Cass. com., 6 décembre 2016, n° 15-14.212
COUR DE CASSATION
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Conseils et mise en relations (SARL)
Défendeur :
Demeures terre et tradition (SARL)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Mouillard
Rapporteur :
Mme Laporte
Avocat général :
M. Mollard
Avocats :
SCP Rousseau, Tapie, SCP Piwnica, Molinié
LA COUR : - Sur le moyen unique, pris en sa première branche : - Vu l'article 267 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ; - Attendu, selon l'arrêt attaqué (Orléans, 18 décembre 2014), que la société Demeures terre et tradition (la société DTT) a conclu avec la société Conseils et mise en relations (la société CMR) un contrat d'agence commerciale pour la vente de constructions de maisons individuelles dans un secteur déterminé ; que le contrat stipulait une période d'essai de douze mois, à l'issue de laquelle il serait réputé à durée indéterminée, avec la faculté pour chaque partie de le résilier au cours de cette période, moyennant un préavis de quinze jours le premier mois, puis d'un mois au-delà ; que la société DTT ayant rompu le contrat au cours de la période d'essai, avec préavis, pour non-respect des objectifs convenus, la société CMR l'a assignée en paiement d'une indemnité compensatrice en réparation du préjudice résultant de la cessation des relations et en paiement de dommages-intérêts pour rupture abusive du contrat ; que la cour d'appel a rejeté les demandes de la société CMR, aux motifs que le statut des agents commerciaux, qui suppose pour son application que le contrat soit définitivement conclu, n'interdit pas la prévision d'une période d'essai et que l'indemnité compensatrice prévue par l'article L. 134-12 du code de commerce n'est pas due à l'agent dans ce cas ; qu'elle a, en outre, considéré que la résiliation du contrat par la mandante n'était pas abusive puisque la société CMR n'avait réalisé qu'une seule vente en cinq mois alors que l'objectif prévu au contrat portait sur la réalisation de vingt-cinq ventes par an ; que la société CMR a formé un pourvoi contre l'arrêt de la cour d'appel ;
Attendu que cet arrêt fait application d'une jurisprudence constante de la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, selon laquelle la stipulation d'une période d'essai n'est pas interdite dans les contrats d'agence commerciale ; qu'aucune disposition de la directive 86/653/CEE du Conseil du 18 décembre 1986, relative à la coordination des droits des Etats membres concernant les agents commerciaux indépendants, ne fait référence à une éventuelle période d'essai, de sorte que celle-ci paraît pouvoir être stipulée par les parties dans un contrat d'agence commerciale, en conformité avec le droit communautaire ; que, toutefois, la jurisprudence de la Cour de cassation refuse tout droit à indemnité lorsque la rupture du contrat d'agence commerciale intervient pendant la période d'essai et que les parties n'en ont prévu aucune en ce cas ; que l'article 17, paragraphe 1, de la directive 86/653 dispose que les Etats membres doivent prendre les mesures nécessaires pour assurer à l'agent commercial, après cessation du contrat, une indemnité selon le paragraphe 2 ou la réparation du préjudice selon le paragraphe 3 ; que la Cour de justice de l'Union européenne a jugé dans son arrêt du 7 avril 2016 (Marchon Germany GmbH, C-315/14, point 33) que la directive 86/653 vise, notamment, à protéger l'agent commercial dans sa relation avec le commettant (voir, en ce sens, arrêts Honyvem Informazioni Commerciali, C-465/04, point 19, et Quenon K, C-338/14, point 23), que l'article 17 de cette directive est, à cet égard, d'une importance déterminante (voir, en ce sens, arrêt Unamar, C-184/12, point 39) et qu'il convient dès lors d'interpréter les termes du paragraphe 2 de cet article dans un sens qui contribue à cette protection de l'agent commercial ; que la Cour de justice ne s'est pas prononcée à ce jour sur la question de savoir si l'article 17 de la directive s'applique lorsque la cessation du contrat d'agence commerciale intervient au cours de la période d'essai qui y est stipulée ; qu'il y a donc lieu de la saisir de cette question ;
Par ces motifs : renvoie à la Cour de justice de l'Union européenne aux fins de répondre à la question suivante : " L'article 17 de la directive 86/653/CEE du Conseil du 18 décembre 1986, relative à la coordination des droits des Etats membres concernant les agents commerciaux indépendants, s'applique-t-il lorsque la cessation du contrat d'agence commerciale intervient au cours de la période d'essai qui y est stipulée ? " ; Sursoit à statuer jusqu'à la décision de la Cour de justice de l'Union européenne.