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Décisions

CA Lyon, 1re ch. civ. A, 15 décembre 2016, n° 15-03323

LYON

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Rubafilm Production (SAS)

Défendeur :

Margottin (ès qual.), ECI (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Bernaud

Conseillers :

Mme Clément, M. Nicolas

Avocats :

Selarl AlcyaConseil Judiciaire, Selarl Jurisques

T. com. Villefranche-Tarare, du 5 mars 2…

5 mars 2015

La SARL ECI, qui était le distributeur exclusif en France de la société de droit italien GNA, laquelle fabrique des machines destinées à l'emballage de tous produits, a conclu le 7 mars 2013 avec la SAS Rubafilm Production un contrat de sous-distribution exclusive d'une durée initiale de cinq ans en vue de la distribution d'une machine de banderolage à bras tournant dénommée "Girowrap".

Le même jour la société Rubafilm Production a commandé à la société ECI 12 machines pour un montant unitaire de 4 650 euro.

Les deux premiers acomptes représentant chacun 40 % du prix d'achat global ont été réglés et les machines ont été livrées.

La société Rubafilm Production s'est toutefois opposée au règlement du solde du prix d'un montant de 13 353,22 euro et par courrier du 16 octobre 2013 elle a été mise en demeure de régler cette somme dans un délai de 30 jours sous peine de résiliation du contrat sans autre formalité.

En réponse à cette mise en demeure elle a expliqué que les machines n'étaient pas commercialisables en l'état dès lors qu'elle ne disposait pas de la liste et des tarifs de l'ensemble des pièces détachées.

La société ECI a obtenu le 22 octobre 2013 du président du Tribunal de commerce de Villefranche-Tarare une ordonnance enjoignant à la société Rubafilm Production de lui payer la somme de 13 518,64 euro, outre indemnité forfaitaire et pénalités.

La société Rubafilm Production a formé opposition à cette ordonnance en invoquant un retard de livraison, des défaillances techniques et des livraisons incomplètes.

Par jugement du 5 mars 2015 le Tribunal de commerce de Villefranche-Tarare a condamné avec exécution provisoire la société Rubafilm Production à payer à la société ECI la somme de 13 518,64 euro avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 23 septembre 2013, outre une indemnité de 2 000 euro en application de l'article 700 du Code de procédure civile, et a enjoint à la société ECI de fournir au sous-distributeur la liste des pièces détachées avec leurs tarifs sous astreinte de 100 euro par jour de retard.

La SAS Rubafilm Production a relevé appel de cette décision selon déclaration reçue le 16 avril 2015.

La SARL ECI a été placée en liquidation judiciaire simplifiée par jugement du Tribunal de commerce d'Angers en date du 28 janvier 2015, qui a désigné Me Éric Margottin en qualité de liquidateur judiciaire, lequel a été régulièrement intimé.

Par ordonnance de référé du 27 juillet 2015 le premier président de cette cour a autorisé la société Rubafilm Production à consigner la somme de 15 518,64 euro.

Vu les dernières conclusions signifiées et déposées le 9 juillet 2015 par la SAS Rubafilm Production qui s'oppose, par voie de réformation du jugement, à l'ensemble des demandes formées par la société ECI et qui demande à la cour de fixer sa créance au passif de cette dernière pour la somme de 32 753 euro en principal et de condamner Me Margottin, ès qualités, à lui payer une indemnité de 2 500 euro pour frais irrépétibles.

Vu les dernières conclusions signifiées et déposées le 23 juillet 2015 par Me Éric Margottin, ès qualités de liquidateur judiciaire de la SARL ECI, qui sollicite la confirmation du jugement en toutes ses dispositions et la condamnation de la société appelante à lui payer une indemnité de 3 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

Motifs de l'arrêt :

Sur l'exception d'inexécution invoquée par la société Rubafilm Production

La société Rubafilm Production soutient qu'elle a subi un retard de livraison de plus de six semaines, ce qui l'aurait contrainte à annuler des commandes, que les défaillances techniques des machines livrées ont nécessité un service après-vente très important, des réparations et des mises au point du fait des pannes à répétition, que les machines ne sont pas conformes aux normes de sécurité et qu'à ce jour 10 machines sur 12 sont immobilisées.

Il est répliqué par le liquidateur judiciaire que le retard de livraison, qui a été accepté, a permis au fabricant d'améliorer la qualité du produit, qui a été validé en Italie en présence de la société Rubafilm Production avant expédition et que les dysfonctionnements allégués, qui auraient dû conduire la société Rubafilm Production à solliciter la résolution de la vente, ce qu'elle n'a pas fait, ne sont pas établis.

Sur ce :

Les retards de livraison ne sont pas contestés par la société ECI, mais il ressort des pièces du dossier que la société Rubafilm Production a exigé de procéder chez le fabricant italien à une réception préalable des machines avant expédition, ce qui a contribué au retard de livraison. De plus, la société Rubafilm Production s'est acquittée d'un second acompte de 40 % du montant de la commande, le 26 juin 2013, soit une semaine avant la livraison des machines, démontrant ainsi sa volonté de poursuivre l'exécution du contrat dans les conditions prévues antérieurement malgré un retard de 5 semaines au jour de ce paiement.

S'agissant des dysfonctionnements allégués, la cour relève d'une part que la société Rubafilm Production a exigé de réceptionner contradictoirement les machines en présence du fabricant préalablement à la livraison, ainsi que l'a écrit son dirigeant par mail du 19 juin 2013, et d'autre part que détenant toujours les machines qu'elle n'offre pas de restituer, elle ne sollicite pas la résolution du contrat, dont elle entend ainsi conserver le bénéfice.

Le constat d'huissier du 31 mars 2014, qui se borne à reproduire les dires de la société Rubafilm Production, n'apporte par ailleurs aucune preuve du mauvais fonctionnement des machines, étant observé qu'il résulte de ce constat que la société Rubafilm Production a apporté elle-même des modifications techniques, dont rien ne permet d'affirmer qu'elles étaient destinées à remédier à des dysfonctionnements, plutôt qu'à améliorer l'outil pour les besoins spécifiques de l'utilisateur.

Les observations de la société Dekra, laquelle a été seulement chargée d'une mission d'inspection dans le cadre de la prévention des risques d'accident, ne caractérisent pas plus un défaut de conformité rédhibitoire, alors que le contrôleur se borne à préconiser de menues améliorations en matière de sécurité sans conclure à une impossibilité d'utilisation en l'état.

De la même façon, si le fabricant italien a écrit le 1er août 2013 que le système du collecteur est sensible en raison d'une fabrication "en économie" (certainement pour à l'économie), cette affirmation ne vaut nullement reconnaissance de l'existence de désordres de nature à affecter le bon fonctionnement des machines, puisque l'auteur du message poursuit en indiquant que " la machine marche bien" et que toutes les machines de ce type fonctionnent bien.

Il résulte de l'ensemble de ces éléments que la société Rubafilm Production ne fait pas la preuve qui lui incombe de l'existence de dysfonctionnements rédhibitoires interdisant la commercialisation des machines.

En conséquence, ne rapportant pas la preuve de manquements graves imputables à la société ECI, la société Rubafilm Production n'est pas fondée à retenir le solde du prix de vente.

La somme restant due à la société ECI n'étant pas contestée dans son quantum, le jugement sera par conséquent confirmé en ce qu'il a condamné la société Rubafilm Production au paiement de la somme de 13 518,64 euro avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 23 septembre 2013.

Sur la demande reconventionnelle en paiement de la somme de 32 753 euro à titre de dommages et intérêts

La société Rubafilm Production prétend qu'elle a dû exposer des frais de mise en conformité et de réparation des machines pour un coût de 32 753 euro.

Le liquidateur judiciaire réplique que les factures produites aux débats concernent la réalisation d'un prototype par pillage du produit italien et ne se rapportent pas à des travaux de réparation ou de changement de pièces.

Sur ce :

La société Rubafilm Production, qui allègue que les machines vendues par la société ECI étaient défaillantes, n'a pas demandé à cette dernière de procéder aux réparations nécessaires, alors pourtant qu'une garantie contractuelle avait été stipulée pour une durée d'un an. La société ECI n'a ainsi pas été en mesure de vérifier les défauts allégués ni d'y remédier elle-même, conformément aux stipulations contractuelles.

De plus, les factures versées au dossier par la société Rubafilm Production ne permettent pas d'établir que les interventions facturées ont bien été effectuées sur les machines livrées par la société ECI. Il sera relevé à cet effet que certaines factures ne sont pas détaillées et contiennent des mentions manuscrites ajoutées, certaines étant même antidatées.

La société Rubafilm Production ne démontre donc pas la faute contractuelle de la société ECI, ni la réalité de son prétendu préjudice, de sorte que le jugement sera également confirmé en ce qu'il a rejeté cette demande.

Sur la demande de communication sous astreinte de la liste des pièces détachées

Les parties n'ont pas conclu sur ce chef de demande, ce qui implique que n'étant saisie d'aucune demande d'infirmation du jugement à ce titre, la cour ne pourra que confirmer le jugement en ce qu'il a enjoint sous astreinte à la société ECI de fournir à la société Rubafilm Production la liste des pièces détachées avec leurs tarifs.

Sur l'article 700 du Code de procédure civile

L'équité commande d'allouer à Me Éric Margottin, ès qualités, une nouvelle indemnité de 2 500 euro au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.

Par ces motifs, LA COUR, statuant contradictoirement par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile et après en avoir délibéré conformément à la loi, confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions, sauf à préciser que la condamnation au paiement de la somme principale de 13 518,64 euro, outre intérêts, est prononcée au profit de Maître Éric Margottin, ès qualités de liquidateur judiciaire de la SARL ECI, y ajoutant : condamne la SAS Rubafilm Production à payer la somme de 2 500 euro à Maître Éric Margottin, ès qualités, au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile, condamne la SAS Rubafilm Production aux entiers dépens dont distraction pour ceux d'appel au profit de la SELARL d'avocats jurisques.