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Décisions

Cass. com., 6 décembre 2016, n° 15-12.437

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

PARTIES

Demandeur :

Selection auto (SASU)

Défendeur :

Nissan West Europe (SAS), Alliance Motors 29 (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Mouillard

Rapporteur :

Mme Le Bras

Avocat général :

M. Debacq

Avocats :

SCP Gatineau, Fattaccini, SCP Garreau, Bauer-Violas, Feschotte-Desbois

T. com. Rennes, prés., du 16 janv. 2014

16 janvier 2014

LA COUR : - Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 3 décembre 2014), rendu en matière de référé, que la société Nissan West Europe (la société Nissan) est importatrice en France des véhicules automobiles de la marque Nissan, distribués dans le cadre d'un réseau de distribution sélective qui prohibe la revente de véhicules neufs de la marque à des revendeurs hors réseau ; que reprochant à la société Sélection auto, vendeur de véhicules neufs et d'occasion de différentes marques, la commercialisation de véhicules de la marque Nissan, sur le site internet marchand que celle-ci exploite, la société Nissan a obtenu que, par une ordonnance de référé, il soit enjoint à cette société de produire la liste des véhicules neufs proposés à la vente et leurs factures d'achat ; que la société Sélection auto a déposé le 14 février 2014 une requête en interprétation du terme " véhicule neuf " dans cette décision, qui a été jointe à l'appel formé au fond le 6 février 2014 ; que la société Alliance Motors 29 (la société Alliance Motors), membre du réseau de distribution de la marque Nissan, est intervenue volontairement à l'instance ;

Sur le premier moyen : - Attendu que la société Sélection auto fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevable la requête en interprétation alors, selon le moyen, que s'il appartient à tout juge de première instance d'interpréter sa décision en l'absence d'appel, en cas d'appel, il appartient à la cour d'appel d'interpréter les dispositions ambigües du jugement critiqué ; qu'en jugeant pourtant qu'elle n'avait pas le pouvoir d'interpréter le dispositif de l'ordonnance frappée d'appel devant elle, pour déterminer si cette ordonnance avait entendu ou non limiter la production ordonnée aux factures d'achat par la société Sélection auto de véhicules neufs de la marque Nissan, la cour d'appel a violé les articles 461 et 561 du Code de procédure civile ;

Mais attendu que la cour d'appel ayant relevé que, dès lors qu'il avait été interjeté appel de la décision, il lui appartenait d'examiner l'entier litige et le cas échéant, de donner son sens à la décision critiquée, la société Sélection auto est sans intérêt à critiquer l'arrêt en ce qu'il a déclaré sa requête en interprétation irrecevable ; que le moyen est irrecevable ;

Et sur le second moyen : - Attendu que la société Sélection auto fait grief à l'arrêt de confirmer l'ordonnance alors, selon le moyen : 1°) qu'il appartient au juge qui ordonne une mesure d'instruction avant tout procès de caractériser l'existence d'un motif légitime de conserver ou d'établir la preuve de faits dont pourrait dépendre l'issue du litige ; qu'en l'espèce, pour retenir l'existence d'un motif légitime, les juges du fond se sont bornés à relever l'existence " évidente " d'un réseau de distribution exclusif " dont la société Nissan West Europe justifie la licéité " ; qu'en statuant par cette pure pétition de principe, sans caractériser de quelles pièces il ressortirait que la preuve de la licéité du réseau invoqué par les sociétés intimées était effectivement rapportée, sachant que sa conformité aux règles de concurrence était contestée par l'appelante, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 145 du code de procédure civile ; 2°) qu'il appartient au juge qui ordonne une mesure d'instruction avant tout procès de caractériser l'existence d'un motif légitime de conserver ou d'établir la preuve de faits dont pourrait dépendre l'issue du litige ; qu'en l'espèce, pour retenir l'existence d'un motif légitime, les juges du fond ont reproché à l'appelante son refus de justifier la régularité de la provenance des véhicules acquis par ses soins, ce qui caractériserait le caractère frauduleux de ses agissements ; qu'en statuant ainsi quand le seul fait de se défendre en justice pour refuser de communiquer des éléments couverts par le secret des affaires n'a rien de frauduleux, la cour d'appel a violé l'article 145 du Code de procédure civile ; 3°) que si le secret des affaires ne constitue pas en lui-même un obstacle à l'application des dispositions de l'article 145 du Code de procédure civile, c'est à la condition que la mesure d'instruction ordonnée soit strictement nécessaire à la protection des droits des requérants ; qu'en se bornant, en l'espèce, à juger que " le secret des affaires ne peut légitimer la critique de la décision par la société Sélection auto ", sans caractériser en quoi il était nécessaire, pour assurer les droits des sociétés requérantes, d'obtenir non seulement la liste des fournisseurs de la société Sélection auto et des véhicules de marque Nissan acquis par cette dernière, mais encore l'ensemble des factures d'achat de ces véhicules, ce qui leur permettrait d'avoir connaissance de la structure commerciale de leur concurrente, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 145 du Code de procédure civile et du principe de proportionnalité ; 4°) que les mesures d'instruction ordonnées sur le fondement de l'article 145 du Code de procédure civile doivent être circonscrites à ce qui est strictement nécessaire à la protection des droits des requérants ; qu'en l'espèce, les juges du fond ont eux-mêmes constaté que les sociétés Nissan West Europe et Alliance Motors 29 ne pourraient éventuellement agir ultérieurement qu'au titre des véhicules neufs de marque Nissan commercialisés par la société Selection auto ; qu'en ordonnant pourtant la production de la liste et des factures portant sur tous les véhicules de marque Nissan acquis par la société Sélection auto entre 2011 et 2013, sans limiter les productions ordonnées aux pièces portant sur les véhicules neufs, notion qu'il lui appartenait de définir pour circonscrire la mesure ordonnée à ce qui était strictement nécessaire à la protection des droits des requérantes, la cour d'appel a violé l'article 145 du Code de procédure civile et le principe de proportionnalité ;

Mais attendu, en premier lieu, que sous le couvert des griefs infondés de manque de base légale et de violation de la loi, le moyen ne tend qu'à remettre en cause l'appréciation souveraine, par les juges du fond, de l'existence d'un motif légitime, au sens de l'article 145 du Code de procédure civile, d'ordonner la mesure d'instruction sollicitée ;

Et attendu, en second lieu, que l'arrêt constate que les seules données relatives aux moteurs des véhicules relevées par l'huissier de justice ne permettent de déterminer ni l'identité de tous les revendeurs, ni la quantité de véhicules neufs ainsi vendus, ni l'étendue du préjudice subi, et qu'elles n'ont pas pour effet de permettre la détermination de l'identité des clients ; qu'il retient que les mesures sont justifiées par l'insuffisance des preuves existantes ; qu'il en déduit que la mesure doit concerner toutes les factures d'achat de véhicules Nissan par la société Sélection auto, afin d'assurer le respect complet des intérêts des sociétés Nissan et Alliance Motors ; qu'en l'état de ces appréciations souveraines, la cour d'appel a caractérisé la proportionnalité de la mesure ordonnée à ce qui était strictement nécessaire à la protection des droits de la société Nissan et de la société Alliance Motors ; d'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Par ces motifs : rejette le pourvoi.