Cass. com., 22 novembre 2016, n° 15-13.051
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
PARTIES
Demandeur :
Gucci France (SAS), Guccio Gucci SpA (Sté)
Défendeur :
Vêtir (SAS)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Mouillard
Rapporteur :
M. Sémériva
Avocat général :
Me Beaudonnet
Avocats :
SCP Hémery, Thomas-Raquin, Me Bertrand
LA COUR : - Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 25 novembre 2014), que la société Guccio Gucci, titulaire de la marque française n° 93 466 769 enregistrée afin de désigner, notamment, des chaussures, et constituée par la forme particulière d'un mors de type " filet à olive ", et la société Gucci France, qui commercialise les produits revêtus de cette marque, ont agi en contrefaçon, concurrence déloyale et parasitisme à l'encontre de la société Vêtir, en lui reprochant d'offrir à la vente des modèles de mocassins portant un mors imitant cette marque ;
Sur le premier moyen du pourvoi principal : - Attendu que les sociétés Guccio Gucci et Gucci France font grief à l'arrêt de rejeter leur action en contrefaçon alors, selon le moyen : 1°) que la circonstance qu'il existe, pour les opérateurs économiques, un besoin de disponibilité du signe ne constitue pas un facteur pertinent pour l'appréciation globale du risque de confusion ; qu'en relevant liminairement, pour écarter le risque de confusion, que " le titulaire d'un signe déposé ne saurait se fonder sur des droits de marque pour prétendre à un monopole d'exploitation, qui serait attentatoire tant à la liberté d'expression des créateurs qu'à la liberté du commerce et de l'industrie, de tout signe en forme de mors de cheval dans le domaine de la chaussure ", la cour d'appel, qui a ainsi, à tort, pris en considération, dans son appréciation du risque de confusion, le besoin de disponibilité du signe, a violé l'article L. 713-3 du Code de la propriété intellectuelle ; 2°) qu'afin d'apprécier l'existence d'un risque de confusion, il convient de déterminer le degré de similitude existant entre les signes en présence, en se fondant sur l'impression d'ensemble produite par ceux-ci et en tenant compte de leurs éléments distinctifs et dominants ; que le degré de similitude entre les signes s'apprécie par les ressemblances et non les différences, en prenant en considération le fait que le consommateur d'attention moyenne n'a que rarement la possibilité de procéder à une comparaison directe des différentes marques mais doit se fier à l'image imparfaite qu'il a gardée en mémoire ; qu'en se focalisant, en l'espèce, sur les seules différences relevées entre les signes, sans s'expliquer sur les ressemblances visuelles existant entre les deux signes, représentant tous deux des mors de type filet à olive, et sans rechercher si ces ressemblances n'étaient pas de nature à créer un risque de confusion dans l'esprit d'un consommateur d'attention moyenne n'ayant pas simultanément les deux signes sous les yeux, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 713-3 du Code de la propriété intellectuelle ; 3°) que l'existence d'un risque de confusion doit être appréciée globalement en tenant compte de tous les facteurs pertinents du cas d'espèce, et notamment de l'identité ou de la similitude des produits et de la connaissance de la marque antérieure sur le marché ; qu'en se déterminant, pour écarter le risque de confusion, au vu des seules différences relevées entre les signes en présence, sans prendre en considération ni l'identité des produits en cause ni la connaissance de la marque antérieure sur le marché, et sans rechercher si, en l'état de ces deux facteurs, les ressemblances existant entre les signes n'étaient pas de nature à créer un risque de confusion dans l'esprit du consommateur d'attention moyenne n'ayant pas simultanément les deux signes sous les yeux, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 713-3 du Code de la propriété intellectuelle ;
Mais attendu que l'arrêt retient qu'en l'espèce, si le mors apposé sur la chaussure de la société Vêtir évoque, comme le signe déposé, un mors du type " filet à olive ", il se présente globalement de manière différente de la forme particulière du mors de la marque, à raison de différences de structures sensibles, qu'un consommateur, même d'attention moyenne, normalement informé et raisonnablement avisé de la catégorie de produits concernés percevra immédiatement, excluant tout risque de confusion avec la marque connue invoquée ; que s'étant ainsi fondée sur l'impression d'ensemble produite par les signes, en tenant compte de leurs éléments distinctifs et dominants, comme des facteurs pertinents tenant notamment à l'identité ou à la similitude des produits et à la connaissance de la marque antérieure sur le marché, la cour d'appel, qui n'a tiré aucune conséquence du motif liminaire justement critiqué par la première branche, a justifié sa décision ; que le moyen, inopérant en cette première branche, n'est pas fondé pour le surplus ;
Sur le second moyen du pourvoi principal : - Attendu que les sociétés Guccio Gucci et Gucci France font grief à l'arrêt de rejeter leurs demandes fondées sur la concurrence déloyale et le parasitisme alors, selon le moyen : 1°) que la cour d'appel a déduit le rejet de " l'action en concurrence déloyale du distributeur [la société Gucci France], à raison d'atteintes à la marque " du seul rejet des demandes pour contrefaçon de la marque no 93 466 769 ; que la cassation de l'arrêt à intervenir sur le fondement du premier moyen entraînera, dès lors, par voie de conséquence, la cassation des chefs de l'arrêt visés par le présent moyen, et ce par application de l'article 624 du Code de procédure civile ; 2°) que, pour rejeter les demandes des sociétés Guccio Gucci et Gucci France pour concurrence déloyale et parasitisme, la cour d'appel s'est fondée, en particulier, sur les motifs par lesquels elle a, pour écarter la contrefaçon, " précédemment retenu [que] l'attache [des chaussures Vêtir] montre globalement un mors à filet olive d'une forme différente " ; que la cassation de l'arrêt à intervenir sur le fondement du premier moyen entraînera, dès lors, par voie de conséquence, la cassation des chefs de l'arrêt visés par le présent moyen, et ce par application de l'article 624 du Code de procédure civile ;
Mais attendu que le rejet du premier moyen rend ces griefs sans portée ;
Par ces motifs, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le pourvoi incident, qui est éventuel : rejette le pourvoi.