CA Douai, 8e ch. sect. 3, 15 décembre 2016, n° 15-07013
DOUAI
Arrêt
Infirmation
PARTIES
Demandeur :
Lucky (Sté)
Défendeur :
Salengro (SCI)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Battais
Conseillers :
Mmes Convain, Billières
Avocats :
Mes Franchi, Delevacque, Vairon
Vu le jugement rendu le 5 novembre 2015 par le juge de l'exécution du Tribunal de grande instance de Béthune ;
Vu l'appel formé le 2 décembre 2015 pour la SARL Lucky ;
Vu les dernières conclusions déposées le 1er juin 2016 pour la SARL Lucky ;
Vu les dernières conclusions déposées le 1er avril 2016 pour la SCI Salengro ;
Vu l'article 1230 du Code civil dans leur rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, les articles L. 121-1 et suivants, L. 211-1 et suivants, R. 121-1 et suivants R. 211-1 et suivants du Code des procédures civiles d'exécution, L. 213-6 du Code de l'organisation judiciaire ;
Attendu que suivant acte notarié du 20 septembre 2014, la SCI Salengro a donné à bail à la SARL Lucky , société en cours d'immatriculation un local à usage commercial situé en rez-de-chaussée et deux caves <adresse>, le bail prenant effet le 1 septembre 2014, moyennant un loyer de 15 600 euro ;
Attendu que les parties ont inséré page 5 du bail une clause " engagement de travaux " selon laquelle :
le bailleur s'engage à réaliser à ses frais exclusifs une arrivée de gaz de ville pour le local loué avec un compteur indépendant et spécifique pour ce local.
La chaudière existante dans l'une des caves sera soit démontée par le bailleur, soit laissée sur place et neutralisée à son choix.
Ces travaux devront être réalisés au plus tard le 15 octobre 2014. A défaut, le preneur sera dispensé de loyer à compter de cette date pour chaque jour de retard dans ces travaux, ceci à titre d'indemnité forfaitaire ;
Attendu qu'en vertu de l'acte authentique de bail, la SCI Salengro a :
- le 19 février 2015, fait signifier à la SARL Lucky un commandement de payer la somme de 2 600 euro au titre des loyers de janvier et février 2015 et celle de 260 euro au titre de la clause pénale, visant la clause résolutoire du bail,
- le 24 février 2015, pratiqué une saisie-attribution à l'encontre de la SARL Lucky entre les mains du Crédit du Nord pour avoir paiement des mêmes sommes en principal, saisie dénoncée à la SCI Salengro le 25 février 2015;
Attendu que sur l'assignation de la SARL Lucky du 20 mars 2015, le jugement entrepris :
- déboute la SARL Lucky de sa demande d'annulation du procès-verbal de saisie-attribution précité et dit qu'il produira son plein effet,
- déboute la SARL Lucky de sa demande de dommages et intérêts pour saisie abusive,
- déboute la SARL Lucky de sa demande de remboursement des loyers acquittés pour la période du 15 octobre au 31 décembre 2014,
- constate que la SARL Lucky est dispensée du paiement des loyers entre le 20 mars 2015, date de l'assignation valant mise en demeure d'exécuter les travaux de raccordement du local loué au réseau de gaz naturel et le 2 septembre 2015, date de l'exécution des travaux,
- déboute la SCI Salengro de sa demande de dommages et intérêts pour résistance abusive,
- condamne la SARL Lucky aux dépens,
- dit n'y avoir lieu de faire application de l'article 700 du Code de procédure civile ;
Attendu qu'au visa des articles 1134, 1146, 1230 du Code civil, la SARL Lucky conclut à l'infirmation du jugement entrepris et demande à la cour de prononcer la nullité de la saisie-attribution du 24 février 2015, d'en ordonner la main-levée et de condamner la SCI Salengro à lui restituer la somme de 3511,69 euro perçue par la saisie, de condamner la SCI Salengro à lui rembourser la somme de 3250 euro au titre des loyers perçus pour la période du 15 octobre au 31 décembre 2014 ;
Qu'elle reproche au premier juge d'avoir considéré que la mise en demeure de la SCI Salengro d'avoir à effectuer les travaux prévus par le bail était nécessaire pour la mise en œuvre de la clause pénale ;
Attendu qu'au visa des articles 334, 347 et 1184 du code civil, R. 211-3 du Code de procédure civile et de l'article 32-1 du Code de procédure civile, la SCI Salengro conclut à la confirmation du jugement entrepris ;
Qu'elle fait valoir que la clause d'engagement de travaux du bail est une clause "manifestement léonine" et donc nulle ou à défaut non écrite, que la SARL Lucky est responsable du retard du raccordement au gaz de ville et qu'elle a exécuté déloyalement le bail ;
Attendu que les dispositions non critiquées de la décision dont appel seront confirmées ;
Attendu que les dispositions de l'article L. 442-6 du Code de commerce traitant des pratiques restrictives de concurrence en matière d'activités de production, de distribution et de service n'est pas applicable aux rapports entre le bailleur et son locataire ;
Attendu que la SCI Salengro ne justifie d'aucune circonstance l'ayant contrainte à conclure le bail en cause ni à accepter qu'y soit insérée la clause " engagement de travaux ";
Que l'équipement du local loué permettant ou facilitant l'activité de restauration de la locataire aux frais de la bailleresse a pour contrepartie la perception des loyers ;
Qu'il ne peut donc être considéré que les charges résultant de l'application de la clause sont supportées par la SCI Salengro alors que la SARL Lucky en tirerait tous les avantages ;
Attendu que la SCI Salengro affirme sans aucune preuve que la SARL Lucky n'aurait pas besoin du gaz pour son activité ;
Que la SCI Salengro ne peut utilement soutenir que la SARL Lucky est responsable du retard apporté au raccordement du local au gaz et lui reprocher notamment de ne pas avoir donné suite à une offre faite par GRDF le 23 septembre 2014 dans la mesure où ces diligences incombent à la bailleresse en vertu du bail ;
Attendu que pour débouter la SARL Lucky de sa demande de nullité de la saisie-attribution du 24 février 2015, le premier juge a considéré qu'en l'absence de mise en demeure de la SCI Salengro d'exécuter ses obligations, antérieure à l'assignation du 20 mars 2016, le loyer échu avant cette date était exigible ;
Attendu que comme le soutient la SARL Lucky, il se déduit de la précision de la date limite d'exécution des travaux prévue par les parties dans le bail, une dispense conventionnelle tacite de mise en demeure ;
Attendu que le raccordement au gaz n'a été effectué que le 2 septembre 2015 ;
Qu'en l'état des éléments soumis à la cour, les travaux concernant la chaudière n'ont pas été réalisés;
Attendu que conformément à la clause " engagement de travaux ", la SARL Lucky était dispensée du paiement des loyers de janvier et février 2015 et par conséquent, de la clause pénale de 10 % de ces sommes incluse dans le bail ;
Attendu qu'il en résulte que la saisie- attribution du 24 février 2015 a été pratiquée sans cause ;
Qu'il convient, en conséquence d'infirmer le jugement entrepris et statuant à nouveau, d'annuler ladite saisie, d'en ordonner la mainlevée et de condamner la SCI Salengro à restituer la somme de 3511,69 euro correspondant aux causes de la saisie selon l'acte du 24 février 2015, frais compris ;
Attendu que l'abus de saisie n'étant pas caractérisé, la demande de dommages et intérêts pour saisie abusive formée par la SARL Lucky sera rejetée et le jugement sera confirmé de ce chef ;
Attendu qu'il n'entre pas dans les pouvoirs de cette cour statuant sur l'appel d'une décision rendue par le juge de l'exécution d'ordonner le remboursement des loyers correspondant à la période du 15 octobre au 31 décembre 2014 payés par la SARL Lucky hors de toute mesure d'exécution forcée ;
Que de même, il n'entre pas dans les pouvoirs de cette cour de statuer sur les demandes de la SCI Salengro aux fins de prononcer la résiliation judiciaire du bail, de lui octroyer un délai pour neutraliser la chaudière et de condamner la SARL Lucky à des dommages et intérêts pour de prétendues fautes dans l'exécution de ses obligations résultant du bail ;
Attendu que la SCI Salengro supportera les dépens de première instance et d'appel ;
Attendu qu'il sera alloué à la SARL Lucky la somme de 1 500 euro en application de l'article 700 du Code de procédure civile ;
Par ces motifs : Infirme le jugement entrepris sauf en ses dispositions relatives aux dommages et intérêts et aux loyers correspondant à la période du 15 octobre au 31 décembre 2014 ; Statuant à nouveau : Annule la saisie-attribution pratiquée le 24 février 2015 par la SCI Salengro à l'encontre de la SARL Lucky ; En ordonne la mainlevée ; Condamne la SCI Salengro à payer à la SARL Lucky la somme de 3 511,69 euro ; Condamne la SCI Salengro à payer à la SARL Lucky la somme de 1 500 euro au titre de l'article 700 du code de procédure civile ; Rejette toutes autres demandes des parties ; Condamne la SCI Salengro aux dépens de première instance et d'appel.