CA Paris, Pôle 5 ch. 4, 4 janvier 2017, n° 14-12979
PARIS
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Al-Ko Record (Sté)
Défendeur :
Prevost, ATW (SAS)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Luc
Conseillers :
Mme Mouthon Vidilles, M. Thomas
Avocats :
Mes Régnier, Gallone, Fromantin, Borel
FAITS ET PROCÉDURE
La société Al Ko Record (Al Ko) est une société de droit espagnol, dont l'activité est la fabrication d'amortisseurs pour véhicules automobiles.
Le 20 décembre 2006, elle a signé un contrat d'agent commercial avec Monsieur Thierry Prevost, à qui elle a confié un mandat exclusif de négocier la vente en son nom et pour son compte tant en France qu'en Belgique des produits suivants : amortisseurs, kit de roulements, sphères, roulements de suspension et kit cache poussière, en contrepartie d'une commission au taux de 5 % calculée sur le montant net hors taxe de la commande.
Début 2009, Monsieur Thierry Prevost a créé avec des membres de sa famille une société par actions simplifiées ATW, dont l'objet est le négoce de pièces détachées pour l'industrie et le stockage ; cette société a été habilitée à vendre directement des produits de la société Al Ko pour des commandes de faible montant.
Au début 2010, la société Al Ko a exigé que la société ATW cesse de procéder à la vente de ses produits Al Ko, afin que leurs rapports se limitent à une activité de stockage.
Monsieur Prevost a alors mis en relation la société Al Ko avec une SARL Fipa créée le 8 février 2010, de sorte qu'un courant d'affaires s'est établi entre celles-ci, auquel la société Al Ko a mis un terme en novembre 2010, en reprochant à Monsieur Thierry Prevost d'avoir créé cette société écran pour reconstituer de façon frauduleuse un réseau de distribution de ses produits; la société Al Ko a dénoncé par deux courriers du 5 novembre 2010 le contrat d'agent commercial de Monsieur Prevost et le contrat de stockage la liant à la société ATW.
Pour récupérer le stock de pièces, la société Al Ko a saisi le juge des référés du Tribunal de commerce de Lyon, qui par ordonnance du 28 décembre 2010 a enjoint à la société ATW de restituer l'intégralité du stock sous astreinte de 5 000 euros pour chaque refus ou résistance éventuellement opposée.
Par jugement du 2 février 2012, le Tribunal de commerce de Clermont-Ferrand, saisi par la société Al Ko, a retenu que la société Fipa était une société écran montée par Monsieur Thierry Prevost pour reconstituer de façon anonyme et frauduleuse le réseau de distribution dont la société Al Ko avait légitimement indiqué qu'elle ne voulait plus, et a notamment condamné la SARL Fipa à payer à la société Al Ko la somme de 142 952,06 euros au titre de factures impayées, outre la somme de 2 000 euros à titre de dommages et intérêts.
Par arrêt du 6 mars 2013, la Cour d'appel de Riom a confirmé le jugement précité, hormis sur le montant de la créance de la société Al Ko arrêté à la somme de 138 810,89 euros, et a fixé ce montant au passif du règlement judiciaire de la société Fipa.
Se plaignant de la rupture de son contrat d'agent commercial, Monsieur Thierry Prevost a, par acte du 5 avril 2011, saisi le Tribunal de commerce de Lyon sur le fondement de l'article L. 134-12 du Code de commerce en paiement d'une indemnité de rupture, d'une indemnité compensatrice de préavis et d'un rappel de commissions, instance enrôlée sous le n° 2011J0561.
Le 22 juillet 2011, la société Al Ko a fait assigner la société ATW en paiement d'une somme de 18 032,83 euros au titre des pièces en stock non restituées et cette dernière lui a réclamé reconventionnellement une indemnité pour rupture brutale d'une relation commerciale établie, instance enrôlée sous le n° 2011J02196.
Suivant décision du 23 janvier 2014, cette juridiction a :
- prononcé la jonction des instances enrôlées sous les numéros 2011J0561 et 2011J02196,
- débouté Monsieur Thierry Prevost de ses demandes en paiement d'une indemnité provisionnelle de rupture du contrat d'agent commercial, d'indemnité compensatrice de préavis et de complément de commissions,
- condamné la société Al Ko à payer à Monsieur Thierry Prevost la somme de 814,04 euros en remboursement de ses frais de déplacement,
- débouté la société Al Ko de ses demandes en remboursement d'avance sur commissions, en paiement du solde des sommes dues par la société FIPA, en paiement d'indemnités au titre du détournement de marge et du solde du stock détenu par la société ATW,
- débouté la société ATW de toutes les demandes,
- condamné in solidum Monsieur Thierry Prevost, et la société ATW aux dépens et à verser à la société Al Ko une indemnité de 10 000 euros en vertu de l'article 700 du Code de procédure civile.
Par conclusions déposées et notifiées le 16 décembre 2014, la société Al Ko, appelante, sollicite:
1) Sur le contrat d'agent commercial:
A) à titre principal
La confirmation du jugement entrepris, en ce qu'il a retenu que les manquements de Monsieur Prevost sont constitutifs d'une faute grave rendant impossible le maintien du lien contractuel et justifiant la cessation de la relation, en ce qu'il a rejeté les demandes d'indemnité de rupture et d'indemnité de préavis formées par Monsieur Prevost, en ce qu'il a débouté Monsieur Prevost de sa demande en condamnation de lui payer la somme de 4 000 euros au titre d'un rappel de commission du mois d'octobre 2010 et de sa demande d'expertise comptable sur l'étendue des ventes et le montant des commissions devant lui revenir,
- à titre subsidiaire,
La minoration dans des proportions substantielles de l'indemnité de rupture, l'exclusion du mode de calcul des indemnités de rupture et de préavis de la somme de 1 800 euros réglée par trimestre au titre des frais de marketing, le calcul de l'indemnisation en fonction des droits à commission et non des avances sur commission,
- à titre infiniment subsidiaire,
Dans l'hypothèse d'une indemnisation sur la base des deux dernières années de commission, la fixation de l'indemnisation à un montant qui ne saurait être supérieur à la somme de 72 223,87 euros pour le droit à commission pendant les deux dernières années et à la somme de 8 904,68 euros pour l'indemnité de préavis, correspondant à 3 mois de commission,
- B) la réformation du jugement querellé
En ce qu'elle a été déboutée de sa demande de condamnation de Monsieur Prevost à lui restituer la somme de 23 720,20 euros au titre des avances sur commission, en ce qu'elle a été condamnée à lui payer la somme de 814,04 euros pour les frais de déplacement,
- en conséquence la condamnation de Monsieur Prevost à lui régler les sommes de 23 720,20 euros,
- à titre subsidiaire,
Dans l'hypothèse où une mesure d'expertise serait ordonnée qu'elle porte sur une période égale à un mois à compter de la cessation du contrat et soit aux frais avancés de Monsieur Prevost
2) Sur les factures impayées par la société FIPA:
- la réformation du jugement querellé en ce qu'il l'a déboutée de sa demande de condamnation envers Monsieur Prevost pour les factures impayées par la société FIPA,
- en conséquence la condamnation de Monsieur Prevost à lui verser à titre de dommages et intérêts le solde du montant des condamnations obtenues en vertu du jugement du 2 février 2012
3) Sur la responsabilité de Monsieur Prevost pour le détournement de la marge:
- la réformation de la décision querellée en ce qu'elle l'a déboutée de sa demande de condamnation de Monsieur Prevost à lui verser la somme de 11 578,95 euros à titre de dommages et intérêts en indemnisation du détournement de la marge,
- en conséquence la condamnation de Monsieur Prevost à lui verser ladite somme de 11 578,95 euros,
- à défaut d'acquiescement par Monsieur Prevost et la société ATW à la sommation de communiquer des pièces justificatives sur les marges, une indemnisation égale à sa perte de marge à hauteur de la différence entre les prix d'achat des marchandises par la société Fipa à elle-même et leur prix de revente par la société Fipa et de la différence entre le prix d'achat des marchandises par la société ATW à la société Fipa et leur prix de revente par la société ATW,
- la nomination d'un expert-comptable pour chiffrer cette perte de marge,
4) Sur la restitution du stock:
- la réformation du jugement de première instance en ce qu'il l'a déboutée de sa demande de condamnation in solidum de Monsieur Prevost et de la société ATW à lui verser la somme de 18 032,83 euros
- en conséquence, la condamnation in solidum de ces derniers à lui régler ladite somme,
5) Sur les demandes de la société ATW:
- à titre principal, la confirmation du jugement attaqué en ce qu'il a jugé que les frais de restitution des stocks devaient être à la charge de la société ATW, en ce qu'il a retenu qu'aucun délai de préavis ne devait être respecté à défaut de relation commerciale établie pour la rupture des relations commerciales et en ce qu'il a débouté cette dernière société de ses demandes indemnitaires,
- à titre subsidiaire, la fixation d'un délai de préavis à un mois,
- en tout état de cause, le rejet des prétentions indemnitaires de la société ATW,
6) En tout état de cause,
- le rejet de l'appel incident formé par Monsieur Prevost et la société ATW,
- la confirmation de la décision dont appel pour la condamnation in solidum de Monsieur Prevost et de la société ATW à lui verser la somme de 10 000 euros en vertu de l'article 700 du Code de procédure civile,
- la condamnation in solidum de ces derniers à lui payer une somme supplémentaire de 10 000 euros en appel sur le même fondement.
Par conclusions du 7 novembre 2014, Monsieur Prevost et la société ATW, intimés, demandent:
- la confirmation du jugement de première instance en ce qu'il a condamné la société Al Ko à verser à Monsieur Prevost la somme de 814,04 euros en remboursement des frais de déplacement assortie des intérêts au taux légal à compter de l'acte introductif d'instance, débouté la société Al Ko de ses demandes de remboursement d'avances sur commission, de paiement du solde des sommes dues par la société FIPA, ou de paiement d'indemnité au titre du détournement de la marge ou du solde du stock détenu par la société ATW,
- pour le surplus, la condamnation de la société Al Ko à payer à Monsieur Prevost, en raison de la rupture du contrat d'agent commercial, une provision de 72 223,87 euros au titre de l'indemnité de rupture dudit contrat, avec intérêts au taux légal, une provision de 8 904,68 euros pour l'indemnité compensatrice de préavis, avec intérêts au taux légal, une provision de 4 000 euros représentant le rappel de commissions du mois d'octobre 2010, avec intérêts au taux légal,
- la désignation d'un expert-comptable pour déterminer l'étendue des ventes réalisées par la société Al Ko en France et en Belgique, notamment avec la société MGA et des sommes perçues grâce au travail et efforts de Monsieur Prevost et le montant des commissions lui revenant,
- la condamnation de la société Al Ko à verser à la société ATW les sommes de 147 425 euros en réparation de la rupture brutale des relations commerciales établies, de 3 694,84 euros en remboursement des frais d'huissier mis indûment à sa charge,
- la condamnation de la société Al Ko à verser à la société ATW et à Monsieur Prevost chacun la somme de 10 000 euros en vertu de l'article 700 du Code de procédure civile.
Motifs de la décision
Sur la rupture du contrat d'agent commercial
La société Al Ko fait valoir, sur le fondement de l'article L. 134-13 du Code de commerce, que Monsieur Prevost a commis une grave faute privative de toute indemnité en créant une société fictive Fipa et en la lui présentant comme un tiers client, dans le but de masquer la création d'un réseau de distribution occulte et à son détriment.
Monsieur Prevost réplique qu'il n'a commis aucune faute lourde susceptible de l'empêcher de percevoir des indemnités, dans la mesure où la création de la société Fipa était connue de la direction commerciale de la société Al Ko (en la personne de Messieurs Goffard et Aramburu) qui l'avait acceptée et qu'en tout état de cause, elle n'était pas fautive ou interdite par le contrat d'agent commercial.
Conformément à l'article L. 134-4 du Code de commerce, la faute grave est celle qui porte atteinte à la finalité commune du mandat d'intérêt commun et rend impossible le maintien du lien contractuel; les rapports entre l'agent commercial et son mandant sont également régis par une obligation de loyauté et un devoir réciproque d'information.
Il ressort des pièces produites que la société Fipa, créée le 8 février 2010 avec pour associée Isabelle Bretones, compagne de Thierry Prevost et pour gérante Océane Brun, la fiancée de Vincent Prevost (lui-même fils de Thierry Prevost) avait pour objet de s'approvisionner en produits de la société Al Ko en vue de les revendre et que cette première société, immatriculée au registre du commerce de Clermont-Ferrand, n'avait en réalité aucune activité dans le Puy de Dôme et faisait réexpédier chaque semaine son courrier à la société ATW.
L'analyse des courriels des 12 et 19 février 2010 entre Monsieur Aramburu et Monsieur Prevost (pièces 3 de la société Al Ko, 30 de Monsieur Prevost) permet d'établir que la société Al Ko a refusé clairement que la société ATW, créée par son agent commercial et constituant un dépôt en France pour les produits espagnols, devienne en réalité un distributeur.
Dans son courriel en réponse du 12 février 2010 adressé à Monsieur Aramburu, Monsieur Thierry Prevost a précisé en page 1 que la société Fipa (ASM) est un bureau qui permet à Mister de vendre à d'autres interlocuteurs... site Internet, distributeurs, etc... et a évoqué Mister et sa filiale Fipa ; la société Fipa a ainsi été présentée par Monsieur Prevost à la direction commerciale de la société Al Ko comme une émanation de la société Mister Auto, laquelle était un client important de celle-ci.
Suite à l'interdiction expresse faite à la société ATW de commercialiser les produits de la société Al Ko, Monsieur Prevost a proposé dans son courriel du 19 février 2010 la société Fipa, comme un client important, qui livre plus de 15 sites Internet, en informant Monsieur Aramburu qu'"il s'agit de l'ancien associé de la société ASM qui monte son projet" et en indiquant "j'ai démarché ce client il y a déjà plus de 1 an". De même dans le courriel du 4 novembre 2010 (pièce n° 7 des intimés), Monsieur Prevost a écrit à Monsieur Aramburu que "la société Fipa est un gros client pour nous; ce dernier va forcément très mal prendre cette décision (de fermer le compte) et le risque de se fâcher avec lui est très important pour vous et pour moi".
Il est ainsi établi que la direction commerciale de la société Al Ko a également été trompée par Monsieur Prevost sur la réalité capitalistique de cette nouvelle structure (Fipa), de sorte que ce dernier ne peut sérieusement soutenir que cette dissimulation aurait été réalisée de concert avec cette direction commerciale, afin de faire obstacle à la politique irréfléchie de sa direction générale, notamment l'exigence d'une couverture Coface, qui conduisait à la fermeture des comptes d'un certain nombre de clients français importants et réduisait à néant les efforts consentis par lui-même et par Messieurs Goffard et Aramburu.
Les pièces 24, 25 et 35 des intimés n'apportent pas la justification de la connaissance par Monsieur Goffard de ce que la société Fipa appartenait directement à Monsieur Prevost ou de ce qu'il connaissait Madame Isabelle Bretones ou Océane Brun en leur qualité respective d'associée ou gérante de la société FIPA, dans la mesure où Monsieur Goffard ne précise nullement dans ces attestations l'identité des dirigeants et associés de la société Fipa, alors même qu'il connaissait déjà Vincent Prevost en sa qualité d'associé de la société ATW, et Madame Bretones, qui servait habituellement d'interprète à son compagnon.
Enfin l'attestation tardive de Madame Rantonnet en date du 21 décembre 2012 (qui aurait dû être produite dans l'instance devant la Cour d'appel de Riom compte tenu de sa date), se déclarant employée de la société ATW, ne saurait à elle seule démontrer que la direction commerciale de la société Al Ko savait que la société Fipa avait été créée par Monsieur Thierry Prevost, dès lors que Madame Rantonnet ne précise pas l'identité des personnes devant lesquelles elle aurait "échangé librement sur la société Fipa et son activité", ni la teneur des échanges. En tout état de cause, les intimés prétendent que la création de la société Fipa n'était pas fautive en soi dès lors que la société Al Ko ne revendique aucune condition générale de vente restrictive lui permettant d'empêcher la revente ou la distribution en France de ses produits par un quelconque distributeur et qu'en l'absence d'une telle convention le principe de la liberté du commerce et de l'industrie doit l'emporter.
Mais il suffit de rappeler d'une part, que la société Al Ko a choisi de distribuer ses produits en France et en Belgique par l'intermédiaire d'un agent général bénéficiant de l'exclusivité de la représentation du mandant, dont l'activité est de négocier et conclure des contrats pour le compte et au nom de son mandant, sans clientèle propre, et non par un système de distribution sélective, d'autre part, qu'après avoir accepté que Monsieur Prevost puisse vendre directement par l'intermédiaire de sa société ATW des produits de faible montant à ses clients, elle s'y est postérieurement et expressément opposée en février 2010, lorsqu'elle a constaté un volume de ventes important atteint par cette dernière au regard du coût supporté par elle (frais logistiques, frais de transport, frais de support de vente, financement du stock) non compensé par la marge de bénéfice. La concomitance entre l'interdiction faite à la société ATW de commercialiser les produits de la société Al Ko et la création de la société Fipa le 8 février 2010 corrobore le fait que la seconde a été créée pour échapper à l'interdiction faite à la première par la société Al Ko de vendre lesdits produits en qualité de distributeur. Il est ainsi démontré qu'en mettant en relation les sociétés Al Ko et Fipa, en faisant faussement croire à la première qu'il s'agissait d'un client, Monsieur Thierry Prevost, en sa qualité d'agent général, tenu à une obligation de loyauté et d'information, a cherché délibérément à tromper son mandant sur son rôle, alors même qu'elle lui avait signifié qu'il devait limiter son activité aux obligations découlant de son contrat d'agent commercial.
Cette faute est d'une gravité telle qu'elle porte atteinte au mandat d'intérêt commun, justifie la rupture du mandat d'agent commercial et prive ce dernier de toute indemnité de rupture et de préavis. La décision des premiers juges sera en conséquence confirmée de ce chef.
Par ailleurs, Monsieur Prevost réclame, d'une part, le paiement, sur le fondement de l'article 134-7 du Code de commerce, d'une somme de 4 000 euros au titre des commissions dues sur le chiffre d'affaires réalisé avec la société MGA postérieurement à la rupture et l'organisation d'une mesure d'expertise comptable pour déterminer l'étendue des marchés passés avec cette société, d'autre part, le remboursement d'une somme de 814,01 euros pour des frais de déplacement exposés à la demande de la société espagnole.
L'appelante s'oppose à ces prétentions et sollicite, pour sa part, le règlement par Monsieur Prevost d'une somme de 23 720,20 euros au titre des avances sur commissions.
Le contrat d'agent commercial conclu entre la société Al Ko et Monsieur Prevost prévoyait que celui-ci percevait une commission de 5 % sur le montant net HT des commandes, ces commissions étant payables mensuellement avec l'envoi dans les 15 jours suivant la fin du mois d'un bordereau récapitulatif des affaires commissionnables. Les affaires commissionnables étant considérées comme les affaires payées par les clients.
Dans son mail du 4 novembre 2010, Monsieur Prevost rappelait à la société Al Ko que ses commissions pour les mois de septembre et d'octobre 2010 n'avaient pas été réglées.
Dans un courriel du 13 avril 2010, Monsieur Aramburu reconnaissait que le montant des commissions de Monsieur Prevost allait probablement augmenter avec l'apport de nouveaux clients comme MGA.
Il a indiqué, en réponse au courriel du 4 novembre 2010 de Monsieur Prevost, que la société Al Ko devait régler la commission le mois suivant après réception du paiement du client.
Il ressort des échanges de courriels intervenus que Monsieur Prevost a entrepris des démarches pour apporter un nouveau client, la société MGA, à la société Al Ko.
Or la société Al Ko a refusé sans motif de déférer à la demande de production de pièces justificatives du volume de transactions réalisé avec la société MGA, telle que demandée par le conseil de Monsieur Prevost par courrier du 2 mai 2012, alors que le droit à commission de Monsieur Prevost est établi au vu des pièces versées.
Seule une mesure d'expertise comptable permettra d'établir un compte définitif des commissions dues à Monsieur Prevost dans le cadre de l'article susmentionné, compte tenu des avances perçues par lui à ce titre, dont l'homme de l'art devra également vérifier le montant. Il sera donc sursis à statuer du chef des commissions demandées par toutes les parties dans l'attente de cette mesure.
Pour les frais de déplacement exposés par Monsieur Prevost pour se rendre à une convocation de la société espagnole, celle-ci doit être condamnée à prendre en charge leur remboursement, dès lors que leur montant est justifié et que la société Al Ko s'est engagée le 7 novembre 2010 sans condition (pièces 21 et 22 des intimés), à les lui rembourser et ne saurait exciper aujourd'hui d'une caducité de cette obligation. La décision des premiers juges sera confirmée de ce chef.
Sur la mise en cause de la responsabilité de Monsieur Prevost par la société Al Ko
La société Al Ko reproche, en premier lieu, à Monsieur Prevost de l'avoir déterminée intentionnellement à remettre et vendre ses produits à la société Fipa en sachant pertinemment qu'aucune de ses factures ne seraient réglées; elle soutient que les manœuvres frauduleuses de celui-ci, sans lesquelles la société Fipa n'aurait pas pu bénéficier de livraisons, engagent sa responsabilité civile en sa qualité d'agent commercial et sont à l'origine de son préjudice égal à la somme de 148 237,48 euros correspondant à la partie de la condamnation prononcée par le Tribunal de commerce de Clermont-Ferrand à l'encontre de la société Fipa le 2 février 2012 qu'elle n'a pu recouvrer.
Monsieur Prevost conteste toute responsabilité, en prétendant que la création de la société Fipa était connue de la direction commerciale de la société espagnole, que la société Fipa est une entité juridique distincte de lui, que la preuve du préjudice de l'appelante n'est pas rapportée.
Il importe de relever que la société Fipa est en redressement judiciaire, qu'un plan de continuation a été arrêté par jugement du Tribunal de commerce de Clermont-Ferrand du 10 janvier 2014, que la créance de la société Al Ko d'un montant de 140 533,46 euros (dont à déduire une somme de 1 722,57 euros) et de 2 000 euros, conformément à l'arrêt rendu le 6 mars 2013 par la Cour d'appel de Riom, devra être réglée sur une période de 10 ans, de sorte qu'il n'est à ce jour pas démontré que cette société est insolvable et le préjudice de la société Al Ko établi.
Ce chef de demande ne peut donc prospérer; le jugement sera confirmé de ce chef.
La société espagnole fait grief, en second lieu, à Monsieur Prevost de n'avoir pas vendu ses produits au prix le plus élevé possible, d'avoir interposé un distributeur ce qui a eu pour effet de détourner au profit de ce distributeur une partie de la marge, qu'elle aurait dû réaliser si ses produits avaient été directement vendus à un client final.
Monsieur Prevost réplique que la société Fipa était une cliente comme une autre de la société espagnole, que cette dernière ne peut lui reprocher d'avoir créé un réseau de distribution à son insu dans la mesure où elle-même n'avait pas de réseau en France, puisqu'en sa qualité de fabricant elle avait choisi de ne distribuer ses produits qu'aux grossistes de pièces détachées automobiles et non aux particuliers. Il objecte que la société Al Ko a réalisé avec la société Fipa une marge supérieure (25,7 %) à celle réalisée avec les clients directs (20,5 %) et qu'il a largement développé l'activité commerciale de la société Al Ko en France en générant en 2010 un chiffre d'affaires de 812 307 euros (730 179 euros en 2009). Il fait également valoir que la société espagnole a librement choisi d'entrer en relation avec la société Fipa, a accepté de lui vendre ses produits et que cette distribution ne lui a occasionné aucun préjudice.
Mais ce dernier argument est inopérant, dès lors que la société Fipa a été créée à l'insu et au détriment de la société espagnole, présentée comme une émanation de la société Mister Auto pour en réalité récupérer une partie des marges réalisées sur la vente des produits Al Ko, alors que cette dernière croyait avoir accès à un nouveau marché.
Monsieur Prevost, en sa qualité d'agent commercial de la société Al Ko, devait lui permettre de réaliser les meilleures marges, et devra ainsi supporter la perte de marge de l'appelante du fait de la création de la société Fipa.
Toutefois, la cour ne dispose pas d'éléments suffisants pour évaluer la réelle perte de marge de la société espagnole; une mesure d'expertise, réclamée au demeurant par cette dernière société, s'avère indispensable sur ce point.
Sur les demandes de la société Al Ko à l'égard de la société ATW et sur la demande reconventionnelle de la société ATW La société Al Ko réclame la condamnation de la société ATW, in solidum avec Monsieur Prevost, à lui payer la somme de 18 032,83 euros représentant la valeur du stock de pièces non restituées.
Ces derniers contestent n'avoir pas remis les 1791 pièces revendiquées par l'appelante, critiquent la valeur probante des documents produits, dès lors que le stock initial n'a pas fait l'objet d'un inventaire contradictoire.
Il convient cependant de rappeler que par ordonnance du 28 décembre 2010, le juge des référés du Tribunal de commerce de Lyon a condamné la société ATW à restituer à la société Al Ko l'intégralité du matériel dont cette dernière est propriétaire, sous le contrôle d'un huissier de justice, lequel devait vérifier la nature et les quantités des matériels et la restitution effective après inventaire dudit stock; ce juge a également mis à la charge de la société ATW les frais de constatation de l'huissier ainsi désigné. Ces opérations de restitution ont eu lieu les 25 et 26 janvier 2011. Estimant qu'un certain nombre de pièces faisait encore défaut, la société Al Ko a saisi une nouvelle fois cette même juridiction, laquelle selon une seconde ordonnance du 29 avril 2011 a désigné en qualité d'expert Monsieur Bruyas pour déterminer le stock de produits manquants et a enjoint à la société ATW de consigner au greffe une provision de 2500 euros à valoir sur la rémunération de l'expert.
Celle-ci n'a pas procédé à la consignation de cette somme, de sorte que la caducité de l'expertise a été prononcée le 6 juin 2011.
Dans ces conditions, la société ATW n'est pas fondée à contester la valeur probante des pièces versées aux débats, alors qu'elle a fait obstruction, sans interjeter appel, à une décision de justice qui ordonnait une mesure d'instruction permettant d'éclairer le litige.
Il est acquis qu'au moment de la rupture du contrat d'agent commercial, la société Al Ko a joint à sa lettre une liste du stock entreposé dans les locaux de la société ATW, qu'elle produit également un état récapitulatif de l'écart de stock établi sur la base d'échanges entre les parties, le procès-verbal de l'huissier de justice des 25 et 26 janvier 2011 dressant un inventaire physique du stock, un chiffrage du stock manquant.
Lors des débats devant le juge des référés la société ATW n'a pour sa part proposé aucun chiffrage, qu'il lui appartenait aussi de dresser un inventaire de son stock selon son courriel du 2 novembre 2010, aux termes duquel elle se plaint de n'avoir pas l'effectif nécessaire pour faire inventaire avant fin novembre.
Dans ces conditions, la société ATW doit être condamnée à verser à la société Al Ko la somme de 18 032,83 euros, représentant la valeur du stock non restitué; il n'y a pas lieu de condamner également Monsieur Prevost au versement de cette somme, ce dernier ne pouvant être condamné deux fois en qualité de représentant de la société ATW, dont il est président, et à titre personnel, alors que l'obligation de restituer le stock pèse sur la société ATW.
La demande de la société ATW relative au remboursement des frais d'huissier de 3 694,84 euros exposés lors de la restitution du stock ne saurait donc prospérer.
Reconventionnellement en vertu de l'article L. 442-6 I 5e du Code de commerce, celle-ci sollicite la condamnation de la société Al Ko à lui verser la somme de 147 425 euros en réparation de la rupture brutale des relations commerciales établies; elle estime qu'un préavis de 24 mois aurait dû être respecté.
Selon l'article précité " Engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait par tout producteur, commerçant industriel ou personne immatriculée au registre des métiers
(...) de rompre brutalement, même partiellement une relation commerciale établie sans préavis écrit tenant compte de la durée de la relation commerciale et respectant la durée minimale de préavis déterminée en référence aux usages du commerce par des accords interprofessionnels. Les dispositions qui précèdent ne font pas obstacle à la faculté de résiliation sans préavis en cas d'inexécution par l'autre partie de ses obligations ou en cas de force majeure " ;
La société Al Ko a à juste titre relevé que la relation commerciale entre les parties, n'ayant duré qu'un an et demi, ne saurait être qualifiée d'établie au sens de l'article susmentionné.
En outre, la société ATW a contribué à la revente des produits Al-Ko à la société Fipa, créée à l'insu et au détriment de la société espagnole, société Fipa avec laquelle elle a d'ailleurs signé une convention de compensation. Dès lors la société espagnole était fondée à résilier cette relation commerciale sans préavis. La demande de la société ATW ne peut donc être accueillie. La décision des premiers juges sera confirmée de ce chef.
L'équité commande d'allouer à la société Al Ko une indemnité de 6 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.
Par ces motifs : Statuant contradictoirement, Confirme le jugement rendu le 23 janvier 2014 par le Tribunal de commerce de Lyon en toutes ses dispositions, hormis celles relatives aux demandes de versement des commissions de Monsieur Prevost ou d'avances de commission de la société Al Ko, aux demandes en paiement de la société Al Ko au titre du détournement de ses marges, et du stock non restitué, Statuant de ces seuls chefs, Condamne la société ATW à verser à la société Al Ko la somme de 18 032,83 euros représentant la valeur du stock non restitué, Sur le surplus et avant dire droit au fond, Désigne Monsieur Thierry Ballot en qualité d'expert, demeurant 15 rue d'Astorg 75008 Paris 08 Tél : 01.40.17.09.85 Fax : 09.55.75.72.88 Email : [email protected], avec mission, en se faisant communiquer toutes pièces nécessaires à l'accomplissement de sa mission et éventuellement en entendant tout sachant, de: 1) dans le cadre de l'article 134-7 du Code de commerce, déterminer l'étendue des ventes réalisées par la société Al Ko en France et en Belgique pendant un délai d'un an avec la société MGA et des sommes perçues grâce au travail accompli par Monsieur Prevost, ainsi que le montant total des commissions lui revenant, après avoir vérifié le montant des avances déjà perçues par Monsieur Prevost et les avoir déduit; et faire le compte entre les parties, 2) donner à la cour tous éléments d'appréciation pour chiffrer la perte de marge de la société Al Ko du fait de la création des sociétés Fipa et ATW et donner tous éléments utiles à l'appréciation du litige, Dit que l'expert devra établir un pré-rapport un mois avant la date de remise du rapport définitif et devra l'envoyer aux parties afin qu'elles puissent répondre éventuellement par des dires, Dit que la société Al Ko devra consigner au greffe une provision de 4 000 euros au plus tard le 15 février 2017 à valoir sur la rémunération de l'expert, Dit que la société Al Ko devra effectuer la consignation dans les conditions prévues aux articles 270 et 271 du Code de procédure civile, Dit que l'affaire sera examinée à l'audience de mise en état du mardi 21 février 2017, Dit que l'expert devra déposer son rapport avant le 15 août 2017, Dit que conformément à l'article 284 du Code de procédure civile sur justification de l'accomplissement de sa mission par l'expert et après dépôt de son rapport, le Président taxera les frais et vacations de l'expert et l'autorisera à se faire remettre jusqu'à due concurrence, les sommes consignées au greffe, Dit que cette mesure d'instruction sera exécutée sous le contrôle du Président de la chambre, Rejette toutes autres demandes, Condamne in solidum la société ATW et Monsieur Thierry Prevost à verser à la société Al Ko une indemnité de 6 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, Condamne la société ATW et Monsieur Thierry Prevost aux dépens d'appel.