CA Paris, Pôle 5 ch. 2, 25 novembre 2016, n° 16-00566
PARIS
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Corum Asset Management (SAS)
Défendeur :
Fiducial Gérance (SA), Aig Europe Limited (Sté)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Perrin
Conseillers :
Mmes Nerot, Renard
Faits et procédure
La société Fiducial Gérance, (ci-après Fiducial) qui vient aux droits de la société Uffi Real Estate Management (ci-après Uffi Ream) a pour activité la gestion de portefeuille et a été agréée à ce titre par l'Autorité des Marchés Financiers (AMF) ; elle investit et gère pour le compte de tiers des actifs immobiliers au travers de véhicules d'investissements tels que les Sociétés Civiles de Placement Immobilier (SCPI) et les Organismes de Placement Collectif Immobilier (OPCI).
Lors de sa création en 1961, la société Uffi Ream était détenue à 100 % par la société Participations Services Investissements Immobiliers (PS2I), contrôlée par la société Uffi Participations, elle-même contrôlée à 100 % à partir de 2010 par le groupe Laurad.
Le 19 juillet 2012, la société PS21 et ses filiales dont la société Uffi Ream ont été cédées à la société Fiducial.
Le 6 juin 2007 la société Uffi Participations a embauché Monsieur Frédéric P. en qualité de directeur général délégué ; il a exercé également les fonctions de directeur général de la société Uffi Ream à compter du 15 juin 2007, puis de président du conseil d'administration à compter du 28 avril 2008 et de président de la société PS21 à compter du 1er juillet 2008.
Les relations entre Monsieur P. et les actionnaires et employeur se sont dégradées au cours de l'année 2010 ; cette situation a abouti à son licenciement le 22 octobre 2010 et à la révocation de ses mandats sociaux au sein du groupe UFFI, respectivement les sociétés PS2I et d'Uffi Ream les 2 et 4 novembre 2010.
Deux protocoles transactionnels en date des 4 et 5 novembre 2010 ont été finalisés entre Monsieur P., d'une part, et PS2I et Uffi Ream, d'autre part.
En avril 2011 Monsieur P. a fondé la société Corum Asset Management, (ci-après Corum), société de gestion de portefeuille qui a reçu l'agrément de l'AMF.
La société Corum a embauché au cours de l'année 2011 Madame Delphine G., Messieurs Mansour K., Mickaël F. et Renaud D. de la F. après leur départ de la société Uffi Ream entre janvier et août 2011.
La Mutuelle des Entreprises et des Indépendants du Commerce, de l'Industrie et des Services (ci-après Médicis) est une société régie par le Code de la Mutualité spécialisée dans l'épargne retraite des chefs d'entreprises et des indépendants du commerce. Dans le but d'optimiser la gestion de son patrimoine immobilier, elle a décidé en 2009 de regrouper l'ensemble de son patrimoine dans un Organisme de Placement Collectif Immobilier (ci-après OPCI Médicis) ; elle a lancé un appel d'offres pour choisir un gestionnaire de ce fonds, appel d'offres qui a été remporté en mars 2010 par la société Uffi Ream.
La société Uffi a établi une version des statuts de l'OPCI Médicis qu'elle a transmise à l'AMF le 19 novembre 2010.
Après quelques mois de gestion de cet OPCI par la société Uffi Ream, la mutuelle Médicis a mis fin au mandat de gestion évoquant le changement de personnels au sein de la société Uffi Ream et a lancé un nouvel appel d'offres qui a été remporté par la société Corum.
Reprochant à Monsieur Frédéric P. d'avoir contrevenu à son obligation de loyauté en organisant avec des collaborateurs d'Uffi Ream le détournement du mandat de gestion de l'OPCI Médicis, la société Uffi Ream a initié différentes procédures de référé probatoire aux fins de faire procéder à des constats tant sur les ordinateurs de Monsieur Frédéric P. que sur ceux des quatre anciens collaborateurs d'Uffi Ream ayant rejoint la société Corum. Les procédures de référé rétractation des ordonnances ayant autorisé la saisie des fichiers des disques des ordinateurs ont été rejetées par la Cour d'appel de Paris.
A la suite de ceux-ci, la société Uffi Ream a assigné conjointement la société Corum et Monsieur P. devant le Tribunal de commerce de Paris.
M. P. a appelé en garantie la compagnie d'assurance Aig Europe.
Par jugement contradictoire prononcé le 30/11/2015 assorti de exécution provisoire, le Tribunal de commerce de Paris a notamment :
- dit que Monsieur P. s'est fautivement rendu coupable d'actes de concurrence déloyale à l'encontre de la SA Fiducial Gérance, anciennement dénommée SA Uffi Real Estate Asset Management, en cherchant à détourner à son profit le mandat de gestion négociée par la Mutuelle Médicis avec Uffi Ream, en manœuvrant de façon déloyale pour réduire la durée de mandat de gestion confié à Uffi Ream et en renonçant, sans raison, à la rémunération revenant à Uffi Ream ;
- dit que Monsieur P. s'est rendu coupable de faits de dénigrement ;
- dit que Monsieur P. et la SAS Corum se sont rendus coupables d'actes de concurrence déloyale à l'encontre d'Uffi Ream en organisant le départ des principaux cadres ayant été en relation avec le client Médicis ;
- dit que la responsabilité de Monsieur P. et de la SAS Corum est conjointement engagée
- dit que la SA Fiducial Gérance, anciennement dénommée SA Uffi Real Estate Asset Management a été privée de la perception des honoraires de constitution qui lui étaient contractuellement dus du fait des manœuvres déloyales de Monsieur P. et de la SAS Corum et condamné " in solidum " Monsieur P. et la SAS Corum à verser à la SA Fiducial Gérance, anciennement dénommée SA Uffi Real Estate Asset Management, la somme de 75 000 euros à titre de dommages-intérêts de ce chef de préjudice ;
- dit que la SA Fiducial Gérance, anciennement dénommée SA Uffi Real Estate Asset Management, a été privée de la perception des honoraires de gestion qui lui étaient contractuellement dus à compter du 1er juillet 2011 du fait des manœuvres déloyales de Monsieur P. et de la SAS Corum et condamné " in solidum " Monsieur P. et la SAS Corum à verser à la SA Fiducial Gérance, anciennement dénommée SA Uffi Real Estate Asset Management, la somme de 507 237,50 euros à titre de dommages-intérêts de ce chef de préjudice ;
- dit que la SA Fiducial Gérance anciennement dénommée SA Uffi Real Estate Asset Management, a été privée de la chance au renouvellement de son mandat de gestion du fait des manœuvres déloyales de Monsieur P. et de la SAS Corum et condamné " in solidum " Monsieur P. et la SAS Corum à verser à la SA Fiducial Gérance anciennement dénommée SA Uffi Real Estate Asset Management, la somme de 486 948 euros à titre de dommages intérêts de ce chef de préjudice ;
- dit que la SA Fiducial Gérance, anciennement dénommée SA Uffi Real Estate Asset Management, doit être indemnisée des coûts résultants des indemnités versées à quatre salariés ayant rejoint la SAS Corum, du fait manœuvres déloyales de Monsieur P. et de la SAS Corum et condamné " in solidum " Monsieur P. et la SAS Corum à verser à la SA Fiducial Gérance anciennement dénommée SA Uffi Real Estate Asset Management, la somme de 353 473,15 euros à titre de dommages-intérêts de ce chef de préjudice ;
- débouté la SA Fiducial Gérance, anciennement dénommée SA Uffi Real Estate Asset Management, de ses demandes au titre du préjudice tiré de la désorganisation ;
- condamné " in solidum " Monsieur P. et la SAS Corum à verser à la SA Fiducial Gérance, anciennement dénommée SA Uffi Real Estate Asset Management, la somme de 100 000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice d'image subi par la SA Fiducial Gérance, anciennement dénommée SA Uffi Real Estate Asset Management ;
- condamné " in solidum " Monsieur P. et la SAS Corum à verser à la SA Fiducial Gérance, anciennement dénommée SA Uffi Real Estate Asset Management, la somme de 277 399,38 euros à raison des frais engagés par la SA Fiducial Gérance, anciennement dénommée SA Uffi Real Estate Asset Management, dans le cadre de la procédure de référé in futurum ;
- débouté Monsieur P. et la SAS Corum de l'intégralité de leurs demandes à l'encontre de la SA Aig Europe Limited anciennement dénommée Chartis Europe ;
- condamné " in solidum " Monsieur P. et la SAS Corum à verser à la SA Fiducial Gérance, anciennement dénommée SA Uffi Real Estate Asset Management, la somme de 50 000 euros et à la SA Aig Europe Limited, anciennement dénommée Chartis Europe, la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;
- ordonné l'affichage de la présente décision sur le quart supérieur de la page d'accueil du site Internet www.corum-am.com pendant une durée d'un mois aux frais de la SA Corum, à compter d'un délai de 15 Jours suivant le jour de la signification du présent jugement, sous astreinte de 1000 euros par jour de retard pendant une période de 90 jours à l'issue de laquelle il sera à nouveau fait droit ;
- ordonné la publication du présent jugement dans trois journaux du choix de la SA Fiducial Gérance, anciennement dénommée SA Uffi Real Estate Asset Management, aux frais de la SAS Corum, dans la limite de 2 500 euros HT par insertion.
Le 11 janvier 2016 la société Corum et Monsieur P. ont interjeté appel de ce jugement.
L'ordonnance de clôture a été prononcée le 29 septembre 2016.
Par dernières écritures signifiées par RPVA le 28 septembre 2016, auxquelles il est expressément renvoyé, la société Corum et Monsieur P. demandent à la Cour d'infirmer le jugement rendu par le Tribunal de commerce de Paris le 30 novembre 2015.
Et, statuant de nouveau,
A titre principal :
- dire et juger que la société Corum et Monsieur P. n'ont commis aucun acte constitutif de concurrence déloyale à l'encontre de la société Uffi Ream,
- constater que la société Uffi Ream ne rapporte, en tout état de cause, pas la preuve ni de l'existence et du quantum des préjudices qu'elle allègue, ni d'un lien de causalité entre ces prétendus préjudices et les fautes qu'elle reproche à la société Corum et à monsieur P. et rejeter l'ensemble des demandes formulées par Uffi Ream ;
A titre subsidiaire, en cas de condamnation :
- déclarer que la société Aig Europe Limited est tenue de couvrir le litige et par conséquent, garantir toute condamnation éventuelle prononcée dans la limite de la couverture, à hauteur de 2 000 000 euros.
En tout état de cause :
- condamner Uffi Ream à payer une somme de 200 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;
- condamner la société Aig Europe Limited au paiement d'une somme de 15 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et aux entiers dépens.
Par dernières écritures notifiées le 29 septembre 2016 auxquelles il est expressément renvoyé, la société Fiducial Gérance (anciennement Uffi Ream) demande à la cour de :
- confirmer le jugement rendu par le Tribunal de commerce de Paris le 30 novembre 2015, en ce qu'il a jugé que la société Corum et Monsieur P. se sont rendus coupables de concurrence déloyale à l'encontre de la société Uffi Ream et les a condamnés à payer la somme de 277 399,38 euros en réparation des frais engagés dans le cadre de la procédure de référé in futurum.
Vu les comptes publiés par l'OPCI Médicis :
- le réformer sur les autres chefs de préjudice ;
- condamner in solidum la société Corum et Monsieur P. à lui payer la somme de 75 000 euros, majorée du taux d'intérêt légal à compter du 30 juin 2011, en réparation de son préjudice résultant de l'absence de perception d'honoraires de constitution ;
- condamner in solidum la société Corum et Monsieur P. à lui payer :
- la somme de 1 959 997 euros, majorée du taux d'intérêt légal à compter du 30 juin 2014, en réparation du préjudice résultant de la résiliation du mandat de gestion ;
- la somme de 2 307 406 euros, en réparation du préjudice résultant de la perte de chance d'obtenir le renouvellement du mandat de gestion ;
- la somme de 356 625 euros, majorée du taux d'intérêt légal à compter du 30 juin 2011, en réparation du préjudice résultant des coûts sociaux afférents au départ des cadres ;
- la somme de 500 000 euros en réparation du préjudice résultant de la désorganisation de la société ;
- la somme de 250 000 euros en réparation du préjudice résultant de l'atteinte à son image de marque ;
- la somme de 100 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et aux entiers dépens ;
- ordonner l'affichage de la décision à venir sur le quart supérieur de la page d'accueil du site internet "www.corum-am.com" pendant une durée d'un mois aux frais de la société Corum, à compter d'un délai de 15 jours suivant le jour de la signification de la décision à intervenir, sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard ;
- ordonner la publication de la décision à venir dans trois journaux du choix d'Uffi Ream aux frais de la société Corum, dans la limite de 2 500 euros HT par insertion ;
- rejeter l'ensemble des demandes formées par Corum.
Par dernières écritures déposées et notifiées le 18 mai 2016 auxquelles il est expressément renvoyé, la société Aig Europe Limited demande à la cour de :
- constater que sa garantie n'est pas due et en conséquence ;
- débouter monsieur P. et Corum Asset Management de leur demande en garantie.
En tout état de cause,
- condamner solidairement les demandeurs à lui verser la somme de 20 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et aux entiers dépens.
La Cour renvoie, pour un plus ample exposé des faits et prétentions des parties, à la décision déférée et aux écritures susvisées, par application des dispositions de l'article 455 du Code de procédure civile.
Motifs
Sur les fautes alléguées à l'encontre de M.P. et de la société Corum.
Sur le dénigrement :
- considérant que la société Uffi Ream soutient que M. P. l'a dénigrée en la dénonçant auprès de l'AMF puis en faisant état d'un contrôle de l'AMF auprès de la mutuelle Médicis ;
- considérant que M. P. affirme ne pas être à l'origine du contrôle effectué par l'AMF ;
- considérant que le dénigrement consiste à jeter publiquement le discrédit sur l'entreprise, en répandant à son sujet ou sur ses produits ou services des informations malveillantes ;
- considérant que la société Uffi Ream soutient que M.P. a informé l'Autorité des marchés financiers de possibles violations par elle de la réglementation applicable en matière de gestion de la trésorerie alors qu'il avait encore des fonctions salariales et des mandats sociaux et lui a transmis des informations dans le but de pouvoir la dénigrer auprès de la mutuelle Médicis ;
- considérant que la société Uffi Ream a produit un courrier de M.P. du 14 avril 2011 par lequel celui-ci indique " Je me permets de vous rappeler que je reste tenu de fournir toute explication à l'AMF, notamment concernant les raisons profondes qui ont conduit à la rupture de mon contrat de travail de la société Uffi et conséquemment à la fin de mes mandats de président des sociétés PS21 et Uffi Ream" ; que la société Uffi Ream ne conteste pas cette obligation de M.P. qui a effectivement été entendu par l'AMF ;
- considérant que le rapport dressé par l'inspecteur Poirier dès le 28 janvier 2011 a relevé que la mission de contrôle de type " nouveaux agréés " sur le SGP Uffi Ream a débuté le 19 janvier. Dès la première journée sur place il est apparu que les fonds propres réglementaires minimums... pourraient ne pas être placés de manière prudente (art 312-4 du RG AMF) voire ne plus être respectés.
Enfin au vu des graphes de trésorerie, Uffi Ream semble avoir connu des tensions de trésorerie durant l'été 2010 au point de demander un découvert à la BRED, facilité refusée par cette dernière. Le contrôle apparaît donc plus sensible que prévu et pourrait donc nécessiter une réorientation et des investigations plus approfondies allant au-delà du programme de travail " ; qu'il ne résulte pas de ces constatations que celui-ci s'est alors appuyé sur des informations qui lui auraient été fournies par l'ancien dirigeant.
Considérant que, si l'AMF a reçu des informations, et M.P. en aurait-il été la source, d'une part, elle a jugé les informations dont elle disposait comme étant suffisamment pertinentes et graves pour déclencher un contrôle, d'autre part, celui-ci a conduit au prononcé d'une sanction, l'AMF ayant relevé que la société Uffi Ream ne respectait pas le seuil de fonds propres réglementaires minimum et que la gestion de la trésorerie n'était pas conforme à son agrément ; que pour autant elle a continué à bénéficier de l'agrément de l'AMF pour ses activités.
Considérant que, pour autant, M.P. qui avait été licencié le 22 octobre 2010 et qui avait signé deux accords transactionnels les 4 et 5 novembre 2010 a informé la mutuelle Medicis dès le 17 décembre 2010 d'un contrôle de l'AMF alors que la procédure de contrôle n'a été engagée que le 12 janvier 2011 en lui indiquant " Nous avons porté à votre connaissance hier un certain nombre de faits, de nature à remettre objectivement en cause vos engagements de sécurité, de protection et d'amélioration. Ces faits tangibles sont à l'origine :
- de mon éviction d'Uffi ;
- d'évictions/démissions à venir d'autres collaborateurs d'Uffi directement impliqués dans le projet ;
- du déclenchement d'un contrôle AMF.
Considérant que M. P. expose que la société Uffi Ream ayant reçu son agrément en 2008 et l'OPCI Médicis ayant obtenu son agrément en 2010 mentionnant la société Uffi Ream en qualité de gestionnaire, il s'agissait d'agréments récents qui donnent lieu habituellement à des contrôles de l'AMF ; qu'enfin la société Uffi, actionnaire de la société Uffi Ream a été citée par les médias dans le cadre du scandale Urbania Adyal ; que, si ces éléments peuvent expliquer le contrôle entrepris par l'AMF nonobstant toute information fournie par M.P., force est de constater que dès avant les opérations de contrôle, M.P. a adressé le courrier précité pour informer la mutuelle Médicis d'un contrôle dont il n'avait aucunement la maitrise de l'organisation notamment quant à ses dates.
Considérant que, par ce courrier M.P. se montre très alarmiste, indiquant que les engagements de sécurité, de protection et d'amélioration de la mutuelle seraient remis en cause par des faits tangibles à l'origine d'un contrôle de l'AMF et que " compte tenu de l'ensemble de ces points, la stratégie à mettre en œuvre consisterait à changer de gérant dans les délais les plus courts et les plus réalistes pour prendre le minimum de risque sur les fondamentaux ".
Considérant qu'il importe peu que M.P. ait ou non diffusé cette information à d'autres clients dès lors qu'elle caractérise une diffusion publique d'informations de nature à jeter le discrédit sur la société Uffi Ream auprès d'un de ses clients en lui présentant l'imminence d'un contrôle à raison de faits graves mettant en cause le fonctionnement de la société Uffi Ream et sa capacité à gérer l'OPCI, étant observé que la société Uffi Ream a conservé son agrément ; que c'est donc à bon droit que les premiers juges ont retenu un acte de dénigrement.
Sur le débauchage de salariés :
- considérant que le débauchage de salariés n'est fautif que s'il est accompagné de manœuvres déloyales qui ont déstabilisé l'entreprise concurrente ;
- considérant que la société Uffi Ream fait valoir que la société Corum a recruté de manière quasi simultanée quatre de ses cadres qui constituaient l'intégralité de l'équipe chargée de gérer l'OPCI Médicis et que ce recrutement a été présenté comme un élément déterminant de la capacité de la société Corum à gérer l'OPCI Médicis, ceux-ci ayant travaillé à la reprise de ce mandat dès la fin de l'année 2010 ;
- considérant que M.K. qui occupait le poste de directeur administratif et financier de la société Uffi Ream a été licencié le 17 janvier 2011 ;
- que M. F., directeur commercial a quitté la société Uffi Ream le 15 mars 2011, Mme G., responsable de la conformité et du contrôle interne le 28 mars 2011, M. Des P. de la F., directeur général a démissionné de son mandat social le 4 mars 2011 et de ses fonctions de salarié en mai de la même année ;
- considérant que tous ces salariés ont été repris par la société Corum de façon quasi immédiate sans que celle-ci justifie de la moindre procédure de recherche préalable en vue de procéder à des embauches ;
- considérant qu'avec M.P., ces salariés formaient l'équipe qui s'était investie pour remporter l'appel d'offre de l'OPCI Médicis puis pour en commencer la gestion ;
- considérant que, si M. P. et K. ont été remplacés rapidement, le premier quatre jours après son départ, le second un mois après par un cadre ayant 15 ans d'expérience, Mme G. et M. F. n'ont pas été remplacés ;
- considérant qu'à la suite de leur départ simultané la société Uffi Ream a perdu en partie la connaissance et le savoir-faire investi dans ce projet et la capacité de réagir à la stratégie élaborée par M.P. et proposée à la mutuelle Médicis pour justifier la résiliation du mandat de gestion alors même que celle-ci reconnaissait qu'elle n'avait aucun autre grief à formuler ;
- considérant que, dans son courrier précité du 17 décembre 2010 adressé à la mutuelle, M.P. a écrit au sujet de la stratégie qu'il préconise " Il faut que le changement de gérant ne soit pas imputable à un manque de diligence de votre part : les éléments qui vous ont fait choisir ce gérant sur la base de paramètres objectifs qui ont été portés à votre connaissance étaient les bons, un certain nombre d 'événements non prévisibles par qui que ce soit se sont produits : changement des dirigeants, des collaborateurs...Le profil de l'équipe de gérant que vous avez sélectionné a donc changé pour des raisons imprévisibles. Vous avez aujourd'hui un gérant différent de celui qui a été sélectionné par vos soins... " et " compte tenu du changement du profil du gérant ".
Vous relancez un appel d'offres très rapidement afin de ne pas perdre de temps eu égard notamment aux enjeux de performance".
Considérant qu'il termine ce message en indiquant " dans le cadre de l'appel d'offre, Corum offre l'avantage d'une équipe d'origine Adyal /Uffi qui connaît parfaitement le dossier et le patrimoine ".
Considérant que, par ce courrier que M.P. fait état de la capacité de sa société de répondre à un nouvel appel d'offres qu'il suggère d'organiser rapidement et s'appuie sur l'embauche par la société Corum des salariés de la société Uffi Ream qui avait eu à connaître du dossier ; que, s'il ne les nomme pas, la mutuelle était à même de les identifier comme étant M.K., F., Des P. de la F. et de Mme G. ; qu'il s'ensuit que des accords d'embauchage avaient nécessairement été convenus avec ces derniers ; qu'il importe peu que M.K. ait été licencié et ait contesté les motifs de ce licenciement dès lors que ces quatre salariés étaient à l'évidence déjà intéressés par le projet dont ils connaissaient les retombées financières.
Considérant que c'est à juste titre que les premiers juges ont retenu des actes de débauchage commis par M.P. et la société Corum.
Sur le démarchage :
- considérant que la société Uffi Ream expose que M.P. a mis en place une stratégie afin de détourner au profit de la société Corum le mandat de gestion de l'OPCI Médicis en ce qu'il a octroyé des avantages à l'OPCI par, d'une part, l'abandon des honoraires de constitution, d'autre part, la suppression toute obligation de durée du mandat et de toute indemnité de préavis en cas de rupture, omettant délibérément de formaliser les relations contractuelles telles que résultant de l'appel d'offres ;
- considérant que la société Uffi Ream a remporté l'appel d'offres lancé par la mutuelle Médicis et qui avait pour objet de déterminer ses relations avec la mutuelle Médicis à l'occasion d'une part, de la constitution de l'OPCI Médicis, d'autre part, de sa gestion ;
- considérant qu'à l'occasion de l'appel d'offres la société Uffi Ream a accompagné sa proposition d'annexes 1 à 9 qui, à l'exception de l'annexe 7 correspondant aux statuts de l'OPCI, ont été retrouvées ;
- considérant qu'il n'est pas contesté que la proposition de la société Uffi Ream comportait des honoraires de constitution à hauteur de 75 000 euros dont il n'est pas démontré qu'ils aient été remis en cause quand bien même ils n'ont pas été payés ;
- considérant qu'après avoir remporté cet appel d'offres, la société Uffi Ream a adressé le 21 juillet 2010 à l'AMF un projet des statuts de l'OPCI qui stipulait qu'elle était désignée comme société de gestion jusqu'à l'assemblée générale ordinaire approuvant les comptes de l'exercice clos le 31 décembre 2013, le mandat se renouvelant par périodes de 3 ans sans limitation de renouvellement ; que le mandat de gestion a été exécuté par la société Uffi Ream pendant les mois qui ont suivi sans susciter de critiques de Médicis ;
- considérant que, si deux nouvelles versions, l'une d'août 2010, prévoyant que le mandat prendrait fin lors de l'assemblée générale ordinaire approuvant les comptes de l'exercice clos le 31 décembre 2010, l'autre du 19 novembre 2010 ne contenant plus aucune précision quant à la durée de ce mandat, étant au contraire mentionné que le changement de société de gestion pouvait intervenir à tout moment en cours d'exercice sous réserve d'un préavis d'un mois sont invoquées par la société Corum, ces modifications postérieures à l'attribution du marché à la société Uffi Ream et à l'envoi par cette dernière des statuts de l'OPCI à l'AFM de sorte qu'elles ne sauraient faire la preuve de négociations entre les parties qui auraient abouti à un mandat différent de celui transmis à l'AMF ; que, pour le prétendre, la société Corum s'appuie sur un courrier en date du 22 avril 2011 par lequel la mutuelle prétend rappeler à la société Uffi Ream qu'elle n'avait pas entendu être liée à elle pour une durée déterminée ; que celui-ci est postérieur à celui par lequel M.P. lui a exposé la stratégie à adopter pour justifier le nouvel appel d'offres de sorte qu'il ne saurait rapporter la preuve d'un accord des parties modifiant la durée du mandat ; que dès lors aucun élément ne permet de remettre en cause les statuts adressés à l'AMF et fixant la durée initiale du mandat de gestion ;
- considérant que M.P. ne peut soutenir que la mutuelle Médicis a refusé de verser les honoraires de constitution et que cette rémunération a été abandonnée pour permettre à la négociation sur un mandat de gestion d'aboutir, faute de démontrer qu'il y aurait réellement eu des négociations sur ce point, force étant de constater que la mutuelle ne pouvait accepter de verser des honoraires alors même qu'il lui était suggéré de mettre fin au mandat en cours en lançant un nouvel appel d'offres ;
- considérant que la société Uffi Ream produit une attestation de M.L., gérant d'une société spécialisée dans les services d'investissement et ancien chargé d'études au sein de la Commission des Opérations de Bourse qui indique que le versement d'honoraires de constitution correspond à la pratique, M.P. et la société Corum produisant une attestation de M.H., avocat spécialisé qui ne fait que préciser qu'il n'existe pas de régime juridique et réglementaire spécifique ce qui pour autant ne contredit pas l'attestation de M.L. ;
- considérant que, dès lors, M.P. en sa qualité de dirigeant de la société Uffi Ream n'avait aucune raison d'abandonner les honoraires de constitution de l'OPCI, ni de limiter le mandat de gestion confié à la société Uffi Ream sauf à permettre à la mutuelle de se dégager de ses liens contractuels, rupture à laquelle il était directement intéressé puisqu'il avait créé une société concurrente au sein de laquelle il a engagé les cadres salariés de la société Uffi Ream afin de pouvoir répondre à un nouvel appel d'offres ;
- considérant que le 8 novembre 2010, soit quatre jours après son licenciement, M.P. a écrit au directeur de la société B. CP lui indiquant " Mon départ d'Uffi est effectif depuis vendredi soir. J'ai prévenu l'AMF et la plupart des gros investisseurs. Mon objectif est d'avoir une société de gestion opérationnelle d'ici mi-mars au plus tard, date à laquelle je dois être en mesure de gérer l'OPCI Médicis (200 M euros d'acte sous gestion et environ 1,1 M euros d'honoraires) ", ajoutant " je travaille depuis plusieurs semaines à chacun de ces scénarios " ; que M.P. a mis ce courriel en copie sur leurs adresses personnelles à trois cadres, MM. K., F. et D. de la F. alors même qu'il venait de signer les 4 et 5 novembre 2010 des accords transactionnels et qu'il s'était engagé à un obligation de loyauté ;
- considérant que, si à cette date il était fondé à envisager des scénarii d'avenir, il n'avait aucune raison de partager ceux-ci avec les trois cadres précités dont l'un a d'ailleurs été licencié peu après, et de viser l'OPCI Médicis comme étant un objectif de gestion à très court terme alors que la mutuelle était en relations contractuelles avec son ancien employeur ;
- considérant que M.P. a écrit dès le 8 novembre à M.C., directeur général adjoint de la mutuelle Médicis " Le reste du management est derrière moi et prêt à suivre au plus tôt ", citant MM K., F. et D. de la F. ; que ce courriel démontre la concertation entretenue avec ce cadre de la mutuelle Médicis ; que par un courriel du 7 décembre 2010 M.P. confirmera cette planification en indiquant " Bien confirmer les éléments du BP (Business Plan) que nous avons validé ensemble : si par exemple nous récupérons Médicis en avril, arrivée de Delphine (G.) et Robin (B.) mi-mars, Mikaël (F.) mi-avril, Mansour (K.) et Renaud (Des P. de la F.) mi-juillet " ;
- considérant que ces éléments démontrent que M.P. a organisé une stratégie consistant à favoriser la rupture des relations nouées entre la société Uffi Ream et la mutuelle Médicis, en modifiant les conditions contractuelles initiales de celles-ci et en organisant la reprise de l'équipe de salariés qui s'était consacrée à ce contrat, équipe qui bénéficiait du savoir-faire et de la confiance de la mutuelle Médicis ;
- considérant que la société Uffi Ream rapporte la preuve que la société Corum a bénéficié d'informations notamment de la part de Mme G. ; que le 19 novembre 2010, cette dernière a transmis deux courriers électroniques adressés par M.C. aux cadres, l'un contenant en pièce jointe le compte rendu de réunion du 18 novembre 2010, l'autre une note sur l'OPCI Médicis traitant " des modalités pratiques côté Médicis " ; que ces documents sont des pièces internes concernant les relations de la société Uffi en sa qualité de gestionnaire avec L'OPCI et ne relevaient donc pas des documents à destination des actionnaires, ni à d'anciens cadres ;
- considérant que, si M.P. possédait une action de l'OPCI Médicis qui lui permettait d'obtenir des informations, la qualité d'actionnaire ne dépendant pas du nombre d'actions détenues, pour autant les informations accessibles sont strictement limitées et ne sauraient s'étendre à des informations sur des éléments internes de la société Uffi Ream ;
- considérant que le 28 février 2011 alors qu'il finalisait le projet de création de la société Corum, M. P. a demandé à Mme G. de lui communiquer un fichier comparant la proposition qui avait été faite par la société Caceis pour des prestations liées à la gestion financière de l'OPCI Médicis à celles de la société BNP Paribas qui avait été retenue par la société Uffi ; que Mme G. lui a communiqué le 31 mars 2011 le fichier comparant les deux offres et la proposition faite par la société Caceis lors de l'appel d'offres de l'été 2010 ;
- considérant que, si M. P. en sa qualité d'ancien dirigeant de la société Uffi avait des connaissances et un savoir-faire concernant le premier appel d'offres puisque dirigeant la société Uffi Ream il en avait été le négociateur, il résulte des pièces précitées qu'il ne possédait pas pour autant la mémoire du travail et du savoir-faire de toute l'équipe qui avait été mobilisée par la société Uffi Ream pour y répondre, ni à fortiori des éléments postérieurs à son départ ;
- considérant qu'il résulte de ces éléments que M.P. a obtenu, après son départ, des informations confidentielles relatives à l'OPCI Médicis de la part d'au moins un cadre de la société Uffi en la personne de Mme G. et qu'il l'a embauchée après une rupture conventionnelle de son contrat de travail ;
- considérant que M. P. fait valoir qu'il n'est pas à l'origine du nouvel appel d'offres lancé par la mutuelle Médicis dont la décision aurait été dictée par les changements intervenus dans la direction de la société Uffi Ream et par le fait qu'il lui aurait été dissimulé la démission de M. Des P. de la F. ;
- considérant que, si la société Corum a produit une attestation de M.C., directeur général de Médicis, qui indique " Nous avons eu connaissance en novembre 2010 du licenciement de Monsieur Frédéric P. puis, quelques semaines plus tard du licenciement de Monsieur K., respectivement Président et gérant d'Uffi Ream.
Or le choix d'un gérant pour la gestion de nos fonds est avant tout basé sur les hommes qui composent l'équipe de gestion et les licenciements de Monsieur P. et de Monsieur K. nous ont conduits à nous interroger sur la capacité de la société Uffi Ream à pouvoir continuer à gérer l'OPCI Médicis dans le cadre du cahier des charges que nous avions fixé.
Le conseil d'administration de l'OPCI Médicis a dès lors considéré qu'un changement dans le management du géant étant de nature à relancer un appel d'offres, décision qu'elle aurait prise en pareille circonstance pour tout autre fonds qui lui est dédié ", cette explication ne fait que reprendre les termes du courrier de M. P. du 4 novembre qui en déterminait le contenu.
Considérant que, de plus, le choix de retenir la société Uffi Ream n'avait pas reposé sur un fort intuitu personnae dès lors qu'il s'est fait dans le cadre d'appel d'offres et que la relation qui s'en est suivie n'a été que de quelques mois ; que le courrier du 8 novembre 2010 adressé par M.P. à la mutuelle Médicis démontre que c'est lui qui suggère d'utiliser cet argument pour justifier la rupture et que celui-ci est artificiel.
Considérant que, si M.P., après son licenciement pouvait démarcher un client de son employeur puisqu'il n'était pas lié par une obligation de non concurrence, il ne pouvait le faire que de manière loyale, ayant d'ailleurs souscrit une obligation de loyauté dans les transactions qu'il avait signées ; que les éléments précités démontrent qu'il s'est immiscé dans la gestion de l'OPCI Médicis pour organiser une stratégie destinée à permettre à la mutuelle de se soustraire à ses obligations alors même que celle-ci n'avait formulé aucun grief à l'encontre de la société Uffi Ream qui avait réagi au départ de ses salariés, notamment de MMP. et K. en procédant à des embauches de salariés qualifiés et expérimentés, équipe qu'elle a d'ailleurs présentée à son client.
Considérant qu'il importe peu que la société Uffi n'ait pas participé à ce nouvel appel d'offres et que M.C. atteste encore que " Uffi Ream a été consultée dans le cadre de cet appel d'offres afin de lui permettre d'apporter des réponses précises, circonstanciées et formalisées dans un délai raisonnable, aux questions posées notamment en termes de moyens humains et puisse éclairer le Conseil sur sa nouvelle organisation et son actionnariat ", dès lors que le nouvel appel d'offres a constitué un habillage juridique puisque la société Corum se trouvait avantagée, quels que soient les autres participants, la société Uffi Ream étant privée de l'intégralité de l'équipe ayant porté l'opération à l'occasion du premier appel d'offres de sorte que, quand bien même elle y aurait participé, elle ne pouvait qu'être écartée de même que tout autre participant puisque la stratégie avait été décidée avant même son lancement.
Considérant qu'il y a lieu en conséquence de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a retenu des actes de concurrence déloyale à l'encontre de M.P. et de la société Corum.
Sur le préjudice :
- considérant que M.P. et la société Corum prétendent que la société Uffi Ream ne rapporte pas la preuve d'un préjudice, ni d'un lien de causalité entre le préjudice allégué et les fautes retenues ;
- considérant que, pour chiffrer son préjudice, la société Uffi Ream produit deux rapports du cabinet Accuracy qui a retenu les éléments suivants :
- un manque à gagner résultant de l'absence de paiement d'honoraires de constitution ;
- la marge brute qu'elle aurait dû percevoir sur l'exécution du mandat de gestion si ce dernier avait été mené jusqu'au terme prévu ;
- la perte de chance de voir ce mandat reconduit ;
- le préjudice résultant des coûts sociaux suite au départ de M.P. et des débauchages.
- considérant qu'elle ajoute deux autres préjudices, d'une part, celui résultant de sa désorganisation et du coût de recrutement de nouveaux employés, d'autre part, un préjudice d'image résultant des actes de dénigrement ;
- considérant qu'elle demande le remboursement des frais de procédure causés par la procédure de référé in futurum et ses suites ;
- considérant que la société Corum produit pour sa part un rapport du cabinet Sorgem qui expose que, si préjudice il y a, celui-ci résulte des conditions de la résiliation du mandat dont bénéficiait la société Uffi Ream ;
- considérant que, si la société Corum a provisionné dans ses comptes une somme de 900 000 euros au titre de ce litige, ce montant ne saurait être retenu par la cour comme correspondant au quantum du préjudice dont la preuve incombe à la société Uffi Ream.
Sur le manque à gagner résultant de l'absence de paiement d'honoraires de constitution :
- considérant qu'il est résulté des manœuvres de M. P. et de la société Corum la perte par la société Uffi Ream de ses honoraires de constitution de l'OPCI ; que c'est à juste titre que les premiers juges les ont condamnés à payer en réparation du préjudice subi du fait de l'abandon des dits honoraires de la somme de 75 000 euros à titre de dommages et intérêts.
Sur la marge brute qu'elle aurait dû percevoir sur l'exécution du mandat de gestion si ce dernier avait été mené jusqu'au terme prévu ;
- considérant que la société Uffi Ream demande à la cour de lui allouer la somme de 1 959 997euros en réparation du préjudice résultant de la résiliation du mandat de gestion ; - considérant que la mutuelle Médicis a résilié le mandat de gestion de la société Uffi Ream à compter du 1er juillet 2011 alors qu'à l'issue de l'appel d'offres celui-ci devait se poursuivre jusqu'au 31 décembre 2013 ; que toutefois le mandat de gestion liait la société Uffi Ream à la mutuelle Médicis qui est l'auteur de la résiliation et qui n'est pas dans la cause, de sorte que la cour n'a pas à apprécier les circonstances de cette rupture et notamment son caractère brutal ; qu'il n'y a pas lieu d'évaluer le préjudice sur la base de la durée d'un préavis dont la société Uffi Ream aurait dû bénéficier de la part de la mutuelle Médicis ;
- considérant que les agissements de M.P. et de la société Corum sont des agissements de concurrence déloyale au terme desquels la société Corum a détourné à son profit le mandat de gestion de l'OPCI ; que son préjudice est celui de la perte du marché résultant de l'appel d'offres et des honoraires qui avaient alors été convenus et qui restaient à courir jusqu'au terme convenu soit une perte de 30 mois d'honoraires ; que ce préjudice ne saurait être fixé à l'aune de la marge brute réalisée par la société Corum, ni sur l'évolution de celle-ci ; qu'il importe d'apprécier les seules conséquences pécuniaires du fait du détournement en cause au regard de l'activité de celui qui a ainsi été privé d'un client ;
-considérant que c'est à bon droit que les premiers juges ont dit que SA Uffi Ream a été privée de la perception des honoraires de gestion qui lui étaient contractuellement dus à compter du 1er juillet 2011 du fait des manœuvres déloyales de Monsieur P. et de la SAS Corum et ce pendant les 30 mois restant à courir ;
- considérant que l'appel d'offre stipulait le tarif de 0,31 % HT de l'actif net de financement auquel devait s'ajouter une rémunération de 0,05 % HT au titre des expertises immobilières, de 0,13 % de frais de " property management " et de 0,07 % au titre des prestations de commissariat aux comptes, de dépositaire et de valorisateur ;
- considérant que l'actif sous gestion s'élevait à 187 millions d'euros, montant qui est la base des honoraires convenus à hauteur de 0,31 % ; que c'est à bon droit que les premiers juges ont retenu ce barème tarifaire en écartant les autres rémunérations en raison de leur caractère aléatoire et la rentabilité développée par la société Uffi Ream soit un taux de marge moyen égal à 35 % et qu'ils ont sur ces bases évalué le préjudice à la somme de 507 237 50 euros.
Sur la perte de chance de voir ce mandat reconduit :
- considérant que la société Uffi Ream prétend avoir perdu une chance de voir le mandat de gestion reconduit et chiffre son préjudice à la somme de 2 307 406 euros ;
- considérant que la société Uffi Ream a géré ce contrat pendant quelques mois sans que soit soulevé le moindre grief à son encontre et ce alors même qu'elle avait licencié M.P. et qu'elle avait procédé à son remplacement ; qu'elle justifie de l'expérience et de la qualité des recrutements réalisés pour remplacer celui-ci puis M.K. de sorte qu'aucun élément ne permet de retenir qu'elle n'aurait pas été efficiente dans la gestion de l'OPCI Médicis et que son mandat n'aurait pas été reconduit dès lors que cette possibilité avait été prévue dès l'origine ;
- considérant que c'est à bon droit que les premiers juges ont évalué le préjudice à la somme de 486 948 euros.
Sur le préjudice résultant des coûts sociaux suite au départ de M.P. et des débauchages chiffré à la somme de 356 625 euros :
- considérant que la société Uffi Ream a versé une somme totale de 356 625 euros à titre d'indemnités transactionnelles et/ou d'indemnités de rupture conventionnelle à M. P., K., F. et à Mme G. ;
- considérant que le cabinet Sorgem mandaté par la société Corum expose que la société Uffi Ream a accepté les conditions de départ de ces salariés et qu'elle ne peut réclamer à postériori un préjudice sur les sommes versées ;
- considérant que, s'il n'est pas contesté que le départ de M. P. est intervenu dans le cadre d'un désaccord avec les actionnaires de la société Uffi Ream, toutefois, ce dernier et les autres salariés ont accepté de signer des clauses transactionnelles comportant un engagement de loyauté ; que M. P., nonobstant ces accords, a organisé le détournement de la mutuelle Médicis en lui proposant une stratégie pour évincer la société Uffi Ream, stratégie comportant le départ des cadres et leur reprise par la société Corum ; considérant que les indemnités versées par la société Uffi Ream résultent d'accords passés entre elle et ses salariés et dont le montant a été fixé alors même qu'elle était dans l'ignorance du projet de M.P. consistant à reprendre les salariés en cause et à détourner un client ; qu'elle a ainsi été trompée par la stratégie mise en place par M.P. de sorte qu'elle est fondée à se prévaloir du comportement déloyal de celui-ci et de la société Corum et à réclamer des dommages et intérêts au titre des sommes qu'elle a accepté de verser aux salariés qui l'ont quittée pour rejoindre la société Corum ;
- considérant qu'il y a lieu de confirmer la décision entreprise de ce chef.
Sur les préjudices résultant de sa désorganisation et du coût de recrutement de nouveaux employés chiffré à 500 000 euros et un préjudice d'image résultant des actes de dénigrement chiffré à 250 000 euros :
- considérant que la société Uffi Ream qui a perdu dans une même temps quatre cadres qui s'étaient consacrés au projet Médicis et qui ont été engagés immédiatement par la société concurrente Corum pour gérer le même projet, a, pour y remédier, procédé à des recrutements de cadres hautement qualifiés ; que, si ceux-ci se sont révélés en pure perte puisque la stratégie tendait à justifier la résiliation du mandat de gestion par le départ de l'équipe en place, rendant le remplacement inopérant, nonobstant la qualité des recrutements, la société Uffi Ream a pu présenter à Médicis une équipe en mesure de poursuivre la gestion du mandat, il n'en demeure pas moins qu'elle a été désorganisée puisque c'est le motif qui a été avancé par la mutuelle Médicis pour justifier la résiliation du mandat de gestion ; qu'il y a lieu d'ajouter une somme de 50 000 euros de dommages et intérêts de ce chef ;
- considérant que c'est à bon droit que les premiers juges lui ont alloué une somme de 100 000 euros au titre de son préjudice d'image.
Sur les frais de procédure causés par la procédure de référé in futurum et ses suites :
- considérant que la société Uffi Ream a produit les justificatifs des frais exposés dans le cadre de la procédure de référé probatoire qu'elle a engagés ; que c'est donc à bon droit que le tribunal a fait droit aux demandes de la société Uffi Ream à hauteur de 277 399,38 euros.
Sur la demande d'affichage et de publication :
- considérant que le comportement déloyal de M.P. et de la société Corum justifie le prononcé des mesures d'affichage et de publication demandées par la société Uffi Ream et donc de confirmer le jugement entrepris.
Sur la demande en garantie :
- considérant que la société Aig Europe, appelée en garantie par M.P. et la société Corum, fait valoir qu'elle ne saurait être condamnée à les garantir des condamnations prononcées à leur encontre dans la mesure où la police a été souscrite le 26 avril 2011 à effet rétroactif au 7 avril 2011 alors que la réclamation lui est antérieure et que les faits étaient connus au moment de sa souscription, outre que ceux-ci n'entrent pas dans l'objet des garanties dès lors qu'ils caractérisent une faute intentionnelle et qu'il a été effectué une fausse déclaration ;
- considérant que M.P. et la société Corum soutiennent que la police d'assurance n'est pas claire dans l'emploi du mot " réclamation " et qu'en tout état de cause le courrier recommandé avec AR adressée le 30 mars 2011 par la société Uffi Rream à M.P. par lequel elle le mettait en garde sur les conséquences financières qui résulteraient pour elle de la perte du mandat de gestion de l'OPCI Médicis si la société Corum concourait au nouvel appel d'offre précisant qu'elle ne manquerait pas d'engager une action en concurrence déloyale, ne constitue pas une réclamation ;
- considérant que le courrier envoyé par la société Uffi Ream était parfaitement clair en ce qu'il annonçait que si la société Corum concourait à l'appel d'offre, elle engagerait une action en concurrence déloyale ; que dès lors cette lettre constitue bien une réclamation au sens de la police souscrite ce que ne pouvait ignorer M.P. ;
- considérant en tout état de cause que les manœuvres de M.P. constituent des fautes intentionnelles qui sont exclues des garanties souscrites ;
- considérant que c'est à bon droit que les premiers juges ont débouté M.P. et la société Corum de leurs demandes en garantie à l'encontre de la société Aig Europe.
Sur l'article 700 du Code de procédure civile :
- considérant que la société Uffi Ream et la société Aig Europe ont dû engager des frais non compris dans les dépens qu'il serait inéquitable de laisser en totalité à leur charge, qu'il y a lieu de faire application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile dans la mesure qui sera précisée au dispositif.
Par ces motifs, LA COUR, Statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort, Confirme le jugement déféré sauf à ajouter au titre des dommages et intérêts alloués à la société Fiducial Gérance, Et y ajoutant, Condamne solidairement la société Corum Asset Management et M. P. à payer à la société Fiducial Gérance la somme de 50 000 euros à titre de dommages et intérêts supplémentaires du fait de la désorganisation qu'elle a subie, Condamne solidairement la société Corum Asset Management et M. P. à payer à la société Fiducial Gérance la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, Condamne solidairement la société Corum Asset Management et M. P. à payer à la société Aig Europe la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, Condamne la société Corum Asset Management et M. P. aux entiers dépens.