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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 10, 9 janvier 2017, n° 15-15438

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Agence Sigmund (SARL)

Défendeur :

BSH Électroménager (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Loos

Conseillers :

Mme Simon-Rossenthal, Mme Castermans

Avocats :

Mes Cussac, Kieffer Joly, Dary

T. com. Paris, du 1er juin 2015

1 juin 2015

Faits et procédure

La société Agence Sigmund est spécialisée dans le conseil en communication d'entreprises.

La société BSH Electroménager est un fabricant d'électroménagers européen qui figure parmi les leaders mondiaux.

En 2008, après une mise en concurrence avec d'autres agences de publicité, l'Agence Sigmund a remporté le marché des catalogues Bosch. Les relations commerciales se sont poursuivies entre ces deux sociétés, jusqu'au mois de février 2013, date à laquelle la société Agence Sigmund reprochait à la société BSH, par courrier recommandé, d'avoir rompu d'abord partiellement puis totalement, leur relation commerciale sans respecter de préavis écrit et réclamait une indemnisation ce titre.

Par jugement rendu le 1er juin 2015, le Tribunal de commerce de Paris a statué comme suit :

- constate une relation établie entre les deux sociétés

- dit que la société Agence Sigmund est à l'origine de la rupture de la relation commerciale établie avec la société BSH Electroménager

- déboute la société Agence Sigmund de ses demandes

- condamne la société Agence Sigmund à payer la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et aux dépens.

La société Agence Sigmund a relevé appel du jugement.

Par conclusions récapitulatives signifiées le 28 octobre 2016, la SARL Agence Sigmund demande à la cour de :

Vu l'article L. 442-6 I 5° du Code de commerce,

- Réformer le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;

- Constater que la société BSH a rompu d'abord partiellement puis totalement, sans respecter de préavis écrit, la relation commerciale qu'elle entretenait avec la société Agence Sigmund,

- En conséquence, la condamner à lui verser à titre de dommages intérêts une somme de 63 068,38 euros,

- La condamner à une somme de 25 000 euros au titre de l'article 700 CPC,

- La condamner en tous les dépens,

Par conclusions récapitulatives signifiées le 3 octobre 2016, la société BSH Electroménager demande à la cour de :

- Confirmer le jugement du tribunal.

Si par extraordinaire, la cour devait infirmer le jugement du Tribunal de commerce de Paris en date du 1er juin 2015 :

- Dire et juger que la durée du préavis réclamé par l'Agence Sigmund est injustifiée,

- Dire et juger que l'Agence Sigmund n'établit pas la réalité de son préjudice,

- Dire et juger que la demande de dommages-intérêts de l'Agence Sigmund est abusive et infondée.

En tout état de cause,

- Condamner l'Agence Sigmund à payer à BSH la somme de 5 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- Condamner l'Agence Sigmund aux entiers dépens.

DISCUSSION

La société Agence Sigmund fait grief à la société BSH d'avoir rompu d'abord partiellement puis totalement, leur relation commerciale sans respecter de préavis écrit.

La société BSH oppose que l'activité proposée à l'agence Sigmund était précaire et que la rupture des relations commerciales est intervenue à l'initiative de la société Agence Sigmund.

Une relation commerciale établie doit s'étendre sur une période significative, être stable et régulière. Il est de règle que les missions successives, confiées à un même prestataire, à l'issue d'appels d'offres, sont exclusives de la notion de relation établie.

Les prestations confiées par la société BSH à l'Agence Sigmund consistaient en la vente de services publicitaires. Ces prestations intellectuelles sont par essence discontinues, dans la mesure où les agences de communication sont mises en concurrence. Les campagnes publicitaires fluctuent au gré des stratégies commerciales et des moyens financiers dont disposent les donneurs d'ordre.

En l'espèce, la société BSH a confié la réalisation du catalogue des produits Bosch à l'Agence Sigmund en 2008, après qu'elle ait été mise en concurrence avec d'autres agences de communication.

La société Agence Sigmund prétend être devenue le prestataire unique de la société BSH à compter de cette date, or en 2009, lorsque la société BSH lui confie le marché de catalogues encastrables, la société BSH continue de faire appel à d'autres agences de publicité.

Entre 2009 et 2012, la société Agence Sigmund a été mise en concurrence avec la société Edit &Moi, laquelle s'est investie dans un catalogue Armoniss. La société Agence Sigmund conteste cette mise en concurrence en objectant que les prestations sont différentes et ne concernent pas la marque Bosch, mais cette allégation n'est pas pertinente dans la mesure où le client décide de sa stratégie commerciale. La société BSH justifie avoir diversifié ses choix de prestataires pour la réalisation de différents catalogues.

Les relations commerciales se sont donc poursuivies entre 2009 et 2012 pour des prestations différentes, et corrélativement le chiffre d'affaires de la société Agence Sigmund a baissé à compter de 2011. La société BSH établit que la part du marché catalogue s'était réduite devant l'essor du marché numérique, si bien qu'elle avait été amenée à réduire son budget communication, par rapport aux années précédentes.

En 2013, la société BSH a choisi une société AB mois disante, après avoir été mise en concurrence avec l'Agence Sigmund. Elle a informé cette dernière, qu'elle ne la retenait pas en raison du budget proposé par AB cinq fois inférieur.

Ces éléments démontrent que la société Agence Sigmund n'était pas le prestataire unique de la société BSH et que les différentes missions que lui avaient confiées n'étaient pas assorties d'une garantie de pérennité.

En qualité de professionnel de la communication, la société Agence Sigmund ne pouvait ignorer que la nature des prestations en cause ne permettait pas la stabilité et la régularité des relations. En tout état de cause, la preuve du caractère établi des relations, au sens de l'article L. 442-6 du Code de commerce, n'est pas rapportée.

Il apparaît au surplus que la société Agence Sigmund a pris l'initiative de ne plus poursuivre les relations commerciales avec la société BSH, en adressant une mise en demeure au mois de février 2013, aux termes de laquelle elle réclamait une indemnisation pour rupture brutale des relations. Elle déclarait avoir appris que la société BSH allait mettre fin à la relation commerciale. Cette menace de rupture brutale est démentie par l'appel d'offres que lui avait soumis la société BSH au mois de février 2013. La société BSH soutient à ce sujet qu'elle n'avait pas intérêt à déférencer une agence qui était spécialisé dans ce type de prestations.

Il apparaît dans ces conditions, que cette mise en demeure a rompu le climat de confiance nécessaire à la poursuite des relations commerciales, et que la rupture des relations est imputable à la société Agence Sigmund.

Il s'ensuit que le jugement sera confirmé en toutes ses dispositions

Compte tenu des développements qui précèdent la demande de dommages-intérêts de la société Agence Sigmund n'est pas fondée.

Il apparaît équitable de condamner la société Agence Sigmund à payer à la société BSH la somme de 2 000 euros au titre des frais non compris dans les dépens qu'elle a dû exposer.

La société Agence Sigmund, partie perdante, au sens de l'article 696 du Code de procédure civile, sera tenue de supporter la charge des dépens.

Par ces motifs : LA COUR, par substitution de motifs, confirme le jugement rendu le 1er juin 2015 par le Tribunal de commerce de Paris y ajoutant déboute la société Agence Sigmund de sa demande de dommages et intérêts condamne la société Agence Sigmund à payer à la société BSH la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile condamne la société Agence Sigmund aux dépens.