CA Amiens, ch. économique, 29 novembre 2016, n° 14-04598
AMIENS
Arrêt
Infirmation
PARTIES
Demandeur :
Compagnie Générale d'Affacturage (SA)
Défendeur :
Forestière de la Vallée de l'Oise (SARL)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Gilibert
Conseillers :
Mmes Pelissero, Paulmier-Cayol
DECISION
Vu le jugement en date du 1er août 2014 par lequel le tribunal de commerce de Saint-Quentin, statuant sur le litige opposant la SA Compagnie Générale d'Affacturage (CGA) et la SARL Forestière de la Vallée de l'Oise (SFVO), a :
- déclaré recevable et mal fondée l'action de la société Compagnie Générale d'Affacturage ;
- dit que les documents intitulés " feuilles de cubage " ne peuvent valoir bon de livraison ;
- dit que le courrier de la société Forestière de la Vallée de l'Oise en date du 11 mai 2011 fixe les conditions commerciales du marché, et en aucun cas la valeur d'acceptation de la marchandise ;
- constaté que la société CGA n'a pas produit l'original de sa pièce n° 4 ;
- dit que L'exploitation Forestière Creusoise a sciemment refusé de participer aux opérations d'expertise auxquelles elle était conviée ;
- débouté en conséquence la Compagnie Générale d'Affacturage de l'ensemble de ses demandes ;
- condamné la Compagnie Générale d'Affacturage à payer à la société Forestière de la Vallée de l'Oise la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;
- rejeté toutes autres demandes ;
- laissé les dépens à la charge de la Compagnie Générale d'Affacturage.
Vu l'appel interjeté le 06 octobre 2014 par la SA Compagnie Générale d'Affacturage (CGA).
Vu les dernières conclusions signifiées par voie électronique le 20 avril 2015 par lesquelles, la SA Compagnie Générale d'Affacturage, appelante, demande à la Cour de :
A titre principal:
- Condamner la société Forestière de la Vallée de l'Oise à lui payer la somme de 18 815.61euro majorée des intérêts au taux légal à compter du 15 novembre 2011, date de la mise en demeure et ce jusqu'à parfait paiement par application des dispositions de l'article 1153 du Code Civil,
- Condamner la société Forestière de la Vallée de l'Oise à lui payer:
- la somme de 1 000, 00 euros au titre des frais irrépétibles exposés devant le tribunal de commerce de Saint Quentin,
- la somme de 3 000,00 euros au titre des frais irrépétibles exposés devant la cour d'appel d'Amiens,
- Condamner la société Forestière de la Vallée de l'Oise aux entiers dépens tant de première instance que d'appel dont distraction au profit de Maître Franck D., avocat aux offres de droit,
A titre subsidiaire:
- Condamner la société Forestière de la Vallée de l'Oise à lui payer la somme de 5 200, 00euros majorée des intérêts au taux légal à compter du 15 novembre 2011, date de la mise en demeure et ce jusqu'à parfait paiement par application des dispositions de l'article 1153 du Code Civil,
- Condamner la société Forestière de la Vallée de l'Oise lui payer:
- la somme de 1 000, 00 euros au titre des frais irrépétibles exposés devant le tribunal de commerce de Saint Quentin,
- la somme de 3 000, 00 euros au titre des frais irrépétibles exposés devant la cour d'appel d'Amiens,
- Condamner la société Forestière de la Vallée de l'Oise aux entiers dépens tant de première instance que d'appel dont distraction au profit de Maître Franck D., avocat aux offres de droit.
Vu les dernières conclusions signifiées par voie électronique le 04 juin 2015 par lesquelles la SARL Forestière de la Vallée de l'Oise (SFVO), intimée, demande à la Cour de :
A titre principal:
- Déclarer la Compagnie Générale d'Affacturage irrecevable ou à tout le moins infondée en son appel ;
- Confirmer le jugement entrepris ;
- Dire que les documents intitulés 'feuille de cubage' ne sauraient valoir bon de livraison ;
- Constater le refus persistant de production par CGA du document original du 11 mai 2011 et dégager toutes conséquence de cette carence ;
- Constater, en effet, que les feuilles de cubage ne portent que sur la quantité des grumes concernées ;
- Constater que la société SFVO apporte la preuve de ce que les grumes laissées sur place étaient strictement invendables ;
- Débouter la société CGA de l'ensemble de ses moyens, fins et prétentions, par confirmation du jugement entrepris ;
- Condamner la Compagnie Générale d'Affacturage au remboursement de la provision non causée, représentant la somme de 5 000 euros, outre intérêts au taux légal depuis le 28 juin 2013 ;
- Par infirmation partielle du jugement entrepris, entendre condamner la société CGA à lui régler une indemnité de 3 000 euros en réparation de son préjudice commercial et moral ;
- Constater que l'Exploitation Forestière Creusoise a sciemment refusé de participer aux opérations d'expertise;
- Dire que l'absence de toute explication technique formulée par l'adhérent du factor entraine des effets juridiques ;
- Dire que les frais d'expertise seront mis à la charge exclusive de la partie demanderesse.
Très subsidiairement:
- Ordonner qu'il soit fait compensation entre la réclamation du factor et l'avoir consenti par la société Forestière de la Vallée de l'Oise à sa cliente italienne, à hauteur de 1 568,37 euros, pour 10 m3;
- Dire que la quantité de bois invendable, à hauteur de 46,27 m3, correspond à un total de 8 073,39 euros TTC, en diminution du montant de la créance dont se prévaut la société générale d'affacturage;
En tout état de cause:
- Débouter CGA de l'ensemble de ses moyens, fins et prétentions ;
- Confirmer le jugement entrepris au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;
- Condamner enfin CGA au paiement d'une indemnité complémentaire de 4.000 euro par application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens qui comprendront les frais d'expertise, dont distraction au profit de Maître W., Avocat aux offres de droit.
Pour plus ample exposé des moyens invoqués par les parties il est en application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile fait renvoi aux conclusions susmentionnées.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 09 novembre 2015.
Ceci étant expose, la cour,
La SARL Forestière de la Vallée de l'Oise (ci-après SFVO) qui exploite une activité de commerce de gros bois et de matériaux de construction, s'est approvisionnée en grumes de châtaignier auprès de la SARL Forestière de la Vallée de l'Oise (ci-après EFC).
EFC a émis une facture le 11 mai 2011, pour un montant de 18 815, 61 euros. Cette facture portait la mention " pour être libératoire, paiement à adresser à CGA Centre de paiement subrogée en nos droits ".
La Compagnie Générale d'Affacturage (ci-après CGA) et la société EFC sont, en effet, liées par un contrat d'affacturage. En vertu de ce contrat la société EFC a remis à CGA la créance de 18 815,61 euros qu'elle détenait sur SFVO suivant facture n°2639 du 11 mai 2011.
CGA a, par courrier recommandé avec accusé de réception en date du 15 novembre 2011, mis en demeure SFVO d'avoir à régler la somme de 18 81 61 euros.
SFVO a refusé de payer la somme de 18 815.61 euros en faisant valoir que les grumes fournies n'étaient pas de bonne qualité.
C'est dans ces conditions que le tribunal de commerce de Saint-Quentin saisi par la Compagnie Générale d'Affacturage a, après avoir ordonné un expertise concernant notamment la conformité des bois litigieux, déclaré recevable mais mal fondée la demande de cette société, retenant notamment que la SARL EFC(dans les droits de laquelle est subrogée CGA) n'avait pas accompli son travail de marchand de bois consistant à purger les bois vendus.
Sur ce,
Sur l'irrecevabilité de l'appel:
La société Forestière de la Vallée de l'Oise SARL n'invoque aucun moyen à l'appui de ses conclusions d'irrecevabilité. L'appel a été interjeté dans les formes et délais en vigueur.
En conséquence, la fin de non-recevoir sera rejetée et l'appel déclaré recevable.
Sur les sommes dues au titre de la facture n° 2639 du 11 mai 2011
La Compagnie Générale d'Affacturage fait valoir que SFVO lui est redevable de la somme de 18 815,61 euros correspondant à la facture n°2639 émise par la société EFC le 11 mai 2011 concernant une livraison de grumes de châtaignier.
CGA est recevable à agir à l'encontre de SFVO en vertu du contrat d'affacturage conclu avec EFC la subrogeant dans ses droits.
A l'appui de sa demande, CGA produit un courrier en date du 11 mai 2011 du gérant de SFVO confirmant l'achat bord de route de grumes de châtaignier portant les numéros 1 à 21 et 641 à 702 représentant près de 105 m3, pour un prix fixé à 170 euros le m3, suivant un règlement prévu le 30 août 2011.
SFVO conteste être l'auteur de ce courrier et reproche à la CGA de ne pas fournir l'original du document mais uniquement une photocopie d'un fax.
Toutefois, le courrier litigieux a pour objet la confirmation de l'achat des produits par SFVO. Il concerne ainsi la formation du contrat. Or, le litige porte sur l'exécution du contrat, soit la livraison de produits de mauvaise qualité, selon argumentation soulevée par la SFVO. La discussion relative à l'authenticité dudit courrier ne saurait donc avoir aucune incidence sur l'issue du litige.
Sont également produites par CGA trois feuilles de cubage datant du 11 mai 2011. Y est inscrit et détaillé l'ensemble des grumes livrées correspondant au courrier, ainsi que le tampon de SFVO sur chacune des feuilles, précédé de la mention " bon pour accord " et d'une signature.
Aucune réserve de la part de SFVO n'a été portée sur ces documents. Il ressort des pièces que la première contestation émise par cette dernière a été formulée le 18 novembre 2011 à l'occasion d'un échange de courriers électroniques, soit trois jours après la mise en demeure de payer de CGA en date du 15 novembre 2011. Le gérant de SFVO y fait état d'un problème de qualité du produit concernant une partie du bois livré.
SFVO fait valoir que les feuilles de cubages ne sont pas des bons de livraison et ne valent pas acceptation de la qualité de la marchandise. La mention " bon pour accord " était exclusivement portée en considération du calcul de cubage. SFVO explique en effet que la qualité des bois ne pouvait être décelée dès l'origine pour des raisons d'accessibilité. Enfin, SFVO précise qu'il était prévu que les grumes soient commercialisées pour la fabrication de grosses charpentes. Une qualité minimum était donc attendue. La mauvaise qualité rendant le bois inutilisable, la société n'aurait ainsi pas respecté son obligation de délivrance conforme au sens de l'article 1615 du Code civil.
Toutefois, il ressort de la lecture du rapport d'expertise concernant les usages de la profession (page 3) que le châtaignier comporte souvent des lots de grumes aux qualités variables; dès lors, le tri doit s'effectuer lors de la réception à l'occasion de laquelle l'acheteur choisit ses grumes.
En apposant son cachet et sa signature, suivie de la mention " bon pour accord " sans émettre de réserve concernant la qualité des produits, SFVO a ainsi, au vu des usages de la profession, renoncé à contester la qualité du bois. Elle ne saurait émettre des réserves seulement plusieurs mois après la réception des grumes, et ce particulièrement à la suite de la mise en demeure de payer de la société d'affacturage.
Si SFVO fait valoir qu'elle a rapidement et verbalement alerté la société EFC sur le défaut de qualité des produits, elle n'apporte toutefois pas la preuve de la réalisation d'une telle démarche.
Il est établi que si l'acheteur final italien a bien contesté la qualité de certaines grumes, il a toutefois accepté près de 60 m3 de bois. L'expert judiciaire dans son rapport (page 3), en déduit que le volume de bois accepté par l'acheteur révèle une proportion normale de bois conforme aux exigences du marché pour un tel lot.
Il convient en conséquence, d'accueillir la demande en paiement de CGA pour la totalité du montant de la facture, soit 18 815 61 euros, sans qu'il soit besoin de déterminer la quantité du bois effectivement non conforme, au regard de l'absence de réserve de SFVO à l'occasion de la réception des produits. Il ressort du dossier que SFVO a réglé en compte Carpa une somme de 5000 euros en exécution du jugement avant dire droit du Tribunal de Commerce en date du 17 mai 2013, la condamnation sera en conséquence prononcée en deniers ou quittances.
Sur la demande d'indemnité au titre du préjudice moral et commercial
Compte tenu de la solution apportée au litige, la demande de SFVO tendant à l'indemnisation de son préjudice moral et commercial sera rejetée.
Sur les dépens et les demandes formées au titre de l'article 700 du Code de procédure civile
Compte tenu de la solution apportée au litige, la SFVO partie succombante, sera condamnée aux dépens et à payer à CGA la somme de 2500 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.
Par ces motifs : Statuant par arrêt contradictoire, mis à disposition par le greffe, Déclare recevable et bien fondé l'appel formé par la SA Compagnie Générale d'Affacturage, Infirme le jugement rendu le 1er août 2014 par le tribunal de commerce de Saint-Quentin, en qu'il a: - déclaré mal fondée l'action de la société Compagnie Générale d'Affacturage; - débouté en conséquence la Compagnie Générale d'Affacturage de l'ensemble de ses demandes ;- condamné Compagnie Générale d'Affacturage à payer à la société Forestière de la Vallée de l'Oise la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ; - laissé les dépens à la charge de la Compagnie Générale d'Affacturage; Statuant des chefs infirmés, Condamne la SARL Forestière de la Vallée de l'Oise à payer à la SA Compagnie Générale d'Affacturage, en deniers ou quittances, la somme de 18 815.61euro majorée des intérêts au taux légal à compter du 15 novembre 2011, date de la mise en demeure et ce jusqu'à parfait paiement; Rejette l'ensemble des demandes de la SARL Forestière de la Vallée de l'Oise; Y ajoutant, Condamne la SARL Forestière de la Vallée de l'Oise à payer à la SA Compagnie Générale d'Affacturage la somme de 2500 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile; Condamne la SARL Forestière de la Vallée de l'Oise aux entiers dépens tant de première instance que d'appel dont distraction au profit de Maître Franck D., avocat aux offres de droit.