CA Paris, Pôle 5 ch. 4, 23 novembre 2016, n° 13-17986
PARIS
Arrêt
Infirmation partielle
PARTIES
Demandeur :
Ruol Distribution (SARL)
Défendeur :
Sfet (SARL)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Luc
Conseillers :
Mme Mouthon Vidilles, M. Thomas
Avocats :
Mes Fisselier, Azghay
FAITS ET PROCÉDURE
La société Ruol Distribution est une société productrice de champignons, située à Billy-sur-Aisne (02).
La société Sfet est spécialisée dans les transports routiers de fret interurbains.
Le 28 mars 2011, la société Ruol Distribution a conclu un contrat avec la société Sfet, ayant pour objet le transport des champignons produits par la société Ruol Distribution de leur lieu de production jusqu'à la plateforme de l'un de ses clients, la société Lidl, 6 jours par semaine, pour un prix forfaitaire de 290 euros HT par trajet.
Le 19 août 2011, la société Ruol Distribution s'est vue notifier la rupture de ses relations contractuelles avec la société Lidl. La société Ruol Distribution a alors informé par téléphone la société Sfet de ce qu'elle n'aurait plus aucune prestation à lui confier après le 19 août 2011. Le même jour, le transporteur a adressé à la société Ruol Distribution un courrier lui demandant un mois de préavis sur le fondement de l'article 12.2 du contrat-type de transport routier de marchandises.
Postérieurement à la rupture de leur relation, la société Sfet a émis deux factures, l'une en date du 1er septembre 2011 et l'autre en date du 1er octobre 2011 pour un montant total de 14 513,44 euros TTC.
Ne s'estimant pas redevable de prestations non-effectuées, la société Ruol Distribution a procédé au règlement de la partie non-contestée du montant des factures émises par son cocontractant et correspondant aux prestations d'août effectivement réalisées du 1er au 19 août 2011.
Le 2 novembre 2011, la société Sfet a, par requête, sollicité du président du Tribunal de commerce de Soissons qu'il fasse injonction à la société Ruol Distribution de payer le solde des factures pour un montant de 9 965,67 euros TTC. Le 15 novembre 2011, celui-ci a fait droit à cette requête.
Le 30 décembre 2011, la société Ruol Distribution a formé opposition à l'injonction de payer devant le Tribunal de commerce d'Evry.
Modifiant son argumentation, la société Sfet a formé une demande d'indemnisation sur le fondement de l'article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce, jugeant la rupture des relations contractuelles opérées par la société Ruol Distribution brutale et abusive.
Le 22 mai 2012, la société Ruol Distribution a soulevé l'incompétence du Tribunal de commerce d'Evry au profit du Tribunal de commerce de Paris (dès lors qu'une demande était désormais fondée sur l'article L. 442-6, I, 5°).
Par jugement du 4 septembre 2012, le Tribunal de commerce d'Evry s'est déclaré incompétent et a renvoyé les parties devant le Tribunal de commerce de Paris.
Par jugement du 22 juillet 2013, le Tribunal de commerce de Paris a, sous le régime de l'exécution provisoire :
- dit recevable l'opposition à l'ordonnance d'injonction de payer rendue le 15 novembre par le président du Tribunal de commerce de Soissons,
Statuant à nouveau,
- débouté la société Sfet de sa demande en paiement de la somme de 9 965,67 euros,
- condamné la société Ruol Distribution à payer à la société Sfet la somme de 7 070 euros HT correspondant à un mois de préavis,
- débouté les parties de leurs autres demandes plus amples ou contraires à la présente décision,
- condamné la société Ruol Distribution à payer à la société Sfet la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, déboutant pour le surplus.
Le tribunal a rejeté la demande en paiement de factures. Constatant que la relation commerciale entre les parties avait duré 4 mois et 20 jours, et faisant application du délai minimum de préavis fixé par le contrat-type applicable aux transports routiers, pour les contrats d'une durée inférieure à 6 mois, il a condamné la société Ruol Distribution à payer à la société Sfet la somme de 7 070 euros correspondant à un mois de préavis.
LA COUR,
Vu l'appel de la société Ruol Distribution ;
Vu les dernières conclusions notifiées et déposées le 11 décembre 2013 par la société Ruol Distribution, appelante, par lesquelles il est demandé à la cour de :
- déclarer la société Ruol Distribution recevable et bien fondée en son appel,
- confirmer le jugement entrepris :
en ce qu'il a débouté la société Sfet de sa demande en paiement de la somme de 9 965,67 euros et rétracté l'ordonnance d'injonction de payer rendue par le Tribunal de commerce de Soissons le 15 novembre 2011, en ce qu'il a débouté la société Sfet de sa demande fondée sur une rupture brutale, au sens de l'article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce, de ses relations commerciales avec la société Ruol Distribution et, en ce qu'il a débouté la société Sfet de sa demande de dommages-intérêts pour résistance abusive,
- l'infirmer pour le surplus.
Et, statuant à nouveau :
- débouter la société Sfet de la totalité de ses demandes, fins et prétentions,
- condamner la société Sfet à rembourser à la société Ruol Distribution la somme de 8 167,35 euro qui lui a été réglée au titre de l'exécution provisoire,
- condamner la société Sfet à verser à la société Ruol Distribution la somme de 3 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;
Vu les dernières conclusions notifiées et déposées le 13 octobre 2015 par la société Sfet, intimée, par lesquelles il est demandé à la cour de :
- confirmer le jugement entrepris,
- condamner la société Ruol Distribution au paiement de la somme de 3 000 euros de dommages-intérêts pour résistance abusive,
- condamner la société Ruol Distribution à payer à la société Sfet la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile outre les entiers dépens ;
Sur ce,
Sur la rupture brutale des relations commerciales établies
La société Ruol Distribution estime que les dispositions de l'article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce sont inapplicables en l'espèce, faute de relations commerciales établies et qu'en tout état de cause, la rupture d'approvisionnement de la société Ruol Distribution par Lidl constitue un cas de force majeure rendant matériellement impossible la poursuite des relations contractuelles.
La société Sfet estime quant à elle qu'au regard des chiffres d'affaires qu'elle a réalisés avec la société Ruol Distribution de mars à septembre 2011, la continuité de la relation contractuelle ne fait aucun doute et que la société Ruol Distribution a rompu brutalement et abusivement cette relation commerciale en y mettant fin sans préavis. Elle réclame à ce titre une indemnisation sur le fondement des articles 1134 du Code civil et L. 442-6, I, 5° du Code de commerce.
Mais pour relever de l'article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce, la relation commerciale doit être " établie ", ce qui implique qu'elle doit s'étendre sur une période significative. Cette durée est ici inférieure à cinq mois et ne revêt pas le caractère requis. Les demandes de la société Sfet seront donc rejetées.
Sur l'application du préavis dans les contrats-type applicables au transport routier de marchandises exécuté par des sous-traitants.
La société Ruol Distribution soutient que le Tribunal de commerce de Paris a opéré une confusion en la condamnant à verser une somme correspondant à un mois de préavis au motif que le contrat-type de transport public de marchandises issu de la loi Loti prévoirait qu'il ne peut être mis fin aux contrats de transport ayant moins de 6 mois d'ancienneté que moyennant le respect d'un préavis d'un mois, alors que ce contrat-type ne s'applique pas en l'espèce.
La société Sfet maintient sa demande sur le fondement de la loi Loti du 30 décembre 1982 et notamment de l'article 12.2 du contrat-type de transport routier effectué par des sous-traitants tel qu'il résulte du Décret n° 2003-1295 du 26 décembre 2003 modifié par le Décret 2007-1226 du 20 août 2007.
Mais il y a lieu de constater que seul le contrat-type applicable au transport routier de marchandises exécuté par des sous-traitants prévoit une durée de préavis devant être respectée avant qu'il ne soit mis fin aux relations contractuelles, et, notamment le respect d'un préavis d'un mois en cas de relations inférieures à 6 mois. Or, la société appelante soutient à juste titre que ce contrat-type ne s'applique pas en l'espèce, seul le contrat-type applicable aux transports publics routiers de marchandises périssables sous température dirigée étant applicable et celui-ci ne prévoyant, en l'occurrence, aucune disposition relative au préavis devant être respectée par les parties pour mettre fin à leurs relations.
Le jugement entrepris sera donc infirmé en ce qu'il a dit que le contrat-type applicable au transport routier de marchandises effectué par des sous-traitants était applicable en l'espèce et a condamné la société Ruol Distribution à payer à la société Sfet un mois de préavis.
Sur les factures
Si la société Sfet persiste à réclamer le paiement de factures, elle échoue à démontrer l'existence de livraisons effectuées avant le 17 août et non payées, ainsi que le jugement entrepris l'explique aux termes d'une motivation que la cour fait sienne. Il y a donc lieu de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a débouté la société Sfet de ces demandes.
Sur la résistance abusive
La société Sfet, qui se voit condamnée, ne saurait prétendre que l'appel serait abusif. Sa demande sera donc rejetée.
Sur l'article 700 du Code de procédure civile
La société Sfet qui succombe, sera condamnée aux dépens et à payer à la société Ruol Distribution la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.
Par ces motifs : Confirme le jugement entrepris en ce qu'il a débouté la société Sfet de sa demande en paiement de factures, l'Infirme pour le surplus, Et, statuant à nouveau, Déboute les sociétés Sfet et Ruol Distribution de leurs demandes, Condamne la société Sfet aux dépens de première instance et d'appel qui seront recouvrés selon les dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile, Condamne la société Sfet à payer à la société Ruol Distribution la somme de 2000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.