CA Rennes, 3e ch. com., 29 novembre 2016, n° 16-01988
RENNES
Arrêt
Infirmation partielle
PARTIES
Demandeur :
Focusrite Audio Engineering Limited (Sté)
Défendeur :
Arbiter France (SAS)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Calloch
Conseillers :
Mmes André, Jeannesson
I - Exposé du litige:
Selon contrat en date du 15 novembre 2011, la société Focusrite Audio Engineering Ltd a confié à la SAS Arbiter France l'exclusivité de la distribution en France de ses produits audio.
Par courrier remis en main propre le 14 octobre 2015, la société Focusrite Audio Engineering Ltd a notifié à la SAS Arbiter France la résolution du contrat sous réserve du préavis contractuel de six mois.
Par courrier du 22 octobre 2015, la société Focusrite Audio Engineering Ltd a mis en demeure la SAS Arbiter France de régler deux factures de 33 613,34 euro et de 168 424,21 euro dans le délai contractuel de 14 jours.
La SAS Arbiter France ne s'étant pas exécuté, la société Focusrite Audio Engineering Ltd a signifié à la SAS Arbiter France, par acte d'huissier de justice en date du 16 novembre 2015, la résolution du contrat avec effet immédiat.
Par acte du 1er décembre 2015 la société Focusrite Audio Engineering Ltd a fait assigner en référé la SAS Arbiter France devant le tribunal de commerce de Rennes aux fins de paiement de la somme provisionnelle de 300 870,38 euro.
Par ordonnance de référé en date du 3 mars 2016, le tribunal de commerce de Saint-Nazaire a notamment :
- déclaré irrecevable la demande relative à l'exception de connexité soulevée par la SAS Arbiter France,
- constaté l'existence d'une contestation sérieuse,
- constaté l'existence d'une clause n° 21 au contrat signé par les deux parties le 15 novembre 2011 obligeant ces dernières à recourir à une procédure de médiation avant d'engager toute poursuite judiciaire,
- en conséquence,
- s'est déclaré incompétent et a renvoyé la société Focusrite Audio Engineering Ltd à entamer avec la SAS Arbiter France la procédure de médiation prévue à la clause 21 du contrat de distribution,
- condamné la société Focusrite Audio Engineering Ltd à payer à la SAS Arbiter France la somme de 2 000 euro par application de l'article 700 du Code de procédure civile,
- condamné la société Focusrite Audio Engineering Ltd aux dépens.
La société Focusrite Audio Engineering Ltd a interjeté appel de cette décision le 9 mars 2016.
Elle sollicite notamment de :
- prendre acte de la reconnaissance par la SAS Arbiter France de sa dette à son égard,
- rejeter en conséquence les demandes formées par la SAS Arbiter France,
- infirmer l'ordonnance déférée en ce qu'elle a rejeté sa demande de provision,
- condamner la SAS Arbiter France à lui payer la somme de 300 870,38 euro avec intérêts au taux légal à compter du 22 octobre 2015,
- condamner la SAS Arbiter France à lui payer la somme de 5 000 euro par application de l'article 700 du Code de procédure civile
- condamner la SAS Arbiter France aux entiers dépens de l'instance dont distraction au profit de la Selarl B. T. P.
La SAS Arbiter France sollicite de :
- confirmer l'ordonnance entreprise,
- subsidiairement,
- condamner la société Focusrite Audio Engineering Ltd sous astreinte de 500 euro par jour de retard à prendre possession à ses frais exclusifs du stock litigieux dont elle a levé l'option d'achat dans le délai maximum de 5 jours à compter du prononcé de l' arrêt à intervenir,
- condamner la société Focusrite Audio Engineering Ltd à lui payer préalablement à la prise de possession du stock litigieux la somme de 61 315 euro,
- ordonner la consignation des sommes dues sur le compte CARPA de Maître S.,
- dire et juger qu'elle disposera d'un délai de paiement de 24 mois pour procéder au règlement de toutes sommes qui viendraient à être mises à sa charge,
- condamner la société Focusrite Audio Engineering Ltd à lui payer la somme de 5 000 euro par application de l'article 700 du Code de procédure civile,
- condamner la société Focusrite Audio Engineering Ltd aux entiers dépens de l'instance.
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure ainsi que des prétentions et moyens des parties, la Cour se réfère aux énonciations de la décision attaquée et aux dernières conclusions déposées le 21 juillet 2016 pour la société Focusrite Audio Engineering Ltd et le 23 mai 2016 pour la SAS Arbiter France.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 21 septembre 2016.
II - Motifs :
Sur la demande de rejet de la pièce n° 41 versée par la SAS Arbiter France
Par conclusions de procédure déposées le 28 septembre 2016, la société Focusrite Audio Engineering Ltd a sollicité le rejet des débats de la pièce n° 41 versée par la SAS Arbiter France le 22 septembre 2016. La pièce versée postérieurement à la clôture de l'instruction intervenue le 21 septembre 2016 sera rejetée.
Sur les demandes de la société Focusrite Audio Engineering Ltd
La société Focusrite Audio Engineering Ltd fonde ses demandes sur l'article 873 du Code de procédure civile faisant valoir que la SAS Arbiter France a reconnu, dans son assignation au fond devant le tribunal de commerce de Rennes pour faire juger la rupture des relations commerciales des parties sur le fondement des dispositions de l'article L. 442-6 du Code de commerce, lui devoir la somme sollicitée. Elle soutient que, ce faisant, la SAS Arbiter France a expressément renoncé à la clause prévue à l'article 21-3 du contrat stipulant de recourir à la médiation pour régler tout litige avant d'agir en justice, et que la clause n'est en conséquence pas applicable. Elle fait valoir, en réponse aux moyens et arguments de la SAS Arbiter France, que le premier juge a fait une interprétation erronée de la jurisprudence de la cour de cassation, que la jurisprudence constante fait application des clauses d'attribution de compétence dans le cadre de la rupture brutale des relations commerciales peu important à cet égard de la nature délictuelle ou contractuelle de la responsabilité encourue, que la procédure de médiation n'est pas exclusive des pouvoirs du juge des référés ainsi que l'a jugé la Cour d'appel de Paris.
La SAS Arbiter France réplique :
- qu'elle n'a pas renoncé à faire application de la clause prévoyant la résolution de tout litige par une médiation avant toute poursuite judiciaire,
- que la société Focusrite Audio Engineering Ltd n'a pas tenté de résoudre le litige les opposant par la mise en œuvre d'une médiation et a refusé toute approche amiable comme le démontrent les correspondances échangées entre les parties,
- qu'elle a engagé des poursuites à l'encontre de la société Focusrite Audio Engineering Ltd sur le fondement de sa responsabilité délictuelle du fait de la rupture brutale des relations commerciales, non en application des stipulations contractuelles et qu'elle n'a en conséquence pas renoncé à la médiation dans le cadre des litiges survenant relativement au contrat,
- que l'article L. 442-6 étant d'ordre public, il ne saurait y être fait échec par application de stipulations contractuelles,
- que l'action qu'elle a engagée au fond est relative à la rupture brutale de relations établies depuis 2002 alors que le contrat comportant la clause de médiation est en date du 15 novembre 2011.
Aux termes du deuxième alinéa de l'article 873 du Code de procédure civile, dans les cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, le président du tribunal de commerce peut accorder une provision au créancier ou ordonner l'exécution de l'obligation même s'il s'agit d'une obligation de faire.
L'article 21-3 du contrat de distribution stipule :
" Aucune des parties ne peut engager de poursuites judiciaires concernant tout litige découlant du présent accord jusqu'à ce qu'elle ait tenté de résoudre le litige par médiation, et que soit la médiation est terminée, soit l'autre partie n'a pas participé à la médiation, à condition toutefois que tout retard ne porte préjudice au droit d'engagement de procédures judiciaires. "
Le débat poursuivi par les parties sur l'application de la clause contractuelle imposant à celles-ci d'engager une médiation préalablement à toute poursuite judiciaire fait l'objet de contestations sérieuses de part et d'autre, ci-dessus reproduites, lesquelles ne relèvent pas des pouvoirs du juge des référés de sorte qu'il n'y a pas lieu à référé.
L'ordonnance sera infirmée en ce qu'elle a renvoyé la société Focusrite Audio Engineering Ltd à entamer une procédure de médiation.
En conséquence, il n'y a pas lieu à référé sur les demandes de la société Focusrite Audio Engineering Ltd.
Il serait inéquitable de laisser à la charge de la SAS Arbiter France les frais irrépétibles qu'elle a engagés pour faire valoir ses droits. La société Focusrite Audio Engineering Ltd sera condamné payer la somme de 2 000 euro en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile
Elle sera également condamnée aux entiers dépens d'appel.
- Par ces motifs : La COUR, rejette la pièce n° 41 versée aux débats par la SAS Arbiter France postérieurement à l'ordonnance de clôture, infirme l'ordonnance déférée en ce que le juge des référés s'est déclaré incompétent et a renvoyé la société Focusrite Audio Engineering Ltd à entamer avec la SAS Arbiter France la procédure de médiation prévue à la clause 21 du contrat de distribution, statuant à nouveau sur ce point, dit n'y avoir lieu à référé sur l'application de la clause 21-3 du contrat en date du 15 novembre 2011, en conséquence, dit n'y avoir lieu à référé sur les demandes de la société Focusrite Audio Engineering Ltd, confirme l'ordonnance déférée pour le surplus, y ajoutant, condamne la société Focusrite Audio Engineering Ltd à payer à la SAS Arbiter France la somme de 2 000 euro par application de l'article 700 du Code de procédure civile, déboute les parties de leurs autres demandes, condamne la société Focusrite Audio Engineering Ltd aux dépens d'appel.