CA Versailles, 12e ch., 13 décembre 2016, n° 15/02451
VERSAILLES
Arrêt
Confirmation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Rosenthal
Conseillers :
MM. Leplat, Ardisson
Faits :
La société X devenue, après acquisition de la société Y, X/Y (" X/Y "), qui a pour activité la conception et la production de luminaires, a convenu, le 30 août 2002, un contrat d'agent commercial avec Monsieur Z - représentant de la société Projets - pour la commercialisation de luminaires sur le territoire suisse, moyennant une commission de 11 % sur le montant des factures hors taxes.
En suite de la rupture du contrat que la société X/Y a dénoncée le 28 mars 2011 avec préavis de trois mois, Monsieur Z et la société Projets l'ont assignée le 3 octobre 2011 devant le tribunal de commerce de Pontoise pour la voir condamnée à payer les sommes de 1 000 euros TTC euros au titre des commissions dues, sauf à parfaire sous l'injonction de fournir les informations utiles au calcul des commissions, et de 60 037,56 euros au titre de l'indemnité de cessation de contrat.
Vu le jugement du Tribunal de commerce de Pontoise du 6 mars 2015 qui a :
- déclaré la société Projets et Monsieur Z partiellement fondés en leur demande;
- déclaré que la société Projets et Monsieur Z n'ont pas commis de faute grave dans l'exercice du mandat d'agent commercial,
- débouté la société Projets et Monsieur Z de leur demande à l'encontre de la société X/Y portant injonction de fournir toutes les informations et documents comptables ;
- condamné la société X/Y à payer à la société Projets et à Monsieur Z la somme de 45 530,49 euros au titre de l'indemnisation pour rupture de contrat, augmentée des intérêts au taux légal compter du 30 juin 2011,
- ordonné la capitalisation des intérêts conformément aux dispositions de l'article 1154 du Code civil,
- déclaré la société Projets et Monsieur Z mal fondés en leur demande en paiement de dommages et intérêts, les en a déboutés,
- déclaré la société X/Y mal fondée en sa demande reconventionnelle, l'en a déboutée,
- condamné la société X/Y à payer à la société Projets et Monsieur Z la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,
- condamné la société la société X/Y aux dépens ;
Vu l'appel interjeté le 1er avril 2015 par la société X/Y, anciennement X/Y ;
Vu les conclusions transmises le 23 octobre 2015 par le RPVA pour la société X/Y aux fins de voir :
- la déclarer recevable et bien fondée en son appel principal,
- dire la société Projets et Monsieur Z mal fondés en leur appel incident,
- constater que la société X/Y n'avait confié à Monsieur Z et à la société Projets que le mandat de la représenter pour les seuls produits de la collection " Montagne ", qui constituent, au demeurant, la quasi-totalité de son chiffre d'affaires en Suisse,
- constater que, depuis 2007, la quasi-totalité des commandes passées à la société X/Y provenait directement des clients,
- constater que Monsieur Z et la société Projets avaient pris, postérieurement à la signature et à l'entrée en vigueur de leur contrat avec la société X/Y, la carte d'un concurrent de leur mandant, en violation des dispositions de leur contrat et de l'article L. 134-3 du Code de commerce,
- constater que Monsieur Z et la société Projets ne visitaient plus la clientèle et ne rendaient pas compte régulièrement de leur activité,
- constater que Monsieur Z a, également par son comportement, rendu impossible le maintien du lien de confiance devant unir une société à son agent,
- constater que, s'agissant des commissions, ne sont recevables que les demandes qui pourraient être dues au titre des cinq dernières années,
- constater, en tout état de cause, que la société X/Y a réglé à Monsieur Z et à la société Projets toutes les commissions dues et que les intimés ne justifient pas d'un quelconque manquement de la société à leur égard,
- infirmer en conséquence le jugement entrepris,
- débouter Monsieur Z et la société Projets de toutes leurs demandes, fins et conclusions contraires aux présentes, subsidiairement,
- constater que Monsieur Z et la société Projets doivent prouver un préjudice consécutif à la rupture du contrat, pour pouvoir prétendre à une indemnité,
- constater que les intimés n'avaient pas créé le secteur à eux confié et qu'ils n'ont pas apporté un client nouveau depuis l'année 2007, ayant pris la carte d'agent commercial d'un concurrent de leur mandant,
- constater également que Monsieur Z et la société Projets, qui n'ont représenté la société X/Y que pour les produits de la collection Montagne, ne justifient pas de frais de prospection, leur clientèle ayant été essentiellement réunie autour des salons professionnels auxquels participait la société X/Y,
- constater que Monsieur Z et la société Projets ne justifient d'aucun frais de prospection et d'aucun préjudice,
- débouter, en conséquence, Monsieur Z et la société Projets de toutes leurs demandes, fins et conclusions contraires aux présentes, reconventionnellement,
- condamner Monsieur Z à verser à la société X/Y la somme de 10 000 euros, à titre de dommages-intérêts, pour procédure abusive,
- condamner Monsieur Z à payer à la société X/Y la somme de 6 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,
- condamner Monsieur Z et la société Projets en tous les dépens au profit de la société M. agissant par Maître M., Avocat, conformément à l'article 699 du Code de procédure civile ;
Vu les dernières conclusions transmises par le RPVA le 3 août 2016 pour la société Projets et Monsieur Z aux fins de voir :
- dire la société X/Y mal fondée en son appel,
- la débouter de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions à l'encontre de la société Projets,
- confirmer le jugement en ce qu'il a déclaré que la société Projets n'avait commis aucune faute grave dans le cadre de l'exécution de son mandat avec la société X/Y et condamné cette dernière au paiement d'une indemnité de cessation du contrat d'agent commercial, sur appel incident,
- condamner la société X/Y, à payer à la société Projets : 4 931,14 euros T.T.C., au titre des commissions dues, sauf à parfaire au vu des documents comptables que doit communiquer la société X/Y, 59 324,81 euros, au titre de l'indemnité de cessation de contrat,
- dire que les sommes sus indiquées seront augmentées de l'intérêt au taux légal à compter du 30 juin 2011 et faire application de l'article 1154 du Code civil,
- dire que l'objet du mandat confié à la société Projets n'est pas limité aux seuls produits de la collection " Montagne " sur le territoire de la Suisse et qu'elle a droit à commissions sur l'intégralité des produits vendus en Suisse auprès de la clientèle qui lui a été confiée,
- donner injonction en application de l'article X/Y 134-3 du Code de commerce à la société X/Y, de fournir à la société Projets toutes les informations, en particulier un extrait des documents comptables, lui permettant de vérifier et de calculer les commissions qui lui sont dues sur l'ensemble de la période contractuelle et ce, sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard à compter du prononcé de la décision à intervenir,
- se réserver le pouvoir de liquider l'astreinte,
- condamner la société X/Y, au paiement d'une somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts pour le caractère abusif de la rupture et sa résistance à payer les commissions dues à la société Projets,
- condamner la société X/Y, au paiement d'une somme de 6 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, outre les dépens de première instance et d'appel qui pourront être directement recouvrés par la société Lexavoue Paris-Versailles, conformément à l'article 699 du Code de procédure civile.
Vu l'ordonnance de clôture du 22 septembre 2016.
Pour un exposé complet des faits et de la procédure, la cour renvoie expressément au jugement déféré et aux écritures des parties ainsi que cela est prescrit à l'article 455 du Code de procédure civile.
Sur ce, LA COUR,
1. Sur la preuve de la faute grave de l'agent commercial
Considérant que pour voir infirmer le jugement qui l'a condamnée à verser une indemnité de rupture du contrat, la société X/Y prétend établir la preuve de la faute grave de Monsieur Z qui est résulté, en premier lieu, de n'avoir, à compter de 2007, plus visité avec assiduité la clientèle et refusé de rendre compte de sa mission, refusé en novembre 2007 de faire visiter les clients importants au directeur commercial de la société, et qu'à compter de 2008, la société X/Y n'a enregistré, pour l'essentiel, que des commandes directes des clients, alors que celles passées par Monsieur Z se sont limitées à 6 887 euros pour un chiffre d'affaires de 305 333 euros en 2008, à 319 euros pour un chiffre de 267 769 euros en 2009, et à 12 878 euros pour un chiffre de 254 201 euros en 2010 ; qu'à cet égard, Monsieur Z ne peut prétendre avoir fait la promotion d'autres produits de la société que celui de la " collection La montagne " ; qu'enfin, Monsieur Z n'a établi aucun rapport de visite en 2008, deux rapports succincts en 2010 et un seul rapport en 2011 ;
Mais considérant que les premiers faits allégués datent de plus de trois ans avant la rupture du contrat, ne sont pas caractérisés pour ce qui concerne le délaissement de la clientèle, tandis que celui qui concerne le défaut de réponse à la présentation des clients, est isolé ; que s'agissant des commandes des produits en Suisse, la cour constate qu'elles ne sont pas inexistantes, qu'elle varient à la hausse la dernière année, et que surabondamment, la société X/Y n'indique pas le niveau du chiffre d'affaires pour ce secteur avant que les relations contractuelles aient été nouées avec Monsieur Z et sa société, de sorte qu'il convient d'écarter les moyens ;
Considérant en deuxième lieu que la société X/Y reproche, au visa des articles L. 134-3 du Code de commerce et 3 de la loi n°91-593 du 25 juin 1991, à Monsieur Z d'avoir dissimulé l'exercice d'une activité parallèle avec la société Dix heures dix, concurrente de la sienne, et qui traduit la baisse du chiffre d'affaires du secteur de la Suisse, passé de 345 081 euros en 2007 à 254 201 euros en 2010 ;
Considérant toutefois, après que la cour ait pris connaissance des catalogues de produits, que les modèles de luminaires de la société Dix heures dix sont inspirés par le design haut de gamme accordé à des intérieurs " design " ou de mobiliers de prix, tandis que les luminaires de la société X/Y prolongent des formes de luminaires traditionnels marqués par des motifs explicitement montagnards, de sorte qu'il ne peut être déduit la preuve que Monsieur Z ait pu déloyalement concurrencer les produits de la société X/Y, alors par ailleurs que le contrat ne lui interdisait pas d'autres activités de négociation pour d'autres entreprises, de sorte que le moyen sera aussi rejeté ;
Considérant en troisième lieu, que la société X/Y reproche à Monsieur Z les difficultés qu'il a opposées par ses réclamations véhémentes de justificatifs comptables et des factures auxquelles la société X/Y a répondu les 24 novembre 2010, le 26 janvier et le 1er mars 2011, et lui reproche encore sa présence sur le stand de la société X/Y à l'occasion d'un salon pour réclamer à nouveau des justificatifs de commission qui lui avaient été communiqués ;
Qu'au demeurant, il ne résulte pas des échanges privés entre les parties, la preuve des dénigrements sur l'activité du mandant ni la preuve de comportements publics dans ce même dessein, de sorte que le moyen manque aussi en fait ;
Considérant qu'il ne résulte par conséquent pas de ces faits, la preuve que Monsieur Z ou sa société aient porté atteinte à la finalité commune du mandat d'intérêt commun et rendu impossible le maintien du lien contractuel, de sorte que, sans qu'il soit nécessaire de discuter le surplus des moyens invoqués en réplique aux conclusions des intimés, il convient de confirmer le jugement de ce chef.
2. Sur demandes au titre du rappel de commissions, de l'indemnité compensatrice et des dommages et intérêts
Considérant que la société X/Y conteste la somme de 45 530,49 euros allouée par les premiers juges et s'oppose aux demandes d'arriéré de commissions, en exposant d'une première part, que Monsieur Z et sa société n'avaient pas créé le secteur de vente des produits, et dont les dépenses de développement, engagées par ses participations aux expositions, ont été essentiellement supportées par le mandant, et qu'enfin, ils n'apportaient plus de nouveaux clients depuis cinq années, tout en percevant les commissions versées sur les seules commandes directes passées par les clients ;
Que cependant, le moyen est étranger au droit aux commissions défini par le contrat ;
Considérant que de seconde part, la société X/Y soutient que Monsieur Z et sa société ne peuvent pas se prévaloir des ventes d'autres produits que ceux de la " collection la Montagne " ni non plus de ceux de la marque de la société Y après que celle-ci ait été reprise par la société X/Y ;
Que néanmoins, le moyen tiré de la désignation contractuelle des produits sur le secteur dévolu à l'agent commercial a été écarté ci-dessus ;
Considérant que pour leur part, Monsieur Z et sa société réclament un rappel de commission de 3 488,76 euros sur la base de leur pièce n° 53 détaillant des numérotations de factures émises depuis 2001 ; qu'au demeurant, et ainsi que l'ont retenu les premiers juges, cette demande, y compris celle portant injonction du mandant de communiquer les documents comptables seront écartées, alors d'une part, que plus du tiers des références sont prescrites et d'autre part, qu'un simple listing sans indication de prix ne peut servir de commencement de preuve pour renverser la charge de celle-ci sur le mandant ;
Considérant en revanche, que Monsieur Z et sa société justifient avoir concouru en 2011 à des ventes ponctuelles de produits de la société X/Y représentant 5 766,01 euros, soit 634,26 euros de commissions, sans que le mandant n'ait dénié, au moment où elles ont été réalisées, l'approbation des conditions dans lesquelles elles sont intervenues pour son compte, de sorte qu'il convient d'infirmer le jugement en ce qu'il a écarté ce rappel de commission et de condamner la société X/Y à les leur verser ;
Et considérant que Monsieur Z et sa société prétendent voir fixer l'indemnité due au titre de la rupture du contrat à 59 324,81 euros ;
Mais considérant qu'en retenant l'ancienneté de la relation entre les deux sociétés, au regard des pièces produites et des montants des commissions, les premiers juges, usant de leur pouvoir d'appréciation du préjudice subi par Monsieur Z et sa société, doivent être approuvés en ce qu'ils ont fixé le quantum de l'indemnité compensatrice de rupture à 45 530,49 euros ;
Considérant enfin que pour réclamer la somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts, Monsieur Z et sa société soutiennent que la rupture du contrat est uniquement fondée sur le refus de répondre loyalement à leur demande de commissionnement ;
Que néanmoins, le jugement a à bon droit retenu que cette affirmation ne supplée pas la preuve d'un préjudice distinct de celui réparé par l'allocation de l'indemnité de rupture, et que les requérants avaient la charge de rapporter, en sorte que le jugement sera confirmé de ce chef.
3. Sur les dommages et intérêts au titre de l'abus de procédure, frais irrépétibles et les dépens
Considérant que la société X/Y succombe en son action, en sorte que le jugement sera confirmé en ce qu'il a rejeté la demande de dommages et intérêts au titre de l'abus de procédure et statué sur les frais irrépétibles et les dépens ; qu'en cause d'appel, la société X/Y sera condamnée à verser à Monsieur Z et à sa société la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux dépens d'appel.
Par ces motifs : Contradictoirement, Confirme le jugement en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'il a rejeté le rappel de commissions pour l'année 2011 ; Statuant à nouveau de ce chef, Condamne la société X/Y à verser à Monsieur Z et à la société Projets la somme de 634,26 euros ; Condamne la société X/Y à payer à la Monsieur Z et la société Projets la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ; Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires ; Condamne la société X/Y aux dépens d'appel.