Cass. com., 6 décembre 2016, n° 15-12.320
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
PARTIES
Demandeur :
Groupe Bigard (SA)
Défendeur :
Nordesosse (SARL), Meat Desoss (SARL)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Mouillard
Rapporteur :
Mme Poillot-Peruzzetto
Avocat général :
M. Mollard
Avocats :
SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle, Hannotin, SCP Fabiani, Luc-Thaler, Pinatel
LA COUR : - Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 27 novembre 2014), que la société Groupe Bigard, spécialisée dans la transformation de viande, entretenait des relations commerciales, pour des opérations de seconde transformation dans quatre sites du Nord de la France, avec la société Nordesosse, laquelle faisait intervenir, en qualité de sous-traitant, la société Meat Desoss ; qu'afin de se conformer aux recommandations de la convention nationale relative à la labellisation sociale des prestations de services dans le domaine du travail à façon de la viande, la société Groupe Bigard a demandé, en décembre 2011, à la société Nordesosse d'engager des démarches en vue de l'obtention du label social ; que l'audit social réalisé en mai 2012 à la demande la société Nordesosse, par la société Bureau Veritas (la société Veritas), ayant relevé des non-conformités à la législation sociale et conclu à un refus de labellisation, la société Nordesosse a sollicité un délai auprès de la société Groupe Bigard ; que, le 31 août 2012, la société Groupe Bigard a informé la société Nordesosse qu'elle mettait fin à leurs relations commerciales pour trois sites ; que le 1er octobre suivant, elle l'a informée de la cessation de leurs relations pour le quatrième site, avec un préavis de deux mois ; que les sociétés Nordesosse et Meat Desoss ont assigné la société Groupe Bigard en réparation de leurs préjudices :
Sur le premier moyen du pourvoi principal : - Attendu que la société Groupe Bigard fait grief à l'arrêt de dire qu'elle a rompu brutalement la relation commerciale la liant à la société Nordesosse alors, selon le moyen : 1°) que la crainte légitime d'un risque de condamnation pénale au regard du non-respect, par le prestataire, de la législation sociale, justifie la rupture de la relation commerciale établie sans préavis ; qu'au cas présent, il est constant que l'audit mené par la société Veritas avait révélé trois non-conformités majeures et treize rédhibitoires pour la société Meat Desoss, et quatre majeures et douze rédhibitoires pour la société Nordesosse, et que " beaucoup de points [étaient] à revoir en terme de respect du droit et de la CCN ; [que] la pratique de la sous-traitance entre les sociétés du même groupe [devait] être revue complètement " ; qu'il en résultait que la société Groupe Bigard ne pouvait que s'inquiéter d'un risque de condamnation pénale au regard des articles L. 8231-1 et L. 8241-1 du Code du travail (délits de marchandage et de prêt illicite de mains-d'œuvre), le juge pénal n'octroyant jamais de délais de régularisation ; qu'en jugeant, malgré l'existence de cette peur causée par la société Nordesosse, que la société Groupe Bigard avait rompu brutalement les relations commerciales la liant à la société Nordesosse, la cour d'appel a violé l'article L. 442-6, I, 5, du Code de commerce ; 2°) que les rapports Veritas versés aux débats mentionnaient expressément plusieurs infractions des sociétés Nordesosse et Meat Desoss à la Convention collective nationale de l'industrie et des commerces en gros de viandes (CCN) et notamment que " les accords de branche, notamment en matière de salaires, ne sont pas appliqués au sein de l'entreprise ", que " le temps d'habillage/déshabillage ne fait pas l'objet d'une compensation au bénéfice des salariés conformément aux dispositions conventionnelles de branche ", que " la prime de fin d'année n'est pas conforme aux dispositions de la CCN n° 3179 ", que " les dispositions de la convention collective sur le versement de la prime d'ancienneté ne sont pas respectées ", que " les montants des salaires de base mensuels minimums prévus par les avenants salariaux de la branche ne sont pas respectés " ; qu'en retenant, pour rejeter le moyen développé par la société Groupe Bigard, suivant lequel les sociétés Nordesosse et Meat Desoss ne respectaient pas le droit social, que " le rapport concluait seulement que la labellisation n'était pas possible en l'état ", la cour d'appel a dénaturé lesdits rapports, et ainsi violé l'article 1134 du Code civil ; 3°) que l'objectif de l'audit confié à Veritas, l'obtention du label social, n'empêchait pas que les non-conformités constatées puissent constituer, au-delà des obstacles à la labellisation, de véritables infractions à la législation sociale, révélées à la société Groupe Bigard à cette occasion ; qu'en relevant, pour juger que le rapport Veritas ne révélait pas d'infraction à la législation sociale, qu'il avait pour " objectif " de " relever les obstacles à l'obtention de la labellisation et non à rechercher des infractions ou des manquements contractuels de la société Nordesosse ", la cour d'appel a statué par un motif inopérant et, en conséquence, privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 442-6, I, 5, du Code de commerce ; 4°) qu'au cas présent la société Groupe Bigard invoquait, s'agissant des frais professionnels remboursés par les sociétés Nordesosse et Meat desoss, non pas le dépassement du seuil de 18 % du salaire, préconisé seulement par la Commission de labellisation, mais le taux prohibitif de 31 % d'indemnités non imposables, révélant un salaire déguisé permettant à l'employeur d'échapper aux cotisations sociales ; qu'en retenant, pour juger que le rapport Veritas ne révélait pas d'infraction au droit social, que le remboursement des frais de déplacement supérieur à 18 % du salaire " ne constitue pas une infraction ", sans rechercher, comme elle y était invitée, si le paiement d'indemnités non imposables représentant 31 % de la rémunération des salariés ne caractérisait pas une violation de la législation sociale, la cour d'appel a statué par un motif inopérant, et partant, violé l'article 455 du Code de procédure civile ; 5°) qu'aux termes de l'article 3 de l'avenant n° 75 du 17 mars 2009 à la Convention collective nationale des entreprises de l'industrie et des commerces en gros des viandes " aucun salaire de base ne peut être inférieur aux montants des salaires définis chaque année dans la convention collective nationale, qui excluent donc tout autre élément de rémunération (pauses, habillages, primes diverses...) " ; que la société Groupe Bigard faisait valoir dans ses écritures que les sociétés Nordesosse et Meat Desoss ne respectaient pas la CCN du commerce en gros des viandes en versant à leur personnel, et notamment à Mme Pescheux, des salaires inférieurs aux minimas conventionnels fixés par l'avenant n° 78 du 4 février 2011, et que " la rémunération de base (minima conventionnel) se calcule par rapport au niveau et à l'échelon du salarié, à laquelle s'ajoute la prime d'ancienneté, la prime de 13e mois, et une éventuelle prime de production " ; qu'en retenant que " il résulte de la lecture de ce bulletin de salaire qu'elle a perçu en plus de son salaire de base une prime de production de sorte que son salaire était supérieur au minimum conventionnel ", la cour d'appel, qui a intégré dans le salaire de base la prime de production, a violé l'article 3 de l'avenant n° 75 du 17 mars 2009 à la Convention collective nationale des entreprises de l'industrie et des commerces en gros des viandes ; 6°) que la société Groupe Bigard faisait valoir dans ses écritures d'appel que les salariés de la société étrangère Yellow Word, détachés sur les sites Bigard par la société Nordesosse, percevaient un salaire mensuel inférieur aux minima conventionnels, qu'elle insistait sur la distinction entre le salaire minimum légal et le salaire minimum conventionnel, indiquant que l'attestation produite par la partie adverse visait seulement le salaire minimum légal ; que la cour d'appel, pour estimer que les salaires en cause étaient conformes à la législation sociale, a retenu que l'expert comptable de la société Nordesosse avait attesté que quatre des salariés de la société Yellow word avaient perçu " des salaires supérieurs au salaire minimum " ; qu'en s'abstenant de préciser s'il s'agissait du salaire minimum légal (SMIC) ou du salaire minimum conventionnel, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'avenant n° 78 du 4 février 2011 à la Convention collective nationale des entreprises de l'industrie et des commerces en gros des viandes ;
Mais attendu que l'arrêt relève que l'audit réalisé par la société Veritas n'avait pas pour objet de rechercher des infractions ou des manquements contractuels et que les non-conformités constatées constituaient seulement des obstacles à la labellisation de la société Nordesosse, le rapport d'audit indiquant que "beaucoup de points sont à revoir en termes de respect du droit et de la convention collective nationale de l'industrie et des commerces en gros de viande" et que "la pratique de la sous-traitance entre les sociétés du même groupe doit être revue complètement" et se bornant à conclure que la labellisation n'était pas possible en l'état ; qu'il relève encore qu'à la suite de l'audit, la société Nordesosse a rendu compte à la société Groupe Bigard de l'ensemble de ces éléments, l'avisant qu'elle allait demander à être de nouveau auditée le plus rapidement possible afin de pouvoir obtenir le label pour la fin de l'année ou le début 2013 ; qu'il ajoute que la société Groupe Bigard, qui avait laissé mettre en œuvre ce processus dont la société Nordesosse pouvait espérer qu'il lui permettrait d'être labellisée, a mis fin aux relations sans permettre à cette société de conduire pleinement le processus à son terme ; qu'il constate que la société Nordesosse n'a commis aucun manquement contractuel et que la société Groupe Bigard ne lui avait fixé aucun délai pour l'obtention du label social ; qu'il constate encore que, concernant le site de Saint-Pol, la société Groupe Bigard a fait application du préavis contractuel de deux mois ; qu'en l'état de ces constatations et appréciations, faisant ressortir que la société Groupe Bigard, elle-même, n'avait pas considéré les non-conformités constatées par la société Veritas, qui s'étaient prolongées dans le temps, comme suffisamment graves pour justifier une rupture immédiate de ses relations commerciales avec la société Nordesosse, la cour d'appel, qui n'a pas dénaturé le rapport d'audit et qui n'avait pas à effectuer la recherche inopérante invoquée à la quatrième branche, a pu retenir, abstraction faite des motifs surabondants critiqués par les cinquième et sixième branches, que la rupture était brutale ; que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le second moyen du même pourvoi : - Attendu que la société Groupe Bigard fait grief à l'arrêt de fixer à un an le préavis dont aurait dû bénéficier la société Nordesosse alors, selon le moyen : 1°) qu'une relation commerciale établie ne peut être considérée comme poursuivie en l'absence de reprise expresse des engagements par le nouveau partenaire, que si les circonstances permettaient d'établir une volonté des parties au nouveau rapport de s'inscrire dans la continuité des rapports précédents ; qu'en retenant seulement, pour juger que la société Groupe Bigard avait repris la relation commerciale établie par la société Arcadie, et, avant elle, par la société Vianor, avec la société Nordesosse, que cette dernière était devenue le fournisseur du groupe après le rachat de la société Arcadie par le Groupe Bigard, sans caractériser les éléments tangibles permettant d'établir une volonté des parties de se situer dans la continuité des relations précédemment établies, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 442-6, I, 5°, du Code de commerce ; 2°) que la société Groupe Bigard soutenait dans ses écritures d'appel que sa propre relation commerciale avec la société Nordesosse avait débuté, ainsi qu'en attestaient les factures produites par Nordesosse, en 1997, soit deux ans après le rachat de la société Arcadie, et s'étalait sur quinze ans ; que la cour d'appel a retenu, pour dire que la relation commerciale avec la société Nordesosse était restée ininterrompue depuis 1989, d'une part, que la société Groupe Bigard faisait valoir que son partenariat avec la société Nordesosse avait débuté en 1995 (donc l'année du rachat de la société Arcadie par le Groupe Bigard), et, d'autre part, qu'il résultait des journaux de ventes que la relation commerciale avait commencé avec Vianor, rachetée en 1992 par Arcadie, elle-même rachetée en 1995 par le Groupe Bigard, de sorte que, bien qu'aucune facture antérieure à 1997 ne soit versée aux débats, une relation commerciale continue entre 1989 et 2011 était établie ; qu'en retenant ainsi une relation commerciale ininterrompue, au motif que la société Groupe Bigard soutenait que le partenariat avait débuté en 1995, cependant que cette dernière soutenait que ses propres relations commerciales avec la société Nordesosse avaient débuté en 1997, ce dont il résultait une interruption de deux ans entre la relation établie entre les sociétés Arcadie et Nordesosse, et celle établie entre les sociétés Groupe Bigard et Nordesosse, la cour d'appel a méconnu les termes du litige et ainsi violé l'article 4 du Code de procédure civile ;
Mais attendu, en premier lieu, que c'est sans méconnaître les termes du litige que la cour d'appel, interprétant les conclusions ambiguës de la société Groupe Bigard, a retenu que celle-ci soutenait que son partenariat avec la société Nordesosse avait commencé en 1995 et non en 1997, ainsi que l'affirme le moyen ;
Et attendu, en second lieu, qu'ayant constaté que la société Nordesosse avait noué en 1989 des relations commerciales avec la société Vianor, l'arrêt relève que cette société a été cédée en 1992 à la société Arcadie, laquelle a été à son tour acquise, en 1995, par la société Groupe Bigard ; qu'il relève, encore, que la société Nordesosse est ensuite restée le fournisseur de la société Groupe Bigard et en déduit que la relation commerciale initialement nouée entre la société Nordesosse et la société Vianor, puis la société Arcadie, s'est poursuivie, de manière ininterrompue, avec la société Groupe Bigard ; qu'en l'état de ces constatations et appréciations, la cour d'appel a légalement justifié sa décision de retenir l'existence d'une relation commerciale établie, depuis l'année 1989 ; d'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le premier moyen du pourvoi incident : - Attendu que la société Nordesosse fait grief à l'arrêt de limiter l'indemnité qui lui a été allouée au titre des préavis non exécutés alors, selon le moyen : 1°) qu'après avoir estimé que les relations commerciales avaient débuté en 1989 pour être rompues en octobre 2012, ce qui correspondait à une durée de 23 années, la cour d'appel ne pouvait, sans se contredire et violer l'article 455 du Code de procédure civile, retenir une durée de relations établies de 22 ans ; 2°) qu'en cas d'insuffisance du préavis, le préjudice en résultant est évalué en fonction de la durée du préavis jugé nécessaire ; que la durée du préavis suffisant tient compte de l'état de dépendance économique du partenaire commercial ; qu'en ne recherchant pas, malgré l'invitation qui lui a été faite, si la société Nordesosse ne se trouvait pas dans un état de dépendance économique à l'égard de la société Groupe Bigard, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce ;
Mais attendu, d'abord, que l'erreur de calcul invoquée est sans influence sur la solution du litige ;
Attendu, ensuite, que la dépendance économique s'apprécie en tenant compte de la possibilité, pour une entreprise, de disposer d'une solution techniquement et économiquement équivalente aux relations commerciales qu'elle a nouées avec une autre entreprise ; que si la société Nordesosse invoquait, dans ses écritures d'appel, son état de dépendance économique, elle se bornait à faire état de la part que représentait le Groupe Bigard dans son chiffre d'affaires ainsi que de la notoriété de cette dernière, sans fournir aucune indication sur l'état du marché sur lequel elle opérait ni sur ses perspectives de reconversion ; qu'en cet état, la société Nordesosse ne peut utilement reprocher à la cour d'appel, qui n'était pas en mesure d'apprécier son état de dépendance économique, de ne pas avoir effectué la recherche invoquée à la seconde branche ; d'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le deuxième moyen du même pourvoi : - Attendu que la société Nordesosse fait grief à l'arrêt du rejet de sa demande d'indemnisation du coût des licenciements économiques alors, selon le moyen, qu'en se bornant à affirmer que la société Nordesosse ne justifie ni des licenciements allégués, ni de leur coût, sans analyser, fût-ce sommairement les justificatifs des tentatives de reclassement interne et externe, les lettres de licenciement économiques, l'attestation de l'expert-comptable indiquant le coût de ces licenciements, la cour d'appel n'a pas donné de réelle motivation à sa décision, en violation des exigences de l'article 455 du Code de procédure civile ;
Mais attendu que, sous le couvert du grief non fondé de violation de la loi, le moyen ne tend qu'à remettre en cause l'appréciation souveraine, par les juges du fond, de la valeur et de la portée des éléments de preuve soumis à leur appréciation dont ils ont déduit qu'aucune justification n'était apportée ni de l'existence ni du coût des licenciements ; que le moyen n'est pas fondé ;
Sur les troisième et quatrième moyens de ce pourvoi, réunis : - Attendu que la société Meat Desoss fait grief à l'arrêt du rejet de sa demande de dommages-intérêts alors, selon le moyen : 1°) qu'un tiers peut obtenir, sur le fondement de la responsabilité délictuelle, la réparation du préjudice que lui a causé la rupture brutale d'une relation commerciale; qu'après avoir constaté que la société Groupe Bigard avait rompu les relations commerciales qu'elle a établies avec la société Nordesosse, ce dont il résultait que cette dernière avait, du fait de cette rupture brutale, subi un préjudice correspondant au manque à gagner au titre de son intervention sur ces deux chantiers, la cour d'appel ne pouvait débouter la société Meat Desoss de sa demande sans violer l'article 1382 du Code civil ; 2°) qu'en retenant que la situation de la société Meat desoss était précaire, la cour d'appel a statué par un motif impropre à exclure tout préjudice qu'aurait subi cette dernière du fait de la rupture brutale des relations commerciales établies avec la société Nordesosse et privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du Code civil ; 3°) qu'en se bornant à affirmer que la société Meat Desoss ne justifie pas des licenciements économiques allégués, sans analyser, fût-ce sommairement les justificatifs des tentatives de reclassement interne et externe, les lettres de licenciements économiques, l'attestation de l'expert-comptable indiquant le coût de ces licenciements, la cour d'appel n'a pas donné de réelle motivation à sa décision, en violation des exigences de l'article 455 du Code de procédure civile ;
Mais attendu qu'ayant constaté que la société Groupe Bigard avait demandé, le 30 novembre 2011, à ses directeurs de sites d'interrompre toute collaboration avec les prestataires ne disposant pas du label social, l'arrêt relève que la société Nordesosse, qui avait entrepris les démarches pour l'obtention de ce label, s'était vu opposer un refus de labellisation, au terme de l'audit social réalisé en mai 2012 par la société Veritas, qui avait mis en exergue un problème de sous-traitance, et qu'elle s'était aussitôt engagée à prendre les mesures utiles à l'obtention du label, demandant un délai pour se conformer aux préconisations contenues dans le rapport d'audit ; qu'il constate que la société Meat Desoss était dans une situation de sous-traitance avec la société Nordesosse, essentiellement sur le site de Feignies, depuis 2009, et relève que ce site était l'objet d'un contrat signé avec la société Groupe Bigard, en 2012, qui visait la nécessité d'obtenir la labellisation ; qu'il en déduit que la situation de la société Meat Desoss était précaire ; qu'en l'état de ces constatations et appréciations, la cour d'appel a pu rejeter la demande de la société Meat Desoss en réparation du préjudice qui serait résulté, pour elle, de la rupture de la relation établie entre son donneur d'ordre et la société Groupe Bigard ; que le moyen, inopérant en sa troisième branche, qui critique des motifs surabondants, n'est pas fondé pour le surplus ;
Et sur le cinquième moyen du même pourvoi : - Attendu que la société Meat Desoss fait grief à l'arrêt du rejet de sa demande de dommages-intérêts au titre du "débauchage déloyal" de ses quatorze salariés alors, selon le moyen : 1°) que le tiers peut, sur le fondement de la responsabilité délictuelle, se prévaloir d'un manquement contractuel dès lors que ce manquement lui a causé un préjudice ; qu'en retenant que la société Meat Desoss ne pouvait se prévaloir, en tant que tiers, de la clause de non-sollicitation figurant au contrat conclu entre la société Nordesosse et la société Groupe Bigard, quand elle se prévalait du préjudice que lui causait le non-respect de cette clause par la société Groupe Bigard, la cour d'appel a violé les articles 1165 et 1382 du Code civil, le premier par fausse application, le second par refus d'application ; 2°) qu'après avoir constaté que la société Groupe Bigard, qui ne le contestait pas, avait repris quatorze salariés de la société Meat Desoss, la cour d'appel ne pouvait, sans violer l'article 1382 du Code civil, refuser de réparer le préjudice résultant de ce débauchage déloyal ;
Mais attendu, d'une part, qu'ayant constaté que la société Groupe Bigard, qui ne contestait pas être liée par une clause de non-sollicitation figurant dans l'un des contrats de prestation la liant à la société Nordesosse, n'avait repris aucun des salariés de cette société, c'est à bon droit que la cour d'appel a rejeté la demande de la société Meat Desoss, fondée sur la violation de cette clause ;
Et attendu, d'autre part, qu'il ne résulte ni de l'arrêt ni de ses conclusions que la société Meat Desoss ait soutenu devant la cour d'appel qu'elle avait été victime d'actes de débauchage de son personnel de la part de la société Groupe Bigard, la demande qu'elle qualifiait, dans son dispositif, de demande de dommages-intérêts pour " débauchage déloyal de 14 salariés" correspondant en réalité à sa demande au titre de la violation de la clause de sollicitation ; que le moyen est nouveau et mélangé de fait et de droit ; d'où il suit que le moyen, non fondé en sa première branche, est irrecevable en sa seconde branche ;
Par ces motifs : rejette les pourvois principal et incident.