CA Paris, Pôle 5 ch. 4, 14 décembre 2016, n° 14-15221
PARIS
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Get Fresh Cosmetics Limited (Sté)
Défendeur :
Tentation (SAS)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Luc
Conseillers :
Mme Mouthon Vidilles, M. Thomas
Avocats :
Mes Olivier, Etévenard, Merino, Dechelette Roy
Faits et procédure
La société Get Fresh Cosmetics Limited (ci-après " Get Fresh ") est une société de droit anglais qui fabrique des produits cosmétiques pour le bain.
La société Tentation a pour activité la distribution de produits cadeaux et senteurs dans le domaine du bain et du bien-être, et vend ses produits auprès de la distribution spécialisée, comme les parfumeries, boutiques de linge de maison, de décoration, de cadeaux et les grands magasins.
La société Tentation a signé un contrat d'exclusivité avec effet au 1er janvier 2002 avec la société Get Fresh, aux termes duquel elle était le distributeur exclusif de la société Get Fresh pour la France, s'agissant de la gamme Bomb Cosmetics, pour une durée de trois ans renouvelable tacitement sauf dénonciation trois mois avant le terme du contrat. Il était également prévu que le chiffre d'affaire minimum réalisé par la société Tentation avec la société Get Fresh serait de 100 000 euros.
Ce contrat a été renouvelé au 1er janvier 2005, au 1er janvier 2008 et au 1er janvier 2011 (le jugement contenant sur ce point une erreur matérielle) et ce pour une nouvelle période de trois ans à chaque fois.
Par un mail du 16 décembre 2010, la société Get Fresh a indiqué à la société Tentation que, ses achats auprès de Get Fresh n'étant pas assez importants, elle ne pouvait plus lui garantir l'exclusivité.
Le 14 mars 2011, le conseil de Get Fresh reprochait à Tentation un montant insuffisant de commandes, la commercialisation de produits concurrents, le non-respect des délais de paiement, l'absence de prévisionnel annuel de commandes et un comportement déloyal ayant consisté à regrouper des commandes avant le changement de tarif de la société Get Fresh, et confirmait la fin de l'exclusivité.
De son côté, la société Tentation répondait que le préavis contractuel de trois mois n'avait pas été respecté par la société Get Fresh, tandis qu'elle-même avait bien respecté le seuil minimal d'achat auprès de son fournisseur.
C'est dans ce contexte que le 6 décembre 2011, la société Tentation a assigné la société Get Fresh devant le Tribunal de commerce de Saint-Etienne afin que celui-ci constate la rupture abusive du contrat liant les parties et condamne la société Get Fresh au paiement de dommages et intérêts.
Par jugement du 5 décembre 2012, le Tribunal de commerce de Saint-Etienne :
- s'est déclaré compétent ratione loci,
- a dit que la résiliation anticipée du contrat pour faute n'était pas fondée,
- a condamné la société Get Fresh Cosmetics à verser à la société Tentation la somme de 50 402 euros au titre de l'ensemble des préjudices subis,
- a rejeté la demande reconventionnelle de la société Get Fresh Cosmetics,
- a débouté la société Get Fresh Cosmetics de toutes ses demandes,
- a dit qu'il n'y avait pas lieu de faire application de l'article 700 du Code de procédure civile,
- a dit que les dépens, dont frais de greffe taxés et liquidés à 71,07 euros sont à la charge de la société Get fresh Comestics,
- a débouté la société Tentation du surplus de ses demandes,
- a rejeté la demande d'exécution provisoire du jugement.
La cour,
Vu l'appel interjeté par la société Get Fresh Cosmetics le 23 juillet 2014,
Vu les dernières conclusions du 28 juillet 2016 de la société Get Fresh Cosmetics, par lesquelles il est demandé à la cour de :
- infirmer le jugement entrepris.
in limine :
- constater l'incompétence territoriale du Tribunal de commerce de Saint-Etienne puis de la Cour d'appel de Lyon ou de Paris au profit de la juridiction anglaise et notamment la " County Court " de la ville de Bournemouth siège de la société Get Fresh Cosmetics Ltd.
- déclarer irrecevables les demandes formulées par la société Tentation à l'encontre de la société Get Fresh Cosmetics devant le Tribunal de commerce de Saint-Etienne,
- annuler le jugement rendu par le Tribunal de commerce de Saint-Etienne le 5 décembre 2012,
- annuler l'assignation en date du 6 décembre 2011,
- renvoyer les parties à mieux se pourvoir,
à titre subsidiaire,
- constater que la société Tentation n'a pas respecté : son interdiction de vendre des produits concurrents de ceux vendus par la société Get Fresh Cosmetics, son obligation de payer ses factures dans un délai de 30 jours et son obligation de transmettre à la société Get Fresh Cosmetics un prévisionnel de commandes,
- constater que la société Get fresh Cosmetics est en droit d'invoquer un cas de résiliation anticipée conformément aux articles 4.3 et 9 du contrat de distribution
- rejeter l'ensemble des demandes de la société Tentation
- condamner la société Tentation à payer à la société Get Fresh Cosmetics la somme de 423 000 euros au titre de la perte de chance de chiffre d'affaires, outre les intérêts au taux légal,
en tout état de cause,
- condamner la société Tentation à payer à la société Get Fresh Cosmetics la somme de 10.000 sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,
- condamner la société Tentation aux entiers frais et dépens de l'instance de l'appel, dont distraction au profit de la SCP Lagourgue & Olivier ;
Vu les dernières conclusions du 23 septembre 2016 de la société Tentation, par lesquelles il est demandé à la cour de :
- dire recevable l'appel interjeté devant la cour d'appel de Paris,
- dire recevable et bien fondé l'appel incident formé par la société Tentation,
- statuer au fond en fait et en droit en vertu de l'effet dévolutif de l'appel,
in limine litis :
- juger que le Tribunal de commerce de Saint-Etienne n'a pas excédé ses pouvoirs et que par conséquent le jugement entrepris n'est pas nul,
- confirmer le jugement rendu le 5 décembre 2012 en ce que le tribunal s'est déclaré compétent ratione loci et a écarté la compétence des juridictions anglaises,
- rejeter les arguments de Get Fresh Cosmetics concernant l'existence d'une fin de non-recevoir,
- en tout état de cause, et même si la Cour d'appel de Paris prononçait la nullité du jugement entrepris, statuer au fond en fait et en droit en vertu de l'effet dévolutif de l'appel.
à titre principal et au fond:
- confirmer le jugement entrepris en ce que le tribunal a constaté le non-respect du préavis contractuel et la rupture abusive du contrat par Get Fresh Cosmetics, ou statuant au fond,
- constater le non-respect du préavis contractuel et la rupture abusive du contrat par Get Fresh Cosmetics,
- réformer le jugement entrepris en ce qu'il a limité le préjudice subi à trois mois de marges, soit la somme de 50 402 euros,
et en tout état de cause,
- condamner Get Fresh Cosmetics à verser à Tentation : à titre principal, la somme de 604 821 euros sur le fondement de la responsabilité contractuelle et de l'article 1134 du Code civil, à titre subsidiaire, la somme de 403 214 euros sur le fondement de la responsabilité délictuelle énoncée à l'article L. 442-6 du Code de commerce, dans tous les cas, 100 000 euros au titre du dénigrement,
- rejeter pour le surplus les demandes de la société Get Fresh Cosmetics,
en tout état de cause :
- condamner Get Fresh Cosmetics à verser à Tentation la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,
- condamner Get Fresh Cosmetics aux entiers dépens de première instance et d'appel dont le recouvrement pourra être poursuivi par Maître Frédérique Etevenard, avocat conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile ;
Sur ce,
Sur la compétence des juridictions françaises
La société Get Fresh soutient que les juridictions françaises sont incompétentes au profit des juridictions anglaises, la loi applicable qui désigne la juridiction compétente étant celle du lieu où l'obligation caractéristique du contrat a été exécutée. En l'espèce, l'obligation caractéristique du contrat, à savoir la fourniture des produits par la société Get, s'est toujours exécutée au Royaume Uni, puisqu'il ressort des pièces versées aux débats que les marchandises étaient livrées au Royaume Uni et que la société Tentation faisait appel à son propre transporteur pour récupérer les marchandises au siège de la société Get Fresh.
L'intimée réplique que les juridictions françaises sont compétentes, puisque que la loi applicable à un contrat de distribution est la loi du distributeur en vertu de l'article 4.f) du Règlement Rome I, et qu'en l'espèce, le distributeur, la société Tentation, est une société française. De plus, l'intimée soutient qu'en matière contractuelle, le règlement communautaire dispose que le défendeur est attrait devant le tribunal du lieu où l'obligation qui sert de base à la demande a été ou doit être exécutée, et qu'en l'espèce, pour déterminer cette obligation, il faut se référer à la loi applicable, à savoir la loi du pays du distributeur selon l'article 4 f du règlement Rome I. Il en résulte que, contrairement à ce que prétend l'appelante, le lieu de livraison était le siège de la société Tentation à Sorbiers en France, tous les documents contractuels mentionnant systématiquement cette adresse.
Selon l'article 5, 1°, b du règlement 44/2001 applicable à l'action en cause, le défendeur peut être assigné devant le tribunal du lieu où les marchandises ont été ou auraient dû être livrées, s'agissant des contrats de vente de marchandises, ou celui du lieu où les services ont été ou auraient dû être fournis, s'agissant des contrats de fourniture de services.
Il résulte de l'arrêt Corman C. du 19 décembre 2013 de la Cour de justice (C-9/12) que les accords de distribution peuvent être qualifiés de contrats de vente, ou, dans la majorité des cas, de contrats de fourniture de services, selon leurs caractéristiques. Il convient ici de souligner, en reprenant les critères dégagés par cet arrêt, que l'accord signé entre les parties est un accord-cadre ayant pour objet un engagement de fourniture et d'approvisionnement conclu pour l'avenir par les deux opérateurs économiques et qu'il comporte des stipulations contractuelles spécifiques quant à la distribution par la société Tentation des marchandises de la société Get Fresh. C'est ainsi que les approvisionnements de la société Tentation auprès de Get Fresh ne peuvent être inférieurs à un montant de 100 000 livres, que la société Tentation doit s'approvisionner en exclusivité auprès de Get Fresh pour ce genre de produits et ne peut vendre de produits concurrents. Elle bénéficie en retour d'une exclusivité.
Il s'agit donc d'un contrat de fourniture de services et, les services devant être fournis en France, les tribunaux français sont compétents.
Il y a lieu, en conséquence, de rejeter l'exception d'incompétence soulevée par la société Get Fresh.
Sur l'application des articles L. 442-6 et D. 442-3 du Code de commerce et ses conséquences
L'appelante soutient que les articles L. 442-6 et D. 442-3 du Code de commerce étant applicables au litige, les demandes portées devant le Tribunal de commerce de Saint-Etienne sont irrecevables, du fait de l'existence d'une fin de non-recevoir et son jugement est affecté de nullité, dans la mesure où celui-ci a excédé ses pouvoirs en statuant sur ce litige malgré son incompétence.
L'intimée soutient que la question de l'application de l'article L. 442-6 du Code de commerce n'ayant été débattue qu'en appel, le jugement du Tribunal de commerce de Saint-Etienne n'est pas nul puisqu'il n'était saisi que de demandes au titre de l'article 1134 du Code civil, et non de demandes fondées sur l'article L. 442-6 du Code de commerce.
Or, il n'est contesté par aucune des parties que devant le Tribunal de commerce de Saint-Etienne, les demandes étaient fondées exclusivement sur le droit commun, les articles L. 442-6 et D. 442-3 du Code de commerce n'étant pas invoqués. Il résulte des pièces versées au dossier que la question de l'application au litige de l'article L. 442-6 du Code de commerce n'a été soulevée qu'à l'occasion de l'appel du jugement du tribunal de commerce par la cour d'appel de Lyon qui a, avant dire droit, soulevé d'office l'irrecevabilité de l'appel en application des articles L. 442-6 et D. 442-3 du Code de commerce et de l'annexe 4-2-1 de la partie règlementaire du Code de commerce, puis dans un arrêt du 9 octobre 2014, a déclaré irrecevable l'appel interjeté par la société Tentation.
Le tribunal de Saint Etienne n'a donc pas excédé ses pouvoirs ni méconnu la compétence des juridictions spécialisées, dans la mesure où le débat était fondé exclusivement devant lui sur le droit commun et non sur l'article L. 442-6 du Code de commerce.
L'exception de nullité sera donc également rejetée.
Sur le fond
La société Get Fresh soutient avoir mis en œuvre la faculté de résiliation unilatérale du contrat sans préavis pour faute, prévue à l'article 4.3 et soutient que le courrier adressé par son conseil le 14 mars 2011 à la société Tentation mettait en œuvre cette faculté de manière suffisamment claire. Elle prétend que la société Tentation aurait commis les fautes suivantes.
Tout d'abord, dès l'année 2005, la société Tentation aurait distribué des produits en concurrence directe de ceux de la société Get Fresh. Cette violation aurait repris en 2010. Ensuite, la société Tentation aurait violé ses obligations contractuelles en se rendant responsable de retards de paiement. De plus, elle n'aurait pas transmis de prévisionnel de commandes mentionnant les dates et les quantités prévues alors même que l'article 7 du contrat de distribution lui en faisait l'obligation.
La société Tentation expose que c'est de mauvaise foi et afin de pallier l'absence de dénonciation du contrat dans les délais que la société Get Fresh invoque une résiliation pour faute, dans la mesure où elle souhaite mettre en place un réseau d'agent commercial sur le territoire français. Elle soutient que le message électronique du 16 décembre 2010 ne fait état d'aucun manquement contractuel de sa part, puisqu'elle avait atteint le montant minimal requis de commandes annuelles auprès de Get Fresh. Ce n'est que par le courrier d'avocat du 14 mars 2011 que Get Fresh a fait état de manquements contractuels commis par la société Tentation, griefs formulés près de trois mois après le premier échange d'email intervenu entre les parties. Elle prétend que les manquements contractuels invoqués pour justifier la résiliation pour faute sont infondés.
Aux termes de l'article 4.1 du contrat de distribution exclusive conclu entre les sociétés Tentation et Get Fresh Limited : " Ce contrat est conclu pour une période de trois ans, débutant le 1er janvier 2002 et se terminant le 31 décembre 2004. A défaut d'avoir été dénoncé par le fabricant conformément aux dispositions de l'article 4.2, ce contrat se renouvellera automatiquement pour de nouvelles périodes de trois ans sauf dénonciation par une des parties en respectant un préavis écrit de 3 mois au 31 décembre de chaque période de trois ans ".
Aux termes de l'article 4.3 dudit contrat: " Chaque partie a le droit de notifier par écrit à l'autre partie la fin immédiate du contrat en cas de survenance des évènements suivants :
i Si une partie commet un manquement avec une disposition du contrat,
ii- [...],
iii Si le distributeur ne paye pas les factures dans le délai de 30 jours à compter de la date d'exigibilité de la facture ou de la date de la facture ".
Il en résulte ainsi qu'il existe deux possibilités distinctes pour mettre fin au contrat :
- une dénonciation avec trois mois de préavis par l'une ou l'autre des parties tous les trois ans,
- une résiliation pour faute et sans préavis en cas de survenances de plusieurs événements visés au contrat et notamment en cas de fautes contractuelles ou de non-paiement par le distributeur dans un délai de 30 jours à compter de la date d'exigibilité de la facture ou de la date de la facture.
En l'espèce, le contrat de distribution exclusive a été conclu le 1er janvier 2002 et a été renouvelé au 1er janvier 2005 ainsi qu'au 1er janvier 2008. La résiliation du contrat de la part de la société Get Fresh n'étant intervenue que le 16 décembre 2010, le contrat n'a pas été dénoncé dans les conditions de l'article 4.1 du contrat et a été reconduit pour trois ans.
La résiliation pour faute et sans préavis fondée sur l'article 4.3 susvisé suppose la démonstration de fautes contractuelles de nature à justifier la résiliation immédiate du contrat de distribution.
Il est important de préciser qu'il ressort des pièces au dossier que la société Get Fresh a décidé de distribuer ses produits en France par un réseau d'agents commerciaux. Par ailleurs, jamais au cours de leur relation contractuelle, la société Get Fresh n'a émis de reproche à l'égard de la société Tentation, s'agissant de la bonne exécution du contrat de distribution exclusive, puisque même le message électronique de résiliation ne vise pas de manquements contractuels spécifiques, seule la lettre du 14 mars 2011 contenant des griefs.
La première faute contractuelle reprochée à la société Tentation réside dans la violation de l'exclusivité d'approvisionnement, d'abord en 2005, puis une nouvelle fois en 2010. S'agissant de la violation remontant à 2005, il ressort des pièces du dossier que les produits ECI dont la société Get Fresh estime qu'ils sont des produits concurrents étaient vendus par une société partenaire de Get Fresh à la société Tentation, la preuve en est que l'article 9 du contrat de distribution dispose " chacune des parties est tenue à une obligation d'exclusivité. Le distributeur accepte en conséquence de ne pas vendre de produits similaires ou en concurrence avec ceux vendus sous la marque ECI ou Get Fresh Comestics' ". Toutefois, à la suite d'une modification au sein du groupe Get Fresh ayant fait sortir cette société ECI du groupe, la société Tentation a continué pendant un temps à passer commande auprès d'elle, étant précisé que la preuve de l'information de la société Tentation sur ce changement dans le groupe n'est pas rapportée. De plus et en tout état de cause, le fait qu'en 2008 la société Get Fresh ait renouvelé le contrat avec la société Tentation montre que Get Fresh considérait cet incident comme mineur et non susceptible d'entrainer la résiliation du contrat litigieux.
S'agissant de la violation constatée dans le courant de l'année 2010 et relative à une commercialisation de produits concurrents par la société Tentation, le constat d'huissier sur lequel se fonde la société Get Fresh remonte au 5 mars 2011, la résiliation du contrat de distribution exclusive étant consommée depuis le 31 décembre 2010. Il n'est donc pas anormal de constater à cette date la vente par Tentation de produits concurrents, preuve n'étant pas rapportée que cette vente remonterait à la période contractuelle et constituerait par conséquent une violation contractuelle.
S'agissant des retards de paiement, il ressort des pièces versées au dossier que la société Tentation devait systématiquement réclamer à la société Get Fresh de lui délivrer les factures à payer, ce qui expliquerait les retards dans le paiement des factures par la société Tentation, étant précisé qu'une fois de plus et ce, de 2002 à 2010, la société Get Fresh n'a formé aucun reproche s'agissant du paiement des factures par la société Tentation.
S'agissant de l'absence des prévisionnels de commande, la société Get Fresh n'a jamais formé la moindre critique à l'égard de Tentation sur ce point et a renouvelé plusieurs fois le contrat nonobstant cette absence.
Enfin, il résulte d'un tableau figurant dans les conclusions de la société Get Fresh (page 14) que la société Tentation a réalisé en 2010 avec la société Get Fresh un montant de commande de 117 807,79 euros, soit un montant supérieur au plancher requis.
En conséquence, la société Get Fresh ne justifie pas de la réalité des fautes qu'elle a invoquées pour fonder la résiliation. Le jugement entrepris sera donc confirmé sur ce point.
Sur le préjudice de la société Tentation
La société Tentation soutient à titre principal, sur le fondement de l'article 1134 du Code civil, que son préjudice correspond à la perte de marge qui aurait dû être réalisée grâce à la vente des produits Get Fresh Cosmetics pour la période contractuelle restant à courir, donc trois années. L'intimée soutient, à titre subsidiaire et sur le fondement de l'article L. 442-6 du Code de commerce que son préjudice doit être indemnisé à hauteur de la marge brute qui aurait été générée durant le délai de préavis de 2 ans.
La société Get Fresh prétend que le préjudice de la société Tentation n'est pas démontré, dans la mesure où elle n'était pas en lien de dépendance vis-à-vis de son fournisseur et de ses produits, distribuant une large gamme de produits cosmétiques et accessoires concurrents de ceux fabriqués par elle, ce dont il résulte qu'elle n'a subi aucune perte de clientèle en lien avec la résiliation de l'exclusivité de distribution des produits Get Fresh. La rupture de l'exclusivité n'a donc eu aucun impact sur elle.
Mais le dommage résultant de la perte de l'exclusivité sur les produits Get Fresh jusqu'au terme du contrat ne peut être évalué à partir de la moyenne de la marge brute déjà perçue par la société Tentation sur ces produits durant les trois dernières années.
En effet si la perte d'exclusivité a nécessairement conduit certains clients de la société Tentation à se tourner vers d'autres distributeurs, elle a dû continuer à vendre des produits de la marque et a pu distribuer des produits concurrents qui sont venus remplacer la gamme de Get Fresh. La société Tentation ne démontre pas en quoi la rupture de l'exclusivité serait la cause d'une baisse de ses ventes. En toute hypothèse, si son chiffre d'affaires a baissé de 173 750 euros HT entre les exercices 2011 et 2012, elle ne peut alléguer une perte annuelle de marge commerciale de 201 607 euros hors taxes sur les produits Bomb Cosmetics, qui ne représentent que 19 % de ses ventes.
Enfin, la marge brute attestée par l'expert-comptable de la société Tentation ne peut servir à l'évaluation du préjudice, en l'absence d'estimation des coûts variables venant en déduction de cette marge brute.
Il y a donc lieu de confirmer le jugement de première instance en ce qu'il a évalué à la somme de 50 402 euros le dommage subi par la société Tentation du fait de la résiliation fautive de son exclusivité sur les produits Get Fresh
Sur les autres demandes de la société Tentation
Si la société intimée soutient que la société Get Fresh, depuis janvier 2011 multiplierait les manœuvres pour tirer profit des efforts commerciaux réalisés par elle depuis 13 ans sur ses produits, et tiendrait des propos dénigrants à l'égard de la société Tentation, elle n'en rapporte pas le moindre commencement de preuves.
Elle ne démontre pas davantage que la société Get Fresh se serait rendue responsable d'une rupture brutale partielle des relations commerciales en refusant d'appliquer les tarifs antérieurs au 1er mars 2011 à une commande antérieure à cette date et en appliquant les nouveaux tarifs qu'elle avait mis en place, qualifiés par elle de " prohibitifs ", ayant elle-même effectué une commande anormale par rapport au flux habituel de transaction pour éviter une augmentation de tarif qu'elle savait imminente.
Le jugement entrepris sera donc également confirmé sur ces demandes annexes de la société Tentation.
Sur la demande d'indemnisation de la société Get Fresh
La résiliation ayant été effectuée aux torts de la société Get Fresh, celle-ci ne saurait obtenir de réparation pour sa perte de chance de réaliser un chiffre d'affaires optimal jusqu'à la fin du contrat litigieux.
Sur l'article 700 du Code de procédure civile
La société Get Fresh Cosmetics qui succombe en appel, en supportera les dépens et sera condamnée à verser à la société Tentation la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.
Par ces motifs : LA COUR, Rejette l'exception de nullité du jugement entrepris, Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions, Et y ajoutant, Condamne la société Get Fresh Cosmetics aux dépens de l'instance, qui seront recouvrés selon les dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile, Condamne la société Get Fresh Cosmetics à payer à la société Tentation la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.