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Décisions

CA Toulouse, 2e ch., 2 novembre 2016, n° 15-02410

TOULOUSE

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

Ille Diagnostics Expertise et Environnement (SARL)

Défendeur :

Diagamter (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Cousteaux

Conseillers :

Mme Salmeron, M. Sonneville

Avocats :

Mes de Masquard de Laval, Frenehard, Costes, Selarl Juripole

T. com. Toulouse, du 4 mai 2015

4 mai 2015

Exposé des faits et procédure :

La société Diagamter exerce l'activité de diagnostic immobilier.

Par la conclusion de contrats de partenariat, puis de contrats de franchise, elle a développé un réseau national sous l'enseigne du même nom.

Pierre X a souscrit un contrat de franchise Diagamter avec la SAS éponyme du 15 octobre 2008.

Par avenant du 7 février 2009, les parties ont souhaité substituer la société Ille Diagnostics Expertises et Environnement (ci-après ID2E) à Monsieur X dans le cadre de l'exécution du contrat de franchise. Dans le cadre de cet avenant, M. X s'est porté caution solidaire et indivisible des engagements d'ID2E à l'égard de Diagamter.

Les relations entre parties se sont tendues dans le courant de l'année 2012.

Après quelques courriers électroniques de récrimination sur le montant des redevances annuelles notamment, les parties échangeaient par courrier recommandé :

- par lettre du 25 janvier 2013, recommandée avec AR, la SAS Diagamter reprochait à ID2E de ne pas envoyer ses déclarations de TVA et présentait une régularisation des redevances,

- par lettre du 28 janvier 2013, M. X proposait une rupture des relations amiables et une résiliation du contrat sans frais.

Pierre X ayant suspendu l'autorisation de prélèvements sur ses comptes, la situation se tendait rapidement entre les parties, Diagamter reprochant à ID2E de ne pas honorer ses engagements contractuels et ID2E demandant à Diagamter la résiliation sans frais du fait de manquements supposés à ses obligations.

Par acte du 20 février 2014, la SA Diagamter a fait assigner en paiement de sommes Pierre X et la SARL ID2E devant le Tribunal de commerce de Toulouse au visa de l'article 1134 du Code civil.

Par jugement du 4 mai 2015, le Tribunal de commerce de Toulouse a :

- condamné solidairement la société ID2E et Pierre X à payer à la société Diagamter la somme de 17 426,19 euros

- jugé que le cautionnement de Pierre X était valide et avait pour assiette les biens propres et les revenus de Pierre X ;

- débouté la société Diagamter de sa demande d'intérêts afférente ;

- débouté la société ID2E de l'ensemble de ses demandes, principales, subsidiaires et autres ;

- condamné la société ID2E à payer à la société Diagamter la somme de 1 500 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile (CPC);

- prononcé l'exécution provisoire du jugement ;

- condamné, in solidum, la société ID2E et Pierre X aux entiers dépens.

Par déclaration en date du 20 mai 2015, Pierre X et la SARL ID2E ont relevé appel du jugement.

Par ordonnance en date du 21 avril 2016, le magistrat chargé de la mise en état a constaté que la demande de radiation de la SAS Diagamter sur le fondement de l'article 526 du CPC était devenue sans objet, les parties appelantes ayant réglé les sommes mises à leur charge avec exécution provisoire par le tribunal.

La clôture a été fixée au 4 juillet 2016.

Prétentions et moyens des parties :

Par conclusions notifiées le 9 juillet 2015 auxquelles il est fait expressément référence pour l'énoncé du détail de l'argumentation, Pierre X et la SARL Ille diagnostics expertise et environnement (ci-après SARL ID2E) demandent, au visa des articles 1134 et suivants, 1315 et suivants du Code civil, L. 341-2, L. 341-3, L. 330-3 et R. 330-1 du Code de la consommation, de :

A titre principal de :

- juger nul le contrat de franchise allégué,

- débouter la société Diagamter de toutes ses demandes fins et conclusions, à l'encontre de la société ID2E et de M. X,

- condamner la société Diagamter à restituer à ID2E l'ensemble des sommes versées en vertu du contrat de franchise ;

A titre subsidiaire de :

- juger nul le cautionnement allégué,

- débouter la société Diagamter de toutes ses demandes, fins et conclusions, à l'encontre de M. X ;

A titre plus subsidiaire de:

- juger que le cautionnement allégué est un cautionnement simple,

- débouter la société Diagamter de toutes ses demandes, fins et conclusions, à l'encontre de M. X,

A titre encore plus subsidiaire de:

- confirmer le jugement en ce qu'il a dit que le cautionnement allégué est un cautionnement dont l'assiette est limitée aux biens propres et revenus de Monsieur X

- débouter la société Diagamter de toutes ses demandes, fins et conclusions, à l'encontre de M. X ;

A titre infiniment subsidiaire :

- confirmer le jugement en ce qu'il a déchu la société Diagamter de tout droit aux intérêts,

- débouter la société Diagamter de toutes ses demandes, fins et conclusions, à l'encontre de M. X ;

En tout état de cause :

- débouter la société Diagamter de toutes ses demandes fins et conclusions,

- condamner la société Diagamter à verser à la société ID2E et à M. X la somme de 3 000 euro chacun au titre de l'article 700 du CPC de procédure civile,

- condamner la société Diagamter en tous les dépens, en ce compris les frais d'exécution éventuels.

Ils font valoir que :

- le contrat de franchise est nul pour non-respect de l'obligation de formation (coût trop important par rapport à sa rémunération), pour défaut d'information pré-contractuelle prévue à l'article L. 330-3 du Code de commerce et R. 330-1 notamment au titre de l'absence d'informations réelles relatives à l'état du marché local et aux perspectives de développement ainsi que sur la fausseté du chiffre d'affaires prévisionnel, sur la mention obligatoire des franchisés ayant quitté la franchise au cours de l'année précédente, sur le délai légal de 20 jours de réflexion

- à titre subsidiaire, sur le cautionnement de Pierre X, il est nul au visa des articles L. 341-2 et L. 341-3 du Code de la consommation, la durée du cautionnement n'est pas précisée " toute la durée du contrat " et, sur la solidarité, il est visé l'article 2021 et non 2298 du Code civil ce qui renvoie à la fiducie et non au cautionnement sur la solidarité de L. 341-3 dudit Code.

- Madame X n'a jamais donné son consentement sur l'engagement des biens communs du couple, l'assiette du cautionnement ne peut porter que sur les biens propres et revenus de M.J. en application de l'article 1415 du Code civil

- sur la déchéance du droit aux intérêts, les dispositions de l'article L. 341-6 du Code de commerce n'ont pas été respectées.

Par conclusions notifiées le 23 juin 2015 auxquelles il est fait expressément référence pour l'énoncé du détail de l'argumentation, la SAS Diagamter demande de :

- réformer le jugement uniquement en ce qu'il n'a pas condamné la société ID2E et Pierre X au paiement des intérêts et pénalités de retard sur les sommes dues en principal

- condamner par conséquent solidairement la SARL ID2E et Pierre X à lui verser la somme de 17 426,19 euros outre les intérêts au taux légal majorés de deux points à compter du 18 juillet 2013 jusqu'à complet paiement

- débouter la SARL ID2E et Pierre X de leurs demandes

- condamner solidairement la SARL ID2E et Pierre X à lui verser 4 000 euros en application de l'article 700 du CPC.

Elle indique que :

- les sommes réclamées sont justifiées au titre des redevances dues;

- le contrat de franchise n'est pas nul; l'obligation de formation initiale a été effectuée et les griefs portent sur la formation continue, les obligations contractuelles ont été respectées; sur les autres obligations pré-contractuelles, elle produit l'ensemble des documents qui établissent qu'elle a rempli ses obligations;

- la demande de nullité est prescrite au-delà de 5 ans d'exécution du contrat

- sur le cautionnement, la durée du cautionnement est précisée ; la mention de l'article 2021 du Code civil en lieu et place de l'article 2298 du Code civil n'est pas de nature à égarer la caution dans l'appréciation de l'étendue de son obligation, le contenu des articles étant identique

- la déchéance du droit aux intérêts est contestée car elle a informé la caution dès le 12 juin 2013.

Motifs de la décision :

- Sur la demande de nullité du contrat :

Assignée en paiement par la SAS Diagamter, la SARL ID2E oppose l'exception de nullité du contrat, fondement de la créance alléguée, pour non-respect par le franchiseur des informations pré-contractuelles, non-respect du délai de réflexion et non-respect de certaines obligations contractuelles.

La SAS Diagamter soulève la prescription de l'exception de nullité.

L'exception de nullité peut seulement jouer pour faire échec à la demande d'exécution d'un acte juridique qui n'a pas encore été exécuté.

Par ailleurs, la règle selon laquelle l'exception de nullité est perpétuelle ne s'applique que si l'action en exécution de l'obligation litigieuse est introduite après l'expiration du délai de prescription de l'action en nullité. Ainsi, dès lors qu'il est constaté qu'au moment de son assignation en exécution de son engagement, la personne poursuivie se trouvait dans le délai de cinq ans pour agir par voie d'action en nullité de cet engagement, l'exception de nullité qu'elle soulève est irrecevable après l'expiration de ce délai.

En l'espèce, aucune des parties ne conteste le fait que le contrat entre la société Diagamter et Pierre X puis, par substitution sur avenant du 7 février 2009, entre Diagamter et ID2E, a reçu exécution. En effet, il est demandé règlement des dernières redevances par le franchiseur et il est reproché une mauvaise exécution des obligations pré contractuelles et contractuelles par le franchisé qui ne conteste pas avoir réglé des redevances depuis 2008 jusqu'en 2012.

Par conséquent, la société ID2E, est irrecevable à soulever l'exception de nullité du contrat, d'ores et déjà exécuté depuis plus de 5 ans, après l'assignation en paiement du 20 février 2014.

Pour pouvoir invoquer la nullité du contrat, la société ID2E devait agir par voie d'action dans le délai quinquennal de l'article 1304 du Code civil, ce qu'elle n'a pas fait.

Il convient d'infirmer le jugement qui a débouté la société ID2E et Pierre X de ce chef de demande et de dire l'exception de nullité irrecevable.

- Sur les sommes réclamées et sur les intérêts majorés et pénalités :

La société ID2E ne critique pas le montant des sommes sollicitées en principal par la société Diagamter et retenu par le tribunal de commerce. La SAS Diagamter justifie en effet sa créance dans sa nature et son montant.

Il convient de confirmer le jugement en ce qu'il a condamné la société ID2E à payer à la société Diagamter la somme de 17 426,19 euros.

Sur appel incident, la société Diagamter demande de lui allouer les pénalités prévues au contrat.

Le tribunal n'a pas répondu de ce chef de demande à l'égard de la société ID2E et n'a fondé la déchéance du droit aux intérêts qu'à l'égard de la caution au visa de l'article L. 341-6 du Code de la consommation.

C'est à bon droit que la société Diagamter sollicite des intérêts moratoires en application de l'article 8.2 du contrat de franchise qui stipule : " toute somme due à Diagamter et non payée dans les délais convenus sera de plein droit productive d'un intérêt de retard au taux légal majoré de deux points, dû à compter de la dite échéance et jusqu'au complet paiement, sans qu'il soit besoin de mise en demeure préalable, et sans préjudice de toute somme qui serait due à titre de dommages-intérêts à Diagamter ".

Il convient de faire droit à sa demande d'intérêts au taux d'intérêt légal majoré de deux points à compter de la mise en demeure du 18 juillet 2013.

Le jugement sera infirmé de ce chef.

- Sur les demandes formées à l'encontre de la caution Pierre X :

Pierre X soulève la nullité de son engagement de caution au visa de l'article L. 341-2 et L. 341-3 du Code de la consommation pour avoir mentionné dans la formule manuscrite concernant la durée de l'engagement " toute la durée du contrat " au lieu d'y mentionner une durée chiffrée ou une date limite précise.

Le tribunal a considéré que les parties s'étaient engagées contractuellement pour 5 ans, que la durée de l'engagement avait été clairement déterminée et que l'esprit du texte et l'intention des parties avaient ainsi été respectées.

Or, la cour rappelle que l'acte de cautionnement figure dans le seul avenant au contrat du 7 février 2009 dans lequel la durée du contrat n'est pas reprécisée, que par ailleurs, à l'article 10 " durée " du contrat initial du 15 octobre 2008, il était stipulé que :

" 10.1 Le contrat prendra effet à compter de la signature des présentes. Il prendra fin 5 ans après la date de démarrage.

10.2 Le contrat sera renouvelé, à condition :

- que le franchisé Diagamter en fasse la demande six mois au moins avant l'échéance du contrat

- que le franchisé Diagamter signe un nouveau contrat de franchise, conforme au contrat signé par les nouveaux franchisés Diagamter à la date du renouvellement etc. "

Dès lors, en imposant dans la formule manuscrite pour la durée de l'engagement de caution, la mention " toute la durée du contrat " et non " jusqu'au 15 octobre 2013 ", la caution pouvait imaginer être engagée pour 5 ans à compter du 7 février 2009 sur renouvellement éventuel du contrat. La modification critiquée de la formule exigée par l'article L. 341-2 du Code de la consommation, et conformément à celle rédigée dans l'imprimé fourni par le franchiseur, était de nature à induire en erreur la caution personne physique sur la portée de son engagement dans la durée et sur le contrat concerné.

De plus, la caution n'a reçu qu'un courrier le 18 juin 2013 de la société Diagamter l'informant de défaillances de la société ID2E sans précision sur les sommes dues par le débiteur ; les sommes dues ne lui ont été indiquées que par l'assignation du 20 février 2014, soit au-delà de la limite du contrat initial. La question de la durée de l'engagement de caution avait donc une importance réelle sur la détermination de ses droits et devoirs contractuels.

La sanction du formalisme de l'article L. 341-1 et L. 341-3 du Code de la consommation est la nullité de l'acte et il importe peu que la caution, personne physique, ait été dirigeant de la société cautionnée pour faire application de la sanction.

Il convient de dire l'acte de cautionnement de Pierre X nul et de débouter la société Diagamter de ses demandes à son encontre.

Eu égard à la situation respective des parties et à l'issue du litige en appel, il y a lieu de juger que chaque partie conservera ses frais et dépens de première instance et d'appel.

Par ces motifs : LA COUR, - infirme le jugement et , statuant à nouveau, - dit irrecevable l'exception de nullité du contrat de franchise soulevée par la SARL ID2E et Pierre X - condamne la SARL ID2E à verser à la SAS Diagamter la somme de 17 426,19 euros outre les intérêts au taux légal majoré de deux points à compter du 18 juillet 2013 - dit nul l'acte de cautionnement de Pierre X - déboute la SAS Diagamter de ses demandes à l'encontre de Pierre X - dit que chaque partie conservera la charge de ses dépens de première instance et d'appel - dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du CPC.