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Décisions

Cass. com., 13 décembre 2016, n° 14-19.885

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

PARTIES

Demandeur :

Laurent

Défendeur :

Credimundi (Sté), Yamaha Motor Europe NV (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Mouillard

Rapporteur :

M. Arbellot

Avocats :

SCP Waquet, Farge, Hazan, SCP Célice, Soltner, Texidor, Périer, SCP Matuchansky, Poupot, Valdelièvre

T. com. Paris, du 13 déc. 2012

13 décembre 2012

LA COUR : - Statuant tant sur le pourvoi principal formé par M. Laurent que sur le pourvoi incident relevé par la société de droit belge Credimundi : - Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société Yamaha Motor France, aux droits de laquelle vient la société de droit néerlandais Yamaha Motor Europe NV (la société Yamaha), a conclu avec la société Route 21, dont M. Laurent était le gérant, divers contrats de distribution sélective les 21 décembre 2001, 18 novembre 2003, 24 novembre 2004 et 18 janvier 2007 contenant une clause (art. 9.1) de résiliation de plein droit des contrats en cas de non-paiement à l'échéance convenue de toute somme due à la société Yamaha par la société Route 21 ; que, le 24 octobre 2008, M. Laurent et son épouse se sont rendus sous-cautions solidaires au profit de la société de droit belge Ducroire Delcredere (la société Ducroire), aux droits de laquelle vient la société de droit belge Credimundi, des engagements de la société Route 21 à l'égard de la société Yamaha à concurrence de 100 000 euros ; que, le 10 novembre 2008, la société Ducroire s'est rendue caution solidaire de la société Route 21 au profit de la société Yamaha à concurrence de 100 000 euros, cet engagement devenant caduc à l'expiration d'un délai de trois mois à compter de la date de résiliation de plein droit du cautionnement résultant de celle du contrat cautionné ; que, les 10 janvier et 30 mars 2010, la société Route 21 a été mise en redressement puis liquidation judiciaires ; que, le 21 janvier 2010, la société Ducroire a déclaré sa créance à concurrence de 100 000 euros ; que, le 18 février 2010, la société Yamaha a déclaré sa créance à concurrence de 394 445,52 euros ; que, le 26 avril 2010, la société Yamaha a assigné la société Ducroire en exécution de son engagement de caution, tandis que, le 2 juillet 2010, la société Ducroire a assigné en garantie M. Laurent en sa qualité de sous-caution ;

Sur la recevabilité du pourvoi incident, contestée par la défense : - Attendu qu'il est soutenu que le pourvoi incident est irrecevable, en ce que la société Ducroire a expressément manifesté sa volonté d'acquiescer à l'arrêt attaqué par une télécopie du 22 avril 2014, adressée par son conseil à celui de la société Yamaha, mentionnant que sa cliente n'entendait pas se pourvoir en cassation contre cet arrêt et offrait de régler les sommes auxquelles elle avait été condamnée au profit de la société Yamaha ;

Mais attendu qu'il résulte de l'article 409, alinéa 1er, du Code de procédure civile que l'acquiescement au jugement emporte soumission aux chefs de celui-ci et renonciation aux voies de recours sauf si, postérieurement, une autre partie forme régulièrement un recours ; qu'il est établi que, postérieurement à la télécopie du 22 avril 2004, M. Laurent a formé un pourvoi en cassation, le 25 juin 2014, dont le premier moyen, s'il venait à être accueilli, aurait pour conséquence de remettre en cause la condamnation de M. Laurent à garantir la société Ducroire, laquelle se trouverait alors seule condamnée à l'égard de la société Yamaha ; que ce pourvoi étant de nature à conférer à la société Ducroire un intérêt nouveau à user d'une voie de recours qu'elle n'avait pas précédemment cru à propos d'exercer, son pourvoi incident est recevable ;

Sur le pourvoi incident, qui est préalable : - Sur le premier moyen de ce pourvoi : - Attendu que la société Ducroire fait grief à l'arrêt de la condamner à payer à la société Yamaha la somme de 100 000 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 28 janvier 2010 avec capitalisation pour une année entière, à compter du 30 janvier 2014 alors, selon le moyen, que l'article 9.1 des contrats de distribution sélective conclus par la société Route 21 avec la société Yamaha les 21 décembre 2001, 18 novembre 2003, 24 novembre 2004, et 18 janvier 2007 stipulait que "le contrat sera[it] résilié de plein droit et sans aucun préavis ni indemnité sans formalité préalable si l'un quelconque des événements énumérés ci-après venait à se produire : non-paiement à l'échéance convenue de toute somme due à YMF par le concessionnaire, soit au titre du présent contrat, soit au titre de tout autre contrat quelle que soit sa forme, intervenu entre YMF et le concessionnaire (...) " ; que la société Ducroire faisait valoir qu'en application de cette stipulation, les contrats de distribution s'étaient trouvés résiliés de plein droit au 16 mai 2009, date d'échéance d'une facture de 14 281,76 euros que la société Route 21 n'avait pas acquittée ; qu'elle en déduisait qu'en l'absence de mise en jeu par la société Yamaha du cautionnement accordé par la société Ducroire, dans le délai de trois mois, stipulé dans l'acte de cautionnement, suivant la résiliation des contrats de distribution, son engagement de caution était devenu caduc ; que pour rejeter ce moyen et condamner la société Ducroire à payer à la société Yamaha la somme de 100 000 euros au titre de son engagement de caution, la cour d'appel a retenu que l'article 9.1 des contrats de concession ne prévoyait pas que la résiliation de plein droit présentait un caractère automatique et qu'à défaut de notification d'une décision de résiliation par la société Yamaha à la société Route 21, les contrats de distribution sélective s'étaient poursuivis et que le cautionnement accordé par la société Ducroire était demeuré valide ; qu'en statuant de la sorte, quand l'article 9.1 des contrats de distribution stipulait expressément qu'en cas notamment de non-paiement de l'une quelconque des sommes dues à la société Yamaha, le contrat serait résilié "de plein droit et sans aucun préavis ni indemnité [et] sans formalité préalable ", la cour d'appel a dénaturé cette clause, violant ainsi l'article 1134 du Code civil ;

Mais attendu qu'ayant constaté que la clause litigieuse (art. 9.1) des contrats de distribution sélective prévoyait leur résolution " de plein droit et sans aucun préavis ni indemnité sans formalité préalable " en cas de non-paiement à l'échéance convenue de toute somme due à la société Yamaha par la société Route 21 au titre de l'un d'eux et retenu que cette résiliation de plein droit ne pouvait jouer de façon automatique, la cour d'appel, qui a décidé que la société Yamaha, si elle entendait s'en prévaloir, devait notifier à la société Route 21 sa décision de résiliation, n'a fait qu'appliquer cette clause, sans la dénaturer ; que le moyen n'est pas fondé ;

Et sur le second moyen du même pourvoi : - Attendu que la société Ducroire fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande de dommages-intérêts dirigée contre la société Yamaha alors, selon le moyen : 1°) que la caution peut rechercher la responsabilité du créancier qui, en tardant à exercer des poursuites contre le débiteur, lui cause un préjudice en laissant s'accumuler des impayés, augmentant ainsi le montant de la dette cautionnée ; qu'en l'espèce, la société Ducroire faisait précisément valoir, à titre subsidiaire, que la société Yamaha avait engagé sa responsabilité délictuelle à son égard, en laissant les dettes de la société Route 21 s'accumuler, en ne mettant pas en œuvre les clauses des contrats de distribution sélective permettant de limiter l'endettement du débiteur, en particulier l'article 6.5.3 prévoyant le paiement préalable avant livraison ainsi que la suspension des livraisons jusqu'au règlement intégral des impayés, et l'article 7.1.5 instituant une clause de réserve de propriété sur les marchandises livrées ; que pour rejeter la demande indemnitaire de la société Ducroire, la cour d'appel a considéré qu'il ne pouvait être reproché à la société Yamaha de ne pas avoir pris des mesures telles qu'elles auraient empêché la société Route 21 d'exercer son activité, dès lors qu'il n'est pas démontré que la société Route 21 était dans une situation irrémédiablement compromise ; qu'en statuant de la sorte, sans rechercher, ainsi qu'il lui était demandé, si indépendamment de la date de cessation des paiements de la société Route 21, la société Yamaha n'avait pas adopté un comportement fautif en s'abstenant, pendant la durée de l'exécution du cautionnement, d'exercer les prérogatives contractuelles dont elle disposait, qui lui aurait permis de limiter l'endettement de la société Route 21 et de préserver les intérêts de la caution, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du Code civil ; 2°) que la société Ducroire faisait valoir que la société Yamaha avait engagé sa responsabilité à son égard en s'abstenant de mettre en œuvre la clause de réserve de propriété sur les produits livrés à la société Route 21, stipulée aux articles 7.1.1 et 7.1.5 des contrats de concession, qui lui permettait en cas d'impayé de récupérer les marchandises livrées, même celles ayant fait l'objet de factures non encore échues ; qu'elle soulignait en particulier que si la société Yamaha avait exercé les droits afférents à cette clause de réserve de propriété dès la première facture impayée de 14 281,76 euros exigible le 15 mai 2009, en exerçant son droit de propriété sur les marchandises précédemment livrées en exécution de trois factures non encore échues, l'endettement de la société Route 21 et corrélativement, l'engagement de caution, auraient été cantonnés à la somme de 14 281,76 euros, montant de la seule facture impayée à cette date ; que pour rejeter l'action indemnitaire de la société Ducroire, la cour d'appel a retenu qu'au 10 novembre 2008, l'encours de la société Route 21 dans les livres de la société Yamaha s'élevait à la somme de 334 760,67 euros et qu'à la date du redressement judiciaire de la société Route 21 la créance de la société Yamaha était de 367 103,25 euros, ce dont elle a déduit que la société Ducroire ne rapportait pas la preuve d'une faute de la société Yamaha ni celle d'un préjudice indemnisable ; qu'en statuant de la sorte, sans rechercher si la société Yamaha, en s'abstenant de mettre en œuvre, à la date du premier impayé survenu le 15 mai 2009, la clause de réserve de propriété dont elle disposait sur les marchandises précédemment livrées, ce qui aurait permis de cantonner l'endettement de la société Route 21 et par voie de conséquence, l'engagement de caution de la société Ducroire à la somme de 14 281,76 euros, soit un montant inférieur à la limite du cautionnement, la cour d'appel a encore privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du Code civil ;

Mais attendu qu'un créancier qui agit en recouvrement de sa créance dans le délai de prescription ne commet pas de faute, sauf abus dans l'exercice de ce droit ; qu'ayant relevé que la société Ducroire ne justifiait, à ce titre, ni de l'existence d'une faute commise par la société Yamaha, ni d'un préjudice en résultant, la cour d'appel, qui a rejeté la demande de dommages-intérêts formée par la société Ducroire contre la société Yamaha, a légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est pas fondé ;

Mais sur le premier moyen du pourvoi principal : - Vu les articles 72 et 564 du Code de procédure civile ; - Attendu que les défenses au fond peuvent être proposées en tout état de cause ; - Attendu que pour déclarer irrecevable la demande d'annulation de l'acte de sous-cautionnement, l'arrêt, après avoir retenu que l'argumentation de M. Laurent en première instance, tenant à l'absence de caractère exigible de la créance, ne remettait pas en cause la validité de son engagement de sous-caution et que, dès lors, elle ne tendait pas aux mêmes fins que la demande d'annulation de l'acte de sous-caution, retient que cette demande est nouvelle en appel ;

Qu'en statuant ainsi, alors que le moyen tiré de la nullité de l'acte sur lequel était fondé la demande tendait à faire écarter les prétentions adverses, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

Et attendu que la cassation prononcée entraîne, par voie de conséquence, la cassation des dispositions de l'arrêt attaqué rejetant la demande de dommages-intérêts de M. Laurent contre la société Yamaha pour soutien abusif à la société Route 21 ;

Par ces motifs, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi principal : Rejette le pourvoi incident ; Et sur le pourvoi principal : Casse et Annule, sauf en ce qu'il condamne la société Ducroire Delcredere à payer à la société Yamaha Motor France la somme de 100 000 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 28 janvier 2010, ordonne la capitalisation des intérêts dus pour une année entière, à compter du 30 janvier 2014, dans les conditions de l'article 1154 du Code civil et rejette la demande de dommages-intérêts de la société Ducroire Delcredere.