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Décisions

CA Toulouse, 2e ch., 7 décembre 2016, n° 15-04028

TOULOUSE

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Editions Atlas (SAS)

Défendeur :

Von Essen

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Cousteaux

Conseillers :

Mme Pellarin, M. Sonneville

Avocats :

Mes Rives, Malet

TGI Marseille, du 7 juin 2010

7 juin 2010

Faits et procédure

Par acte sous seing privé du 7 octobre 2003, la société Editions Atlas et Madame Von Essen ont conclu une convention en exécution de laquelle étaient confiée à Madame Von Essen la prospection et le démarchage de la clientèle résidant dans les 5e, 9e, 10e et 11e arrondissements de Marseille.

À la signature de son contrat et conformément aux stipulations de l'article 4, la société Éditions Atlas a remis à Madame Von Essen un fichier de la clientèle existante sur son secteur ainsi que l'état du suivi des comptes clients, ledit fichier restant la propriété de la société Éditions Atlas.

Les six premiers mois de l'année 2008 révélant une très importante baisse d'activité de Madame Von Essen (chiffre d'affaires net négatif de 9 393,33 euros), la société Editions Atlas décidait de faire application des alinéas 2 et 3 de l'article 3-1 du mandat lesquels stipulent:

" Le mandant se réserve la possibilité de modifier la liste des produits confiés à titre exclusif à l'agent pour des raisons de politique commerciale, notamment en cas d'insuffisance de résultat de l'agent, sous réserve d'un délai de préavis d'un mois et sans qu'une telle modification fasse obstacle à la poursuite du présent contrat.

Si le mandant met en vente de nouveaux produits non compris dans l'énumération figurant en annexe, il se réserve le droit d'en confier ou non la vente à l'agent qui reste libre d'accepter ou de refuser sans que ce refus puisse faire obstacle à la poursuite du présent contrat. "

Faisant application de ladite clause, la société Editions Atlas notifiait à Madame Von Essen par lettre du 25 juin 2008 sa décision de ne pas lui confier la vente de nouveaux produits.

Madame Von Essen résiliait son mandat par lettre du 22 juillet 2008 et en imputait les causes à la société Editions Atlas.

Par lettre du 5 août 2008, la société Editions Atlas prenait acte de la renonciation par Madame Von Essen de son mandat et justifiait sa décision d'appliquer l'article 3.1 du contrat en rappelant à Madame Von Essen que son chiffre d'affaires brut sur les sept premiers mois de l'année 2008 atteignait seulement la somme de 19 951 euro (pour un objectif mensuel de 11 500 euro), alors même qu'en complément des éditions existantes, quatre nouveaux produits avaient été lancés et deux anciennes éditions relancées.

Par acte introductif d'instance du 27 novembre 2008, Mme Martine C., épouse Von Essen, a fait assigner la SAS Editions Atlas afin qu'il soit jugé que la résiliation du contrat lui était imputable et qu'elle soit condamnée à l'indemniser de son préjudice résultant de cette rupture.

Par jugement du 7 juin 2010, le Tribunal de grande instance de Marseille a notamment condamné la société Editions Atlas au paiement à Mme Martine C., épouse Von Essen, de la somme de 63 140 euro à titre d'indemnité de rupture du contrat du 7 octobre 2003.

Par un premier arrêt du 29 juin 2011, la Cour d'appel d'Aix-en-Provence a infirmé en toutes ses dispositions la décision de première instance. Par arrêt du 6 novembre 2012, la Cour de cassation a partiellement cassé l'arrêt de la Cour d'appel d'Aix-en-Provence en ce qu'il a débouté Madame Von Essen de sa demande d'indemnité de rupture,

- au visa des articles 1134 du Code civil et 134-4 du Code de commerce reprochant à la cour de ne pas avoir recherché si la non-commercialisation de nouveaux produits permettait la poursuite normale du contrat,

- au visa de l'article 134-13 du Code de commerce, en reprochant à la cour de ne pas avoir recherché si l'absence de nouveaux produits et la restriction d'accès au site intranet de la société Editions Atlas ne constituaient des motifs de rupture du contrat imputables à la société Editions Atlas.

Par un second arrêt du 9 janvier 2014, la Cour d'appel d'Aix-en-Provence a confirmé le jugement du Tribunal de grande instance de Marseille. Cet arrêt a été cassé en toutes ses dispositions par un arrêt de la Cour de cassation du 19 mai 2015 qui a renvoyé les parties devant la Cour de Toulouse.

La SAS Editions Atlas a saisi la Cour d'appel de Toulouse le 30 juillet 2015.

La SAS Editions Atlas a transmis ses dernières écritures par RPVA le 23 novembre 2015.

Mme Martine C., épouse Von Essen, a transmis ses écritures par RPVA le 14 janvier 2016.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 5 juillet 2016.

Moyens et prétentions des parties

Dans ses écritures, auxquelles il est expressément renvoyé pour l'énoncé du détail de l'argumentation, au visa des articles L. 134-1 du Code de commerce, 1134 du Code civil, la SAS Editions Atlas demande à la cour de :

Constater, dire et juger que la convention du 7 octobre 2003 et les conditions réelles de son exécution ne permettent pas à Madame Von Essen de se prévaloir du statut légal des agents commerciaux.

Constater que Madame Von Essen est défaillante à faire la preuve de sa qualité d'agent commercial.

Dire et juger abusive la renonciation par Madame Von Essen à son mandat.

Débouter Madame Von Essen de toutes ses demandes fins et conclusions.

Plus subsidiairement encore, fixer l'indemnité de résiliation à la somme de 37 116,73 euro.

Condamner Madame Von Essen au paiement de la somme de 8 000 euro en application des dispositions de l'article 700 du CPC.

Condamner Madame Von Essen aux dépens de première instance et d'appel dont distraction pour ceux lui revenant au profit de Maitre Robert Rives, avocat, conformément aux dispositions de l'article 699 du CPC.

La SAS Editions Atlas fait essentiellement valoir que :

- Il résulte des dispositions contractuelles claires et précises que Madame Von Essen n'a jamais disposé du moindre pouvoir de négociation des contrats d'abonnement de la société Editions Atlas, qu'il s'agisse en premier lieu du produit lui-même et en second lieu des prix, du nombre et du montant des échéances, des remises pour paiement comptant et des conditions de livraison.

- pas un seul des éléments du bon de commande qui deviendra un contrat d'abonnement lorsqu'il aura été accepté par la société Editions Atlas ne pouvait être modifié par Madame Von Essen pour s'adapter à la demande des clients.

- La signature d'un bon de commande n'est donc pas l'indice d'un pouvoir de représentation. Madame Von Essen n'a jamais eu le pouvoir d'engager la société Editions Atlas dans les liens d'un contrat de vente, c'est-à-dire de la contraindre par sa seule signature à exécuter la convention signée en son nom.

- un contrat dont l'exécution ne peut être exécuté que par la fourniture par le mandant d'une clientèle au mandataire n'est pas un contrat d'agent commercial. La convention de courtage est révocable sans motif et sans indemnité et ce quelles que soient l'ancienneté et l'importance des relations financières conclues avec le même donneur d'ordre.

- le comportement de Madame Von Essen n'a à l'évidence pas été loyal: elle s'est prévalu à retardement d'un incident d'exécution du contrat dans la perspective d'obtenir une indemnité de rupture au moment où elle décidait de mettre fin à son activité professionnelle.

- le montant de l'indemnité de fin de contrat ne pourrait pas, en tout état de cause pas, supérieure au montant total des commissions nettes perçues au titre des 24 derniers mois ayant précédé la renonciation, soit de août 2006 à juillet 2008, la somme de 37 116,73 euro.

Dans ses écritures, auxquelles il est expressément renvoyé pour l'énoncé du détail de l'argumentation, au visa des articles, Mme Martine C., épouse Von Essen, demande à la cour d'appel de :

A titre principal :

Confirmer le jugement du 7 juin 2010 en ce qu'il a fait application du statut des agents commerciaux et condamné la société Editions Atlas à payer à Madame C. épouse Von Essen la somme de 63 140 euros outre 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

A titre subsidiaire :

Dire et juger que le contrat du 7 octobre 2003 est un mandat d'intérêt commun,

Dire et juger qu'aucun motif n'a justifié la décision de la société Editions Atlas de cesser de confier à Madame C. épouse Von Essen la représentation de nouveaux produits,

En conséquence :

Condamner la société Editions Atlas à lui verser une indemnité d'un montant de 63 140 euros en réparation du préjudice résultant de la rupture injustifiée du contrat qui lui est imputable,

En tout état de cause,

Ajoutant aux dispositions du jugement du 10 juin 2010 :

prononcer la capitalisation des intérêts dus pour une année entière conformément à l'article 1154 du Code civil.

Condamner la société Editions Atlas à payer à Madame Anne Martine Von Essen née C. la somme de 20 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de la procédure tant en première instance qu'en appel dont distraction au profit de la SCP Franck et Elisabeth Malet, Avocats associés au barreau de Toulouse sur ses affirmations de droit.

Mme Martine C., épouse Von Essen, fait essentiellement valoir que :

- il est indifférent que les critères de l'article L. 134-1 du Code de commerce soient ou non réunis dans la mesure où les parties ont expressément et de façon non équivoque souhaité se soumettre au statut des agents commerciaux. Le contrat du 7 octobre 2013 qui a été rédigé par la société Editions Atlas est intitulé " contrat d'agent commercial " et qu'il renvoie expressément à la loi 91-593 du 25 juin 1991 régissant les rapports entre les agents commerciaux et leur mandant. Cette stipulation contractuelle est parfaitement licite et constitue la loi des parties.

- la négociation au sens de l'article L. 134-1 du Code de commerce consiste en l'action de démarcher la clientèle et d'engager des discussions en vue de fixer l'objet du contrat de vente et recueillir le consentement du cocontractant du mandant au nom et pour le compte de ce dernier. C'est précisément cette fonction qui était confiée à Madame Von Essen aux termes du contrat du 7 octobre 2003.

- si la cour devait écarter la qualification d'agent commercial elle ne pourra retenir celle de contrat de courtage dans la mesure où il n'est pas contesté que Madame Von Essen ne se bornait pas à mettre simplement les clients qu'elle prospectait en relation avec la société Editions Atlas mais qu'elle recueillait bien leur consentement en exécution d'un mandat. Aussi, dans la mesure où ce mandat était rémunéré, il conviendra de retenir la qualification de mandat d'intérêt commun.

En conséquence, la rupture du mandat imputable au mandant et non justifiée entraînerait également l'indemnisation du mandataire évincé.

- les éditions Atlas ont décidé unilatéralement et sans préavis un retrait global et immédiat de l'ensemble des produits à venir.

- concomitamment à l'envoi du courrier du 25 juin 2008 et alors même qu'elles affirmaient que le contrat avait vocation à se poursuivre, les éditions Atlas prenaient l'initiative de couper l'accès de Madame Von Essen au site extranet dédié à ses agents commerciaux sans même l'en informer ce que la requérante prendra la précaution de faire constater par huissier de justice.

- Madame Von Essen a travaillé à titre exclusif pour les Editions Atlas pendant plus de huit ans sans que ces dernières ne lui aient jamais adressé le moindre reproche sur ses qualités professionnelles.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la qualification du contrat :

L'article L. 134-1 du Code de commerce dispose que l'agent commercial est un mandataire qui, à titre de profession indépendante, sans être lié par un contrat de louage de services, est chargé, de façon permanente, de négocier et, éventuellement, de conclure des contrats de vente, d'achat, de location ou de prestation de services, au nom et pour le compte de producteurs, d'industriels, de commerçants ou d'autres agents commerciaux. Le contrat intitulé " contrat d'agent commercial " signé par les parties le 13 octobre 2003 contient les dispositions suivantes :

- article 1.1 : le mandat accordé à l'agent qui l'accepte aux conditions et selon les modalités ci-après exposées, le mandat de vendre à titre exclusif en son nom et pour son compte des ouvrages qu'il édite et commercialise ci-après dénommés les produits,

- article 1.2 : le présent mandat est régi par les dispositions générales de la loi 91-593 du 25 juin 1991 relative aux rapports entre les agents commerciaux et leurs mandants et les dispositions particulières de la présente convention,

- article 5-1 : dans le cadre du mandat qui lui a été consenti, l'agent s'oblige:

- à établir tous contacts commerciaux avec tout client potentiel,

- à prendre des commandes pour le compte du mandant et à condition que lesdites commandes correspondent au prix de cession et aux barèmes de remises du mandant ainsi qu'à ses conditions générales de distribution et de vente. Le mandant vérifiera à la réception des commandes si ces conditions sont remplies et se réserve le droit d'accepter définitivement la commande.

- à entreprendre toutes démarches et exécuter toutes les formalités nécessaires à la conclusion de la vente pour le compte du mandant,

- à adresser au mandant un état hebdomadaire sur les ventes en unités et en valeur des produits réalisées dans le secteur concédé.

- article 6. 2 : en sa qualité d'agent commercial, l'agent jouit de la plus grande indépendance dans l'organisation de son activité et de sa structure juridique,

- article 6.4 : l'agent utilisera nécessairement les formulaires établis par la société pour la vente des produits. Il veillera à ce qu'ils soient remplis de façon claire et revêtus de la signature du client. Les conditions de prix et les formalités de paiement seront définies par le mandant,

- article 7.1 : les commissions dues à l'agent en contrepartie des services rendus seront calculées sur les montants hors taxes hors agios nets de port, déduction faite de toute remise de l'agent et matérialisées par les bons de commande des clients contresignés par l'agent.

Pour autant, l'application du statut d'agent commercial ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties dans le contrat, ni de la qualification qu'elles ont donné à leur convention, mais des conditions dans lesquelles l'activité est effectivement exercée.

Le pouvoir de négocier les contrats ne se réduit pas à celui de fixer le prix des marchandises, lequel dépend de la politique commerciale adoptée par le mandant à laquelle l'agent doit se conformer. La négociation ne se limite pas à la discussion tarifaire, mais englobe l'ensemble des actes que l'agent est susceptible d'accomplir dans le cadre de la discussion engagée avec le client potentiel dans le but de le convaincre de signer le contrat.

Le simple fait que la société Éditions Atlas ait entendu encadrer strictement l'activité de ses agents ne prive pas nécessairement ceux-ci de leur qualité d'agents commerciaux.

Mme Martine C., épouse Von Essen, disposait d'un mandat permanent de visiter, au nom de la SA Editions Atlas la clientèle potentielle, de lui présenter de manière attractive les produits de cette société et de provoquer et recueillir les commandes à des conditions conformes aux instructions du mandant et à sa capacité de production mais aussi aux besoins et exigences des clients, ce qui doit s'analyser en un pouvoir de négociation de contrats de vente conférés par un producteur à un mandataire indépendant au sens de l'article L. 134-1 du Code de commerce.

Lors de son déplacement auprès du client, elle ne se contentait pas d'évoquer le seul article objet du coupon-réponse renvoyé à la SA Editions Atlas, mais elle proposait aussi la gamme de collections, orientant le choix de la clientèle en fonction des besoins de celle-ci; elle pouvait ainsi façonner le contenu du contrat de vente conclu, en définitive, par le client avec la SA Editions Atlas. A partir d'un seul coupon réponse à l'offre limitée, elle multipliait les chances de vente d'articles à un client potentiel par son travail de valorisation des produits Atlas.

Dès lors, la faculté de négocier des contrats de vente pour le compte de sa mandante ne peut être déniée à Mme Martine C., épouse Von Essen, qui ne se bornait pas à mettre en relation les clients ayant retourné un coupon-réponse, mais engageait avec ses clients les pourparlers préalables à la conclusion des ventes pour lesquelles elle pouvait consentir des remises, ce qui avait pour effet de réduire ses commissions. Il résulte d'ailleurs des écritures de la SA Editions Atlas que de janvier à juillet 2008, Mme Martine C., épouse Von Essen, a disposé d'un catalogue comprenant entre 34 et 40 produits permettant de présenter entre 68 et 77 offres différentes, alors que le coupon réponse à exploiter ne portait que sur une offre.

En outre, il doit être constaté que pendant les relations contractuelles entre les parties, aucun contrat négocié par Mme Martine C., épouse Von Essen, n'a été refusé par la SAS Editions Atlas.

Les conditions du contrat d'agent commercial sont dès lors réunies : Mme Martine C., épouse Von Essen, était indépendante, elle négociait des contrats pour le compte d'autrui. Même si les prix étaient fixés par les Editions Atlas, l'agent commercial y ajoutait sa compétence en terme de nombre de produits vendus et de conditions de paiement, étant rappelé que l'article 7.1 du contrat évoque pour le calcul des commissions la déduction de toute remise de l'agent et que l'article 5.1 mentionne les barèmes de remises du mandant, alors que, dans ses écritures en page 7, la SAS Editions Atlas ne se réfère qu'à une remise, celle de 3 % pour paiement comptant.

Ainsi, Mme Martine C., épouse Von Essen, et la SA Editions Atlas ont inscrit leurs relations dans un cadre d'agent commercial, ce qui est confirmé par les clauses du contrat initial rédigé par la SA Editions Atlas.

Sur le principe de l'indemnité compensatrice :

Selon les dispositions du premier alinéa de l'article L. 134-12 du Code de commerce, en cas de cessation de ses relations avec le mandant, l'agent commercial a droit à une indemnité compensatrice en réparation du préjudice subi.

Selon les dispositions de l'article L. 134-13 du Code de commerce, la réparation prévue à l'article L. 134-12 n'est pas due dans les cas suivants :

1° La cessation du contrat est provoquée par la faute grave de l'agent commercial.

La faute grave s'entend de celle qui porte atteinte à la finalité commune du mandat d'intérêt commun et rend impossible le maintien du lien contractuel. Il appartient au mandant de rapporter la preuve d'une telle faute, appréciée au regard du comportement des deux parties dans l'exécution du contrat. Le contrat signé par les parties stipule en son article 3.1 que :

- Le mandant se réserve la possibilité de modifier la liste des produits confiés à titre exclusif à l'agent pour des raisons de politique commerciale, notamment en cas d'insuffisance de résultat de l'agent, sous réserve d'un délai de préavis d'un mois et sans qu'une telle modification fasse obstacle à la poursuite du présent contrat (alinéa 2).

- Si le mandant met en vente de nouveaux produits non compris dans l'énumération figurant en annexe, il se réserve le droit d'en confier ou non la vente à l'agent qui reste libre d'accepter ou de refuser sans que ce refus puisse faire obstacle à la poursuite du présent contrat (alinéa 3).

La société Editions Atlas a adressé à Mme Martine C., épouse Von Essen, le 25 juin 2008, le courrier suivant :

"Je vous informe par la présente de notre décision d'appliquer l'article 3 de votre contrat d'agent commercial en date d'effet du 13 octobre 2003 : Si le mandant met en vente de nouveaux produits non compris dans l'énumération figurant en annexe, il se réserve le droit d'en confier ou non la vente à l'agent, qui reste libre d'accepter ou de refuser, sans que ce refus puisse faire obstacle à la poursuite du présent contrat. En conséquence, nous ne vous confierons pas la vente des nouveaux produits commercialisés par notre société, et ce à réception du présent courrier".

En réponse à cette lettre, Mme Martine C., épouse Von Essen, a écrit le 22 juillet 2008 à la société Editions Atlas un courrier dans lequel elle indique notamment :

"Dans la mesure où la quasi-totalité du chiffre d'affaire est généré par les ventes de nouveautés, votre décision de cesser de me confier tout nouveau produit s'analyse purement et simplement en une résiliation unilatérale du contrat. En effet, comment peut-on imaginer que je demeure votre agent exclusif pour les produits disponibles à ce jour et qu'un nouvel agent interviendrait pour les nouveautés.

Les problèmes récurrents de qualité et de respect des délais de livraison dont vous les éditions Atlas sont seules responsables ainsi que votre décision de me supprimer l'accès à une partie du site intranet constituent des violations caractérisées de vos obligations, tant au regard de l'article L. 134-4 du Code de commerce que de l'article 4 du contrat qui nous lie.

Je n'ai donc d'autre choix que de prendre acte à compter de ce jour de la rupture de notre contrat laquelle vous est intégralement imputable.

En conséquence, je vous notifie conformément à l'article L. 134-12 alinéa 2 du Code de commerce que j'entends obtenir le versement de l'indemnité compensatrice prévue en cas de cessation du contrat.

En vertu des usages de la profession, il me semble légitime de fixer cette indemnité à deux années de commissions sur la moyenne des trois dernières années ce qui correspond à une indemnité d'un montant de 63 140 euros".

Le 5 août 2008, la SAS Editions Atlas a adressé un courrier en réponse indiquant notamment :

"Avant de revenir sur les raisons qui vous ont conduites à résilier sans préavis votre contrat d'agent commercial, nous vous rappelons que la décision de ne pas vous confier la commercialisation de nouveaux produits pour le second semestre 2008 a été justifiée par l'insuffisance de vos résultats depuis le début de l'année, conformément à l'article 3.1 de votre contrat.

Alors que votre objectif mensuel de chiffre d'affaires net était de 11 500 euros, soit 80 500 euros pour les sept premiers mois de l'année, votre chiffre d'affaires sur la même période atteint, seulement la somme de 19 951 euros (soit en valeur relative 75,21 % de moins que vos objectifs) ; chiffre d'affaires dont nous soulignons qu'il a été réalisé avec cinq nouveaux produits et deux relancements produits.

Alors même que les moyens que nous vous avons apportés depuis six mois auraient dû vous permettre de mieux exploiter les potentialités commerciales de votre territoire, vous n'avez conquis que 19 nouveaux clients et ce alors que le nombre de clients ayant manifesté leur intérêt pour ces nouveaux produits est considérablement plus élevé.

De tels chiffres révèlent que depuis le début de l'année 2008, vous n'avez quasiment plus exploité les potentialités commerciales de votre territoire et avez ainsi cessé d'exécuter votre contrat d'agent commercial.

Les faits démontrent également que, même avec l'apport de nouveaux produits au premier semestre 2008, vous n'êtes pas parvenu à réaliser vos objectifs mensuels de chiffre d'affaires. Cette insuffisance de résultats nous porte préjudice et justifie la décision prise de ne pas vous confier la commercialisation de nouveaux produits pour le second semestre de l'année.

Quant à l'objet de votre notification, nous ne sommes pas dupes d'une décision de résiliation qui ne procède pas des motifs erronés mentionnés dans votre lettre, mais plus probablement de raisons totalement étrangères aux Editions Atlas.

S'agissant des griefs que vous formulez quant à la mauvaise qualité de nos produits nous vous rappelons que vous les commercialisez depuis plus de huit ans sans vous en plaindre.

Dans ces conditions, nous prenons acte de votre décision de résilier votre contrat d'agent commercial sans respecter le préavis de trois mois auquel vous êtes tenu et contestons les motifs de votre décision. Pour cette raison, nous ne pouvons satisfaire vos différentes demandes d'indemnité".

Par ailleurs, au troisième paragraphe de sa correspondance du 28 juillet 2008, Mme Martine C., épouse Von Essen, écrivait à la SAS Editions Atlas qu'elle avait eu la désagréable surprise de constater la coupure de l'accès au fichier des coupons réponse sur le portail intranet de la société sans l'en avoir informée. Or, la réponse du 5 août 2008 ne fait aucune allusion à cette observation formulée au tout début de sa lettre par Mme Martine C., épouse Von Essen

L'impossibilité d'accéder au site extranet de la SAS Editions Atlas est établie par un constat d'huissier dressé le 7 juillet 2008 qui montre que si Mme Martine C., épouse Von Essen, a pu, selon les dates mentionnées sur son profil, le 5 juillet 2008, charger les clients, les commandes et les coupons, aucune de ces actions n'était possible deux jours plus tard.

Il appartient à la cour de rechercher si la décision à effet immédiat de ne plus confier aucun produit nouveau à Mme Martine C., épouse Von Essen, jointe à l'interdiction d'accès de celle-ci au site extranet n'étaient pas de nature, en rendant impossible la poursuite normale de l'exécution du mandat par l'agent, à constituer des circonstances rendant la rupture du contrat imputable à la mandante.

Certes, le contrat signé par les parties, dans son article 3 alinéa 3, repris par la SAS Editions Atlas dans sa correspondance, ne prévoit ni motif, ni délai pour décider de ne pas confier à l'agent la vente de nouveaux produits. Mais, d'une part, il doit être relevé que l'alinéa précédent de ce même article, visé sans distinction d'alinéa dans la correspondance du 25 juin 2008, prévoit la possibilité pour le mandant de modifier la liste des produits confiés à l'agent pour des raisons de politique commerciale, notamment en cas d'insuffisance de résultats de l'agent, sous réserve d'un délai de préavis d'un mois.

D'ailleurs, la SAS Editions Atlas, elle-même, est convaincue d'avoir donné à Mme Martine C., épouse Von Essen, un délai d'un mois pour la mise en œuvre de la mesure. En effet, en page 13 de ses écritures, elle indique que le 25 juin 2008, elle a notifié à Mme Martine C., épouse Von Essen, sa décision de ne pas lui confier la vente de ses futurs nouveaux produits à l'expiration d'un délai d'un mois, expression soulignée par l'appelante, et en page 14, en employant à nouveau du soulignement, elle indique que sa notification n'avait pas encore pris effet, alors que l'expression, employée dans la lettre du 25 juin 2008, était la suivante : nous ne vous confierons pas la vente des nouveaux produits commercialisés par notre société, et ce à réception du présent courrier.

Il doit être relevé que, dans la lettre du 5 août 2008, la SAS Editions Atlas motive sa décision par l'insuffisance des résultats. Or, il doit être constaté qu'aucune lettre de mise en demeure préalable à la lettre du 5 août 2008 n'avait été adressée à Mme Martine C., épouse Von Essen

De plus, une baisse de résultats n'est pas nécessairement imputable à l'agent commercial. Il suffit de constater qu'en 2008, la SAS Editions Atlas n'a mis en vente que 4 nouveaux produits en janvier, février et avril, soit aucun pendant neuf mois, étant observé au surplus que la SAS Editions Atlas n'a pas donné d'information sur les nouveaux produits mis en vente en 2007.

Il apparaît ainsi que la SAS Editions Atlas a rendu impossible la poursuite normale du contrat par Mme Martine C., épouse Von Essen, en lui annonçant la suppression sans délai de la vente de nouveaux produits, et en lui supprimant tout aussi brutalement, l'accès à l'extranet. Il importe peu que la SAS Editions Atlas n'ait mis en vente aucun nouveau produit entre juin, date de l'annonce de la suppression et décembre 2008, l'agent commercial étant dans l'ignorance de décisions prises nécessairement plusieurs mois à l'avance par la SAS Editions Atlas compte tenu des délais de fabrication et de lancement des nouveaux produits.

Ainsi, la rupture des relations étant imputable à la SAS Editions Atlas, Mme Martine C., épouse Von Essen, a droit à une indemnité compensatrice.

Sur le montant de l'indemnité compensatrice

Il est habituel de fixer le montant de la dite indemnité sur la base de deux années de commissions calculées sur la moyenne des trente-six derniers mois d'activité.

Mais, la balance générale communiquée par Mme Martine C., épouse Von Essen, utilisée pour calculer le montant sollicitée, mentionne des commissions pour les années 2005, 2006 et 2007 alors que les relations ont cessé en août 2008 et qu'il n'est pas tenu compte des décommissionnements.

Or, la pratique du décommissionnement répond à la nécessité d'ajuster le montant des commissions dues en fonction des ventes effectivement réalisées dès lors que les commissions sont précomptées à l'agent et qu'il arrive que des ventes ne se fassent pas.

Et, la SAS Editions Atlas a communiqué le montant des commissions nettes pour la période allant d'août 2006 à juillet 2008, et non à partir d'août 2005.

Cependant, le rapprochement entre les éléments comptables fournis par les parties permet de fixer à la somme de 40 000 euros le montant de l'indemnité compensatrice due à Mme Martine C., épouse Von Essen,

Par ailleurs, il sera fait application des dispositions de l'article 1154 du Code civil, comme le demande Mme Martine C., épouse Von Essen,, mais seulement à compter du 10 mai 2013, date de la première demande, devant la Cour d'appel d'Aix-en-Provence.

Enfin, selon les dispositions de l'article 639 du Code de procédure civile, la juridiction de renvoi statue sur la charge de tous les dépens exposés devant les juridictions du fond y compris sur ceux afférents à la décision cassée.

Mais, celui qui a obtenu la cassation d'une décision ne doit pas être condamné par la cour de renvoi aux frais de la décision cassée.

Dès lors, la SAS Editions Atlas qui succombe devant la Cour d'appel de Toulouse sera condamnée aux dépens d'appel devant ladite cour ainsi que devant la Cour d'appel d'Aix-en-Provence à l'occasion de l'arrêt du 29 juin 2011. En revanche, Mme Martine C., épouse Von Essen, sera condamnée aux dépens de l'arrêt du 9 janvier 2014 devant la Cour d'appel d'Aix-en-Provence.

Par ces motifs, confirme le jugement du Tribunal de grande instance de Marseille hormis sur le montant de l'indemnité compensatrice, et statuant à nouveau, condamne la SAS Editions Atlas à payer à Mme Martine C., épouse Von Essen, la somme de quarante mille (40 000) euros à ce titre, Y ajoutant, dit qu'il sera fait application des dispositions de l'article 1154 du Code civil à compter du 10 mai 2013, vu l'article 700 du Code de procédure civile, déboute la SAS Editions Atlas de sa demande, condamne la SAS Editions Atlas à payer à Mme Martine C., épouse Von Essen la somme de 3 000 euros , condamne la SAS Editions Atlas aux dépens d'appel devant la Cour d'appel de Toulouse ainsi qu'à ceux de l'arrêt que 29 juin 2011 rendu par la Cour d'appel d'Aix-en-Provence, condamne Mme Martine C., épouse Von Essen, aux dépens de l'arrêt du 9 janvier 2014 rendu par la Cour d'appel d'Aix-en-Provence, dit qu'il sera fait application des dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.