CA Paris, Pôle 5 ch. 11, 25 novembre 2016, n° 14/05822
PARIS
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Groupe Roc Eclerc (SAS)
Défendeur :
DPF (SARL), Deprez (SARL), Holding Financière Fievet (SARL), Marbrerie Pompes Funèbres Henri Battavoine (SARL)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Birolleau
Conseillers :
Mmes Lis Schaal, Nicoletis
Avocats :
Mes Fisselier, de Grandmaison, Fromantin, Penchi-Cordonnier, Etevenard, Houpert
Faits et procédure
La société Groupe Roc-Eclerc (Roc-Eclerc) spécialisée dans la vente de services et de produits funéraires, franchiseur du réseau de franchise funéraire agissant sous l'enseigne Roc-Eclerc, a conclu, le 10 juin 2010, avec la SARL Déprez, à laquelle est substituée sa filiale, la société DPF, un contrat d'enseigne et de services en vue d'exploiter l'enseigne Roc-Eclerc sur le territoire de la ville de Bar-le-Duc et des communes limitrophes (Meuse).
Roc-Eclerc a, par ailleurs, conclu, les 10 juin et 30 novembre 2010, des contrats d'enseigne et de services identiques avec la SARL Marbrerie Pompes Funèbres Henri Battavoine, détenue majoritairement par la SARL Holding Financière Fiévet et dirigée par Monsieur Eric Fiévet, actionnaire majoritaire de la SARL Holding Financière Fiévet, en vue de l' exploitation de l'enseigne Roc-Eclerc sur les communes de Koenigsmacker, Seremange-Erzange, Sierck les bains, Terville, Thionville - Sainte Anne, Thionville - Equerre, Uckange, Yutz et Villerupt (Moselle).
Par acte authentique du 30 août 2012, la SARL Holding Financière Fiévet a acquis la totalité des actions de la SAS Clausse et Fils, détenue par Monsieur Rémy Clausse et son épouse, et exploitant un fonds de commerce de pompes funèbres à Béhonne, commune limitrophe de Bar-le-Duc, relevant de la zone de chalandise concédée à la société Déprez.
Prétendant que, par cet acte, Monsieur Eric Fiévet et ses sociétés ont violé l'obligation de non-concurrence dont ils bénéficient en leur qualité d'affiliés du réseau Roc-Eclerc, la SARL Déprez et la SARL DPF ont, le 13 décembre 2012, mis en demeure la SAS Clausse et Fils de cesser ses activités concurrentes, et, par actes des 25 octobre et 6 novembre 2013, ont assigné devant le Tribunal de commerce de Paris les sociétés Groupe Roc-Eclerc, Marbrerie Pompes Funèbres Henri Battavoine, Clausse et Fils et Monsieur Rémy Clausse.
Par un jugement du 4 mars 2014, le Tribunal de commerce de Paris a :
- condamné la SARL Marbrerie Pompes Funèbres Henri Battavoine et la SARL Holding Financière Fiévet à payer aux sociétés Déprez et DPF la somme de 75 000 euros ;
- condamné la SAS Groupe Roc-Eclerc à payer aux sociétés Déprez et DPF la somme de 75 000 euros ;
- débouté les sociétés Déprez et DPF de leurs demandes contre la SAS Clausse et FILS et Monsieur Rémy Clausse et de leurs demandes au titre du préjudice moral ;
- condamné solidairement, au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, la SAS Groupe Roc-Eclerc, la SARL Marbrerie Pompes Funèbres Henri Battavoine et la SARL Holding Financière Fiévet à payer à la somme de 2 500 euros à chacune des sociétés Déprez et DPF, ainsi qu'aux dépens ;
- ordonné l'exécution provisoire du jugement sans garantie ;
- débouté les parties du surplus de leurs demandes.
Par acte du 13 mars 2014, la société SAS Groupe Roc-Eclerc a régulièrement interjeté appel de ce jugement.
Prétentions des parties
La société Roc-Eclerc, par conclusions signifiées le 2 octobre 2014, demande à la Cour de :
A titre principal,
- infirmer ledit jugement en ce qu'il a condamné la SAS Groupe Roc-Eclerc à payer la somme de 75 000 euros aux sociétés Déprez et DPF, condamné solidairement la SAS Groupe Roc-Eclerc, la SARL Marbrerie Pompes Funèbres Henri Battavoine et la SARL Holding Financière Fiévet à payer la somme de 2.500 euros à chacune des sociétés Déprez et DPF au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et condamné solidairement la SAS Groupe Roc-Eclerc, la SARL Marbrerie Pompes Funèbres Henri Battavoine et la SARL Holding Financière Fiévet aux dépens ;
- confirmer ledit jugement pour le surplus.
Statuant à nouveau,
- dire que la société Groupe Roc-Eclerc a parfaitement respecté le contrat du 10 juin 2010 conclu avec la société Déprez ;
- dire que les sociétés Déprez et DPF sont irrecevables, ou à tout le moins mal fondées, à se prévaloir des conventions conclues entre la société Groupe Roc-Eclerc et la société Marbrerie Pompes Funèbres Henri Battavoine ;
- dire en tout état de cause que les sociétés Déprez et DPF ne justifient pas du préjudice qu'elles allèguent ;
- débouter les sociétés Déprez et DPF de l'ensemble de leurs moyens et prétentions.
A titre subsidiaire, si la Cour confirmait le jugement en ce qu'il a retenu la responsabilité de la société Groupe Roc-Eclerc,
- condamner solidairement les sociétés Marbrerie Pompes Funèbres Henri Battavoine et Holding Financière Fiévet à garantir la société Groupe Roc-Eclerc contre toute condamnation qui pourrait être prononcée à son encontre.
En tout état de cause,
- débouter les sociétés Déprez et DPF de leurs demandes contenues dans leur appel incident ;
- condamner solidairement les sociétés Déprez et DPF à payer à la société Groupe Roc-Eclerc la somme de 15 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;
- condamner les sociétés Déprez et DPF aux entiers dépens de première instance et d'appel dont distraction au profit de la SCP AFG, Avocat, conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.
Elle soutient qu'elle n'avait aucune obligation à l'égard de la société Déprez dans le mesure où cette dernière a transmis son contrat de franchise à la société DPF. Elle ajoute que ledit contrat litigieux avait pour seul objet l'exclusivité de l'enseigne et des services Roc-Eclerc sur le territoire de la commune de Bar le Duc et des communes limitrophes et n'impliquait pas, au bénéfice de la société DPF, une garantie contre l'exploitation d'établissements de pompes funèbres sous d'autres enseignes sur ledit territoire, et cela même indirectement par des affiliés Roc-Eclerc. Elle fait donc valoir qu'elle a respecté l'obligation d'exclusivité territoriale à laquelle elle s'est engagée à l'égard de la société DPF.
Elle soutient par ailleurs qu'elle est la seule créancière de la clause de non concurrence prévue dans le contrat d'enseigne conclu entre elle-même et la société Marbrerie Pompes Funèbres Henri Battavoine et que, de ce fait, la société Déprez ne peut s'en prévaloir. Elle en infère qu'elle n'a commis aucune faute dans la défense des droits de la société Déprez issus des deux contrats en cause.
Les sociétés SARL Pompes Funèbres Henri Battavoine et Holding Financière Fiévet, appelantes à titre incident, par conclusions signifiées le 7 août 2014, demandent à la Cour de :
- infirmer le jugement entrepris.
Statuant à nouveau,
- débouter les sociétés Déprez et DPF de l'intégralité de leurs fins et prétentions ;
Reconventionnellement,
- condamner les sociétés Déprez et DPF, in solidum, à verser à la société Marbrerie Pompes Funèbres Henri Battavoine la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure manifestement abusive ;
- condamner les sociétés Déprez et DPF, in solidum, à verser à la société Holding Financière Fiévet la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure manifestement abusive ;
- ordonner la capitalisation des intérêts ;
- statuer ce que de droit sur les conclusions de la société Groupe Roc-Eclerc ;
- condamner les sociétés Déprez et DPF, in solidum, à verser à la société Marbrerie Pompes Funèbres Henri Battavoine la somme de 5 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ;
- condamner les sociétés Déprez et DPF, in solidum, à verser à la société Marbrerie Pompes Funèbres Henri Battavoine la somme de 5 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ;
- condamner les sociétés Déprez et DPF, in solidum, aux entiers dépens de première instance et d'appel, dont le recouvrement sera poursuivi par Frédérique Etevenard, Avocat à la Cour, conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.
Elles soutiennent qu'en l'absence de lien contractuel ou de relation d'affaires entre les sociétés Déprez et la société Clausse & Fils, la demande des appelantes à l'encontre de la société Clausse et Fils tendant à l'enjoindre à cesser toute activité concurrente est infondée. Elle soutient en outre qu'elle ne peut pas être condamnée au titre d'un engagement de non concurrence d'interprétation stricte auquel elle affirme ne pas avoir souscrit et sur le fondement d'une convention de la société Groupe Roc-Eclerc auquel elle dit ne pas avoir adhéré.
Elles indiquent par ailleurs que la clause de non concurrence litigieuse est disproportionnée car elle est libellée de telle manière qu'elle interdit, tout activité sur des zones de chalandise qui restent soumises au bon vouloir du franchiseur et sur une étendue dans l'espace qui apparaît inqualifiable. Elle fait ainsi valoir que cette clause est manifestement excessive et contrevient au principe de libre entreprise.
Les sociétés Déprez et DPF, par conclusions signifiées le 7 août 2014, demandent à la Cour de :
- confirmer partiellement la décision entreprise en ce qu'elle a condamné solidairement la SARL et la SARL Holding Financière Fiévet à payer aux sociétés Déprez et DPF la somme de 75 000 euros et condamné la SAS Groupe Roc-Eclerc à payer aux sociétés Déprez et DPF la somme de 75 000 euros ;
- infirmer le jugement pour le surplus, et statuant à nouveau ;
- condamner solidairement la SARL Marbrerie Pompes Funèbres Henri Battavoine et la SARL Holding Financière Fiévet au paiement de 87 000 euros au titre du complément de dommages et intérêts dus aux sociétés Déprez et DPF ;
- enjoindre la société SAS Groupe Roc-Eclerc à mettre en œuvre l'exclusion définitive de la société SARL Marbrerie Pompes Funèbres Henri Battavoine du réseau de franchise Roc-Eclerc ;
- condamner solidairement les sociétés SAS Groupe Roc-Eclerc, SARL Marbrerie Pompes Funèbres Henri Battavoine et la SARL Holding Financière Fiévet, au paiement de la somme de 200 000 euros à titre de dommages-intérêts pour leur action concertée, avec intérêts de droit à compter de la présente assignation, aux sociétés Déprez et DPF ;
- condamner la société SAS Groupe Roc-Eclerc au paiement de la somme de 180 000 euros à titre de dommages-intérêts pour son rôle de tiers complice, avec intérêts de droit à compter de la présente assignation, aux sociétés SARL Déprez et DPF ;
- condamner solidairement les sociétés SAS Groupe Roc-Eclerc, SARL Marbrerie Pompes Funèbres Henri Battavoine et la SARL Holding Financière Fiévet au paiement de la somme de 20 000 euros en application des dispositions de Particle 700 du Code de procédure civile ;
- condamner solidairement les sociétés SAS Groupe Roc-Eclerc, SARL Marbrerie Pompes Funèbres Henri Battavoine et la SARL Holding Financière Fiévet aux entiers dépens aux sociétés SARL Déprez et SARL DPF.
Elles font valoir que Monsieur Fiévet, en sa qualité de gérant de la société Marbrerie Pompes Funèbres Henri Battavoine et d'associé majoritaire de la société Holding Financière Fiévet, exploitant un fonds de commerce de pompes-funèbres et marbrerie dans la zone d'exclusivité d'un autre affilé, a violé son obligation de non concurrence prévue dans le contrat de concession signé avec le Groupe Roc-Eclerc.
Elles rappellent également que la société Groupe Roc-Eclerc en sa qualité de concédant, est débitrice d'une obligation générale de garantie de jouissance paisible du contrat de concession à l'égard de ses concessionnaires. Elles précisent qu'en se contentant d'organiser une réunion et de rédiger un projet de protocole d'accord transactionnel, la société Groupe Roc-Eclerc n'a pas suffisamment protégé son affilié et a donc manqué à son obligation d'assurer et de garantir la jouissance paisible du contrat de concession.
Elles soutiennent enfin que la responsabilité délictuelle de la société Groupe Roc-Eclerc doit être retenue en raison de son rôle de tiers complice dans la violation de l'obligation de non-concurrence car elle est le concédant des contrats signés avec la société Holding Financière Fiévet et qu'elle était à l'initiative du projet de protocole transactionnel constatant la violation de l'obligation de non concurrence.
Motifs
Considérant que l'appel ne vise pas les dispositions du jugement entrepris concernant la société Clausse et Fils et Monsieur Rémy Clausse ;
Considérant que le contrat d'enseigne conclu le 10 juin 2010 entre la société Groupe Roc-Eclerc (concédant) et SARL Marbrerie Pompes Funèbres Henri Battavoine (affiliée) stipule en son article 7 ;
b) pendant l'exécution du présent contrat, l'affilié s'engage expressément à ne pas exploiter sur le territoire français, dans le domaine des pompes funèbres, marbrerie et articles funéraires, que cela soit directement ou indirectement, par personne physique ou morale interposée, prise de participation majoritaire ou minoritaire, contrat de travail, association ou toute autre forme, et sauf accord préalable et écrit du concédant, d'autres fonds de commerce que celui objet des présentes et désigné à l'article 1 ;
Il s'engage en outre à ne pas participer, directement ou indirectement, sauf accord préalable et écrit du concédant, à toute autre concession, à toute franchise ou entreprise exerçant une activité concurrente ;
c) lorsque l'affilié ou son groupe familial sont amenés à exploiter l'enseigne Roc-Eclerc ainsi qu'une ou plusieurs autres enseignes, l'affilié ou son groupe familial s'engage à ne pas implanter, directement ou indirectement, d'enseigne non Roc-Eclerc dans la zone de chalandise d'un autre affilié Roc-Eclerc pré-existant ;
Les parties se concerteront " dans la plus grande confidentialité " avant toute implantation de cette nature pour apprécier la situation locale et déterminer la zone de chalandise normale ;
Considérant que la société Déprez est signataire, en qualité d'affiliée, d'un contrat d'enseigne Roc-Eclerc contenant la même clause ; que, si la société Déprez a transmis son contrat à la société D.P.F., dont l'exploitation a débuté le 1er janvier 2011, ce seul élément ne prive pas Déprez de qualité pour agir pour la période antérieure au 1er janvier 2011.
Sur la nullité de la clause de non concurrence,
Considérant que les sociétés Marbrerie Pompes Funèbres Henri Battavoine et Holding Financière Fiévet invoquent la nullité de la clause de non concurrence en ce qu'elle excède la préservation des intérêts légitimes du réseau en interdisant, sur l'ensemble du territoire national, à un franchisé de procéder à son expansion économique naturelle ;
Mais considérant que la clause tendant à imposer au franchisé l'obligation de ne pas exercer, directement ou indirectement, une activité commerciale similaire dans un territoire où il concurrencerait un membre du réseau franchisé est la contrepartie de l'appartenance au réseau dont il bénéficie et ne présente, dès lors, aucun caractère disproportionné ; que la clause de non concurrence n'encourt pas la nullité.
Sur les demandes des sociétés Déprez et DPF à l'encontre des sociétés Battavoine et Fiévet,
- considérant que les sociétés Déprez et DPF recherchent la responsabilité délictuelle de Battavoine et Fiévet ;
- considérant que le tiers à un contrat peut invoquer, sur le fondement de la responsabilité délictuelle, un manquement contractuel dès lors que ce manquement lui a causé un dommage ;
- considérant qu'il est constant que la société Holding Financière Fiévet, ayant pour dirigeant et actionnaire majoritaire Monsieur Eric Fiévet, société mère de la société Marbrerie Pompes Funèbres Henri Battavoine, affiliée Roc-Eclerc, ayant également pour gérant Monsieur Fiévet, a acquis le fonds de commerce de pompes funèbres et marbrerie de la SAS Clausse et Fils, exerçant, sous l'enseigne " Le Choix Funéraire " à Béhonne, dans la zone d'exclusivité de DPF ; qu'il ressort de l'identité de dirigeant et des liens capitalistiques existant entre la société Marbrerie Pompes Funèbres Henri Battavoine et la société Holding Financière Fiévet, que c'est le groupe Fiévet qui s'est implanté dans la zone de chalandise concédée à un autre affilié Roc-Eclerc ; qu'il s'en déduit que l'affilié au réseau Roc-Eclerc Marbrerie Pompes Funèbres Henri Battavoine, qui relève de ce groupe, a indirectement implanté une enseigne non Roc-Eclerc dans la zone de chalandise d'un autre affilié Roc-Eclerc pré-existant ; que cette implantation est contraire aux prescriptions de l'article 7 c du contrat de concession liant le groupe Roc-Eclerc à la société Marbrerie Pompes Funèbres Henri Battavoine ;
- considérant que Déprez et DPF sont fondées à se prévaloir, sur le terrain de la responsabilité délictuelle, du préjudice que leur cause l'atteinte à l'exclusivité concédée ;
- considérant que l'acte de concurrence déloyale est générateur d'un trouble commercial qui cause nécessairement un préjudice ; qu'au surplus, aux termes du projet de protocole transactionnel (pièce n° 6 communiquée par Roc-Eclerc), le principe du préjudice indemnisable a été reconnu par les parties ; que si, en effet, ce projet n'a pas été signé, ce n'est que par suite du désaccord de Déprez et DPF non sur le principe du préjudice - dont il n'est pas soutenu qu'il aurait alors été remis en cause - mais sur les seuls montant et modalités de versement de l'indemnité transactionnelle (courrier de Maître Penchi-Cordonnier du 2 juillet 2012 - pièce n° 7 communiquée par Roc-Eclerc) ;
- considérant qu'il ressort du compte de résultat de la société DPF de 2012, année d'acquisition de Clausse et Fils par le groupe Fiévet, que cette dernière a connu ;
- un chiffre d'affaires net de 153 599 euros, alors que la société Déprez avait obtenu un chiffre d'affaires net de 485 874 euros sur les douze mois 1er mai 2011 " 30 avril 2012 ";
- une perte de 48 746 euros, alors que la société Déprez avait dégagé un bénéfice de 53 625 euros au titre de la période du 1er mai 2011 au 30 avril 2012 ;
- qu'est, dans ces conditions, établi le préjudice occasionné par l'acte de concurrence déloyale commis à partir du second semestre de 2012 ; que la Cour dispose des éléments pour évaluer ce préjudice à la somme de 75 000 euros ; que le jugement sera en conséquence confirmé en ce qu'il a condamné in solidum Marbrerie Pompes Funèbres Henri Battavoine et la Holding Financière Fiévet au paiement de la somme de 75 000 euros ; que Déprez et DPF, qui ne rapportent pas la preuve d'autres chefs de préjudice, seront déboutées du surplus de leurs demandes.
Sur les demandes des sociétés Déprez et DPF à l'encontre de la société Groupe Roc-Eclerc,
- considérant que l'article 2 du contrat de concession stipule que " le concédant garantit à l'affilié la jouissance paisible de l'enseigne et défendra l'affilié contre l'atteinte portée à la marque Roc Eclerc sur le territoire défini à l'article 1 " ;
- considérant que cet article met à la charge de Roc-Eclerc une obligation non de résultat, mais de moyens ; qu'il ne prévoit l'intervention du concédant que pour protéger l'enseigne et l'affilié contre l'atteinte portée à la marque Roc Eclerc ;
- considérant qu'en l'espèce, Roc Eclerc n'a accordé, sur le territoire de Bar-le-Duc et des communes limitrophes, aucun contrat d'enseigne autre que celui consenti à Déprez, ni n'a autorisé aucun tiers à utiliser son enseigne et/ou ses services sur ce territoire ; qu'il n'est nullement établi que le concédant favorise un membre du réseau au détriment des autres ; que c'est à tort que Déprez et DPF font grief à Groupe Roc Eclerc de n'être pas intervenue pour exclure du réseau l'affilié fautif (Marbrerie Pompes Funèbres Henri Battavoine), dès lors que :
d'une part, aucune stipulation du contrat de concession ne fait obligation au concédant de résilier les contrats en cas de violation de l'article 7 ;
- d'autre part, Roc Eclerc, informée, le 13 janvier 2012, du projet d'acquisition, par Marbrerie Pompes Funèbres Henri Battavoine, d'une société de pompes funèbres, a, sans tarder, pris les dispositions en son pouvoir en adressant à Battavoine, ainsi que le souligne le préambule du projet de protocole transactionnel, un courrier lui rappelant son obligation de non concurrence et en favorisant la conclusion, entre les parties, d'un accord transactionnel dont elle a proposé les termes le 29 juin 2012 (pièce n° 6 communiquée par Roc-Eclerc) ;
- que Roc Eclerc n'a, à aucun moment, reconnu, dans le projet de protocole transactionnel, un quelconque manquement à ses obligations ; qu'il n'est pas davantage démontré que la société Groupe Roc Eclerc se serait rendue 'tiers complice' de la violation, par Marbrerie Pompes Funèbres Henri Battavoine, de la clause de non-concurrence, Roc Eclerc n'étant pas tiers au contrat contenant cette clause, mais partie à ce contrat, et étant elle-même créancière de l'obligation de non concurrence ;
- qu'aucune faute ne pouvant en conséquence être retenue à l'encontre de la société Groupe Roc Eclerc, la Cour déboutera Déprez et DPF de leurs demandes sur ce point et infirmera de ce chef le jugement entrepris ;
- considérant que le jugement sera infirmé sur l'application de l'article 700 du Code de procédure civile ; que l'équité commande de condamner à ce titre in solidum les sociétés Marbrerie Pompes Funèbres Henri Battavoine et Holding Financière Fiévet à payer à Déprez la somme de 5 000 euros et à DPF celle de 5 000 euros.
Par ces motifs, LA COUR, Statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,
Statuant dans les limites de l'appel, Confirme le jugement entrepris en ce qu'il a condamné in solidum la SARL Marbrerie Pompes Funèbres Henri Battavoine et la SARL Holding Financière Fiévet à payer aux SARL Déprez et DPF la somme de 75 000 euros, l'Infirme pour le surplus, Statuant à nouveau, Deboute les SARL Déprez et DPF de leurs demandes dirigées à l'encontre de la SAS Groupe Roc Eclerc, les Deboute du surplus de leur demandes, Condamne in solidum la SARL Marbrerie Pompes Funèbres Henri Battavoine et la SARL Holding Financière Fiévet à payer, en application de l'article 700 du Code de procédure civile, à la SARL Déprez la somme de 5 000 euros et à la SARL DPF celle de 5 000 euros, Condamne in solidum la SARL Marbrerie Pompes Funèbres Henri Battavoine et la SARL Holding Financière Fiévet aux entiers dépens qui seront recouvrés conformément à l'article 699 du Code de procédure civile.