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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 11, 16 décembre 2016, n° 14-21451

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

New PLV (SAS)

Défendeur :

Herber Forbach (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Birolleau

Conseillers :

Mme Lis Schaal, M. Thomas

Avocats :

Mes Bernabe, Rosenberg, Grappotte-Benetreau, Willie

T. com. Paris, du 30 sept. 2014

30 septembre 2014

Faits et procédure :

Par ordre de publicité signé le 10 avril 2006, intitulé " Ordre de publicité de longue conservation tenant lieu de facture ", la société New PLV s'est engagée à diffuser une annonce publicitaire pour la société Herber Forbach, concessionnaire Citroën, pour une durée de quatre ans, ordre renouvelable par tacite reconduction.

Les sommes dues à New PLV ont été réglées au titre des trois premières années.

Par lettre recommandée du 27 octobre 2009, New PLV a adressé la facture relative à la 4ème année et a informé Herber Forbach de la reconduction du contrat conformément à l'article 3 des conditions générales de vente.

Par courrier du 30 mars 2010, Herber Forbach a informé New PLV qu'elle entendait ne pas poursuivre le contrat. New PLV a refusé la résiliation du contrat et a mis en demeure Herber Forbach de lui payer la somme de 8 946,08 euros.

Le 6 mai 2011, New PLV a assigné la société Herber Forbach en paiement en principal de la somme de 19 234,07 euros devant le Tribunal de commerce de Paris, qui, par jugement du 30 août 2014, a :

- débouté la société Herber Forbach de sa demande de nullité ;

- l'a condamnée à payer à la société le 6 mai 2011 la somme de 8 946,08 euros au titre de la quatrième annuité du contrat, outre intérêts au taux légal à compter du 15 juin 2010 ;

- débouté la société de sa demande de tacite reconduction et du paiement des annuités correspondantes ;

- débouté les parties de leurs demandes autres plus amples ;

- condamné Herber Fochbach à payer la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

Le tribunal a rejeté la demande de nullité du contrat fondée sur l'article 1129 du Code civile et a jugé que le contrat s'était poursuivi jusqu' à son terme et a refusé la tacite reconduction du contrat demandé par New PLV alors qu'Herber Forbach avait dénoncé la relation contractuelle le 30 mars 2010.

La société New PLV a régulièrement interjeté appel de cette décision le 24 octobre 2014.

Prétentions des parties La société New PLV, par conclusions signifiées par le RPVA le 30 août 2016, demande à la Cour de :

- déclarer irrecevable la demande de nullité du contrat ;

- rejeter la demande de nullité du contrat ;

- confirmer le jugement entrepris ;

- débouter la demande de condamnation de 41 151,96 euros, au titre de l'article 1382 du Code civil ;

- dire que cette demande est irrecevable au titre de l'article 564 du Code de procédure civile ;

- juger que la demande de nullité au titre de la loi du 20 janvier 1993 est irrecevable en application de l'article 564 du Code de procédure ;

- juger cette demande formulée par voie de conclusions en août 2015 comme prescrite en application des articles 1304 et 2224 du Code civil, alors que le contrat a été signé le 10 novembre 2006 ;

- juger inapplicable le texte, New PLV étant propriétaire des supports et rejeter cette demande de nullité ;

- vu le renouvellement du contrat, condamner l'intimée à lui payer une somme de 50 098 euros TTC à compter de l'assignation ;

- la condamner à des intérêts et des sommes dues en application de l'article L. 441-6 du Code de commerce, soit à un taux égal au taux d'intérêt appliqué par la Banque Centrale européenne à son opération de refinancement la plus récente majorée de 10 % ;

- ordonner la capitalisation des intérêts en application de l'article 1154 du Code civil ;

- condamner l'intimée au paiement d'une somme de 6000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et aux entiers dépens.

Elle soutient que l'intimée connaissait parfaitement l'objet et la cause du contrat et que sa demande de nullité est sans fondement. De plus, Herber Forbach a réglé trois factures et n'a contesté le contrat qu'à la 4ème annuité, la demande d'Herber Forbach doit donc déclarée irrecevable, le contrat ayant reçu un commencement d'exécution pendant trois ans. S'agissant d'un contrat à durée déterminée de quatre ans, il ne pouvait être résilié en cours d'exécution et la 4ème annuité est donc due.

Elle soutient également que le contrat a été tacitement reconduit puisque le préavis minimum égal au tiers de la durée totale du contrat, soit quatre mois par année de contrat, adressé par lettre recommandée AR au siège social de New PLV avant la fin de la période initiale, n'a pas été respecté, soit un préavis de 16 mois, l'article L. 136-1 du Code de la consommation n'étant pas applicable en l'espèce, Herber Forbach étant un professionnel.

Cette clause, non ambiguë, doit recevoir application.

La société Herber Forbach, par conclusions signifiées par le RPVA le 6 août 2015, demande de :

- infirmer le jugement entrepris ;

- prononcer la nullité de l'engagement contractuel intitulé " ordre de publicité de longue conservation tenant lieu de facture " ;

- condamner la société New PLV à payer à la société Herber Forbach la somme de 26 838, 24 euros, et à lui restituer celle de 8946,08 euros TTC, majorés des intérêts au taux légal ; - condamner New PLV à payer à Herber Forbach la somme de 10 000 euros au titre du préjudice procédant de la diffusion contre sa volonté d'un spot portant atteinte à ses intérêts commerciaux ;

- débouter New PLV de ses demandes en paiement de la somme de 50 098,04 euros TTC à compter du 6 mai 2011 ;

A titre subsidiaire,

- prononcer la nullité de l'ordre de publicité pour vice du consentement (erreur et dol) ou prononcer sa résolution en l'absence de justificatifs des engagements pris portant sur les passages en caisses et le nombre de visiteurs ;

- confirmer le jugement en ce qu'il a débouté la société New PLV de sa demande de tacite reconduction et du paiement des annuités correspondantes ;

- dire que l'ordre de publicité de longue conservation tenant lieu de facture est arrivé à son terme contractuel et qu'aucun nouveau contrat ne s'est créé en l'absence de consentement de Herber Forbach ;

- débouter New PLV de sa demande en paiement de la somme de 50 098, 04 euros TTC euros, outre intérêts à compter du 6 mai 2011 ;

A titre encore plus subsidiaire,

- dire que le non-respect du délai de prévenance de 16 mois ne peut se traduire que par le paiement de dommages et intérêts et ne saurait excéder sept mois d'exécution contractuelle ;

- dire que New PLV ne peut poursuivre le paiement des frais techniques qui ne correspondent à aucune prestation définie et en tout état de cause ne peut leur appliquer une augmentation forfaitaire de 15 % pour la période de reconduction ;

- condamner New PLV au paiement de dommages et intérêts d'un montant de 41 151,96 euros au titre de sa déloyauté dans la rédaction de ses ordres de publicité ayant entraîné un nouveau contrat non souhaité ;

A titre infiniment subsidiaire,

- dire que New PLV n'a pas respecté les stipulations de la loi du 29 janvier 1993 notamment en son article 20 et déclarer en conséquence inopposable à Herber Forbach l'ordre de publicité ;

- condamner New PLV à payer à la société Herber Forbach une indemnité de 6000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.

Elle fait valoir que l'ordre de publicité est nul pour indétermination de l'objet de l'engagement souscrit, que le contrat ne détermine pas les lieux et le nombre de passage du visuels de Herber Forbach - l'objet n'étant dès lors pas certain - et que l'absence de détermination contractuelle de l'objet de la prestation rend nulle la convention.

Elle conteste toute tacite reconduction alors qu'elle a expressément dénoncé le contrat le 30 mars 2011, que le préavis de neuf mois est largement suffisant pour mettre un terme à une relation contractuelle de quatre années et est conforme aux usages du commerce ; elle indique que New PLV ne saurait se prévaloir de conditions générales de vente non signées et non communiquées à la signature, aucun préavis n'étant prévu sur l'ordre de publicité. De plus, cette clause est ambigüe et sa formulation est de nature à tromper le client. Aucun nouveau contrat n'a donc pu se créer au terme du contrat à durée indéterminée.

Elle soutient par ailleurs que New PLV a continué à diffuser dans le cadre de cette reconduction imposée un spot qui comportait des éléments erronés (non actualisés) qui lui a causé un préjudice évalué à 10 000 euros.

Sur ce, considérant que la société Herber Forbach ne conteste pas avoir souscrit et signé, le 10 novembre 2006, un document intitulé " ordre de publicité de longue conservation tenant lieu de facture " pour une durée de quatre ans, renouvelable par tacite reconduction ; que le document précise que " la date anniversaire correspond au premier jour de diffusion ou à la date convenue dans les conditions particulières ci-dessus " ; que la signature du représentant de Herber Forbach est précédée de la mention " l'annonceur reconnaît avoir pris connaissance des conditions générales de vente figurant au verso " ;

Que le premier message publicitaire a été diffusé le 11 janvier 2007, date d'effet du contrat ;

Que Herber Forbach a procédé au règlement des trois premières factures en date des 11 janvier 2007, 22 octobre 2007 et 15 décembre 2008, de 8 946,08 euros chacune ; qu'elle a dénoncé le contrat par

lettre recommandée avec AR le 30 mars 2010, invoquant sa nullité pour imprécision de son objet ; qu'elle a refusé le paiement de la facture du 27 octobre 2009 d'un montant de 8 946,08 euros correspondant à l'année 2010 ; que, par courrier en date du 27 mai 2010, New PLV a refusé cette rupture en l'absence de respect du préavis prévu dans les conditions générales de vente ;

Sur la nullité de l'ordre de publicité

Considérant que l'ordre de publicité du 11 novembre 2006 comporte les modalités des tarifs, les prix du temps de passage ; que l'objet du contrat est la réservation d'espace sur un support de diffusion - écran plasma ; que la localisation de la diffusion est précisée : arrière caisse au centre Leclerc à Freyming Merlebach 57800 ; que le contrat a donc un objet déterminé et certain ; qu'il est indifférent que ne soient pas précisés le nombre et la fréquence du passage du visuel, ces éléments n'ayant pas un caractère déterminant ; qu'il n'est pas établi que le prospectus publicitaire " flyer " communiqué par NEW PLV ait été remis à HERBER FORBACH au moment de la conclusion du contrat et qu'il constitue donc un élément contractuel ; considérant que le prix et l'objet sont clairement exprimés dans l'ordre de publicité ; qu'en outre, le contrat ayant été conclu en novembre 2006, la société HERBER FORBACH n'est plus en droit de soulever la nullité d'un contrat qui a été exécuté pendant plus de trois ans ; qu'en conséquence, il convient de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a rejeté la demande de nullité de l'ordre de publicité ;

Sur la tacite reconduction du contrat

Considérant que NEW PLV soutient qu'en l'absence de dénonciation 16 mois avant le terme contractuel, le contrat a été reconduit tacitement conformément à l'article 3 des conditions générales de vente qui dispose que " Durée du contrat le présent ordre de publicité est établi pour une durée déterminée au recto. Il sera renouvelé par tacite reconduction pour une période de même durée. Toutefois, l'annonceur pourra dénoncer le présent ordre, avec un préavis minimum égal au tiers de la durée totale du contrat, soit 4 mois par année de contrat, par lettre recommandée avec accusé de réception au siège social de la société NEW PLV avant la fin de la période initiale ou renouvelée " ; que cette clause figure au recto de l'ordre de publicité ; qu'au recto, l'ordre de publicité indique : " Durée : quatre ans sans augmentation de tarif durant la période initiale. Renouvelable par tacite reconduction " ;

Considérant que Herber Forbach ne peut légitimement soutenir ne pas avoir eu connaissance des conditions générales de vente alors que la signature de son représentant est précédée de la mention : " l'annonceur reconnaît avoir pris connaissance des conditions générales de vente figurant au verso " ;

Mais considérant que la formulation de l'article 3 demeure ambigüe dès lors que l'article n'indique pas formellement le délai à respecter -16 mois - mais en détermine la durée par année, alors que s'agissant d'un contrat à durée déterminée de quatre ans, qui devait être exécuté jusqu'à son terme, il ne pouvait y être mis fin annuellement ; que l'ambiguïté de cette clause la rend inopposable à Herber Forbach ; qu'en conséquence, Herber Forbach ayant dénoncé le contrat le 30 mars 2010, le contrat a, pour un début d'exécution le 11 janvier 2007, couru jusqu'à son terme le 11 janvier 2011 ; que, si la 4ème annuité est due par Herber Forbach (8946,08 euros TTC, outre intérêts au taux contractuel indiqué sur les factures), les demandes de reconduction tacite du contrat et le paiement des annuités correspondantes doivent être rejetées ; qu'il convient donc de confirmer le jugement entrepris ; qu'y ajoutant, il sera fait droit à la demande de capitalisation des intérêts ;

Sur l'inopposabilité de l'ordre de publicité en application de l'article 20 de la loi du 29 janvier 1993

Considérant que l'ordre de publicité a été souscrit le 11 novembre 2006 et que cette prétention est soulevée par Herber Forbach dans ses conclusions du 6 août 2015, qu'en application des articles 1304 et 2224 du Code civil cette demande est prescrite ; qu'elle est donc irrecevable ;

Considérant que Herber Forbach n'établit pas un préjudice directement lié à la diffusion d'un spot publicitaire dont elle soutient qu'il comportait des éléments erronés ; qu'il convient de débouter de cette demande ;

Considérant que l'équité impose de condamner New PLV à payer à Herber Forbach la somme de 6 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Par ces motifs : La Cour statuant publiquement et contradictoirement, confirme le jugement entrepris, y ajoutant, ordonne la capitalisation des intérêts sur la somme de 8946, 08 euros TTC qui portera intérêts au taux d'intérêt appliqué par la Banque centrale européenne à son opération de refinancement la plus récente majorée de 10 %, déboute la société Herber Forbach de sa demande de dommages et intérêts, déboute les parties de leurs plus amples prétentions, condamne la société New PLV à payer à la société Herber Forbach la somme de 6000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile en cause d'appel, la condamne aux dépens d'appel avec distraction au profit de la SCP Garrotte Benetreau en application de l'article 699 du Code de procédure civile.