l'infirmation de l'ordonnance en ce qu'elle a fait droit aux réclamations des intimées :

a) la résiliation du contrat de réparateur agréé conclu avec les sociétés Safirauto, 74 Diffusion Auto et Automobiles Jean Paul Benmeleh ne constitue pas un trouble manifestement illicite aux motifs :

Premièrement, qu'elle n'a fait que demander à ces sociétés de se conformer à leurs obligations contractuelles : les sociétés intimées ayant refusé (Safirauto et 74 Diffusion Auto jusqu'au 31 décembre 2014 et Automobiles Jean Paul Benmeleh jusqu'à ce jour) de déposer leurs enseignes de distributeur et de mettre en place la signalisation de réparateur agréé, cela en violation de leur contrat de distributeur et de la convention les agréant en qualité de réparateur agréé ;

Deuxièmement, la signalétique prévue dans les nouveaux contrats de réparateur agréé signés par lesdites sociétés est parfaitement adaptée et pertinente, la signalisation prévue pour les réparateurs agréés à l'annexe 1 du contrat prévoyant la mise en place de totems et de drapeaux ainsi que l'apposition d'un insigne sur la façade du site d'exploitation, c'est-à-dire de l'atelier de réparation (article 2.2) ; ces insignes sont suffisants pour assurer une parfaite visibilité du prestataire sans pour autant créer de confusion avec les distributeurs de véhicules neufs ; la circonstance que l'atelier des intimées se situe à l'arrière de leur bâtiment ne saurait lui être imputée ; en outre, les dernières simulations adressées aux intimées par courrier officiel du 15 janvier 2015 les autorise à apposer au-dessus de leur atelier de réparation, au lieu du panneau carré prévu initialement, un bandeau portant la mention Hyundai service ;

Troisièmement, elle n'a pas procédé à la résiliation litigieuse de manière brutale mais dans les conditions prévues par l'article N 2.2 du nouveau contrat de réparateur agréé et après plusieurs mises en demeure ;

Quatrièmement, elle n'a commis aucune discrimination au préjudice des sociétés intimées, la signalétique imposée à ces dernières étant identique à celle qui est appliquée par les autres réparateurs agréés comme la concession de Paris 18e ;

b) les conditions requises par l'article 873 du Code de procédure civile n'étaient pas réunies dès lors que :

Premièrement, après avoir appris que les sociétés Safirauto et 74 Diffusion Auto avaient déposé les enseignes de vendeurs agréés, elle leur a laissé un délai jusqu'au 15 février 2015 pour se mettre totalement en conformité ; en outre, la société 74 Diffusion Auto a indiqué par lettre du 31 décembre 2014 vouloir fermer ses sites d'Annecy et d'Annemasse ; l'action de cette société et de Safirauto était donc sans objet ;

Deuxièmement, il n'existe aucune violation manifeste de la règle de droit, puisqu'il ressort des considérations qui précèdent que la résiliation a été notifiée pour un motif légitime dans les conditions prévues par le contrat ;

Troisièmement, les intimées ne sont pas recevables à invoquer un dommage imminent dès lors que leur situation n'est que le résultat de la fin licite d'un contrat ; en outre, les intimées peuvent continuer à réparer des véhicules de toute marque, notamment de la marque Hyundai et vendre des véhicules d'occasion de cette marque ;

c) l'ordonnance attaquée doit être infirmée en qu'elle a ordonné la poursuite du contrat de manière illimitée.

Ainsi, à supposer que la résiliation soit illicite, elle ne pourrait donner lieu qu'à des dommages et intérêts ; en outre, en vertu de l'article 873 du Code de procédure civile, le juge des référés ne peut ordonner que de mesures conservatoires ou provisoires et non ordonner la poursuite d'un contrat pour une durée indéfinie ;

2) l'ordonnance a omis de statuer sur l'absence de dépose des enseignes de distributeur Hyundai par la société Automobiles Jean Paul Benmeleh

Le constat d'huissier dressé le 31 décembre 2014 montre que la société Automobiles Jean Paul Benmeleh, en violation du contrat de distribution (articles 21, 24 et annexe 5), n'a toujours pas déposé à cette date les enseignes de distributeur de véhicules neufs de marque Hyundai, seule la mention " service " ayant été ajoutée sur le bandeau apposé en façade ; l'huissier a constaté en outre la présence d'une banderole sur laquelle figure un véhicule de la marque Hyundai ; la société Automobiles Jean Paul Benmeleh continue également d'offrir à la vente des véhicules neufs de cette marque sur des sites Internet ; ce comportement est constitutif d'actes de concurrence déloyale et de parasitismes et, partant, d'un trouble manifestement illicite causant à l'appelante un dommage imminent ;

[NB dans les motifs de ses conclusions, la société Hyundai Motor France dénonce également le maintien des enseignes de distributeur sur les locaux de la société 74 Diffusion Auto situés à Gaillard, qui sont actuellement fermés, mais elle n'a fait aucune demande à ce titre dans le dispositif de ses conclusions, de sorte que la cour, en application de l'article 954, deuxième alinéa, du Code de procédure civile n'est saisie d'aucune demande de ce chef]

3) l'appel ne présente aucun caractère abusif, cet appel reposant sur une critique motivée de l'ordonnance attaquée et visant à voir statuer sur des demandes omises par le premier juge.

Les sociétés Safirauto, 74 Diffusion Auto et Automobiles Jean Paul Benmeleh

Dans leurs dernières conclusions communiquées par voie électronique le 5 octobre 2016, les sociétés Safirauto, 74 Diffusion Auto et Automobiles Jean Paul Benmeleh demandent à la cour de :

- Dire la société Hyundai Motor France mal fondée en son appel ;

- Confirmer l'ordonnance attaquée en toutes ses dispositions ; ajoutant à celle-ci, vu l'article 32-1 du Code de procédure civile,

- Dire que l'appel de Hyundai Motor France est abusif et la condamner à payer à chacune la somme de 20 000 euros à titre de dommages et intérêts ;

- Condamner la société Hyundai Motor France à leur payer à chacune la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile et à supporter les dépens avec application de l'article 699 du Code de procédure civile.

Les sociétés Safirauto, 74 Diffusion Auto et Automobiles Jean Paul Benmeleh font valoir en résumé ce qui suit :

- la société Hyundai Motor France, au motif d'une réorganisation de son réseau, a résilié les contrats de distribution des intimées et désigné de nouveaux distributeurs dans les secteurs de celles-ci, Jean Lain Automobiles sur les secteurs couverts par Safirauto et 74 Diffusion Automobiles et AC Bougault Automobiles sur le secteur de la société Automobiles Jean Paul Benmeleh ;

- au mois de juin 2014, elle a proposé aux intimées de nouveaux contrats de réparateurs agréés et, au mois d'août 2014, leur a imposé une nouvelle signalétique les rendant invisibles par la clientèle et compromettant ainsi la poursuite de leur activité de réparateur ;

- les intimées ont contesté ce comportement auprès de Hyundai Motor France mais celle-ci, au 31 décembre 2014, a coupé tous les accès permettant la poursuite de leur activité ;

- le 14 janvier 2015, elles ont transmis à Hyundai Motor France des propositions les identifiant sans ambiguïté comme réparateur ; la proposition de celle-ci du 15 janvier suivant est quasiment la réitération de son projet du 12 août 2014 ;

- le juge des référés a retenu sa compétence conformément à l'article 873 du Code de procédure civile dans la mesure où la résiliation de leur contrat a créé un dommage imminent, cette rupture empêchant les intimées de s'approvisionner en pièces de rechange, d'assurer les opérations de garanties et de commercialiser leur propre stock de pièces de rechange ; cette résiliation était également fautive ;

- le juge des référés, sur le fondement de l'article L. 442-6 IV du Code de commerce, pouvait valablement ordonner la poursuite des relations contractuelles ;

- la résiliation n'était pas justifiée dans la mesure où, premièrement, le manquement éventuel aux obligations énoncées dans le contrat de distribution, venu à expiration, ne pouvait justifier la résiliation du nouveau contrat de réparateur agréé ; les intimées ont également supprimé tout risque de confusion avec les distributeurs agréés en ajoutant au bandeau apposé en façade de leurs bâtiment la mention " service " ; en ce qui concerne la société Automobiles Jean Paul Benmeleh, elle a reconverti ses structures en centre de vente de véhicules toutes marques, sous l'enseigne VPN, ce qui lui permet de vendre des véhicules Hyundai sans que cette activité soit prépondérante ; une impression d'écran du 22 septembre 2016 démontre que, parmi les 17 véhicules neufs proposés à la vente, aucun n'est de marque Hyundai ; sa nouvelle signalétique ne crée aucun risque de confusion avec les distributeurs agréés Hyundai ;

- la signalétique imposée par Hyundai Motor France à la suite de la conclusion du nouveau contrat de réparateur agréé était un simple macaron "service" d'un mètre carré à un emplacement de leur bâtiment le rendant totalement invisible par la clientèle, ce qui était contraire aux dispositions de ce contrat, notamment à l'article 2.2.2 qui mentionne une apposition en façade ;

- le manuel mis à jour au mois de novembre 2013 ne prévoit pas la signalétique par un panonceau d'un mètre carré sur le derrière du bâtiment que la société Hyundai Motor France a voulu leur imposer ;

- le groupe Jean Lain, qui a ouvert un atelier de réparateur agréé à Albertville, a été autorisé à apposer un bandeau en façade du bâtiment donnant sur la route ;

- l'affirmation de la société Hyundai Motor France selon laquelle elle leur aurait proposé la même signalétique est mensongère ;

- la mise en œuvre de la sanction prévue à l'article N 2.2.1 n'était donc pas justifiée ;

- l'appel interjeté par la société Hyundai Motor France sur la base des arguments déjà exposés devant le tribunal de commerce revêt un caractère abusif ; en outre, l'appelante a pris des mesures destinées à déstabiliser l'exploitation des intimées, mesures qui font l'objet d'actions au fond devant le Tribunal de commerce de Paris ; en violation du dispositif de l'ordonnance attaquée, elle également supprimé l'accès des intimées à la part conditionnelle de leur rémunération, en maintenant inchangés, voire en augmentant leurs objectifs, au lieu de tenir compte de la désignation d'un autre réparateur sur leur secteur et de la réduction corrélative du potentiel commercial et pris le parti d'orienter systématiquement la clientèle et les dépannages vers les ateliers de ses nouveaux partenaires.

Sur ce, LA COUR

Sur les demandes des sociétés Safirauto, 74 Diffusion Auto et Automobiles Jean Paul Benmeleh visant à voir condamner la société Hyundai Motor France à poursuivre l'exécution des contrats de réparateur agréé conclus en juin 2014.

L'article 873 du Code de procédure civile prévoit que le président du tribunal de commerce, dans les limites de la compétence de cette juridiction et même en présence d'une contestation sérieuse, peut prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.

L'article L 442-6 IV du Code de commerce énonce que le juge des référés peut ordonner, au besoin sous astreinte, la cessation des pratiques abusives ou toute autre mesure conservatoire.

Dans l'affaire examinée, il est admis par toutes les parties que la société Hyundai Motor France a conclu avec les sociétés Safirauto, 74 Diffusion Auto et Automobiles Jean Paul Benmeleh au mois de juin 2014 un contrat agréant chacune d'elles en qualité de réparateur agréé.

Il est également constant entre ces mêmes parties que la société Hyundai Motor France, par lettre recommandée en date du 2 janvier 2015, a notifié à chacune de ces sociétés la résiliation de ce contrat.

Dans cette lettre, produite par les intimées en pièce 35 de leur dossier, la société Hyundai Motor France a justifié cette résiliation par les motifs suivants :

Nous faisons suite à nos nombreux courriers envoyés depuis juillet 2014 par lesquels nous vous rappelions vos obligations contractuelles relatives à l'utilisation de la signalétique Réparateur Agréé Hyundai sur vos sites de [La Ravoire et d'Albertville : cette lettre étant celle qui a été adressée à Safirauto].

En particulier, dans notre courrier du 31 octobre 2014, nous vous avons mis en demeure sous 60 jours de mettre votre signalétique de Réparateur Agréé Hyundai en conformité avec les Standards et les directives de Hyundai Motor France.

Nous vous renvoyions à cette fin à :

- l'Annexe 1 de votre contrat de Réparateur Agréé Hyundai, que vous vous étiez engagé à respecter en signant ledit contrat, qui stipule que " le Réparateur doit installer une signalétique murale Hyundai agréée, conforme aux directives HMF sur le mur de façade de ses installations distincte de toute autre signalisation '' ;

- nos simulations envoyées avec les courriers d'août 2014, qui vous présentaient la signalétique conforme aux Standards figurant dans cette annexe 1, et à l'article I-I 2 de votre contrat de Réparateur Agréé Hyundai qui vous autorise à utiliser les sigles et logos de la marque Hyundai " conformément au programme d'identification fixé par HMF ''.

Hyundai Motor France constate qu'au 31 décembre 2014, à l'expiration de ce délai de 60 jours, vous n'avez pas procédé à la mise en conformité requise par vos obligations contractuelles.

En conséquence et par application de l'article N 2.2 du contrat de réparateur agréé Hyundai, nous vous informons par la présente de la résiliation immédiate de ce contrat à la première présentation du présent courrier.

La société Hyundai Motor France, en premier lieu, conteste l'intérêt à agir des sociétés Safirauto et 74 Diffusion Auto au motif que, malgré ce courrier, le contrat de réparateur agréé s'est poursuivi.

Cet argument n'est pas fondé.

Certes, la société Hyundai Motor France justifie que, par lettres du 9 janvier 2015 adressées au conseil de ces sociétés, elle les a informées de ce que, prenant acte de la dépose par celles-ci des enseignes Hyundai sur leurs sites situés à Chambéry, Albertville, Annecy et Annemase , elle procédait ce jour à la réactivation de leurs comptes afin de leur permettre de poursuivre leur activité de réparateur agréé.

Cependant, ainsi que l'appelante l'indique elle-même dans ses écritures, la reprise du contrat n'a été que temporaire, puisque, dans ce courrier du 9 janvier 2015, elle leur impartissait de mettre leur signalétique en conformité avec " les standards de réparateur agréé Hyundai " d'ici le 15 février 2015 et précisait expressément " à défaut de quoi la résiliation des contrats de réparateur agréé intervenue au 2 janvier 2015 produira de nouveau pleinement ses effets ".

Les dites sociétés étant en désaccord avec Hyundai Motor France sur le contenu de cette signalétique et n'ayant pas obtempéré à cette injonction, la résiliation annoncée par lettre du 2 janvier 2015 a donc repris ses effets le 16 février 2015.

La reprise temporaire de l'exécution du contrat litigieux en ce qui concerne les sociétés Safirauto et 74 Diffusion Auto du 9 janvier au 15 février 2015 ne saurait donc priver ces sociétés de leur intérêt à contester en justice la résiliation de ce contrat notifiée le 2 janvier 2015.

La société Hyundai Motor France conteste encore l'intérêt à agir de la société 74 Diffusion Auto au motif que cette dernière, par lettre en date du 31 décembre 2014, lui avait indiqué vouloir fermer ses sites d'Annecy et d'Annemasse.

Cet argument n'est pas fondé non plus dans la mesure où ce courrier ne suffit pas à démontrer la fermeture réelle de ces sites, cela d'autant moins que, par lettre en date du 3 avril 2015, figurant en pièce 57 du dossier des appelantes, la société 74 Diffusion Auto reprochait à la société Hyundai Motor France d'inviter ses clients à s'adresser au service après-vente de la société Jean Lain Korean alors qu'elle est elle-même réparateur agréé Hyundai sur son site de Meythet (Annecy).

Le moyen soulevé par la société Hyundai Motor France tenant au défaut d'intérêt à agir des sociétés Safirauto et 74 Diffusion Auto sera donc rejeté comme non fondé.

En deuxième lieu, les parties s'opposent sur le point de savoir si la résiliation notifiée par lettre du 2 janvier 2015 est fondée ou bien constitue un trouble manifestement illicite.

Cette résiliation, ainsi qu'il ressort de la lettre en date du 2 janvier 2015, a été décidée par la société Hyundai Motor France au visa de l'article N 2.2 du contrat de réparateur agréé.

Cet article prévoit que Hyundai Motor France peut résilier à tout moment le contrat, par LRAR en respectant les délais stipulés à cet article mais qui ne sont pas en cause dans le présent litige, en cas de manquement par le réparateur agréé à l'une de ses obligations, notamment aux standards réparateur agréé.

Plus précisément, la société Hyundai Motor France justifie cette résiliation dans la lettre du 2 janvier 2015 par le grief selon lequel les intimées n'ont pas installé la signalétique murale conforme aux simulations adressées à celles-ci dans ses courriers du mois d'août 2014.

Au vu de cette simulation, la signalétique apposée sur les bâtiments devait se limiter à une enseigne d'un mètre de côté placée à côté ou au-dessus de l'entrée de l'atelier de réparation. Au vu des images décrivant la situation avant et après mise en conformité, les intimées devaient supprimer le bandeau Hyundai apposé sur la partie de leur bâtiment comprenant l'entrée principale de celui-ci.

Les intimées, par lettres adressées à Hyundai Motor France, ont contesté cette exigence au motif que cette signalétique, par sa petite taille et sa localisation, serait invisible depuis la voie publique.

Il ressort, à cet égard, des photographies figurant dans les conclusions des requérantes que l'entrée de l'atelier se trouve, s'agissant des bâtiments de Safirauto situés à Chambéry et à Albertville, à l'arrière du bâtiment sur un des côtés perpendiculaire à la voie publique, s'agissant du bâtiment de 74 Diffusion Auto à Annecy (Meythet), sur la côté du bâtiment opposé à la voie publique et, s'agissant de la société Automobiles Jean Paul Benmeleh, sur une face perpendiculaire à la voie publique, accessible par une voie en sous-sol, à un niveau inférieur à cette dernière.

Dans sa lettre en date du 15 janvier 2015, faisant suite à l'ordonnance de référé du 14 janvier 2015 renvoyant les parties à trouver une solution amiable à leur litige et figurant en pièce n° 18 à son dossier, la société Hyundai Motor France justifie avoir proposé aux intimées de remplacer le panonceau d'un mètre de côté par un bandeau comportant la mention Hyundai Service, mais localisé au même endroit, c'est-à-dire au-dessus de l'entrée de l'atelier.

En l'état de cette proposition, le litige porte donc désormais sur le point de savoir si le refus par les intimées de mettre en place cette signalisation à cet endroit plutôt que sur la partie du bâtiment la plus visible de la voie publique constitue un manquement à leurs obligation justifiant la résiliation du contrat.

Cette question, ainsi qu'il ressort des écritures des parties, trouve sa réponse à l'article 2.2.2 relatif à la signalétique murale, de l'annexe 1 du contrat, intitulée standards réparateur agréé.

Cet article est rédigé comme suit : " Le réparateur doit installer une signalétique murale Hyundai agréée, conforme aux directives HMF, sur le mur de façade de ses installations, distincte de toute autre signalisation, si la législation l'autorise. "

Le terme "façade" est défini dans le Grand Robert de la langue française comme la partie antérieure d'un bâtiment où s'ouvre l'entrée principale, donnant le plus souvent sur la rue ou sur le chemin d'accès.

Force est de constater que le libellé de la clause litigieuse ne prévoit donc pas que la signalétique murale doit être apposée impérativement à côté ou au-dessus de la porte d'entrée à l'atelier de réparation.

Le terme façade autorise bien les intimées à apposer la signalétique murale en cause sur la partie de leur bâtiment comportant l'entrée principale.

Pour s'opposer à cette interprétation, la société Hyundai Motor France invoque plusieurs arguments qu'il convient d'examiner.

Elle indique, tout d'abord, que l'interprétation de l'article 2.2.2 de l'annexe 1, précité, qu'elle défend est conforme au nouveau concept visuel porté à la connaissance des intimées en tant que membres du réseau dans la circulaire du 21 novembre 2013, figurant en pièce n° 20 à son dossier.

Mais force est de constater que les simulations visuelles annexées à ce document ne représentent pas la signalisation spécifique des réparateurs agréés non distributeurs. L'appelante ne saurait donc se prévaloir de la diffusion de ce document pour soutenir que les intimées avaient eu connaissance de l'interprétation qu'elle entendait donner de l'article 2.2.2 litigieux au vu de cette circulaire.

L'appelante se réfère, ensuite, au fait que les dispositions de l'annexe 1 relatives à la signalisation extérieure stipulent que les réparateurs agréés doivent aussi, si la législation le permet et si leur atelier n'est pas connexe à celle d'un distributeur Hyundai agréé, mettre en place un totem ainsi que trois mâts au moins portant le drapeau Hyundai service.

Elle en déduit que cette signalisation, à supposer que les bandeaux apposés à côté de l'atelier ne soient pas suffisamment visibles depuis la voie publique, est suffisante pour informer le public de l'activité de réparateur agréé exercée par les intimées.

Elle invoque aussi l'argument selon lequel il importe d'éviter tout risque de confusion avec les distributeurs agréés.

Ce dernier argument démontre toute l'importance de la possibilité pour les intimées d'apposer un bandeau sur la partie de leur bâtiment comportant leur entrée principale et, partant, vu la disposition de ceux-ci, la plus visible depuis la voie publique.

C'est précisément parce que, malgré les autres signalisations extérieures, le bandeau conserve une valeur signalétique très importante que la détermination de sa localisation dans le contrat doit être énoncée dans des termes très précis.

En d'autres termes, ces arguments ne sauraient justifier une interprétation de l'article 2.2.2 litigieux, telle que défendue par la société Hyundai Motor France, qui est clairement défavorable aux intimées et qui ne ressort pas du libellé de celui-ci.

En outre, ainsi que les intimées l'ont exposé, le bandeau litigieux se différencie de celui des distributeurs agréés par l'ajout du terme " service ".

Enfin, l'argument selon lequel d'autres réparateurs agréés non distributeurs auraient ou non accepté d'apposer à côté de leur atelier le panonceau d'un mètre de côté comme il était exigé initialement par la société Hyundai Motor France dans le présent litige ne saurait être pertinent pour la solution de celui-ci, qui ne doit dépendre que des termes du contrat conclu par les parties.

La société Hyundai Motor France, dans ses écritures, avait encore fait grief aux intimées d'avoir enfreint les termes de leur contrat de distributeur agréé en s'abstenant de déposer la signalisation extérieure propre à cette activité mais cette violation ne saurait justifier la résiliation du contrat de réparateur agréé conclu postérieurement.

Il découle de toutes ces considérations que la résiliation par la société Hyundai Motor France des contrats de réparateur agréé conclu avec les intimés repose sur une interprétation de l'article 2.2.2 de l'annexe 1 de celui-ci contraire à cet article et, partant, qu'elle revêt un caractère manifestement illicite au sens de l'article 873 du Code de procédure civile.

En outre, en empêchant les intimées de poursuivre leur activité de réparateur agréé alors que ces dernières étaient membres de son réseau depuis plusieurs années, la société Hyundai Motor France a mis en péril leur existence même et, partant, les a exposées à un péril imminent au sens de l'article 837, précité.

L'ordonnance attaquée doit, par conséquent, être confirmée en ce qu'elle a condamné la société Hyundai Motor France à poursuivre l'exécution des contrats en cause.

La société Hyundai Motor France fait grief à cette décision d'avoir ordonné la poursuite des contrats litigieux sans fixer de terme à cette poursuite.

Ce grief n'est pas fondé.

Il ressort, en effet, des articles N 1 et N 2 de ce contrat qu'il a été conclu par les parties pour une durée indéterminée et que l'un ou l'autre des cocontractants peut le résilier à tout moment par LRAR en respectant un délai de préavis de 24 mois au moins.

La condamnation de la société Hyundai Motor France à poursuivre l'exécution des contrats de réparateur agréé litigieux doit donc être prononcée sans prévoir de terme à cette poursuite, conformément à la volonté des parties exprimée aux articles N 1 et N 2 précités.

L'ordonnance attaquée sera donc confirmée en ce qu'elle a ordonné à la société Hyundai Motor France, sous astreinte provisoire de 1 000 euros par jour, courant à compter du lendemain du prononcé de la présente ordonnance, de poursuivre l'exécution des contrats de réparateur agréé conclus avec les sociétés Safirauto, 74 Diffusion Auto et Automobiles Jean Paul Benmeleh, ainsi que de maintenir les enseignes, les accès Internet, le fonctionnement des comptes, le bénéfice des encours et, plus généralement, toutes les modalités permettant l'exécution normale de ces contrats.

Sur les demandes de la société Hyundai Motor France à l'encontre de la société Automobiles Jean Paul Benmeleh

La société Hyundai Motor France forme à l'encontre de la société Automobiles Jean Paul Benmeleh deux réclamations.

La première vise à être autorisée ou tout mandataire de son choix à déposer la signalétique de distributeur agréé Hyundai que la société Automobiles Jean Paul Benmeleh aurait conservée en place en violation de son contrat de distributeur, résilié au 30 juin 2014.

L'appelante fonde cette réclamation sur le constat établi par Maître Franchi, huissier de justice, le 31 décembre 2014 selon lequel la société intimée a maintenu en façade de son bâtiment le bandeau portant le terme Hyundai.

Cependant, il ressort de ce constat et des écritures de la société Hyundai Motor France que, à ce terme, il a été ajouté le mot " service ". Or, il ressort des propositions faites par Hyundai Motor France aux intimées dans son courrier du 15 janvier 2015 que l'ajout de ce terme au mot Hyundai sur un bandeau a pour fonction de désigner un réparateur agréé et de différencier celui-ci d'un distributeur.

Ensuite, il a été vu ci-dessus que l'article 2.2.2 de l'annexe 1 du contrat de réparateur agréé, qui régit l'emplacement d'un tel bandeau, prévoit que celui-ci doit être apposé en façade et non pas obligatoirement au-dessus ou à côté de l'atelier de réparation.

Partant, il n'est pas établi que la présence du bandeau litigieux sur le bâtiment de la société Automobiles Jean Paul Benmeleh constitue, au préjudice de la société Hyundai Motor France, un trouble manifestement illicite ni qu'elle expose cette dernière à un dommage imminent.

Il s'ensuit que les demandes de la société Hyundai Motor France visant à être autorisée, ou toute société qu'elle aura mandatée à cet effet, à procéder à la dépose des enseignes et panneaux de distributeur Hyundai actuellement arborés par la société Automobiles Jean Paul Benmeleh sur la façade de ses locaux et à voir ordonner à cette dernière de le permettre seront rejetées.

La seconde demande de la société Hyundai Motor France tend à voir ordonner à la société Automobiles Jean Paul Benmeleh, dans un délai de huit jours à compter de la signification de l'arrêt à intervenir, de supprimer toute mention ou toute référence (affiches, bandeaux, publicités, moteurs de recherches, Internet, ...) pouvant faire croire qu'elle est membre du réseau de distribution sélective Hyundai, sous astreinte de 1 500 euros par jour de retard et par infraction.

Cette demande n'est pas fondée non plus, faute pour l'appelante de citer précisément le type de mention ou de référence mise en place par l'intimée qui serait de nature à faire croire qu'elle est membre du réseau de distribution agréé.

Ainsi, en ce qui concerne la banderole fixée contre la barrière placée le long de l'avenue " de la montant ", dont la présence a été mentionnée dans le constat du 31 décembre 2014, précité, il ressort de sa description par l'huissier dans ce constat qu'elle comporte la mention " Hyundai service ".

De même, la copie de l'impression d'écran sur laquelle figurent les réponses trouvées sur "Google" à la recherche " concessionnaire Hyundai Saint Etienne ", sur laquelle figure effectivement le garage JP Benmeleh, ne constitue pas une preuve suffisante de ce que ce dernier cherche à faire croire qu'il appartient au réseau de distribution agréé, dès lors qu'il s'agit d'une recherche par mot, dans laquelle un garage dont l'activité porte sur des véhicules de cette marque comme réparateur agréé a vocation à apparaître.

Au vu de ces considérations, cette demande reconventionnelle de la société Hyundai Motor France doit aussi être rejetée comme non fondée.

L'ordonnance attaquée sera donc complétée en ce sens qu'il sera dit n'y avoir lieu à référé sur ces demandes.

Sur les demandes en dommages et intérêts, en application de l'article 700 du Code de procédure civile et sur les dépens

Les intimées ne justifient d'aucune circonstance ayant fait dégénérer en abus le droit de la société Hyundai Motor France d'interjeter appel. Elles ne prouvent pas non plus à suffisance de droit la réalité du comportement préjudiciable qu'elles lui reprochent d'avoir adopté en violation du dispositif de l'ordonnance attaquée. Leur demande en paiement de dommages-intérêts à ces titres ne peut donc être accueillie.

Le juge des référés du Tribunal de commerce de Paris a fait une application équitable de l'article 700 du Code de procédure civile et bien fondée de l'article 696 du même Code.

En cause d'appel, il y a lieu de condamner la société Hyundai Motor France à payer aux intimées la somme globale de 3 000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile. Dans la mesure où elle succombe à cette instance, l'appelante devra garder la charge de ses frais de procédure et supporter les dépens, conformément à l'article 696 du même Code.

Par ces motifs : Confirme l'ordonnance rendue le 11 février 2015 par le Tribunal de commerce de Paris en toutes ses dispositions ; ajoutant à celle-ci ; Dit n'y avoir lieu à référé sur les demandes de la société Hyundai Motor France à l'encontre de la société Automobiles Jean Paul Benmeleh ainsi que sur les demandes de dommages et intérêts formées contre la société Hyundai Motor France ; Condamne en cause d'appel la société Hyundai Motor France à payer aux sociétés Safirauto, 74 Diffusion Auto et Automobiles Jean Paul Benmeleh la somme globale de 3 000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile et à supporter les dépens.