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Décisions

Cass. com., 29 novembre 2016, n° 14-23.273

COUR DE CASSATION

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Tünkers France (SARL), Tünkers Maschinenbau GmbH

Défendeur :

Expert France (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Mouillard

Rapporteur :

M. Arbellot

Avocats :

SCP Gatineau-Fattaccini, SCP Bénabent-Jéhannin

CA Paris, du 19 juin 2014

19 juin 2014

LA COUR : - Sur le moyen unique, pris en sa seconde branche :- Vu l’article 267 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;- Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 19 juin 2014), rendu en matière de contredit, que, par un jugement du 14 juillet 2006, le tribunal de Darmstadt (Allemagne) a ouvert une procédure d'insolvabilité à l'égard de la société de droit allemand Expert Maschinenbau GmbH (la société Expert Maschinenbau), un administrateur judiciaire (l'administrateur) étant désigné ; que, le 13 septembre 2006, celui-ci a conclu un accord provisoire avec la société de droit allemand Tünkers Maschinenbau GmbH (la société Tünkers Maschinenbau), candidate à la reprise de l'activité de propulsion secteur " P " de la société Expert Maschinenbau ; que, les 19 septembre, 24 et 27 octobre 2006, la société Tünkers Maschinenbau a écrit directement aux clients de la société Expert France, filiale française de la société Expert Maschinenbau, distributeur exclusif en France des matériels de celle-ci, pour les inviter à s'adresser désormais à elle pour effectuer leurs commandes ; que, par un acte définitif du 22 septembre 2006, l'administrateur a cédé le secteur " P " à la société de droit allemand Wetzel Fahrzeugbau GmbH, filiale de la société Tünkers Maschinenbau ; que, le 25 février 2013, la société Expert France a assigné les sociétés Tünkers France et Tünkers Maschinenbau devant le tribunal de commerce de Paris en responsabilité pour avoir commis des actes de concurrence déloyale en s'appropriant sa clientèle ; que se fondant sur l'article 3 du règlement (CE) n° 1346/2000 du 29 mai 2000 relatif aux procédures d'insolvabilité, les sociétés défenderesses ont décliné la compétence de la juridiction saisie et revendiqué celle du tribunal de Darmstadt ; que le tribunal de commerce de Paris ayant rejeté leur exception d'incompétence par un jugement du 8 novembre 2013, les sociétés Tünkers France et Tünkers Maschinenbau ont formé contredit ; que par l'arrêt attaqué, la cour d'appel a rejeté le contredit et renvoyé l'affaire devant le tribunal de commerce de Paris ;

Attendu qu'au soutien de leur pourvoi, les sociétés Tünkers France et Tünkers Maschinenbau font valoir que relève exclusivement du tribunal ayant ouvert la procédure d'insolvabilité l'action en justice découlant de la prise d'une décision qui dérive directement de cette procédure et s'y insère étroitement ; qu'elles estiment que tel est le cas d'une action, fût-elle qualifiée d'action en responsabilité délictuelle, par laquelle il est reproché à celui qui a bénéficié de la cession d'une branche d'activité dans le cadre d'une procédure d'insolvabilité de s'être présenté, à tort, comme assurant la distribution exclusive des articles fabriqués par le débiteur, dès lors qu'il appartient au seul tribunal de la procédure d'insolvabilité de déterminer le périmètre de la cession ; qu'elles rappellent que la société Tünkers Maschinenbau soutenait que c'était en vertu de l'accord provisoire du 13 septembre 2006, confirmé par l'accord définitif du 22 septembre suivant, que les produits relevant du secteur " P " fabriqués par la société Expert Maschinenbau lui avaient été proposés exclusivement en vue de leur commercialisation et en déduisait que la société Expert France contestait le droit de distribution exclusive qui lui avait été conféré dans le cadre de la procédure d'insolvabilité ; qu'elles considèrent qu'en retenant la compétence du tribunal de commerce de Paris pour connaître de cette action, quand seul le tribunal ayant ouvert la procédure d'insolvabilité était compétent pour se prononcer sur le point de savoir si le cessionnaire s'était présenté, à tort, comme assurant la distribution exclusive des articles fabriqués par le débiteur, la cour d'appel a violé l'article 3 du règlement (CE) n° 1346/2000 du 29 mai 2000 ;

Attendu que ce grief pose la question de la compétence internationale du juge de l'Etat membre sur le territoire duquel a été ouverte la procédure principale d'insolvabilité pour connaître d'une action en responsabilité pour concurrence déloyale, dont les demanderesses au pourvoi soutiennent qu'elle dérive directement de cette procédure d'insolvabilité et s'y insère étroitement ;

Attendu que, s'agissant de la détermination de la juridiction compétente, l'article 3, paragraphe 1, du règlement dispose : " Les juridictions de l'Etat membre sur le territoire duquel est situé le centre des intérêts principaux du débiteur sont compétentes pour ouvrir la procédure d'insolvabilité. Pour les sociétés et les personnes morales, le centre des intérêts principaux est présumé, jusqu'à preuve contraire, être le lieu du siège statutaire ; "

Que la Cour de justice des Communautés européennes, devenue de l'Union européenne, juge (CJCE, 12 février 2009, C-339-07, point 21) que, compte tenu de l'effet utile du règlement, l'article 3, paragraphe 1, de ce dernier doit être interprété en ce sens qu'il attribue également une compétence internationale à l'Etat membre sur le territoire duquel a été ouverte la procédure d'insolvabilité pour connaître des actions qui dérivent directement de cette procédure et qui s'y insèrent étroitement ;

Que le pourvoi pose la question de savoir si la présente action en responsabilité pour concurrence déloyale s'analyse en une action de droit commun, étrangère à la procédure principale d'insolvabilité ouverte devant le tribunal de Darmstadt, ou si, au contraire, elle entre dans la catégorie des actions qui dérivent directement de cette procédure et qui s'y insèrent étroitement, relevant de la compétence de cette juridiction ;

Qu'il y a donc lieu de renvoyer cette question à la Cour de justice de l'Union européenne ;

PAR CES MOTIFS : Renvoie à la Cour de justice de l'Union européenne aux fins de répondre à la question suivante :" L’article 3 du règlement (CE) du Conseil n° 1346/2000 du 29 mai 2000 relatif aux procédures d’insolvabilité doit-il être interprété en ce sens que relève exclusivement de la compétence du tribunal ayant ouvert la procédure d’insolvabilité l’action en responsabilité par laquelle il est reproché au cessionnaire d’une branche d’activité acquise dans le cadre de cette procédure de s’être présenté à tort comme assurant la distribution exclusive des articles fabriqués par le débiteur ? ".