Cass. com., 6 décembre 2016, n° 15-20.206
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
PARTIES
Demandeur :
Eram (SAS), Exten.s (SARL)
Défendeur :
Fluchos SL (Sté), Bata France distribution (SAS), Bourbouloux (ès qual.), Basse (ès qual.)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Mouillard
Rapporteur :
M. Sémériva
Avocat général :
M. Debacq
Avocats :
SCP Hémery, Thomas-Raquin, SCP Delaporte, Briard, SCP Masse-Dessen, Thouvenin, Coudray
LA COUR : - Sur le moyen unique : - Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 25 mars 2015), rendu sur renvoi après cassation (Chambre commerciale, financière et économique, 11 mars 2014, pourvoi n° 12-29.434), que la société Exten.s, titulaire du brevet européen EP 1383402 couvrant une semelle extensible transversalement au moyen d'un insert élastique pour s'adapter aux déformations du pied, a consenti une licence exclusive d'exploitation de ce brevet à la société Manufacture française des chaussures Eram (la société MFCE), pour la France, l'Union européenne et la Suisse ; que, reprochant à la société Fluchos de commercialiser des chaussures en France, notamment par l'intermédiaire de la société Bata France distribution, en leur attribuant de manière mensongère les caractéristiques de la semelle couverte par ce brevet, les sociétés Exten.s et MFCE ont agi en concurrence déloyale contre ces deux sociétés ; que la société MFCE a fait l'objet d'une fusion-absorption par la société Eram, qui a poursuivi cette action ; que la société Bata France distribution ayant été placée en redressement puis liquidation judiciaires, la Selarl C. Basse, liquidateur judiciaire, est intervenue à l'instance ;
Attendu que les sociétés Eram et Exten.s font grief à l'arrêt de rejeter leurs demandes formées au titre de la concurrence déloyale pour publicité trompeuse alors, selon le moyen : 1°) qu'une pratique commerciale est réputée trompeuse et déloyale lorsqu'elle contient des informations fausses et qu'elle altère ou est de nature à altérer de manière substantielle le comportement économique du consommateur moyen en le conduisant à prendre une décision commerciale qu'il n'aurait pas prise autrement ; qu'il appartient au juge de vérifier qu'une information fausse amène ou est susceptible d'amener le consommateur moyen à prendre une décision commerciale qu'il n'aurait pas prise autrement ; qu'en retenant en l'espèce qu'aucune concurrence déloyale n'était établie à l'encontre des deux intimées dès lors que si l'existence d'informations fausses figurant sur les étiquettes et sur le site Internet de la société Fluchos, concernant les caractéristiques et qualités des semelles équipant ses chaussures, n'était pas contestée, les sociétés Eram et Exten.s ne versaient " toutefois aux débats aucune étude permettant de constater que la marque Fluchos est associée au message porté par la publicité du site ou encore de l'étiquette, de constater que les consommateurs sont portés à croire ainsi au mérite supposé des semelles " et ne justifiaient pas " que l'altération du comportement économique du consommateur est possible et qu'elle est substantielle " quand il appartenait à la cour d'appel de vérifier elle-même, au besoin en ordonnant une mesure d'instruction, si les informations fausses figurant sur l'étiquette et le site Internet de la société Fluchos, quant aux caractéristiques et qualités des semelles équipant ses chaussures, étaient susceptibles d'amener le consommateur moyen à prendre une décision commerciale qu'il n'aurait pas prise autrement, la cour d'appel a méconnu son office en violation des articles 4 et 1382 du Code civil, ensemble de l'article L. 121-1 du Code de la consommation tel qu'interprété à la lumière de la directive 2005/29/CE du Parlement et du Conseil du 11 mai 2005 ; 2°) qu'une pratique commerciale est réputée trompeuse et déloyale lorsqu'elle contient des informations fausses et qu'elle altère ou est de nature à altérer de manière substantielle le comportement économique du consommateur moyen en le conduisant à prendre une décision commerciale qu'il n'aurait pas prise autrement ; qu'en retenant en l'espèce qu'il ne serait pas justifié que l'altération du comportement économique du consommateur soit possible et substantielle dès lors qu'il n'était versé aux débats " aucune étude permettant de constater que la marque Fluchos est associée au message porté par la publicité du site ou encore de l'étiquette, de constater les consommateurs sont portés à croire ainsi au mérite supposé des semelles ", sans rechercher si, alors même que la marque Fluchos n'était pas associée aux messages portés par la publicité du site ou encore de l'étiquette, ces messages n'étaient pas de nature à altérer de manière substantielle le comportement économique du consommateur, la cour d'appel a statué par des motifs impropres à exclure le caractère déterminant des fausses indications relatives à la flexibilité de la semelle des chaussures commercialisées par la société Fluchos et a privé sa décision de base légale au regard des articles 1382 du Code civil et L. 121-1 du Code de la consommation tel qu'interprété à la lumière de la directive 2005/29/CE du Parlement et du Conseil du 11 mai 2005 ;
Mais attendu, d'une part, que, si la directive 2005/29/CE du Parlement et du Conseil du 11 mai 2005, procédant à une harmonisation complète des règles relatives aux pratiques commerciales déloyales des entreprises, prévoit qu'il appartient au juge national de vérifier, au regard des critères qu'elle pose, si une information fausse doit être qualifiée de pratique commerciale trompeuse, cette circonstance ne dispense pas chaque partie de prouver, conformément à la loi, les faits nécessaires au succès de sa prétention, ni n'apporte une limite au caractère discrétionnaire de la faculté pour les juges du fond d'ordonner une mesure d'instruction ;
Et attendu, d'autre part, que le moyen critique en sa seconde branche un motif surabondant, dès lors que la cour d'appel a retenu que les sociétés Eram ne justifiaient pas que l'altération du comportement économique du consommateur était possible et substantielle ; d'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
Par ces motifs : rejette le pourvoi.