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Décisions

CA Aix-en-Provence, 2e ch., 3 novembre 2016, n° 13-13789

AIX-EN-PROVENCE

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Défendeur :

Lageat (ès qual.) ; Maison Vanille (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Aubry-Camoin

Conseillers :

MM. Fohlen, Prieur

Avocats :

Me Saraga Brossat, Britsch Siri, Courtes Lagadec, Lageat

T. com. Cannes, du 13 Juin 2013

13 juin 2013

EXPOSE DU LITIGE

La SAS Maison Vanille dont le siège social est à Sisteron, exerçait une activité de commerce de gros de produits alimentaires.

Selon bon de commande n° 1156 du 25 janvier 2012, Monsieur Emmanuel B. qui exerce en nom propre sous l'enseigne Sullivan's, a commandé à la société Maison Vanille une tonne de gousses de vanille Bourbon destinée à un client japonais, ce pour un montant de 27 000 euros HT soit 28 485 euros TTC,

Le bon de commande spécifie un pourcentage de 60 à 70 % de 20/22, un taux de vanilline de 1,9 % à 2 %, une humidité de 30-35 %, un conditionnement en cartons de 25 kilos avec des poches sous vide de 5 kilos et un étiquetage particulier.

La facture proforma de la même date spécifie également un taux de vanilline entre 1,9 % et 2 %, un taux d'humidité de 30-35 %, ainsi que la fourniture des bulletins d'analyse et un étiquetage et conditionnement selon les instructions de l'acheteur.

Monsieur B. suivant cette même facture, a versé un acompte de 5 400 euros à la commande soit un solde restant dû de 23 085 euros TTC.

La marchandise est arrivée à l'aéroport de Marignane en deux lots, un lot de 314 kilos le 12 avril 2012 et un lot de 746 kilos le 24 avril 2012 et elle a été entreposée sous douane jusqu'à sa réexpédition à Tokyo (Japon) à la société T.

Par mail du 24 avril 2012, Monsieur B. a formé des réserves concernant la taille des gousses non conforme à la commande et l'étiquetage non conforme à ses instructions et a réglé le 3 mai 2012 une somme de 7 750 euros.

Après compensation de créances entre les parties, conformément au courrier électronique du 16 avril 2012 de Monsieur B., il est resté dû un solde en faveur de la société Maison Vanille de 10 536,08 euros.

Par courrier électronique du 21 mai 2012, le destinataire japonais la société T. a informé Monsieur B. de ce que les gousses de vanille présentaient des moisissures, et lui a adressé des photos de la marchandise qui ont été transmises à la société Maison Vanille.

Par courrier électronique du 31 mai 2012, Monsieur B. a informé la société Maison Vanille de ce que le client japonais n'acceptait pas la marchandise.

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 11 août 2012, la société Maison Vanille a mis en demeure Monsieur B. de lui régler la somme de 10 536,08 euros.

Par acte du 27 septembre 2012, la SAS Maison Vanille a assigné Monsieur Emmanuel B. devant le Tribunal de commerce de Cannes au visa des articles 1154 et 1134 du Code civil aux fins de voir prononcer sa condamnation au paiement de la somme de 10 536,08 euros au titre du solde de la facture, et de la somme de 2 500 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive.

Par jugement du 28 mai 2013, la société Maison Vanille a été placée en liquidation judiciaire.

Par lettre recommandée avec accusé de réception reçue le 4 juillet 2013, Monsieur B. a déclaré sa créance à titre chirographaire au passif de la société Maison Vanille pour un total de 41 960,62 euros.

Par jugement contradictoire du 13 juin 2013, le Tribunal de commerce de Cannes statuant au visa des articles 1134, 1147, 1153 et 1604 du Code civil, a :

- déclaré irrecevables les pièces 16, 20, 21 et 22 versées par Monsieur B.,

- débouté Monsieur B. de sa demande d'expertise,

- débouté Monsieur B. de sa demande tendant à voir prononcer la résolution partielle de la vente à hauteur de 875 kg de gousses de vanille,

- débouté Monsieur B. de ses demandes aux fins de condamnation de la société Maison Vanille à lui restituer la somme de 9 585,38 euros TTC ainsi qu'à lui payer :

la somme de 7 875 euros au titre du manque à gagner

la somme de 20 000 euros à titre de dommages et intérêts au titre du préjudice commercial lié à la perte de l'image

et à lui rembourser les frais de douanes et de transit liés au retour des gousses qui s'élèvent pour le moment à 60 euros par trimestre pour la conservation des palettes en attendant un retour sur Madagascar,

- débouté Monsieur B. de sa demande tendant à voir condamner la société Maison Vanille à lui payer trois factures impayées des 9/2/2011, 15/11/2011 et 28/6/2012 soit 4 496,44 euros TTC,

- condamné Monsieur B. à payer à la société Maison Vanille la somme de 10 536,08 euros en règlement du solde de la facture n° FC 502 du 19 avril 2012 et ce avec intérêts de droit à compter du 11 août 2012 date de la mise en demeure,

- débouté la société Maison Vanille de sa demande fondée sur les dispositions de l'article 1154 du Code civil,

- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire de la décision,

- débouté les parties de leur demande sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile,

- condamné Monsieur B. aux dépens avec distraction.

Par déclaration au greffe de la cour du 2 juillet 2013, Monsieur Emmanuel B. a régulièrement relevé appel de cette décision à l'encontre de la SCP JP Lageat et A. Lageat représentée par Maître Lageat ès qualités de liquidateur judiciaire de la SAS Maison Vanille.

Dans ses dernières conclusions du 3 août 2016, Monsieur Emmanuel B. demande à la cour au visa des articles 1134, 1147, 1603 et suivants, 1641 et suivants du Code civil, des articles 146, 263 et suivants du Code de procédure civile, de :

- constater que les gousses de vanille livrées ne sont pas conformes à la commande passée le 25 janvier 2012 et qu'aucun bulletin d'analyse n'a été fourni,

- constater que les gousses de vanille sont atteintes de moisissure survenues après l'ouverture des sachets,

- constater que Monsieur B. a régulièrement émis des réserves sur les gousses réceptionnées,

- dire la responsabilité de la société Maison Vanille engagée dans le cadre du non-respect de son obligation de délivrance,

- réformer le jugement querellé,

- prononcer la résolution partielle de la vente à hauteur de 284 kg de gousses de vanille,

- constater que 541 kilos ont été revendus à perte à raison de 8 euros le kilo,

- constater que Monsieur B. est d'accord pour régler la somme de 9 053 euros, en l'état du trop versé dire que la somme de 4 097 euros HT devra être restituée,

- fixer la créance de Monsieur B. au passif de la liquidation judiciaire de la SAS Maison Vanille aux sommes suivantes :

4 097 euros HT correspondant à la restitution du trop versé

7 875 euros au titre du manque à gagner

20 000 euros à titre de dommages et intérêts au titre du préjudice commercial lié à la perte de l'image

4 496,24 euros TTC correspondant aux trois factures impayées des 9/2/2011, 15/11/20111 et 28/06/2012 déduction faite de la somme de 2 569,98 euros TTC,

Subsidiairement

- constater que les gousses de vanille étaient atteintes d'un vice caché préexistant à la vente et apparu après l'ouverture des sachets,

- faire droit à la demande de résolution présentée par Monsieur B.,

- prononcer la résolution partielle de la vente à hauteur de 284 kilos de gousses de vanille,

- constater que 541 kilos ont été revendus à perte à raison de 8 euros le kilo,

- constater que Monsieur B. est d'accord pour régler la somme de 9 053 euros, en l'état du trop versé dire que la somme de 4 097 euros HT devra être restituée,

- fixer la créance de Monsieur B. au passif de la liquidation judiciaire de la société Maison Vanille aux sommes suivantes :

4 097 euros HT correspondant à la restitution du trop-versé

7 875 euros au titre du manque à gagner

20 000 euros à titre de dommages et intérêts au titre du préjudice commercial lié à la perte de l'image

4 496,24 euros TTC correspondant aux trois factures impayées des 9/2/2011, 15/11/2011 et 28/06/2012 déduction faite de la somme de 2 569,98 euros TTC,

Encore plus subsidiairement

- ordonner une expertise et désigner un expert avec la mission de :

convoquer les parties

se faire remettre tous documents utiles à sa mission et notamment les bons de commandes, factures etc

procéder à l'examen et à l'analyse des gousses de vanille livrées par la SAS Maison Vanille

dire si ces gousses sont conformes à la commande passée le 25 janvier 2012 notamment quant au taux de vanilline et au pourcentage d'humidité

donner son avis sur l'origine des moisissures survenues et les modalités de traitement pour y remédier ainsi que son coût

donner à la cour tous les éléments pour apprécier les différents préjudices liés à la non-conformité des gousses de vanille livrées

Enfin

- condamner la société Maison Vanille en la personne de son liquidateur, au paiement d'une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile

- la condamner aux dépens, ceux d'appel avec distraction.

Il sera statué par arrêt réputé contradictoire.

Monsieur Emmanuel B. soutient :

- que les gousses de vanille ayant été emballées sous vide, at aucun sachet n'ayant été ouvert, le concluant n'était pas en mesure d'émettre une quelconque réserve sur la qualité intrinsèque des gousses de vanille, qu'aucune analyse n'a été fournie par le vendeur, et que la marchandise a été envoyée au Japon dans des conditions normales,

- que la moisissure est apparue dès l'ouverture des sachets au Japon, et que le concluant en a informé immédiatement la société Maison Vanille afin qu'elle reprenne la marchandise,

- que la société Maison Vanille qui n'a pas rempli son obligation contractuelle de remettre les analyses des gousses et qui a refusé de reprendre la marchandise, a manqué à son obligation de délivrance conforme,

- que les gousses de vanille n'avaient pas été traitées correctement à Madagascar, et que le stock commandé était impropre à l'usage auquel il était destiné,

- que les analyses réalisées à la demande du concluant ont révélé que les gousses de vanille contenaient un taux de vanilline très faible soit 1,38 % et un taux d'humidité très élevé soit 38,5 %, ce qui est non conforme à ce qui avait été prévu,

- qu'il s'agit de vices affectant lès qualités intrinsèques des gousses de vanille,

- que l'affinage ayant été bâclé, le développement bactérien a été ralenti par la mise sous vide des gousses, et réactivé dès l'ouverture des sachets,

- qu'il s'agit d'un vice non connu lors de la réception de la marchandise et non détectable,

- que le client japonais a retourné 825 kilos de gousses de vanilles, et en a conservé 175 kilos en bon état,

- que sur les 825 kilos retournés, le concluant a dû brader 541 kilos au prix de 8 euros le kilo alors qu'il a acquis la marchandise au prix de 27 euros le kilo, soit une perte de 10 279 euros,

- que le concluant reconnaît devoir la somme de 9 053 euros HT et est fondé à obtenir le remboursement du trop versé d'un montant de 4 097 euros,

- que les 284 kilos de gousses de vanilles restant sont inutilisables, la marchandise étant moisie,

- que la somme de 4 496,24 euros TTC correspondant aux trois factures impayées des 9 février 2011, 15 novembre 2011 et 28 juin 2011, déduction faite de la somme de 2 569,98 euros TTC, est due à la concluante au vu des bons de livraison et des commandes, et doit être inscrit au passif de la société Maison Vanille.

La SCP JP Lageat et A. Lageat ès qualités de liquidateur de la société Maison Vanille, assignée à personne par acte du 27 septembre 2013, n'a pas constitué avocat.

Par acte du 5 août 2016, Monsieur Emmanuel B. a signifié ses conclusions à la SCP JP Lageat et A. Lageat ès qualités.

Par courrier du 23 août 2016, la SCP JP Lageat et A. Lageat ès qualités a informé la cour de ce qu'elle ne disposait d'aucun moyen pour assurer sa représentation dans l'instance.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la non-conformité de la marchandise

Aux termes de l'article 1604 du Code civil : " La délivrance est le transport de la chose vendue en la puissance et possession de l'acheteur ".

La réception sans réserve de la marchandise vendue couvre ses défauts apparents de conformité.

Par mail du 24 avril 2012, Monsieur B. a formé des réserves concernant la taille des gousses non conforme à la commande et l'étiquetage non conforme à ses instructions.

Le litige ne porte pas sur la taille des gousses mais sur leur moisissure après ouverture des sachets, laquelle n'était pas apparente et n'a pas fait l'objet de réserves.

Monsieur B. n'est en conséquence pas fondé en ses demandes sur ce fondement.

Sur le vice caché de la marchandise

Aux termes de l'article 1641 du Code civil : " Le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l'usage auquel on la destine, ou qui diminue tellement cet usage, que l'acheteur ne l'aurait pas acquise, ou n'en aurait donné qu'un moindre prix s'il les avait connu. "

Il est établi en l'espèce par les échanges de courrier entre Monsieur B. et son client japonais, les photographies et les avis techniques, que la marchandise vendue par la société Maison Vanille à Monsieur B. était affectée d'un vice caché en ce qu'elle contenait un taux de vaniline inférieur à ce qui avait été convenu entre les parties, et un taux d'humidité largement supérieur, et que la moisissure qui s'est développée sur les gousses après ouverture par le client final des sachets dans lesquelles elles étaient conditionnées sous vide est imputable en particulier à cet excès d'humidité.

Monsieur B. est en conséquence fondé à se prévaloir des dispositions de l'article 1641 du Code civil dès lors que les défauts de la marchandise la rendent impropre à l'usage auquel on la destine.

Aux termes de l'article 1644 : " dans les cas des articles 1641 et 1643, l'acheteur a le choix de rendre la chose et de se faire restituer le prix, ou de garder la chose et de se faire rendre une partie du prix. "

En l'espèce, la majeure partie de la marchandise a été vendue, d'une part à la société japonaise pour 175 kilos au prix initialement convenu, d'autre part au prix bradé de 8 euros le kilo concernant 541 kilos.

L'action de Monsieur B. ne peut en conséquence qu'être estimatoire, la résolution de la vente qui suppose la restitution de la marchandise contre restitution du prix étant impossible, dès lors qu'une partie de celle-ci a été vendue, et que la société Maison Vanille est en liquidation judiciaire.

Monsieur B. ne fournissant pas le prix de revente au kilo à son client japonais, le préjudice sera calculé par rapport au prix d'achat de la marchandise soit 27 euros HT le kilo.

Une quantité de 175 kilos étant en bon état de conservation, Monsieur B. est redevable de ce chef de la somme de 4 725 euros HT (175 X 27 euros le kilo).

Une quantité de 541 kilos a été vendue au prix de 8 euros le kilo soit 4328 euros HT soit une perte subie par Monsieur B. est de 10 279 euros HT.

Une quantité de 284 kilos moisie est irrécupérable soit une perte est de 7 668 euros HT (284 X 27).

La somme due par la société Maison Vanille à Monsieur B. pour la perte subie est d'un montant total de 17 947 euros (10 279 + 7 668).

La somme due par Monsieur B. à la société Maison Vanille est de 9 053 euros HT (4 725 + 4328).

La marchandise a été vendue à Monsieur B. au prix de 27 000 euros HT sur lequel Monsieur B. a réglé la somme de 13 150 euros HT soit un solde dû à la société Maison Vanille de 13 850 euros HT soit un trop versé de 4 097 euros HT.

La société Maison Vanille est par ailleurs redevable envers Monsieur B. d'une somme de 7 875 euros au titre du manque à gagner.

Monsieur B. ne produisant aucune pièce au soutien de sa demande d'indemnisation du préjudice commercial lié à l'atteinte à l'image, sa demande de ce chef sera rejetée.

Par ailleurs, la société Maison Vanille est redevable envers Monsieur B. de la somme de 4 496,24 euros TTC correspondant à trois factures impayées des 9 février 2011, 15 novembre 2011 et 28 juin 2012 déduction faite de la somme de 2 569,98 euros TTC, lesquelles sont produites ainsi que les bons de livraison correspondant datés et signés.

Sur la demande au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et les dépens

Il y a lieu en équité de faire droit à la demande au titre de l'article 700 du Code de procédure civile à hauteur de 2 000 euros.

Les dépens seront supportés par le liquidateur judiciaire ès qualités.

Par ces motifs LA COUR, statuant par arrêt réputé contradictoire et en dernier ressort Infirme en toutes ses dispositions le jugement déféré, et statuant à nouveau Ordonne la fixation au passif de la société Maison Vanille à titre chirographaire, des créances suivantes de Monsieur Emmanuel B. : - la somme de 4 097 euros HT en restitution du trop versé - la somme de 7 875 euros au titre du manque à gagner - la somme de 4 496,24 euros TTC au titre des factures des 9 février 2011, 15 novembre 2011 et 28 juin 2012, Rejette la demande de dommages et intérêts au titre du préjudice commercial résultant de l'atteinte à l'image, Condamne la SCP JP Lageat et A. Lageat en la personne de Maître Lageat ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Maison Vanille à payer à Monsieur B. la somme de 2 000 euros par application de l'article 700 du Code de procédure civile, Ordonne la fixation de cette somme au passif de la société Maison Vanille, Condamne la SCP JP Lageat et A. Lageat en la personne de Maître Lageat ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Maison Vanille aux entiers dépens de première instance et d'appel, Dit que les dépens seront passés en frais privilégiés de procédure collective.