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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 10, 5 décembre 2016, n° 15-16766

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Classic operadora de tour (SARL)

Défendeur :

Tui France (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Loos

Conseillers :

Mmes Simon-Rossenthal, Castermans

Avocats :

Mes Botbol, Baltes, Boccon Gibod, Balensi

T. com. Paris, 13e ch., du 6 juill. 2015

6 juillet 2015

FAITS ET PROCÉDURE

La société Classic Operadora de Tour exerce l'activité d'agent de voyages réceptifs à Punta Cana, en République Dominicaine. Elle propose aux tours opérateurs, des services consistant en la réservation d'hôtels, les transferts entre hôtels et aéroport, les excursions.

La société TUI France est un tour opérateur qui crée et vend des voyages et prestations connexes en France et à l'étranger.

Par contrat du 1er novembre 2010, la société Marmara, Tour Opérateur, filiale du groupe TUI et la société Classic Operadora de Tour ont conclu un accord de services réceptifs d'une durée de 2 ans. Le contrat était reconduit jusqu'au 31 décembre 2014.

En 2012, à la suite de la fusion intervenue entre le groupe Nouvelles Frontières et la société Marmara, la société TUI France reprenait l'activité du tour opérateur.

Par lettre du 8 janvier 2013, la société TUI France annonçait à la société Classic Operadora de Tour, l'arrêt des séjours proposés sous la marque Nouvelles Frontières et Marmara et l'informait de la résiliation anticipée du contrat à la date du 11 mai 2013.

Par lettre du 22 mai 2013, la société Classic Operadora de Tour mettait en demeure la société TUI France sur le fondement de l'article L. 442-6-I, 5 du Code de commerce, de réparer le préjudice qui lui était causé, correspondant à la perte de marge brute sur la période restant à courir jusqu'au terme du contrat, soit sur 20 mois.

Par jugement rendu le 6 juillet 2015, le Tribunal de commerce de Paris statuait comme suit :

Dit que la loi applicable est celle de la république dominicaine,

Dit que l'article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce, n'est pas applicable,

Déboute la société Classic Operadora de Tour de ses demandes,

Condamne la société Classic Operadora à régler la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, à la société TUI France, en assortissant sa décision de l'exécution provisoire.

La société Classic Operadora de Tour a relevé appel de la décision.

Par conclusions récapitulatives signifiées le 30 septembre 2016, la société Classic Operadora de Tour demande de :

Infirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu le 6 juillet 2015 par la 13e chambre du Tribunal de commerce de Paris

Dire et juger que la société TUI France a procédé à une rupture brutale et abusive de la relation commerciale établie avec son prestataire, la société Classic Operadora de Tour,

Condamner la société TUI France à payer à la société Classic Operadora de Tour la somme de 651 913 euros, à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice d'exploitation.

Condamner la société TUI France à payer à la société Classic Operadora de Tour la somme de 15 000 euros à titre d'indemnité procédurale de première instance et d'appel sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

Débouter la société TUI France de l'intégralité de ses demandes,

Condamner la société TUI France aux entiers dépens, qui comprendront notamment les frais de signification et d'exécution éventuelle de l'arrêt à intervenir.

Par conclusions récapitulatives signifiées le 18 décembre 2015, la société TUI France demande à la cour de :

Au principal,

- Dire et juger que Classic Operadora ne peut invoquer les dispositions de l'article L. 442-6 du Code de commerce,

En conséquence,

- Confirmer le jugement rendu le 6 juillet 2015 par le Tribunal de commerce de Paris en toutes ses dispositions,

- Débouter Classic Operadora de l'intégralité de ses demandes.

Subsidiairement,

- Dire et juger que Classic Operadora ne peut se prévaloir d'aucune relation commerciale établie ; que Classic Operadora n'a été victime d'aucune rupture brutale, que le préavis de 4 mois dont a bénéficié Classic Operadora était suffisant,

En conséquence, débouter Classic Operadora de l'intégralité de ses demandes.

- Condamner la société Classic Operadora à régler à TUI France la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

SUR CE,

Sur l'application de l'article L. 442-6 I 5 du Code de commerce

La société Classic Operadora, société de droit dominicain, invoque une rupture brutale des relations commerciales et sollicite une indemnisation sur le fondement des dispositions de l'article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce.

La société TUI France oppose que les faits ne se sont pas déroulés en France, que l'article 442-6 du Code de commerce ne s'applique pas en l'espèce.

Aux termes d'un contrat du 1er novembre 2010, la société TUI France a confié à la société Classic Operadora la réalisation de prestations de services réceptifs pour ses clients Marmara, séjournant en République Dominicaine.

Ce contrat était conclu pour une durée de deux années. Il précisait que : " Classic Operadora de Tour accepte la rupture immédiate de ce contrat sans préjudice en cas de décision du groupe TUI ".

Le 1er octobre 2011, un nouveau contrat à durée déterminée était conclu entre les sociétés TUI France et Classic Operadora, selon les mêmes modalités que le précédent et devait prendre fin au 31 décembre 2014. Le contrat ne prévoyait aucune indemnité en cas de rupture immédiate du contrat.

La lettre de résiliation est intervenue le 20 décembre 2012, avec effet au mois de mai 2013.

S'il n'est pas contesté que le contrat a été signé en France, aucune stipulation du contrat ne renvoie au droit français. Le contrat ne comporte pas de clause d'attribution de compétence.

Les dispositions de l'article 442-6 du Code de commerce, qui sanctionnent une rupture brutale de relations commerciales, n'ont pas de lien direct avec la bonne ou mauvaise exécution du contrat, elles relèvent de la responsabilité délictuelle.

La loi applicable aux obligations non contractuelles est régie par les dispositions du règlement Rome II du 11 juillet 2007.

L'article 4 du règlement dispose que :

" Sauf dispositions contraires du présent règlement, la loi applicable à une obligation non contractuelle résultant d'un fait dommageable est celle du pays où le dommage survient, quel que soit le pays où le fait générateur du dommage se produit et quels que soient les pays dans lesquels les conséquences indirectes de ce dommage surviennent (...)

S'il résulte de l'ensemble des circonstances que le fait dommageable présente des liens manifestement plus étroits avec un pays autre que celui visé aux paragraphes 1 ou 2, la loi de cet autre pays s'applique. Une lien manifestement plus étroit avec un autre pays pourrait se fonder, notamment sur une relation préexistante entre les parties, telle qu'un contrat, présentant un lien étroit ".

En application de ce texte, l'action visant à sanctionner la rupture de relations commerciales établies, est régie par la loi du lieu où la victime de la rupture exerce son activité et a son siège social.

En l'espèce, la société Classic Operadora est une société de droit dominicain n'exerçant pas son activité sur le territoire français. Les prestations ont été exécutées sur le territoire de la République dominicaine. Le contrat a été exécuté sur le territoire de la république dominicaine.

L'exclusivité donnée par la société TUI France, à la société Classic Operadora de Tour consistait à accueillir à l'aéroport les clients voyageurs de la société TUI France, leur vendre, sur place, en République Dominicaine, des services complémentaires tels que des excursions ou des visites guidées. Il en résulte que le dommage et le préjudice allégués par la société Classic Operadora sont localisés sur le territoire dominicain et dès lors en application du texte précité la loi applicable est celle de la République Dominicaine.

En conséquence, il y a lieu de confirmer la décision du Tribunal de commerce de Paris du 6 juillet 2015, en ce que les premiers juges ont débouté la société Classic Operadora de Tour de sa demande fondée sur l'article L. 442-6 du Code de commerce et en toutes ses autres dispositions.

Sur la demande au titre de l'article 700 du Code de procédure civile

Il n'est pas inéquitable de laisser à la charge de chacune des parties les frais non compris dans les dépens.

La société Classic Operadora de Tour, partie perdante, au sens de l'article 696 du Code de procédure civile, sera tenue de supporter la charge des dépens.

Par ces motifs : LA COUR, confirme le jugement rendu par le tribunal de commerce de Paris du 6 juillet 2015, en toutes ses dispositions, y ajoutant, déboute les parties de toutes leurs autres demandes, condamne la société Classic Operadora de Tour aux dépens.