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Décisions

CA Riom, 3e ch. civ. et com., 4 janvier 2017, n° 15-01314

RIOM

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Défendeur :

Petavy (ès qual.) , Le Partenaire de l'Habitat (SARL), Financo (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Riffaud

Conseillers :

MM. Juillard, Kheitmi

Avocats :

Mes Pineau, Selarl Juridome, Lacquit

TI Montluçon, du 18 mars 2015

18 mars 2015

Exposé du litige :

Le 6 avril 2012, la société Financo a consenti à M. X un prêt de 18 800 euros (remboursable en 120 mensualités de 263,68 euros, TEG de 7,84 %) accessoire à la vente d'un kit photovoltaïque par la société Le Partenaire de l'Habitat (Le Partenaire).

Le même jour M. X a souscrit le même type de contrat auprès des sociétés Sofinco et Le Partenaire.

Le 14 février 2014 la société Le Partenaire a été placée en redressement judiciaire et Maître Petavy nommé représentant des créanciers.

Ne parvenant pas à obtenir paiement des échéances, la société Financo a assigné M. X en paiement après une mise en demeure du 25 octobre 2013.

Par jugement du Tribunal d'instance de Montluçon en date du 18 mars 2015, M. X a été débouté de sa demande d'annulation de la vente et condamné à payer à la SA Financo une somme de 18 008,96 euros au titre de restitution des sommes versées, le premier juge ayant prononcé la déchéance du droit aux intérêts du prêteur, puis la juridiction a débouté le débiteur de sa demande de délais de paiement et l'a condamné aux dépens et a rejeté les demandes au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

Par déclaration reçue au greffe le 11 mai 2015 M. X a interjeté appel de cette décision.

Ce dernier, par conclusions signifiées par voie de communication électronique le 30 juillet 2015, demande à la cour, au visa des articles 1108 et 1116 du Code civil la réformation de la décision et le prononcé de la nullité du bon de commande du 6 avril 2012 et de constater la nullité du contrat de crédit, de condamner la société Financo à lui restituer la somme de 18 800 euros, de condamner la société Le Partenaire à le garantir de tous paiements de sommes en faveur de la société Financo, à titre subsidiaire, de prononcer la nullité du crédit et en toute hypothèse de confirmer la déchéance du droit aux intérêts, ainsi que le bénéfice des dépens et d'une somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile.

Il fait valoir qu'il a été victime de manœuvres dolosives de la part de la société Le Partenaire lorsqu'il a signé deux contrats d'installation photovoltaïque alors qu'il ne sait pas lire et qu'il est âgé.

En outre, ses revenus de 1 200 euros par mois ne lui permettaient pas de rembourser des mensualités de 537 euros par mois.

Il ajoute que le procès-verbal de fin de chantier a certes été signé, mais sans conscience de la réalité de son engagement, d'autant que les dates évoquées ne peuvent pas correspondre à la réalité de la situation.

Il affirme que le contrat de vente est nul dans la mesure où ne sachant pas lire, il n'a pas pu utiliser sa faculté de renonciation. Dès lors, le contrat principal étant nul, le contrat accessoire l'est également. En toute hypothèse, la société Le Partenaire doit le garantir de toute condamnation à l'égard de la société Financo.

Subsidiairement, si la nullité du contrat de vente n'était pas admise, la cour devrait prononcer la nullité du contrat de crédit pour dol eu égard à son incapacité à lire une convention de prêt, à son âge et à son isolement familial.

Encore plus subsidiairement, il relève l'irrespect de ses obligations par la société Financo s'agissant de la formation du démarcheur (L. 311-8 du Code de la consommation), de la vérification de la solvabilité (L. 311-9) et d'alerte dès le premier manquement (L. 311-12-2) ; l'ensemble conduisant à la déchéance du droit aux intérêts (L. 311-48).

En réponse, la SA Financo, par conclusions signifiées par voie de communication électronique le 14 septembre 2016, sollicite de la cour le prononcé de l'irrecevabilité de l'appel (sans soutenir de moyen juridique à cet égard), et qu'elle dise que ce dernier est mal fondé, que les attestations de l'appelant devront être écartées, que seules les dispositions du Code de commerce sont applicables et à défaut celles du droit civil en ses articles 1905 et suivants, de constater qu'il a été fait sommation à l'appelant de fournir sa déclaration d'impôt et son avis d'imposition pour les revenus 2012 ainsi que les contrats passés avec EDF et ERDF et de tirer les conséquences du refus de communiquer, de condamner M. X à lui payer la somme de 22 629.37 euros et à tout le moins celle de 18 800 euros au titre du capital versé à la société Le Partenaire, outre la capitalisation des intérêts, dans l'hypothèse d'une annulation ou d'une résolution du contrat de vente, mais également le paiement d'une somme de 5 000 euros en remboursement de la perte de bénéfice escompté pour le prêt, l'octroi d'une somme de 5 000 euros pour appel abusif, le rejet de tous délais de paiement (qui ne sont pourtant pas demandés en appel), enfin, le bénéfice des dépens distraits en faveur de maître L. et une somme de 5 000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile.

Aux termes de longues conclusions, principalement constituées d'un catalogue de jurisprudences qui ne sont pas toutes en adéquation avec le litige en cause, la SA Financo soutient qu'il n'y a aucune démonstration d'un dol dont aurait été victime M. X. En effet, il n'est pas avéré que cette personne ne saurait pas lire et son âge de 69-70 ans n'est en rien un moyen juridique propre à démontrer un vice du consentement. Enfin, l'appelant ne bénéficie pas d'un régime de protection et les attestations versées sont de complaisance, notamment celle de son fils.

L'intimée affirme que le contrat en cause relève de l'article L. 110-1 du Code de commerce dans la mesure où il s'agit de production d'électricité par un particulier qui ne l'utilise pas à des fins d'amélioration de son habitat ou qui ne lui profite pas directement. Dès lors, le Code de la consommation doit être écarté et même à supposer que la cour le retienne, elle devrait constater que tous les textes ont été respectés contrairement aux allégations de l'appelant.

Elle rappelle que la possibilité de récupérer la TVA démontre la qualité d'agent économique de l'appelant ainsi que l'admet la jurisprudence européenne.

S'agissant du contrat litigieux, elle affirme qu'il a bien été signé le 6 avril 2012 par l'appelant, que ce dernier a également apposé sa signature sur le procès-verbal de fin de travaux en date du 24 mai 2012 et que dès lors la libération des fonds a pu intervenir sans faute du prêteur.

Elle stigmatise le fait que l'appelant n'ait pas jugé utile de produire, alors qu'il en était sommé, ses contrats de vente d'électricité et les documents fiscaux demandés démontrant ainsi sa mauvaise foi dans la mesure où il a perçu des subventions et des paiements pour sa production électrique alors qu'il ne règle plus ses échéances depuis 2013.

Elle souligne que M. X a réitéré sa volonté de contracter en signant le contrat, en remplissant la fiche de renseignements, en sollicitant le versement des fonds à la société Le Partenaire, en laissant réaliser les travaux et en payant les trois premières échéances.

Elle relève que lors de la souscription du présent contrat l'appelant a présenté des revenus de 1 400 euros par mois et un seul prêt en cours à hauteur de 181 euros par mois, laissant ainsi une large possibilité d'emprunter sans aucun risque d'endettement.

Enfin, elle soutient que le contrat de vente ne lui est pas opposable (article 1165 du Code civil) et qu'en toute hypothèse le capital devra lui être remboursé par M. X.

La société Le Partenaire et Maître Petavy son mandataire judiciaire sollicitent, par conclusions électroniques en date du 28 septembre 2016, la confirmation du jugement, subsidiairement, que la cour constate que seule une fixation de créance au passif de la procédure de liquidation serait susceptible d'intervenir dans l'hypothèse d'une résolution de la vente et qu'il convient, dès lors, de débouter M. X de toutes obligations de faire à l'égard de la concluante et de l'ensemble de ses demandes.

Ils rappellent que l'entreprise avait une activité de maçonnerie et de gros œuvre en dehors de celle liée à l'installation de panneaux photovoltaïques.

Ils relèvent que l'appelant n'a pas effectué de déclaration de créance alors qu'il devrait en justifier pour agir à l'encontre d'une société bénéficiant d'une procédure collective.

En outre, M. X allègue l'existence de manœuvres dolosives mais ne produit aucun élément probant à cet égard et ce n'est pas l'attestation de son frère indiquant qu'il lui faisait ses devoirs lorsqu'ils étaient jeunes qui pourra permettre la résolution de la vente.

Ils retiennent au contraire que l'appelant a signé un ensemble de documents qu'il ne peut plus dénier (contrat et procès-verbal de fin de travaux). L'écoulement du temps entre le contrat initial et la réalisation des travaux permettant largement à M. X de manifester utilement son opposition. Par ailleurs, au regard de la procédure collective, seule une fixation de créance serait possible dans l'hypothèse où la résolution du contrat de vente serait prononcée.

Ils versent à la procédure un autre jugement du tribunal d'instance de Montluçon ayant condamné l'appelant à rembourser la somme de 19 000 euros à la société Sofinco pour le second dossier d'installation photovoltaïque également réalisé par la concluante principale.

Ils indiquent que l'appelant a finalement effectué une déclaration de créance - qui est contestée - auprès de Maître Petavy pour un montant de 52 223,23 euros.

LA COUR se réfère aux écritures des parties pour plus ample exposé du litige et de leurs moyens conformément à l'article 455 du Code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 29 septembre 2016.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur l'irrecevabilité des demandes de M. X

La société Financo invoque l'irrecevabilité des demandes de l'appelant sans fournir le moindre moyen étayé en ce sens.

Dès lors, il y a lieu de déclarer recevable l'appel de M. X.

Sur la législation applicable

Pour voir écartées les règles protectrices édictées par le Code de la consommation, la société Financo invoque les dispositions de l'article L. 110-1 du Code de commerce et, considérant que la production et la revente d'énergie constituent un acte de commerce par nature, soutient que les contrats conclus pour parvenir à la réalisation d'une telle installation de production d'électricité obéissent par accessoire aux règles du droit commercial ou encore à celles du droit civil.

Néanmoins, à l'effet de déterminer si les actes préparatoires à la vente d'énergie électrique constituent des actes de commerce par accessoires, il convient de rechercher si l'installation photovoltaïque litigieuse n'est pas principalement destinée à un usage personnel (Cass. civ. 1re - 25 février 2016 - pourvoi n° 15-10.735)

Cette notion d'usage personnel n'a pas vocation à être appréciée au seul regard de la faculté de la consommation de l'énergie électrique produite par le propriétaire de l'installation mais, en réalité, au regard de l'économie générale de l'opération (puissance installée, rapport entre la production susceptible d'être revendue et montant du financement).

En l'espèce, l'examen du contrat conclu avec la société Le Partenaire montre que la puissance maximale de l'installation qui devait être mise en service s'établissait à 2960 Wc. Cette puissance, qui correspond à celle d'une installation individuelle ménagère, dont l'implantation n'est pas limitée aux zones mal desservies, et non à celle d'une installation industrielle de production d'énergie électrique, ne permet pas de considérer que les conventions contractées pour sa réalisation, qui se traduisent par des échéances mensuelles de 263 euros, revêtent un caractère commercial, l'argumentation fiscale développée Financo, propre à cette matière, se trouvant privée de portée par les constatations sus-énoncées.

Par ailleurs, les conditions particulières de ce contrat font de multiples références aux dispositions du Code de la consommation.

Le contrat de crédit conclu avec Financo indique sur sa première page qu'il s'agit d'un contrat de crédit affecté et précise les modalités de rétractation de l'emprunteur. Cette convention reproduit d'autres dispositions spécifiques au droit de la consommation propres à la résolution, du contrat, au montant de l'indemnité de résiliation et au délai de forclusion.

En fonction de ces constatations, c'est par des motifs pertinents et que la cour adopte, que le premier juge a retenu que Financo, qui a accepté de financer une opération conclue aux termes d'une convention faisant expressément référence aux dispositions du Code de la consommation et a qui a, elle-même, émis une offre de crédit fondée sur les dispositions de ce Code, a ainsi considéré qu'il s'agissait d'un prêt répondant à la définition du crédit à la consommation. Il sera donc approuvé en ce qu'il a considéré que ces deux contrats sont régis par les dispositions de ce Code et non par celle du Code de commerce ou du Code civil.

Enfin, il peut être ajouté que l'appelant n'est pas commerçant et qu'il n'a pas répété à de nombreuses reprises la conclusion de contrats avec ERDF en vue de vendre de l'électricité. Dès lors, cette absence de répétition empêche de caractériser un acte de commerce par nature conformément à l'article L. 110-1 du Code de commerce.

Sur la validité du contrat principal

Il est versé aux débats le bon de commande du 6 avril 2012 pour l'achat des panneaux photovoltaïques, ainsi que le contrat de crédit affecté à cette opération qui porte la même date.

Il n'est pas contestable que ces deux actes portent les signatures manuscrites de M. X de manière parfaitement lisible ne montrant pas qu'elles auraient été apposées par une personne ne sachant ni lire ni écrire, ce qui est pourtant allégué par l'appelant, sans être toutefois démontré. En effet, ce dernier se borne à fournir des attestations de son frère et de son fils qui ne présentent pas d'indépendance suffisante pour établir une forme d'analphabétisme de M. X. Ainsi, son fils indique qu'il s'occupait des courriers et documents administratifs de son père en contradiction avec les affirmations de l'appelant évoquant un isolement social. Quant au frère de M. X, il précise que l'appelant " sait à peine lire et écrire ". En outre, Mme Y, dont on ne sait rien des relations avec l'appelant, atteste que M. X " ne sait pas très bien lire ni écrire " ce qui n'emporte pas la conviction de la cour s'agissant de l'incapacité de M. X à signer utilement un engagement contractuel.

Il n'est pas davantage démontré l'existence de manœuvres dolosives de la part du vendeur ou de la société de crédit à l'égard de l'appelant et le simple fait d'être âgé de 70 ans n'est pas en soit la démonstration d'une faute des cocontractants de M. X. D'autant que le fait d'avoir réitéré son accord à l'opération en cause en signant à nouveau le procès-verbal de fin de travaux et la demande de libération des fonds sont la démonstration que l'appelant avait perçu le sens et l'enjeu des contrats, étant précisé que M. X a disposé d'un temps largement suffisant pour se faire, en tant que de besoin, conseiller entre la signature des contrats et la réalisation des travaux. A cet égard, un délai de quasiment deux mois a été laissé à l'appelant entre ses engagements initiaux (6 avril 2012) et la réception de l'installation photovoltaïque (24 mai 2012). Enfin, il n'est pas établi que l'appelant aurait été victime d'un abus de faiblesse ou se trouverait protégé par une mesure de tutelle, voire de curatelle.

Par ailleurs, le premier juge a relevé à bon escient que le contrat de vente comporte notamment un bordereau de rétractation et mentionne également les articles L. 121-23 à 26 du Code de la consommation et se trouve donc régulier en la forme.

Enfin, la cour remarque que l'existence d'un vice du consentement n'a été soulevée par l'appelant qu'après son assignation le 17 octobre 2013.

Partant, le jugement sera confirmé de ce chef.

Sur la déchéance du droit aux intérêts de Financo

La cour relève que la société Financo ne formalise aucun moyen articulé à l'encontre de la sanction de la déchéance du droit aux intérêts prévue à l'article L. 311-48 ancien du Code de la consommation applicable à l'espèce.

Par ailleurs, c'est à juste titre que le premier juge a relevé l'absence de démonstration de la formation du démarcheur à la prévention du surendettement, outre l'absence de consultation du FICP lors de la souscription du contrat, ainsi que l'absence de l'alerte de l'appelant lors du premier incident de paiement en mai 2013. Or, il s'agit là d'autant de moyens propres à prononcer la déchéance du droit aux intérêts en application des articles L. 311-8 et 9, ainsi que L. 311-22 et L.311-48 du Code de la consommation dans sa version ancienne applicable au présent dossier.

En conséquence, le montant retenu à ce titre par le tribunal n'étant pas utilement critiqué par l'intimée, le jugement sera confirmé.

Par ailleurs, la demande, par la SA Financo, d'application de l'anatocisme prévu par l'article 1154 du Code civil ne peut être admise en raison de la prohibition de cette solution au regard des articles L. 311-22 à 25 du Code de la consommation issus de la loi dite " Lagarde " qui limite strictement les frais et intérêts applicables, d'autant que le prêteur susvisé a été déchu de son droit aux intérêts. Il s'ensuit que cette demande sera rejetée.

Sur le surplus des demandes

La SA Financo, qui ne démontre pas que M. X a fait dégénérer en abus la faculté qui lui était ouverte de saisir le deuxième degré de juridiction, sera déboutée de sa demande en paiement de dommages et intérêts.

Succombant en appel comme en première instance M. X devra supporter les dépens d'appel et de première instance qui seront distraits en faveur de maître L., mais toutefois, en équité, la demande d'indemnité sollicitée par la société Financo au titre des frais de procès sera rejetée.

Par ces motifs : LA COUR, statuant publiquement, après en avoir délibéré, par arrêt contradictoire et en dernier ressort, mis à la disposition des parties au greffe de la juridiction ; Déclare recevable l'appel de M. Henri D. ; Confirme le jugement, Y ajoutant ; Rejette la demande de capitalisation des intérêts de la SA Financo au titre de l'article 1154 du Code civil ; Déboute la SA Financo de sa demande de dommages et intérêts pour appel abusif et vexatoire ; Condamne M. Henri D. aux dépens d'appel avec distraction en faveur de Maître Lacquit avocat, mais rejette la demande de la SA Financo au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ; Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.