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Décisions

CA Montpellier, 2e ch., 3 janvier 2017, n° 15-01489

MONTPELLIER

Arrêt

Infirmation partielle

PARTIES

Demandeur :

Brasseries Kronenbourg (SAS)

Défendeur :

Brasserie Milles (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Bourrel

Conseillers :

Mme Olive, M. Bertrand

Avocats :

Mes Laporte, Massot, Senmartin, Liess Nussbaume, Julie, Salvignol

T. com. Perpignan, du 16 févr. 2015

16 février 2015

Faits, procédure, moyens et prétentions des parties :

Suivant acte sous seing privé en date du 21 août 2006, la SAS Brasseries Kronenbourg a mis à la disposition de Mme X, qui exploitait un fonds de commerce de débit de boissons à Amélie-les-Bains (66110), à l'enseigne El Clavell, divers biens mobiliers d'une valeur totale de 8 319,25 euro. Cette convention de mise à disposition, qualifiée de prêt à usage, s'inscrivait dans le cadre contractuel d'un engagement d'approvisionnement exclusif de bière en fûts pendant 5 ans, à compter du 1er mai 2006 et pour un volume fixé dans cette convention à 400 hectolitres.

Cet engagement a été respecté dans un premier temps par Mme X, qui s'est fournie auprès de la société Elidis Boissons Services (Elidis), alors filiale de la société Kronenbourg dont elle distribuait la bière en fûts dans la région, et qui avait cofinancé pour moitié le matériel mis à disposition du bar de Mme X.

Pour ce faire, une convention de distribution avait été conclue entre la SAS Kronenbourg et la société Elidis, par laquelle le brasseur désignait celle-ci comme son distributeur pour le fonds de commerce de Mme X.

Suivant acte sous seing privé en date du 24 septembre 2008, la SAS Brasserie Milles a acquis le fonds de commerce de la société Elidis à Perpignan, la liste des contrats en cours étant annexée à l'acte de vente, parmi lesquels figurait la convention de distribution avec Mme X.

Toutefois, après une dernière livraison intervenue le 7 avril 2009, Mme X a cessé ses commandes de fûts de bière à la société Elidis, reprise par la SAS Brasserie Milles, s'adressant à un autre distributeur de la marque Kronenbourg, arguant d'un prix inférieur qui lui était consenti.

Les 29 juin et 8 juillet 2010, un constat était dressé par huissier de justice dans l'établissement exploité par Mme X, dont il ressortait qu'elle s'approvisionnait en bière Kronenbourg auprès d'un distributeur concurrent de la Brasserie Milles, l'établissement Casas.

Par assignation délivrée à Mme X le 25 août 2012, devant le Tribunal de commerce de Perpignan, la SAS Brasserie Milles a sollicité sa condamnation à l'indemniser de l'inexécution de la convention de distribution exclusive convenue à son profit, lui réclamant le paiement d'une somme de 33 976,02 euro TTC au titre de la marge bénéficiaire perdue sur les fûts qui auraient dû lui être commandés, évaluée à 30 % du chiffre d'affaires.

Mme X, par acte d'huissier délivré à la SAS Kronenbourg le 9 novembre 2012, a assigné celle-ci devant le Tribunal de commerce de Perpignan, l'appelant en garantie des condamnations réclamées à son encontre par la SAS Brasserie Milles.

Par jugement contradictoire prononcé le 16 février 2015, le Tribunal de commerce de Perpignan a notamment :

- rejeté l'exception d'incompétence territoriale soulevée par la SAS Brasserie Kronenbourg,

- retenu sa compétence,

- condamné solidairement Mme X et la SAS Brasseries Kronenbourg à payer à la SAS Brasserie Milles la somme de 33 976,02 euro TTC à titre de dommages et intérêts, pour l'inexécution du contrat de mise à disposition de matériel, désignant comme entrepositaire-distributeur la société Elidis Boissons Services, aux droits de laquelle vient la SAS Brasserie Milles,

- Débouté Mme X et la SAS Brasseries Kronenbourg de toutes leurs demandes,

- condamné solidairement Mme X et la SAS Brasseries Kronenbourg à payer à la SAS Brasserie Milles la somme de 1 500 euro par application de l'article 700 du Code de procédure civile et aux dépens.

Mme X et la SAS Brasseries Kronenbourg ont interjeté appel de ce jugement par déclaration au greffe de la Cour d'appel de Montpellier respectivement le 26 février 2015 et le 16 mars 2015. Les deux procédures ont été jointes par ordonnance du 31 août 2015.

Dans ses dernières conclusions transmises au greffe le 24 octobre 2016, Mme X sollicite notamment :

- la confirmation du jugement déféré sur la compétence et sa réformation pour le surplus, notamment quant aux condamnations pécuniaires prononcées contre elle solidairement avec la société Kronenbourg,

- le rejet des prétentions de la SAS Brasserie Milles, au motif qu'elle n'avait signé aucune convention avec la société Elidis lui accordant une exclusivité de distribution, ni souscrit aucun engagement concernant un volume précis de bière à écouler, pas plus qu'elle n'a commis de faute de nature à engager sa responsabilité envers la société Brasserie Milles,

- qu'il soit dit et jugé que la société Brasserie Milles ne pouvait à la fois invoquer le bénéfice d'une stipulation pour autrui en sa faveur et les dispositions de l'article 1184 du Code civil,

- subsidiairement, s'il était retenu l'existence d'un engagement contractuel entre elle-même et la société Brasserie Milles, qu'il soit dit et jugé que le tarif réduit pratiqué par la société Elidis durant 4 ans était entré dans le champ contractuel au profit de Mme X et qu'en ne le respectant plus la Brasserie Milles a manqué à ses propres obligations contractuelles, provoquant la rupture du contrat à ses torts exclusifs,

- à titre infiniment subsidiaire, la condamnation de la SAS Brasseries Kronenbourg à la relever et garantir indemne des condamnations prononcées contre elle au profit de la SAS Brasserie Milles,

- la condamnation " in solidum " de la SAS Brasseries M. et de la SAS Brasseries Kronenbourg à lui payer une somme de 4 000 euro par application de l'article 700 du Code de procédure civile et aux dépens.

Dans ses conclusions récapitulatives transmises au greffe le 11 décembre 2015, la SAS Kronenbourg, anciennement dénommée Brasseries Kronenbourg, sollicite notamment :

- qu'il lui soit donné acte de ce qu'elle renonce à l'exception d'incompétence territoriale qu'elle avait soulevée en première instance,

- la réformation du jugement déféré pour le surplus, au motif que Mme X n'avait souscrit aucun engagement d'exclusivité d'approvisionnement au bénéfice de la société Brasserie Milles venant aux droits de la société Elidis, ni n'avait souscrit d'engagement contractuel concernant l'achat d'un volume précis de bière à écouler,

- que les demandes de la société Brasserie Milles soient déclarées irrecevables et mal fondées et donc rejetées,

- subsidiairement, si l'existence d'un engagement contractuel de Mme X était retenu, le rejet des prétentions de la société Brasserie Milles comme de celles de Mme X à son encontre,

- la condamnation solidaire de la Brasserie Milles et de Mme X à lui payer une somme de 4 000 euro par application de l'article 700 du Code de procédure civile et aux dépens.

Dans ses dernières conclusions transmises au greffe le 21 octobre 2016, la SAS Brasserie Milles sollicite la confirmation du jugement déféré en toutes ses dispositions et la condamnation de Mme X et de la SAS Kronenbourg à lui payer une somme de 1 500 euro par application de l'article 700 du Code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 25 octobre 2016.

MOTIFS :

SUR LA PROCÉDURE :

Il convient de prendre acte de l'abandon en appel par la SAS Kronenbourg, anciennement dénommée SAS Brasseries Kronenbourg, de l'exception d'incompétence territoriale soulevée devant le Tribunal de commerce de Perpignan, qui l'avait rejetée. Le jugement doit donc être confirmé de ce chef.

Il n'est pas contesté que par le rachat du fonds de commerce de la SAS Elidis Boissons Services par acte sous seing privé en date du 24 septembre 2008, la SAS Brasserie Milles s'est vue céder le contrat de distribution conclu par la société Elidis Boissons avec la SAS Brasseries Kronenbourg, dans lequel elle était désignée par le brasseur comme distributeur de ses produits auprès de Mme X, après partage entre ces deux sociétés du coût de fourniture du matériel mis à disposition du fonds de commerce de cette dernière.

SUR LES CONVENTIONS ENTRE LES PARTIES :

Il existe en fait une convention triangulaire, étant relevé que Mme X n'a signé aucun contrat avec la société Elidis mais seulement avec la société Kronenbourg, désignant toutefois la société Elidis Boissons comme son distributeur vis-à-vis de Mme X, ceci sans prévoir une obligation exclusive de se fournir auprès d'elle ; l'exclusivité portait sur la fourniture de bière en fût de la marque Kronenbourg uniquement.

La cour relève une confusion matérielle dans la rédaction du contrat de mise à disposition de matériel en date du 21 août 2006, les parties contractantes étant désignées comme étant la SAS Brasserie Kronenbourg et l'EURL El Clavell (n° 389 220 658), qui était en réalité l'ancienne propriétaire du fonds de commerce acquis le 5 janvier 2006 par Mme X et que celle-ci exploitait alors à titre personnel mais sous la même enseigne commerciale " El Clavell ". Toutefois cette erreur de rédaction a été rectifiée par la signature de cet acte sous seing privé, portant le tampon commercial " El Clavell " mais avec le numéro d'enregistrement au registre du commerce et des sociétés de Mme X (n° 488 006 040). Mme X reconnaît expressément dans ses conclusions être la seule signataire de ce contrat, en toutes hypothèses.

La SAS Brasserie Milles, venant aux droits de la SAS Elidis Boissons, soutient que la convention conclue entre Mme X et la société Kronenbourg, contient une stipulation pour autrui dont elle était la bénéficiaire ; celle-ci imposait à Mme X de s'approvisionner auprès du distributeur désigné par sa cocontractante, en l'occurrence la SAS Elidis Boissons, conformément aux dispositions de l'article 1121, ancien, du Code civil. Après son acceptation du bénéfice de cette stipulation pour autrui, caractérisée par l'exécution du contrat d'approvisionnement en fûts de bière de marque Kronenbourg, la stipulation est devenue irrévocable.

Tel est bien le cas en l'espèce, en effet ; la convention de mise à disposition de matériel conclue entre la SAS Brasserie Kronenbourg et Mme X, exerçant sous l'enseigne " El Clavell ", le 21 août 2006, à effet au 1er mai 2006 et d'une durée de 5 ans, comportait notamment les dispositions suivantes, qui font la loi des parties :

" Article 2 " Exclusivité

Le débitant de boissons qui déclare ne pas être lié à une autre personne physique ou morale par des mises à dispositions de matériel incompatibles avec le présent accord s'engage, comme condition essentielle et déterminante des engagements de la Brasserie, à débiter dans le fonds de commerce ci-dessus (El Clavell à Amélie-les-Bains, l'établissement étant désigné à l'article 5 comme " Le Café Français "), de manière exclusive et constante, les bières en fûts spécifiées à l'article 5.

" Article 3 " Volume

Le volume prévu à la présente mise à disposition de matériel à réaliser pendant la durée spécifiée à l'article 1 (du 1er mai 2006 au 31-sic-avril 2011) est de 400 hls de bière en fût de la brasserie.

Un point annuel pourra être réalisé entre le débitant de boissons et la brasserie pour valider la bonne adéquation entre les volumes réalisés à date et les engagements.

" Article 4 " Désignation du distributeur

Pour l'approvisionnement du débitant de boissons en bières mentionnées à l'article 5, la Brasserie désigne en qualité de distributeur CHD pour toute la durée de la mise à disposition de matériel Elidis Boissons Services Perpignan.

Le débitant de boissons accepte expressément cette désignation et la brasserie s'est assurée de l'accord du distributeur pour le livrer.

Si des difficultés d'exécution devaient survenir, la brasserie se réserve la faculté de modifier la présente désignation.

Néanmoins dans le cas où le distributeur bénéficie par ailleurs d'une convention de distribution, la présente désignation ne pourra être modifiée par la brasserie que si le distributeur devait ne pas s'acquitter de sa mission dans des conditions conformes aux usages loyaux et constants de la profession".

Or la société Elidis Boissons Services a conclu le 30 août 2006 une convention de distribution avec la SAS Kronenbourg, pour la même durée que le contrat de mise à disposition de matériel (à compter du 1er mai 2006 et pendant 5 ans), désignant comme point de vente à approvisionner de manière exclusive en bière de marque 1664 " Le Café Français " à Amélie-les-Bains. La brasserie y désignait comme livreur des bières le distributeur Elidis Boissons, pour la même durée et le même nombre d'hectolitres que le contrat de mise à disposition de matériel, dont la société Elidis Boissons acceptait aussi de financer le coût, à hauteur de 50 %.

Dès lors qu'il est constant qu'il n'a été conclu aucun avenant contractuel par lequel la SAS Kronenbourg aurait modifié, avant le 1er mai 2011, la désignation du distributeur de sa bière en fûts de marque 1664 auprès de Mme X exploitant le Café Français, sous l'enseigne commerciale " El Clavell ", les dispositions conventionnelles ci-dessus rappelées devaient être respectées par toutes les parties.

La convention qui a été régulièrement exécutée de mai 2006 à mai 2009, devait donc être poursuivie par Mme X après cette date, jusqu'au 30 avril 2011, dans la limite de la quantité de bière globale convenue, à savoir 400 hectolitres sur 5 ans.

Le caractère impératif de ce volume à atteindre fixé entre les parties n'est pas contredit par l'absence de clause pénale convenue entre elles en cas d'échec. Il est aussi corroboré par le contrat d'engagement de fourniture de bière conclu le 1er février 2006 par Mme X (El Clavell) et la SAS Brasserie Kronenbourg (pièce n° 2) ; celui-ci prévoyait le versement annuel à la débitante d'une rémunération de 20 euro par hectolitre de bière 1664 en fût qu'elle aura commandé, sur une base alors évaluée à 70 hl/an soit 350 hl pour les 5 ans du contrat. L'augmentation inférieure à 15 % seulement du volume prévu dans le contrat signé le 21 août 2016 par rapport au précédent, traduit la cohérence de cette estimation par Mme X de ses capacités de débit en bière en fût, ceci après 8 mois d'exploitation de son fonds de commerce, acquis en janvier 2006.

Il est de principe que le tiers bénéficiaire d'une stipulation pour autrui est titulaire d'une action directe et personnelle contre le promettant en cas d'inexécution de la promesse, ainsi que l'a rappelé notamment la chambre commerciale de la Cour de cassation dans son arrêt du 23 mai 1989.

Mme X soutient qu'à compter de mai 2009, après le rachat de la société Elidis Boissons par la société Brasserie Les M., celle-ci en cessant de la faire bénéficier d'une remise gracieuse en nature d'un fût gratuit pour deux commandés, soit une remise de 33,33 % sur les fûts de bière commandés, a violé les engagements contractuels non écrits existants précédemment entre les parties.

Toutefois, conformément aux conventions ci-dessus reprises, et notamment l'article 4 du contrat de mise à disposition de matériel signé par Mme X, il lui appartenait plutôt que de changer unilatéralement de distributeur de bière en fût, de saisir sa cocontractante la SAS Brasserie Kronenbourg d'une demande de modification de la désignation du distributeur ; cette demande étant fondée sur l'invocation de ce comportement, qu'elle considérait comme contraire aux usages loyaux et constants de la profession. A défaut de respect de cette procédure conventionnellement prévue, elle a manqué à ses obligations contractuelles à l'égard de la SAS Elidis Boissons Services, aux droits de laquelle venait la SAS Brasserie Milles.

De même il aurait appartenu à la SAS Kronenbourg, si elle avait été avertie en temps utile par Mme X ou la société Brasserie Milles de cette difficulté d'exécution de la convention de mise à disposition du matériel et aussi de la convention de distribution conclue avec la SAS Elidis Boissons, soit :

- de mettre en œuvre la procédure contractuelle prévue pour cette hypothèse à l'article 4 de la convention de distribution signée le 30 août 2006 :

" Toutefois en cas de variation de ces prix (acceptés par le distributeur dans la convention), le distributeur respecte les dispositions du contrat exclusif ci-après reproduit (avis d'un expert désigné par le président de la chambre commerciale du tribunal de grande instance de Strasbourg),

- de mettre en œuvre la procédure de résiliation prévue à l'article 5 du contrat de distribution, lorsque la brasserie constate que le distributeur ne s'acquittait pas de sa mission dans des conditions conformes aux usages loyaux et constants de la profession, après une réunion de concertation.

A défaut de mise en œuvre par la Brasserie Kronenbourg de l'une ou l'autre de ces procédures conventionnelles, celle-ci devait donc poursuivre loyalement l'exécution de cette convention tripartite.

Au demeurant il résulte des déclarations de Mme X dans ses conclusions, que la société Brasserie Milles, à compter du 1er mai 2009, n'a pas modifié à la hausse les tarifs de la bière en fût de marque Kronenbourg 1664, mais aurait seulement cessé de pratiquer une remise gracieuse de 33,33 % qu'elle dit avoir été convenue tacitement antérieurement, avec la société Elidis. Aucun élément produit aux débats ne permet de retenir que cette pratique de la société Elidis de fournir un fût gratuit pour deux commandés par Mme X, était comprise dans le tarif contractuel négocié entre la SAS Kronenbourg et ce distributeur en 2006 ni qu'il était convenu entre les parties qu'elle devait perdurer jusqu'à la fin du contrat, le 30 avril 2011.

Il apparaît aussi, en comparant les factures produites, que le prix unitaire hors taxes, droits et consigne, du litre de bière en fût de 30 litres a baissé entre la facture de la société Elidis du 30 novembre 2008 (3,9468 euro) et celui pratiqué par la SAS Brasserie Milles dans sa facture du 7 avril 2009 (3,8260 euro).

Dès lors il ne pouvait être argué d'une modification à la hausse du prix convenu entre les parties mais seulement, à supposer établi un usage constant relatif à cette remise alléguée, d'une violation de cet usage par le repreneur de la société Elidis, le cas échéant. En toute hypothèse ceci supposait la mise en œuvre de la procédure de concertation susvisée et une demande de modification, par Mme X, de la désignation du distributeur par la société Kronenbourg, ce qui n'a pas été fait.

Il n'est en outre nullement justifié par Mme X d'une mise en demeure adressée par elle à la SAS Brasserie Milles, pour solliciter le maintien de la réduction en nature de 33,33 % pratiquée antérieurement selon elle par la société Elidis, avant la rupture unilatérale du contrat de distribution, par l'approvisionnement substitué de la société Casas Distribution à compter du mois de mai 2009 ni même avant le terme contractuel, le 30 avril 2011.

Elle est donc mal fondée à solliciter, après l'achèvement de l'exécution de contrat, pour la première fois, la résolution judiciaire rétroactive de celui-ci aux torts de la SAS Brasserie Milles, pour un prétendu manquement à un engagement tacite de remise gracieuse qu'aurait souscrit antérieurement la société Elidis à son égard, alors même qu'il n'est pas justifié non plus que cet accord, même à le supposer établi de façon pérenne, avait été porté à sa connaissance de la société Brasserie Milles avant le 30 avril 2011.

Il convient donc de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a constaté les manquements contractuels de Mme X, qui a unilatéralement cessé de s'approvisionner auprès du repreneur de la société Elidis Boissons, seul distributeur désigné par la société Kronenbourg dans le contrat de mise à disposition de matériel, à compter du 1er mai 2009, et l'a condamnée à réparer le dommage ainsi causé à la société Brasserie Milles.

Par contre, faute de toute justification de la saisine par Mme X de la SAS Kronenbourg de cette difficulté d'exécution du contrat de mise à disposition de matériel avant son terme, le 30 avril 2011, comme de toute justification d'une demande de la SAS Brasserie Milles adressée à la SAS Kronenbourg avant cette date, afin qu'elle fasse respecter sa désignation comme distributeur exclusif de la bière en fût de marque 1664 pour le Café Français, il ne peut être imputé à la SAS Kronenbourg aucune faute contractuelle.

En effet il était stipulé à l'article 7 de la convention de distribution du 30 août 2006 :

" La brasserie s'engage à faire respecter la désignation du distributeur dans le cas où le débitant de boissons s'approvisionnerait auprès d'un autre distributeur pour les produits désignés. " Mais la mise en œuvre de cette disposition contractuelle suppose que la brasserie ait eu connaissance en temps utile de ce changement d'approvisionneur ou qu'il lui ait été demandé par le distributeur bénéficiaire de cette clause, d'exécuter son obligation. Or en l'espèce la SAS Brasserie Milles ne justifie d'aucune demande à cet égard adressée à la SAS Kronenbourg avant le terme du contrat de distribution, le 30 avril 2011, ni d'aucune information à ce sujet lui ayant été communiqué.

L'appel en garantie formé par Mme X envers la SAS Kronenbourg est mal fondé, dès lors que la première intervention de celle-ci dans le litige l'opposant à la SAS Brasserie Milles est la lettre du 27 juillet 2011 (pièce n° 15), postérieure à l'achèvement des conventions entre les parties, le 30 avril 2011.

Il convient donc, infirmant de ce chef le jugement déféré, de débouter la SAS Brasserie Milles de ses demandes de condamnation solidaire de la SAS Brasserie Kronenbourg avec Mme X à l'indemniser de son dommage issu de l'inexécution partielle de la convention de mise à disposition de matériel du 21 août 2006.

Le jugement déféré doit par ailleurs être confirmé en ce qu'il a débouté Mme X de sa demande tendant à être relevée et garantie des condamnations encourues à l'égard de la SAS Brasserie Milles par la SAS Kronenbourg. En effet il n'est rapporté la preuve d'aucune faute commise par la SAS Kronenbourg ayant provoqué ou même facilité le manquement contractuel commis par Mme X entre mai 2009 et le 30 avril 2011 vis-à-vis de la société Brasserie Milles.

Le seul fait qu'elle ait ensuite désigné, dans un nouveau contrat applicable à compter du 2 mai 2011, la société Casas Distribution comme son distributeur vis-à-vis de Mme X, ne peut être considéré comme fautif ni en relation avec les faits antérieurs reprochés à cette dernière.

SUR LES DOMMAGES ET INTÉRÊTS :

Ainsi qu'indiqué dans le contrat de mise à disposition de matériel ci-dessus cité en partie, Mme X s'était clairement engagée à acquérir 400 hectolitres de bière en fût de marque Kronenbourg pendant la durée du contrat, soit 5 ans à compter du 1er mai 2006. Elle était également tenue de respecter cet engagement contractuel vis-à-vis du bénéficiaire de la stipulation pour autrui, la société Elidis Boissons, peu important à cet égard qu'aucune sanction particulière n'ait été prévue dans la convention des parties en cas d'inexécution partielle de celle-ci.

Contrairement à ce qu'invoque Mme X, le fait que le contrat ait prévu la possibilité d'un point annuel permettant de " valider la bonne adéquation entre les volumes réalisés à date et les engagements "(sic), ne saurait être interprété comme une possibilité de révision à la baisse du volume de bière arrêté par les parties à 400 hectolitres.

En toute hypothèse il est constant qu'aucun point annuel n'est justifié et qu'il n'a jamais été fixé entre les parties une révision à la baisse de ce volume pendant la durée de l'exécution du contrat, jusqu'au 30 avril 2011. Dès lors ce volume fixé contractuellement s'imposait à Mme X et le distributeur désigné au contrat pouvait légitimement escompter bénéficier de commandes à hauteur de ce volume.

La SAS Brasserie Milles soutient que sur les 400 hectolitres prévus au contrat, Mme X n'a commandé et reçu de la part de la société Elidis puis d'elle-même qu'un volume de 152,50 hectolitres et qu'elle a donc subi une perte de marge sur la vente de 247,50 hectolitres de bière en fût de marque 1664. Ce calcul n'est pas particulièrement contesté par Mme X et doit donc être retenu pour évaluer le dommage subi par le distributeur, que cette dernière doit réparer par application des dispositions combinées des articles 1121, 1142 et 1147 anciens du Code civil.

C'est à tort en effet que le Tribunal de commerce de Perpignan a condamné Mme X à payer des dommages et intérêts à la SAS Brasserie Milles, du chef de l'inexécution du contrat, au visa de l'article 1184 du Code civil, sans prononcer non plus la résolution du contrat ni avoir ordonné son exécution forcée.

La perte de chiffre d'affaires subie par la SAS Brasserie Milles s'élève donc à 382,60 euro par hl x 247,50 hl non vendus à Mme X avant le 30 avril 2011, soit la somme de 94 693,50 euro HT.

Le distributeur prétend réaliser une marge commerciale de 30 % sur le montant de son chiffre d'affaires, qui représenterait en conséquence le montant du manque à gagner qu'il a subi, soit la somme de 28 408,05 euro HT (33 976,02 euro TTC).

Il produit une attestation de son expert-comptable, M. A Hudellet, en date du 7 juillet 2011 (pièce n° 9) selon laquelle la marge moyenne des trois derniers exercices clos n'a jamais été inférieure à 30 % du chiffre d'affaires annuels de la société Brasserie Milles.

Toutefois cette attestation est imprécise, ne distinguant pas notamment la marge nette avant impôt de la marge brute, laquelle inclut notamment des charges directes non exposées du fait de l'absence de livraison. Elle n'indique pas non plus si cette marge s'appliquait sur la vente de bière en fûts de la même manière que pour les autres boissons distribuées. Elle ne précise pas non plus quand s'est achevé l'exercice 2011, alors que le contrat litigieux s'est poursuivi jusqu'au 30 avril 2011 et enfin, elle n'est corroborée par la présentation d'aucun des bilans et comptes de résultats de la société ou ses avis d'impôt sur les sociétés.

Au vu de l'ensemble des éléments produits aux débats, il y a lieu d'évaluer le préjudice subi par la SAS Brasserie Milles du fait de l'inexécution partielle par Mme X de ses engagements contractuels, à compter du mois de mai 2009 jusqu'au 30 avril 2011, à la somme de 5 000 euro HT, soit 5 980 euro TTC.

Il convient donc, réformant de ce chef le jugement déféré, de condamner Mme X, seule, à payer à la SAS Brasserie Milles la somme de 5 980 euro TTC, à titre de dommages et intérêts.

SUR LES FRAIS DE PROCÉDURE ET LES DÉPENS :

Il y a lieu de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a décidé d'allouer à la SAS Brasserie Milles la somme de 1 500 euro sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile, que devra lui payer Mme X, condamnée, seule, aux entiers dépens de première instance et d'appel ; le jugement étant réformé de ces chefs quant à la condamnation solidaire prononcée à l'encontre de la SAS Kronenbourg.

Il n'est pas inéquitable en l'espèce de laisser à la charge de chaque partie les frais de procédure qui ne sont pas compris dans les dépens d'appel.

Par ces motifs, LA COUR, statuant, publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort, vu les articles 6 et 9 du Code de procédure civile, vu les articles 1121, 1134, 1142, 1146, 1147 et 1315, anciens, du Code civil, Vu l'article L. 110-3 du Code de commerce, Infirme le jugement du Tribunal de commerce de Perpignan prononcé le 17 février 2015, mais seulement en ce qu'il a : - condamné solidairement Mme X et la SAS Brasseries Kronenbourg à payer à la SAS Brasserie Milles la somme de 33 976,02 euro TTC à titre de dommages et intérêts, pour l'inexécution du contrat de mise à disposition de matériel, désignant comme entrepositaire-distributeur la société Elidis Boissons Services, aux droits de laquelle vient la SAS Brasserie Milles, - condamné solidairement Mme X et la SAS Brasseries Kronenbourg à payer à la SAS Brasserie Milles la somme de 1 500 euro par application de l'article 700 du Code de procédure civile et aux dépens, Et statuant à nouveau sur les chefs infirmés : - Condamne Mme X à payer à la SAS Brasserie Milles, venant aux droits de la SAS Elidis Boissons Services, la somme de 5 980 euro TTC à titre de dommages et intérêts, pour l'inexécution du contrat de mise à disposition de matériel conclu le 21 août 2006, - Condamne Mme X aux dépens de première instance et d'appel et à payer à la SAS Brasserie Milles la somme de 1 500 euro sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile, au titre des frais irrépétibles exposés en première instance, - Confirme le jugement entrepris pour le surplus, - Rejette toutes autres demandes des parties, Autorise la SCP Philippe Senmartin et associés et Me Alexandre Salvignol, avocats, à recouvrer directement les dépens conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.