ADLC, 2 décembre 2016, n° 16-D-27
AUTORITÉ DE LA CONCURRENCE
Décision
relative à des pratiques mises en œuvre sur le marché de l'assistance foncière de l'établissement public foncier de l'Ouest Rhône-Alpes
L'Autorité de la concurrence (section II) ;
Vu la décision n° 15-SO-02 du 26 février 2015, enregistrée sous le numéro 15/0015F, par laquelle l'Autorité de la concurrence s'est saisie d'office de pratiques mises en œuvre sur le marché de l'assistance foncière de l'établissement public foncier de l'Ouest Rhône-Alpes ; Vu la décision de la rapporteure générale en date du 11 juillet 2016 prise en application de l'article L. 463-3 du Code du commerce, qui dispose que l'affaire fera l'objet d'une décision de l'Autorité de la concurrence sans établissement préalable d'un rapport ; Vu le procès-verbal de transaction en date du 22 septembre 2016 signé par le rapporteur général adjoint et les sociétés EURL Setis et Groupe Degaud en application des dispositions du III de l'article L. 464-2 du Code de commerce ; Vu les décisions relatives au secret des affaires n° 16-DSA-83 du 5 avril 2016, n° 16-DSA-102 du 27 avril 2016, n° 16-DSA-121 du 1er juin 2016, n° 16-DSA-167 du 5 juillet 2016 ; Vu la décision de déclassement n° 16-DECR-142 du 10 juin 2016 ; Vu le livre IV du Code de commerce modifié et notamment son article L. 420-1 ; Vu les autres pièces du dossier ; Vu les observations présentées par la société Setis, le Groupe Degaud et le commissaire du Gouvernement ; Le rapporteur, le rapporteur général adjoint, le commissaire du Gouvernement et les représentants de Setis et du groupe Degaud, entendus lors de la séance de l'Autorité de la concurrence du 3 novembre 2016 ; Adopte la décision suivante :
Résumé1
Dans la décision ci-après, l'Autorité condamne la société Setis en tant qu'auteur et le groupe Degaud, en tant que société mère, à une sanction de 40 000 euros en raison de la participation de Setis, à compter du mois d'avril 2012, à une entente horizontale avec la société SCET lors de la passation du marché de l'assistance foncière de l'Etablissement public foncier de l'Ouest Rhône-Alpes (EPORA), en violation de l'article L. 420-1 du Code de commerce.
L'objet de cette entente anticoncurrentielle était une répartition des marchés subséquents aux deux accords-cadres conclus par l'EPORA respectivement avec les sociétés Setis et SCET en 2011, par le biais d'un échange d'informations sensibles préalablement à l'attribution de ces marchés.
I. Rappel de la procédure
1. L'Autorité de la concurrence s'est saisie d'office, par décision du 26 février 2015, des pratiques mises en œuvre sur le marché de l'assistance foncière de l'établissement public foncier de l'Ouest Rhône-Alpes (ci-après EPORA).
2. Cette autosaisine, enregistrée sous le numéro n° 15/0015 F, fait suite à la transmission d'un rapport d'enquête établi par la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (ci-après DGCCRF) concluant d'une part, à un échange tarifaire préalable entre les sociétés Services, Conseil, Expertises et Territoires (ci-après " la SCET ") et Setis (ci-après " Setis "), déclarées attributaires de deux accords-cadres pour des missions d'assistance foncière lancés par EPORA en 2011, et d'autre part, à une pratique de répartition de onze marchés subséquents à ces accords-cadres.
3. Une décision du 11 juillet 2016 de la rapporteure générale prise en application de l'article L. 463-3 du Code du commerce dispose que l'affaire fera l'objet d'une décision de l'Autorité de la concurrence sans établissement préalable d'un rapport.
4. Le 11 juillet 2016, la rapporteure générale de l'Autorité a adressé une notification de griefs simplifiée pour des pratiques prohibées par l'article L. 420-1 du Code de commerce aux sociétés suivantes :
- SA SCET, en tant qu'auteur,
- Groupe Caisse des dépôts en tant qu'entité mère,
- EURL Setis, en tant qu'auteur,
- Groupe Degaud, en tant que société mère.
II. Constatations
A. LES MARCHÉS PUBLICS CONCERNÉS
1. PRÉSENTATION DE L'ETABLISSEMENT PUBLIC FONCIER DE L'OUEST RHÔNE-ALPES
5. L'établissement public foncier de l'Ouest Rhône-Alpes (ci-après " EPORA ") est un établissement public à caractère industriel et commercial situé à Saint-Etienne. Il a été créé par le décret n° 98-923 du 14 octobre 1998.
6. Conformément aux dispositions de l'article L. 321-1 du Code de l'urbanisme, l'EPORA est habilité à procéder à toutes acquisitions foncières et opérations immobilières et foncières de nature à faciliter l'aménagement. Il peut également effectuer les études et travaux nécessaires à leur accomplissement, et, le cas échéant, participer à leur financement. Ces missions peuvent être réalisées par l'établissement soit pour son compte ou celui de l'État et de ses établissements publics, soit pour celui des collectivités territoriales et de leurs groupements ou de leurs établissements publics en application de conventions passées avec eux.
7. L'EPORA est compétent sur l'ensemble du territoire des départements de la Loire, de l'Ardèche et de la Drôme ainsi que dans les cantons des départements de l'Isère et du Rhône et dans les communes ou établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre dont la liste est annexée au décret du 14 octobre 1998 modifié.
8. Les activités de l'établissement s'exercent dans le cadre d'un programme pluriannuel d'intervention (PPI) prévu aux articles L. 321-5 et suivants du Code de l'urbanisme. Le PPI 2009-2013 se structure autour de deux priorités :
- favoriser le développement durable des territoires ;
- agir pour la cohésion sociale, essentiellement par la production de logements sociaux.
9. Il ressort des déclarations de M. X et de Mme Y, respectivement directeur territorial et juriste de l'EPORA, que l'établissement concentre actuellement ses efforts sur le développement de l'offre économique, de l'offre de logement, notamment social, et plus accessoirement la création de foncier de protection environnementale. L'EPORA assure à ce titre des acquisitions foncières et des opérations immobilières et foncières de nature à faciliter l'aménagement ultérieur des terrains par les collectivités. Concrètement, l'établissement acquiert, démolit et dépollue des terrains pour le compte des collectivités avant de les leur revendre.
2. LES APPELS D'OFFRES
10. Le 2 août 2011, l'EPORA a lancé un appel d'offres en vue de la conclusion d'accords-cadres pour des missions d'assistance foncière à maîtrise d'ouvrage (programmation, acquisition, gestion et cession de biens) dans le cadre de procédures de déclaration d'utilité publique entamées sur ses territoires d'intervention. Ces deux marchés, à bons de commande, ont été passés selon la procédure d'appel d'offres ouvert définie par les articles 33 et 57 à 59 du Code des marchés publics. Sur la base de ces accords-cadres, l'EPORA a lancé, à compter du mois d'avril 2012, des consultations en vue de la passation de marchés subséquents.
a) Les accords-cadres
11. Les prestations susceptibles d'être exécutées dans l'ensemble du périmètre de compétence de l'EPORA ont été divisées en deux lots, faisant l'objet d'un accord-cadre distinct. Le lot n° 1 a porté sur les zones industrielles, commerciales ou d'activités et les zones urbaines denses (habitat collectif ou individuel dense). Le lot n° 2, a porté sur les zones rurales ou périurbaines (habitat individuel diffus ou isolé) et les zones agricoles, naturelles ou forestières.
12. Aux termes du cahier des clauses administratives particulières communes aux deux lots, chaque accord-cadre est multi-attributaire. Sa durée est de douze mois, reconductible trois fois, par décision expresse de l'EPORA, et ne peut excéder quatre années. Il est conclu sans montant minimum ou maximum.
13. L'article 7.6 du cahier des clauses administratives particulières prévoit que " les titulaires de l'accord-cadre devront déposer une offre à chaque remise en concurrence des marchés fondés sur l'accord-cadre. Pour chaque année, ils sont autorisés à ne pas répondre à trois consultations, au-delà, le pouvoir adjudicateur sera en droit de résilier l'accord-cadre pour le prestataire défaillant et ce sans mise en demeure ni droit à indemnisation. ".
14. L'article 9.3 stipule que " lors de la passation des marchés conclus sur la base du présent accord-cadre, le titulaire s'engage à limiter, à chaque remise en concurrence, à 20 % l'augmentation des prix détaillés dans le bordereau de prix unitaires ou la DPGF de l'accord-cadre ".
15. Les critères de jugement des offres, communs aux deux lots, ont été pondérés de la manière suivante :
- moyens humains et techniques mis à disposition : 40 %
- note méthodologique : 30 %
- prix des prestations : 30 %
16. A l'issue de la consultation, le lot n° 1 a été attribué à la SCET et le lot n° 2 à Setis.
17. En juillet 2012, l'EPORA a conclu avec chacun des attributaires un avenant à l'accord-cadre ayant pour objet de modifier l'unité de prix de deux postes de prestations (le dossier d'enquête publique et le suivi administratif des enquêtes publiques préalables à la déclaration d'utilité publique). Les prix unitaires, initialement exprimés en nombre de propriétaires concernés par les opérations foncières, ont dès lors été exprimés forfaitairement par dossier.
b) Les marchés subséquents
18. Entre avril 2012 et janvier 2013, EPORA a lancé des consultations en vue de la passation de douze marchés subséquents aux deux lots géographiques des accords-cadres. Chaque lot a été divisé en quatre secteurs comme suit :
- secteur 1A : Roanne, couronne, périphérie des Monts de la Madeleine,
- secteur 2 : Nord-Ouest rhodanien,
- secteur 3A : Saint-Etienne, Valée de l'Ondaine, Vallée du Gier, Plaine du Forez,
- secteur 4 : Nord-Drôme, Nord-Ardèche, Nord-Isère, Sud-Rhône.
19. Les critères d'attribution des offres étaient identiques à ceux définis pour chaque lot. Le tableau ci-après détaille, pour chaque marché, ses caractéristiques, les offres émises et l'entreprise retenue :
B. LES ENTREPRISES MISES EN CAUSE
1. LA SOCIÉTÉ SA SERVICES, CONSEIL, EXPERTISES ET TERRITOIRES
20. La SCET est une société anonyme d'ingénierie de projets qui accompagne les collectivités, les entreprises publiques locales ou les bailleurs sociaux, dans la conception, la réalisation et la gestion de leurs projets. La SCET est une filiale du Groupe Caisse des dépôts et consignations.
21. La SCET est structurée en différents pôles, dont le pôle foncier, sous-divisé en agences. Chaque agence dispose d'un directeur et d'un personnel dédié. Les agences situées à Lyon et à Dijon sont toutes deux intervenues dans le cadre des marchés d'assistance foncière de l'EPORA.
22. En 2011, la SCET a réalisé un chiffre d'affaires de plus de 65 millions d'euros.
2. L'EURL Setis
23. Setis a pour activité l'ingénierie et la réalisation d'études techniques pour l'aménagement du territoire et l'environnement. Setis est une filiale du groupe Degaud.
24. La direction de Setis est assurée par trois cogérants. Chacun dispose d'un périmètre de compétence spécifique et bénéficie, au sein de ce périmètre, d'une autonomie décisionnelle. M. Z, cogérant, est chargé des activités " environnement, action foncière et juridique ".
En 2011, Setis a réalisé un chiffre d'affaires d'environ 6,6 millions d'euros.
C. LES COMPORTEMENTS RELEVÉS
1. LES ÉCHANGES TARIFAIRES ENTRES CANDIDATS À L'ATTRIBUTION DES ACCORDS-CADRES
a) Les éléments matériels recueillis
25. Lors de leur première intervention dans les locaux de l'agence de Dijon de la SCET le 3 avril 2014, les agents de concurrence ont recueilli, sur CD-Rom, une copie numérique des dossiers relatifs au marché de l'EPORA. (cotes 110 à 1784).
26. La copie d'écran remise contient un dossier intitulé " AO DIJON 2012 EPORA ". Ce dossier contient un sous-dossier " EPORA divers " qui comporte 3 fichiers :
- le bordereau des prix unitaires du lot 1 de l'accord-cadre de la société Setis (cotes 110 à 113) ;
- le bordereau des prix unitaires du lot 2 de l'accord-cadre de la société Setis (Cotes 114 à 117) ;
- un document Excel nommé " DQE simulation lot 1 et 2_SCET_Setis.xlsx " (cotes 118 à 122).
27. Ce dernier document contient cinq feuilles :
- lot 1_SCET : reprenant le DQE de la SCET pour le lot 1 avec une simulation de hausse des prix de 18 % et 20 % ;
- lot 2_SCET : reprenant le DQE de la SCET pour le lot 2 avec une simulation de hausse des prix de 18 % et 20 % ;
- lot 1_Setis : reprenant le DQE de Setis pour le lot 1 avec une simulation de hausse des prix de 18 % et 20 % ;
- lot 2_Setis : reprenant le DQE de Setis pour le lot 2 avec une simulation de hausse des prix de 18 % et 20 % ;
- lot 1_SCET St-Etienne reprenant le DQE de la SCET pour le lot 1 avec une simulation de hausse des prix de 13 % et 20 %.
28. Les bordereaux de prix unitaires (BPU) de Setis pour les lots 1 et 2 de l'accord-cadre recueillis dans les locaux de la SCET se présentent au format PDF, sont datés du 15 septembre 2011 et mentionnent le nom de M. Z comme signataire. Ils ne sont toutefois pas signés, et ne comportent pas le cachet de la société Setis.
29. Les propriétés de ces BPU indiquent comme date d'enregistrement et de dernière modification le 26 octobre 2012 par une personne désignée comme " A ". M Z a indiqué que l'auteur de ces documents est Mme A, employée par le Groupe Degaud, maison-mère de la société Setis. Mme A occupe les fonctions d'assistante de marché pour le compte des sociétés du groupe. Elle a contribué à la constitution du dossier de réponse à l'appel d'offres pour les missions d'assistance foncière de l'EPORA.
30. Un logiciel d'analyse a été utilisé afin de calculer les empreintes numériques respectives des BPU (lots 1 et 2) de l'accord-cadre de la société Setis pris en copie auprès de la SCET et de celui mis à disposition par M. Z (cotes 2514 à 2578). La comparaison des résultats d'analyse révèle une stricte identité numérique des bordereaux de prix unitaires émanant des sociétés SCET et Setis.
31. Lors de son audition du 9 juillet 2014, Mme B a indiqué : " J'ai déclaré ne pas connaitre les prix de mon concurrent Setis. Vous m'informez que vous avez trouvé les BPU de l'accord-cadre de Setis dans mon agence de Dijon. Effectivement, j'ai pris connaissance des prix de Setis fin novembre 2012 ". Elle a ajouté : " J'ai communiqué mes prix à M. Z, co-gérant de Setis, vers la fin 2012, comme il m'avait communiqué les siens précédemment par mail. Le directeur du pôle financier n'était pas au courant de ces échanges avec Setis. Je ne me souviens plus à l'initiative de qui cet échange a eu lieu " (cotes 1899 à 1902).
32. Concernant les mêmes éléments, M. Z a déclaré lors de son audition du 30 juin 2014 : " Sur le marché de l'EPORA, la SCET ne m'a pas communiqué ses prix (...) La SCET pourrait connaître nos prix au travers de marchés pour lesquels nous avons des partenaires communs. Cependant, ils ne peuvent connaître que des prix globaux et non des prix poste par poste (...) Nous n'avons transmis aucun prix à la SCET, je ne crois même pas avoir communiqué de fourchette. ". M. Z a ajouté : " Vous me dites que vous avez retrouvé nos BPU lots 1 et 2 pour l'accord-cadre de l'EPORA chez la SCET. Ces prix sont antérieurs à l'avenant de juillet 2012. Je n'ai aucune explication. Je suis très étonné. Cela signifie que depuis 2012 la SCET connait nos prix. (...) Comme il n'y avait pas de concurrence, Mme A a peut-être pensé qu'il s'agissait d'un partenariat et a peut-être décidé de transmettre nos prix. (...) Je maintiens ne pas savoir que mes BPU avaient été transmis à la SCET. Je pense qu'il y a eu méprise ". (cotes 2380 à 2412).
33. Dans un courriel du 2 juillet 2014 (cote 2491), M. Z émet l'hypothèse que les BPU de sa société pris en copie auprès de la société SCET puissent en fait avoir été transmis à son concurrent par l'EPORA.
34. Mais selon l'EPORA, Setis a répondu de façon non dématérialisée à l'accord-cadre. L'établissement public ne disposait donc que d'une version papier des BPU de Setis (cote 41). Par ailleurs, les BPU de Setis pris en copie auprès de SCET ne sont pas signés et ne disposent pas du cachet de la société, contrairement à ceux produits par l'EPORA.
35. M. Z a souligné que des BPU avaient été transmis au format Excel à l'EPORA en vue de la préparation des bons de commande. Or, l'EPORA a indiqué que dans ce cas, les BPU transmis présentent l'intitulé du marché subséquent concerné et non celui de l'accord-cadre. Elle a de plus précisé que les matrices utilisées se distinguent clairement des BPU puisqu'elles comportent notamment une colonne supplémentaire intitulée " quantité " (cotes 44 à 47).
36. Ces bordereaux de prix ne peuvent donc provenir des services de l'EPORA.
b) Les dates des échanges
37. La circonstance que les deux BPU de Setis recueillis dans les locaux de la SCET ont été créés le 26 octobre 2012 ne permet pas de déterminer de manière certaine la date de transmission de ces documents.
38. Sur ce point, les propriétés du document Excel intitulé " DQE simulation lot 1 et 2_SCET_Setis.xlsx " apportent des compléments d'informations.
39. La dernière modification effectuée sur ce document date du 23 novembre 2012. Elle a été réalisée par Mme C, assistante de direction à la SCET. Au plus tard à cette date, la SCET a donc eu connaissance des prix de son concurrent soit antérieurement à la passation de deux marchés subséquents sur un total de douze.
2. LA RÉPARTITION DES MARCHÉS SUBSÉQUENTS
40. Lors de son audition du 3 avril 2014 (cotes 2015 à 2018), M. Z a déclaré avoir eu un échange téléphonique avec Mme B après la notification en décembre 2011 des deux accords-cadres en ces termes : " A l'issue de l'attribution de l'accord-cadre, l'autre attributaire, la SCET, par le biais de Mme B, nous a appelés pour se présenter, connaître ma société, son positionnement et voir si des secteurs intéresseraient davantage ma société pour le marché de l'EPORA et sur l'ensemble des marchés fonciers. (...) Nous savions à ce moment-là que nous n'étions plus que deux et nous pouvions discuter pour voir qui allait travailler sur quelle zone afin de mieux satisfaire le client ".
41. M. Z a ajouté : " J'ai indiqué à Mme B que je n'allais pas casser le prix et que je n'allais pas répondre au-delà de mes lignes (tout sauf Nord-Ouest Rhodanien à l'exception de Roanne) et en fonction du volume des dossiers confiés par l'EPORA ".
42. Il a en outre indiqué : " (...) Nous savions que seuls la SCET et nous-mêmes avions été retenus à l'issue de la réunion initiée par le maître d'œuvre. Que ce dernier entendait faire travailler les deux sociétés compte tenu du volume de dossiers à confier et les délais de rendus. Que durant cette réunion, Setis a annoncé - sans ambiguïté aucune - qu'il entendait alors privilégier les opérations proches de ses bases et celles pour lesquelles elle connaissait le marché immobilier voire les acteurs ". (cote 2494).
43. Mme B a précisé que cette conversation avait eu lieu en avril 2012, soit quelques mois après sa prise de fonctions et au cours de la période de passation du premier marché subséquent dont la date de limite de remise des offres avait été fixée au 16 avril 2012.
44. L'acte d'engagement du premier marché subséquent, attribué à la SCET, a été signé par M. D, directeur du pôle financier/transaction. Ce n'est qu'à compter du 2ème marché subséquent que Mme B a signé les actes d'engagements en réponse aux marchés lancés par l'EPORA. En revanche, M. Z a déclaré avoir reçu Mme B dans les locaux de sa société peu après sa prise de poste, ce que ne confirme pas Mme B.
45. Lors de sa seconde audition le 30 juin 2014, M. Z a déclaré : " En n'étant plus que deux, nous savions quels territoires intéressaient chacun. Lorsque j'ai vu Mme B, je lui ai signifié les territoires sur lesquels je répondrai (ceux près de mes bases afin de pouvoir agir dans les temps) " (cotes 2380 à 2412).
46. Mme Y et M. E, respectivement juriste et directeur territorial de l'EPORA confirment en effet que l'établissement a lancé une consultation en vue de la passation des accords-cadres en se réservant la possibilité de retenir quatre attributaires afin de stimuler la concurrence sur ces marchés. Cependant, Setis et SCET n'ont remis d'offres conformes que lors de la première consultation portant sur le marché subséquent n° 12-069 (lot 1 - Secteur Roanne - Site Gambetta République), qui a finalement été attribué à Setis. Pour les onze autres marchés subséquents, l'EPORA n'a pas été en mesure d'arbitrer entre deux offres conformes.
47. De son côté, Mme B a indiqué (cotes 1786 à 1789) : " Concernant nos relations avec Setis dans le cadre du marché de l'EPORA, il est vrai que nous avons eu un contact portant sur certains points de secteur géographique mais cela n'a eu aucun impact sur les marchés (Setis est un concurrent), il n'y a eu aucun partage entre nous ".
48. Lors de sa deuxième audition le 9 juillet 2014, Mme B a complété ses propos comme suit : " J'ai dû appeler M. Z suite au premier marché qui a été passé en avril 2012 mais je ne me souviens pas vraiment. Je l'ai contacté par démarche commerciale. Nous nous sommes contactés par la suite pour parler de l'avenant à l'accord-cadre. J'ai déclaré précédemment que nous avons abordé ensemble les secteurs géographiques du marché. En effet, nous avons discuté de ces secteurs afin d'échanger sur ce qu'il y avait comme opération, comme nombre de dossier par secteur. Je n'avais pas ces informations et lui non plus. Je pense que même EPORA ne le savait pas. Cependant je nie tout échange sur la répartition des secteurs " (cotes 1899 à 1902).
49. L'analyse des réponses respectives de Setis et de SCET aux différentes consultations lancées par l'EPORA pour l'attribution des marchés subséquents font apparaitre les éléments suivants :
a) Sur le secteur 1 A : Roanne, couronne, périphérie des Monts de la Madeleine
50. Quatre marchés subséquents ont concerné ce secteur. Lors des consultations lancées pour l'attribution des marchés n° 12-132 (lot 2, secteur 1A) et n° 12-133 (lot 1, secteur 1A), SCET a présenté deux offres irrégulières en omettant de remettre l'acte d'engagement. Selon les déclarations de Mme B, directrice des agences foncières de Lyon et de Dijon lors de son audition du 3 avril 2014 (cotes 1786 à 1789), l'irrégularité des offres ainsi remises procèderait d'une erreur administrative commise par son assistante. Setis a remis deux offres incluant une hausse tarifaire de 19,5 % par rapport aux accords-cadres. Ces deux offres ont été déclarées à tort inacceptables par l'EPORA qui n'a pas tenu compte de l'avenant signé en juillet 2012.
51. L'EPORA a donc relancé les consultations pour ces deux marchés (marchés n° 13-005 et n° 13-006). La SCET s'est abstenue de répondre en adressant une lettre d'excuses à l'EPORA. Interrogée par les agents de la DGCCRF le 3 avril 2014, Mme B a expliqué que le plan de charge de la société ne lui permettait pas de répondre à ces consultations. Mais, lors de sa seconde audition le 9 juillet 2014, elle a déclaré avoir informé son concurrent qu'elle n'allait pas répondre sur ce secteur car Setis y était déjà présent (cote 1899 à 1902). M. Z, cogérant de Setis a d'ailleurs indiqué au cours de son audition du 30 juin 2014 : " Lorsque j'ai vu Mme B, je lui ai signifié les territoires sur lesquels je répondrai (ceux près de mes bases) afin de pouvoir agir dans les temps (...). La SCET devait être d'accord pour nous laisser Roanne " (cote 2380 à 2412).
52. Setis a été déclarée attributaire en appliquant une augmentation de 19,5 % sur ses offres de prix. Par comparaison, sur le premier marché relatif au secteur de Roanne (n° 12-069), dont la date de remise des offres est antérieure au premier contact entre Mme B et M. Z, Setis n'avait pratiqué qu'une hausse de 5,5 %. Interrogé sur les différences de hausse de prix entre le marché n° 12-069 et les marchés n° 13-005 et n° 13-006, M. Z a déclaré : " Nous n'avons pas appliqué les 20 % sur le premier marché subséquent (Roanne). J'avais appliqué seulement 5,5 % de hausse. Je pense que c'était parce que je connaissais bien le dossier " (cote 2380 à 2412).
b) Sur le secteur 2 : nord-ouest rhodanien
53. Lors de la consultation lancée pour l'attribution du marché n° 12-123 (lot 1, secteur 2), Setis n'a pas remis d'offre. La SCET a été déclarée attributaire sur la base d'une offre de prix augmentée de 20 % par rapport à l'accord-cadre, soit le maximum autorisé par le cahier des clauses administratives particulières.
54. Setis n'a pas davantage remis d'offre dans le cadre de la procédure lancée pour la passation du marché n°12-125 (lot 2, secteur 2).
55. Interrogé, M. Z a déclaré : " J'ai indiqué à Mme B que je ne répondrai pas pour les territoires du nord-ouest rhodanien que je connais mal ". (cotes 2380 à 2412). Concernant ce secteur, Mme B a précisé : " Je ne me souviens pas si M. Z m'a indiqué qu'il n'allait pas répondre sur le Nord-ouest rhodanien. Tous les marchés sont arrivés en même temps " (cotes 1899 à 1902).
c) Sur le secteur 3A : Saint-Etienne, Vallée de l'Ondaine, Vallée du Gier, Plaine de Forez
56. L'offre remise par Setis lors de la procédure lancée en vue de l'attribution du marché n° 12-130 (lot 1, secteur 3A) a été écartée comme inacceptable par l'EPORA en raison d'une augmentation des prix de + 22 % et 41 % sur deux postes par rapport aux prix définis dans l'accord-cadre. Il en a été de même pour le marché n° 12-131 (lot 2, secteur 3A) en raison de dépassements oscillant entre 23 % et 77 % par rapport aux prix initiaux. Concernant ce marché, Mme B (SCET) a affirmé : " Il savait que je voulais le secteur de Saint-Etienne compte tenu du fait que j'étais précédemment employée à l'EPORA et que je suis stéphanoise mais je ne le lui ai pas dit ouvertement ". (cotes 1988 à 1902).
d) Sur le secteur 4 : Nord-Drôme, nord-Ardèche, nord-Isère, sud-Rhône
57. Lors de la consultation lancée pour l'attribution du marché n° 12-118 (lot 2, secteur 4), la SCET n'a pas remis d'offre. Setis a remis une offre qui a cependant été écartée comme inacceptable en raison de l'augmentation du prix du poste n° 2004 (négociateur foncier) de plus de 25 %. A l'occasion de cette consultation, Setis a augmenté la quasi-totalité de ses tarifs de 20 % à l'exception du poste n° 401 (recherche acquisition à partir du cadastre) dont le prix n'a été augmenté que de 18,52 %.
58. Dans ce contexte, l'EPORA a été contrainte de déclarer l'appel d'offres infructueux et de relancer la procédure de passation, sous le n° 12-144. Setis a augmenté tous ses prix de 20 %, à l'exception du poste n° 401 dont elle n'a pas modifié le montant. La SCET a remis quant à elle une offre présentant une majoration de 37,14 % sur le poste n° 601.1, la rendant ainsi inacceptable.
59. Concernant ce secteur, M. Z a déclaré : " Le lot 1 du secteur nord-Drôme (secteur 4) ne m'intéressait pas car la SCET était déjà en opération sur ce territoire. Je n'allais pas me mettre en concurrence avec eux. J'étais par contre intéressé par le lot 2 secteur 4 ". (cotes 2380 à 2412).
60. En ce qui concerne le lot 2, Mme B (SCET) avait indiqué lors de sa première audition en date du 3 avril 2014 : " Concernant le marché n° 12-118 lot 2 secteur 4 Nord-Drôme, Nord-Ardèche, Nord-Isère, Sud-Rhône, il correspond à une zone rurale. Je n'étais pas très intéressée. A l'inverse, nous sommes plutôt intéressés par les zones urbaines, notamment parce que dans le cadre de notre réseau d'EPL, nous sommes amenés à travailler avec ces dernières ". (cotes 1786 à 1789).
61. Interrogé au sujet de l'offre inacceptable remis par son concurrent, M. Z a indiqué : " Sur le marché 12-144, SCET répond avec +37 % sur un poste suite à une relance. Je trouve ça étonnant. Nous savions pourtant la règle éliminant tout candidat dépassant les 20 %. Ils l'ont peut-être fait en sachant que nous étions très intéressés par ce secteur. ".
62. Selon Mme B, le caractère inacceptable de l'offre de la SCET résulte de l'inversion, par erreur, de postes entre le lot 1 et le lot 2.
3. LES DIFFICULTÉS DANS LA GESTION DES MARCHÉS DE L'EPORA
63. Lors de leurs auditions, Mme B (SCET) et M. Z (Setis) ont tenu, à faire état des difficultés qu'ils ont rencontrées à l'occasion des appels d'offres lancés par l'EPORA. Ils ont notamment indiqué que le volume des bons de commande était incertain, que les bordereaux de prix à renseigner étaient trop détaillés et que les consultations en vue de la passation des marchés subséquents avaient été lancées à des dates très proches.
64. Mme B a notamment déclaré le 3 avril 2014 (cotes 1786 à 1789) : " Je souhaite préciser que nous n'avons pas l'habitude de remplir des bordereaux de prix unitaires aussi détaillés. Je n'avais jamais vu cela auparavant. II ne s'agit pas de la pratique habituelle des marchés, ce qui a rendu complexe la rédaction des documents de marché. L'avenant à l'accord-cadre (poste donné par propriétaire au lieu d'être donné par dossier) illustre un certain manque de connaissance de l'EPORA sur ce secteur d'activités. (...) Au final, je dirais qu'il n'y a pas plus compliqué que le marché tel qu'il a été passé par l'EPORA. Il peut être noté que fin 2013, l'EPORA n'a pas souhaité renouveler son marché (alors que trois renouvellements étaient possibles) ".
65. Elle a précisé lors de sa seconde audition du 9 juillet 2014 (cotes 1899 à 1902) : " Je ne me doutais pas que l'EPORA remettrait en question le nombre de missions des bons de commande. Je savais qu'ils avaient les compétences en interne de réaliser les négociations mais je ne pensais pas que cela aboutirait à un non-respect des bons de commandes ".
66. Concernant les avenants aux accords-cadres, M. Z a déclaré (cotes 2015 à 2018) : " Cet avenant a mis en place un prix forfaitaire au lieu d'un prix par propriétaire. Il y a au minimum trois propriétaires par opération. L'avenant a conduit à diminuer par trois environ le montant total du poste sans contrepartie sur les autres postes. C'est M. X de l'EPORA qui a mené cette négociation. Il y avait des dysfonctionnements récurrents. Lors des marchés subséquents j'ai décidé d'utiliser la marge de 20 % car nous ne souhaitions pas prendre de risque au vu de l'avenant ".
67. Il a ajouté, concernant la périodicité des marchés subséquents : " Je pense que nous avons utilisé la clause de hausse maximum de 20 % à bon escient car il me semble que le déroulé des marchés subséquents n'est pas optimal en termes de lissage de l'activité pour nous. Pendant un an nous n'avons pas de travail et nous avons ensuite plusieurs dossiers sur une courte période donc obligation de renforcer les équipes pour répondre à la demande ".
68. Concernant le déroulement de cette consultation, M. Z a précisé : " Au final, nous avons franchement le sentiment d'avoir été "piégés" à la fois par un contexte contractuel lourd qui a connu différents atermoiements ainsi que par la gestion administrative pour le moins chaotique de ces marchés qui nous a fait perdre beaucoup de temps en amont de toutes nos interventions opérationnelles, ce qui explique que nous travaillons aujourd'hui sans véritable marge sur les différents dossiers confiés ".
69. Les représentants de l'EPORA interrogés ont confirmé la complexité de ces marchés et la difficulté en résultant pour les co-attributaires dans l'anticipation de leur plan de charge (cotes 35 à 37) : " Une autre raison de variété des prix est peut être que lorsque nous avons passé nos marchés subséquents, les opérations n'étaient pas connues des attributaires. (...) Nous savons que les moyens d'ingénierie de la SCET et de Setis pour répondre à nos missions sont limités. De plus, ils ne pouvaient pas présupposer du plan de charge que le marché à bons de commandes allait générer. Cette incertitude pouvait être matière à prendre des précautions financières. Leurs offres, assez élevées, avaient peut-être pour but d'être dissuasives et de limiter les risques financiers d'un point de vue statistique ".
70. Mme Y et M. E (EPORA) ont d'ailleurs déclaré à ce propos : " L'accord-cadre n'a pas été reconduit depuis décembre 2013 notamment car les prix proposés sur les marchés subséquents étaient élevés et que la concurrence était insuffisante ".
D. LE GRIEF NOTIFIÉ
71. Par courrier en date du 11 juillet 2016, la rapporteure générale de l'Autorité a notifié le grief suivant à la SCET et à Setis, Groupe Caisse des dépôts et consignations et Groupe Degaud :
72. " Il est fait grief aux personnes morales SA SCET et EURL Setis en tant qu'auteures des pratiques, ainsi qu'aux personnes morales Groupe Caisse des Dépôts et Groupe Degaud SARL en tant que sociétés mères, d'avoir échangé préalablement à la date de remise des offres, soit entre avril 2012, date de la passation du second marché subséquent, et janvier 2013, date d'attribution du dernier marché subséquent par le maître d'ouvrage, des informations sur leurs offres en vue de la passation du marché d'assistance foncière de l'EPORA, ayant pour conséquence de tromper le maître d'ouvrage sur la réalité et l'étendue de la concurrence sur le marché, pratique contraire aux dispositions de l'article L. 420-1, notamment 2° et 4° du Code de commerce, prohibant les ententes anticoncurrentielles ".
E. LA MISE EN OEUVRE DE LA PROCÉDURE DE TRANSACTION
73. Le III de l'article L. 464-2 du Code du commerce dispose : " Lorsqu'un organisme ou une entreprise ne conteste pas la réalité des griefs qui lui sont notifiés, le rapporteur général peut lui soumettre une proposition de transaction fixant le montant minimal et le montant maximal de la sanction pécuniaire envisagée. Lorsque l'entreprise ou l'organisme s'engage à modifier son comportement, le rapporteur général peut en tenir compte dans sa proposition de transaction. Si, dans un délai fixé par le rapporteur général, l'organisme ou l'entreprise donne son accord à la proposition de transaction, le rapporteur général propose à l'Autorité de la concurrence, qui entend l'entreprise ou l'organisme et le commissaire du Gouvernement sans établissement préalable d'un rapport, de prononcer la sanction pécuniaire (...) dans les limites fixées par la transaction ".
74. En l'espèce, les sociétés EURL Setis, en qualité d'auteur et Groupe Degaud, en qualité de société mère, n'ont pas contesté la réalité du grief qui leur a été notifié et ont sollicité l'application des dispositions du III de l'article L. 464-2 du Code de commerce auprès de la rapporteure générale de l'Autorité qui leur a soumis une proposition de transaction.
75. La mise en œuvre du texte précité a donné lieu à l'établissement d'un procès-verbal de transaction du 22 septembre 2016 par lequel Setis et Groupe Degaud ont donné leur accord à une proposition de transaction.
76. Lors de la séance du 3 novembre 2016, ces deux sociétés ont confirmé leur accord avec les termes de la transaction dont elles ont accepté, en toute connaissance de cause, les conséquences juridiques notamment en ce qui concerne le montant de la sanction pécuniaire.
III. Discussion
A. SUR L'EXISTENCE D'UNE ENTENTE ANTICONCURRENTIELLE
77. Il résulte des éléments exposés ci-dessus que la société Setis, en tant qu'auteur, et le groupe Degaud, en tant que société mère, ont échangé avec la SCET, entre avril 2012 et janvier 2013, des informations sur leurs offres en vue de la passation du marché d'assistance foncière de l'EPORA. Ces échanges d'informations entre Setis et la SCET ont porté sur les bordereaux de prix du marché concerné ainsi que sur leur intérêt respectif pour les marchés subséquents aux accords-cadres.
78. Les échanges d'informations entre les sociétés Setis et SCET avaient pour objet de se répartir les marchés subséquents aux deux accords-cadres. Ils ont eu pour conséquence de tromper l'EPORA sur la réalité et l'étendue de la concurrence sur le marché.
79. Au surplus, ces pratiques ont permis à chaque entreprise désignée à l'issue des accords-cadres de remporter quatre marchés subséquents sur les huit finalement attribués, grâce à des offres de couverture ainsi que des non-remises d'offres. Elles ont également permis aux deux co-attributaires de pratiquer un niveau tarifaire élevé.
80. En participant à une telle entente avec la SCET, la société Setis a méconnu les dispositions de l'article L. 420-1 du Code de commerce.
B. SUR LA SANCTION
81. Le troisième alinéa du I de l'article L. 464-2 du Code du commerce prévoit que " les sanctions pécuniaires sont proportionnées à la gravité des faits reprochés, à l'importance du dommage causé à l'économie, à la situation individuelle de l'organisme ou de l'entreprise sanctionné ou du groupe auquel l'entreprise appartient et à l'éventuelle réitération de pratiques prohibées. Elles sont déterminées individuellement pour chaque entreprise ou organisme sanctionné et de façon motivée pour chaque sanction ".
82. L'article L. 464-5 du Code du commerce dispose que l'Autorité peut, lorsqu'elle met en œuvre la procédure simplifiée prévue à l'article L. 463-3 du Code du commerce, prononcer les sanctions prévues au I de l'article L. 464-2 de ce code. Toutefois, la sanction ne peut excéder 750 000 euros pour l'entreprise mise en cause.
1. SUR LA GRAVITÉ DES PRATIQUES ET LE DOMMAGE À L'ÉCONOMIE
83. Les ententes entre entreprises concurrentes sur un même marché commises à l'occasion d'appels d'offres sont parmi les plus graves des pratiques anticoncurrentielles parce qu'elles portent atteinte conjointement aux intérêts du consommateur ou usager et du contribuable.
84. En l'espèce, l'entente entre Setis et la SCET en vue de l'obtention des marchés subséquents d'assistance foncière de l'EPORA a, par nature, abouti à tromper le maître d'ouvrage quant à l'existence et à l'intensité de la concurrence entre les opérateurs.
85. Il sera toutefois tenu compte du comportement de l'EPORA lors de la passation du marché comme étant de nature à tempérer la gravité des faits en l'espèce. Il résulte en effet des constatations que l'EPORA, à l'issue de la procédure d'appel d'offres ouverte qu'elle avait lancée en vue de la conclusion d'un accord-cadre multi-attributaire, n'a retenu que deux sociétés au lieu d'au moins trois comme le veut la pratique, contribuant ainsi à restreindre la concurrence lors de la passation des marchés d'application de ces accords-cadres et à faciliter les échanges d'informations sensibles entre les deux seules sociétés admises à présenter des offres.
86. Les procédures d'appel d'offres lancées par l'EPORA pour l'attribution de la quasi-totalité des marchés subséquents ont été privées de tout effet puisque, à l'exception du premier marché subséquent dont la procédure de passation est antérieure aux pratiques, l'EPORA n'a pas été mis en mesure, pour les autres marchés, d'arbitrer entre deux offres régulièrement émises en raison, soit de l'abstention de l'une des deux sociétés à remettre une offre, soit de la remise d'une offre inacceptable. En outre, bien qu'il soit difficile d'estimer le renchérissement du coût payé par la collectivité du fait des pratiques constatées, les marchés subséquents passés durant les pratiques ont tous été attribués sur la base de prix proches du haut de la fourchette prévue par les accords-cadres.
87. Néanmoins, le marché de l'assistance foncière de l'EPORA concerné par les pratiques est de dimension locale. Son montant estimatif total s'élève environ à 414 000 euros et les prestations qui ont été effectivement facturées par les deux sociétés sont inférieures au montant estimatif du marché. L'EPORA n'a, par ailleurs, pas reconduit les accords-cadres alors même que le CCAP le permettait. Ces éléments sont de nature à modérer l'importance du dommage causé à l'économie, même s'ils ne remettent en cause ni son existence, ni son caractère certain.
2. SUR LE MONTANT FINAL DE LA SANCTION
88. Au vu de l'ensemble de ces éléments et dans le respect des termes de la transaction, le montant de la sanction infligée solidairement à l'EURL Setis et au Groupe Degaud est fixé à 40 000 euros.
DÉCISION
Article 1er : Il est établi que l'EURL Setis, en tant qu'auteur, et le Groupe Degaud, en tant que société mère, ont enfreint les dispositions de l'article L. 420-1 du Code de commerce en participant à une entente avec la société SCET lors de la passation du marché d'assistance foncière de l'EPORA.
Article 2 : Il est infligé solidairement à l'EURL Setis et au Groupe Degaud une sanction pécuniaire de 40 000 euros.
Délibéré sur le rapport oral de M. Jérôme Cazal, rapporteur et l'intervention de M. Nicolas Deffieux, rapporteur général adjoint, par Mme Claire Favre, vice-présidente, présidente de séance, Mme Chantal Chomel, Mme Séverine Larere, Mme Reine-Claude Mader et M. Noël Diricq, membres.
NOTES
1 Ce résumé a un caractère strictement informatif. Seuls font foi les motifs de la décision numérotés ci-après.
2 Le DQE (Détail Quantitatif Estimatif) est un document, en principe non contractuel, utilisé dans les marchés à bons de commande, et destinés à permettre la comparaison des prix. Il effectue la somme des produits des quantités estimées par les prix unitaires.