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Décisions

CA Douai, 1re ch. sect. 1, 15 décembre 2016, n° 15-06735

DOUAI

Arrêt

Confirmation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Zavaro

Conseillers :

M. Poupet, Mme Boutié

TGI Boulogne-Sur-Mer, du 13 octobre 2015

13 octobre 2015

En janvier 2013, M. Eric L. a acquis auprès de M. Patrick S. une moto Harley Davidson pour un prix de 16 000 euros, en répondant à une annonce parue sur le site " Le bon coin ".

Suivant acte d'huissier en date du 7 avril 2014, M. L. a fait assigner M. S. aux fins d'obtenir avec exécution provisoire :

- dire que M. S. a commis à son égard un dol de nature à justifier la nullité de la vente;

- constater subsidiairement le défaut de délivrance et ordonner la résolution de la même vente du véhicule Harley Davidson ;

- condamner le défendeur à lui payer les sommes de :

* 16 000 euros en remboursement du prix de vente de la moto ;

* 5 000 euros à titre de dommages et intérêts ;

* 2 500 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- dire que la restitution du véhicule n'interviendrait qu'une fois acquittées par M. S. les sommes mises à sa charge par le présent jugement.

Par jugement en date du 13 octobre 2015, le tribunal de grande instance de Boulogne sur Mer a :

- débouté M. Eric L. de ses demandes ;

- débouté M. Patrick S. de ses prétentions reconventionnelles ;

- condamné M. L. aux dépens et accordé à Me Roy N., avocat, un droit de recouvrement direct conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.

Par déclaration au greffe en date du 18 novembre 2015, M. L. a interjeté appel de cette décision.

Dans ses dernières écritures, M. L. sollicite :

- la réformation du jugement entrepris ;

- constater la qualité de professionnel de la vente de véhicule d'occasion de l'intimé;

A titre principal :

- constater le dol commis par M. S. à l'égard de M. L. ;

- prononcer la nullité de la vente du véhicule Harley Davidson immatriculé AB-479-WJ ;

- condamner M. S. à lui payer le remboursement de la somme de 16 000 euros avec intérêts légal à compter du jour de la vente ;

- dire que M. L. ne sera tenu de restituer la moto qu'une fois totalement réglé le remboursement du prix ainsi que des dommages et intérêts et de toute somme due ;

- condamner M. S. au paiement de la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts ;

Subsidiairement,

- constater le défaut de délivrance et prononcer la résolution de la vente du véhicule Harley Davidson ;

- condamner M. S. au remboursement de la somme de 16 000 euros avec intérêts au taux légal à compter du jour de la vente ;

- dire que M. L. ne sera tenu de restituer la moto qu'une fois totalement réglé le remboursement du prix ainsi que des dommages et intérêts et de toute somme due ;

Dans tous les cas :

- condamner M. S. au paiement de la somme de 3 500 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- condamner M. S. aux dépens dont distraction au profit de Me D., conformément à l'article 699 du Code de procédure civile.

M. L. fait valoir que :

- sur l'annonce parue sur le site internet " le bon coin ", le véhicule était présenté comme étant un modèle 2009, M. L. recherchant précisément un modèle de l'année 2009 ;

- dans un courrier en date du 25 avril 2013, la société Harley Davidson indiquait: " après un contrôle visuel de votre carte grise et un contrôle de notre base de données, nous confirmons que la date est erronée et que la bonne date est le 6 juillet 2007 et non le 9 juillet 2009 comme indiqué sur la carte grise " ;

- une plainte a été déposée le 2 mai 2013 entre les mains du procureur de la République de Boulogne sur mer ;

- les faits caractéristiques d'un dol sont réunies, les manœuvres étant caractérisées par le fait que M. S. n'a remis aucun document à M. L. alors qu'il possédait trois documents Harley Davidson ;

- la carte grise de M. S. mentionnant la date du 9 juillet 2009 est fausse ;

- subsidiairement, il sera retenu un défaut de délivrance, le défaut de conformité étant connu du vendeur qui se doit de restituer le prix et payer les dommages et intérêts ;

- M. S. reconnaît être le gérant de la société MVS dont l'objet social est l'achat et la vente de véhicules d'occasion et avait donc la qualité de professionnel de la vente de véhicule d'occasion ;

- les pièces communiquées par M. S. n'ont jamais été en possession de M. L. ;

- M. L. n'est pas spécialiste des motos Harley Davidson ;

- la lecture du site " société.com " fait apparaître que la société MVS a pour objet social " entretien et réparation de véhicules automobiles légers ".

M. S. sollicite :

- la confirmation du jugement entrepris sauf en ce qu'il a débouté M. S. de sa demande au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- débouter M. L. de toutes ses demandes, fins et conclusions ;

- condamner M. L. au paiement d'une somme de 4 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers frais et dépens tant au titre de première instance qu'en cause d'appel.

M. S. soutient que :

- le 3 juin 2014, la plainte de M. L. a été classée sans suite en raison du caractère insuffisamment caractérisé de l'infraction ;

- M. S. estime n'avoir commis aucune manœuvre dolosive tendant à créer chez M. L. un vice du consentement fondé sur une erreur ;

- M. S. est un néophyte de la vente de moto alors que M. L. est un grand amateur de motos et grand connaisseur des différentes marques de véhicule ;

- en rédigeant l'annonce, M. S. a opéré une confusion entre la date de la première mise en circulation du véhicule (2007) et la date de première immatriculation du véhicule (2009), une confusion pouvant être faite en toute bonne foi par un néophyte ;

- lors de la vente, M. S. a produit la proposition d'achat en date du 22 mars 2007 et la facture d'achat en date du 6 juillet 2007 ;

- sur la déclaration de cession du véhicule, seule l'indication de la date de première mise en circulation du véhicule est prévue ;

- il est avéré que M. L. a accepté la cession du véhicule alors que le vendeur était dans l'incapacité de lui remettre le carnet d'entretien ;

- M. S. a racheté la société MVS et il n'exerce depuis qu'une activité de station de lavage de véhicule, Eléphant Bleu et d'atelier pare-brise, Kaliglasse et non de vente et d'achat de moto ;

- M. L. a acquis la moto en parfaite connaissance de cause, précisant lui-même dans ses écritures qu'il recherchait précisément un modèle de 2009 dont il connaissait parfaitement les caractéristiques;

- la confrontation des témoignages spontanés des parties devant les services de police montre que l'acquéreur est un acheter averti du monde de la moto et qu'il a pris le temps nécessaire (plusieurs visites) pour examiner de façon approfondie le véhicule.

Motifs de la décision

Sur le dol

L'article 1110 du Code civil dispose que l'erreur n'est une cause de nullité de la convention que lorsqu'elle tombe sur la substance même de la chose qui en est l'objet.

Aux termes des dispositions de l'article 1116 du même code, le dol est une cause de nullité de la convention lorsque les manœuvres pratiquées par l'une des parties sont telles, qu'il est évident que, sans ses manœuvres, l'autre partie n'aurait pas contracté.

Il ne se présume pas et doit être prouvé.

Le dol peut être constitué par le silence d'une partie dissimulant à son cocontractant un fait qui, s'il avait été connu de lui, l'aurait empêché de contracter.

Il est constant que M. S. avait libellé son annonce sur le site internet " Le bon coin " de la manière suivante: " Harley Davidson Road King Année Modèle 2009, 16 800 euros disponible de suite 6.919 kms " ; à la suite de la publication de cette annonce, M. L. a pris contact avec le vendeur et un bon de commande a été signé par M. L. le 15 décembre 2012 ; il convient de relever que si ce bon de commande comporte la date de la première immatriculation du véhicule, soit le 9 juillet 2009, aucune mention n'est apposée s'agissant de l'année du modèle acquis; en outre, si M. L. a contesté dans ses différents courriers et notamment dans son courrier adressé au procureur de la République avoir été destinataire du carnet d'entretien et du manuel d'utilisation de la moto, force est de constater qu'il ne conteste pas avoir eu connaissance de la facture d'achat de la moto par M. S. en date du 6 juillet 2007 ; de plus, il convient de relever que si le bon de commande a été signé par les parties le 15 décembre 2012, la déclaration de cession de véhicule n'a été régularisée que le 5 janvier 2013 soit plus de quinze jours plus tard, laissant ainsi un délai de réflexion important à M. L. ; en outre, le fait que la carte grise de M. S. comporte la mention de la date du 9 juillet 2009 comme date de première immatriculation de la moto ne constitue pas une tromperie, cette date correspondant effectivement à celle de l'immatriculation de la moto alors même qu'il n'est pas contesté par M. S. qu'il en avait fait l'acquisition en 2007, la remisant pendant deux ans dans son garage ainsi qu'en justifie son faible kilométrage; par ailleurs, tant la facture d'achat de la moto que le bon de commande et le certificat de cession comporte le nom de M. Patrick S. et non de la SARL MVS en qualité de vendeur de sorte que la preuve de ce que M. S. aurait la qualité de vendeur professionnel n'est pas rapportée en l'espèce.

Dès lors, le seul fait que l'annonce sur le site internet " Le bon coin " porte la mention " modèle 2009 " ne saurait suffire à rapporter la preuve de manœuvres dolosives de M. S. de nature à tromper M. L. ; la demande de M. L. sera donc rejetée de ce chef.

Sur la demande en résolution pour défaut de conformité

Aux termes des dispositions de l'article 1604 du Code civil, la délivrance est la chose vendue en la puissance et possession de l'acheteur.

Le défaut de conformité de la chose vendue à sa destination normale constitue le vice prévu par les articles 1641 et suivants.

M. L. fonde subsidiairement sa demande sur le défaut de délivrance conforme de la moto au regard des différences techniques existant entre le modèle de moto Harley Davidson Road King Classic de 2007 et celui de 2009.

Il est constant que l'année modèle d'un véhicule correspond à l'année de fabrication de celui-ci avec les particularités définies par le constructeur qu'il fera évoluer sur le plan technique et/ ou esthétique par la suite; le millésime d'un véhicule fait référence à la date de première mise en circulation ce qui permet de définir une cotation en occasion.

M. L. communique aux débats un article paru le 15 janvier 2009, alors même que le nouveau modèle de moto n'était pas encore commercialisé, dans la revue spécialisée " Moto Station " intitulé : " Essai Harley Davidson FLHRC Road King Classic 2009 : Modernité cachée " qui précise : " la gamme Touring 2009 reçoit un grand nombre d'évolutions, parmi lesquelles un châssis plus rigide ou un freinage ABS " ; toutefois, cet article précise aussi que " ce modèle de moto conserve un look très typé et une façon d'envisager le tourisme propre à elle-même "; dès lors, il convient de relever qu'alors même qu'il n'existe aucune contestation sur le fonctionnement même de la moto et ses qualités techniques, il ne résulte pas des éléments du dossier que la moto acquise par M. L. ne serait pas conforme à sa destination; enfin, il convient de relever que le bon de commande régularisé entre les parties ne comporte aucune indication s'agissant du modèle de la moto acquise, seule la date de la première mise en circulation étant indiquée, de sorte que M. S. a remplit son obligation de délivrance conforme en livrant une moto Harley Davidson conforme au bon de commande.

En conséquence, la demande de M. L. sera rejetée de ce chef, la décision entreprise étant confirmée sur ce point.

Sur les autres demandes

En application des dispositions de l'article 696 du Code de procédure civile, M. L. qui succombe, sera condamné aux entiers frais et dépens.

M. L. supportant les dépens, il sera condamné à payer à M. S. la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.

Par ces motifs, la Cour, confirme le jugement rendu le 13 octobre 2015 par le tribunal de grande instance de Boulogne sur Mer en toutes ses dispositions ; condamne M. Eric L. à verser à M. Patrick S. la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ; condamne M. Eric L. aux entiers dépens