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Décisions

CA Rennes, 1re ch., 3 janvier 2017, n° 15-06282

RENNES

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

La Cotière (SCI)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Présidents :

M. Beuzit, Conseillers : M. Janin, Mme Jeorger-Le Gac

TGI Brest, du 17 juin 2015

17 juin 2015

FAITS ET PROCÉDURE:

La SCI La Cotière a, le 2 février 2011, conclu avec M. Nicolas Le L., par l'entremise de la société Foncia Janin, un compromis de vente d'un appartement de type F3 dont elle était propriétaire à [...], pour le prix de 178 000 euros, outre rémunération de l'agent immobilier pour la somme de 13 000 euros qui a été versée entre les mains de celle-ci constituée séquestre.

La vente était soumise à la condition suspensive d'obtention par l'acquéreur d'un prêt de 170 000 euros au taux de 5 % l'an; la réitération par acte authentique était convenue devoir intervenir avant le 29 avril 2011.

M. le L. a obtenu le 8 avril 2011 un accord de financement par le Crédit Mutuel de Bretagne; il a cependant informé le notaire de ce qu'il ne pouvait signer l'acte authentique dès lors qu'il n'avait pas été informé complètement des causes de travaux récents dans la salle de bains qu'il avait constatés après la conclusion du compromis, et sur les travaux de réfection de toiture de l'immeuble d'où provenaient les désordres dans la salle de bains, effectués en début d'année 2011 et dont il n'avait appris l'existence que peu avant la date prévue pour la régularisation de l'acte.

Cette régularisation n'ayant pas eu lieu, la SCI La Cotière a, le 3 janvier 2012, fait assigner M. Le L. devant le tribunal de grande instance de Brest pour voir prononcer la résolution de la vente aux torts de l'acquéreur, outre indemnisation de ses préjudices.

La société Foncia Janin est intervenue volontairement à l'instance.

Par jugement du 17 juin 2015, le tribunal a: constaté le désistement de la société Foncia Janin de son intervention volontaire, déclaré irrecevable la demande d'indemnité au titre de l'article 700 du Code de procédure civile formée par M. Le L. contre la société Foncia Janin, prononcé la nullité de la vente intervenue entre la SCI La Cotière et M. Le L. suivant le compromis du 2 février 2011, condamné la SCI La Cotière à verser à M. Le L. la somme de 13 000 euro, avec intérêts au taux légal à compter de la décision, en restitution de l'acompte séquestré entre les mains de la société Foncia Janin, condamné la SCI La Cotière à verser à M. Le L. la somme de 1 652,34 euros à titre de dommages-intérêts, condamné la SCI La Cotière à verser à M. Le L. la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, débouté les parties de leurs autres demandes, dit n'y avoir lieu à exécution provisoire, condamné la SCI La Cotière aux dépens, avec de l'article 699 du Code de procédure civile.

La SCI La Cotière a interjeté appel de ce jugement le 3 août 2015.

Par conclusions du 31 août 2016, auxquelles il sera renvoyé pour l'exposé des moyens et arguments, elle demande à la cour: d'infirmer le jugement déféré, de dire que M. Le L. ne prouve pas avoir rempli ses obligations, de prononcer en conséquence, la caducité de la vente aux torts de celui-ci, de dire qu'il ne peut y avoir vente de la chose d'autrui dans la mesure où la vente est caduque, de dire, concernant la propriété de la salle de bains, que M. Le L. ne prouve pas l'existence d'un grief, de dire que l'indemnité prévue au contrat est due, de condamner M. Le L. à lui verser la somme de 36 181,65 euros à titre de dommages-intérêts, de juger la demande d'indemnité à hauteur de 30 000 euros sollicitée par M. Le L. nouvelle en appel et la déclarer irrecevable, de débouter M. Le L. de toutes ses demandes, de le condamner à lui payer la somme de 4 500 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, de le condamner aux dépens, avec faculté de recouvrement direct comme prévu à l'article 699 du même code.

Par conclusions du 25 août 2016, auxquelles il sera renvoyé pour l'exposé des moyens et arguments, M. Le L. demande à la cour: de confirmer le jugement déféré, de débouter la SCI La Cotière de ses demandes, de la condamner à lui payer la somme de 30 000 euros à titre de dommages-intérêts, de la condamner à lui payer la somme de 3 500 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, de la condamner aux entiers dépens, qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du même code.

La clôture de l'instruction de l'affaire a été prononcée le 4 octobre 2016.

Motifs de la décision de la cour:

Le bien vendu à M. Le L., sous condition suspensive d'obtention de prêt, par l'acte sous seing privé du 2 février 2011, était désigné comme étant un appartement comportant un salon-séjour avec cuisine ouverte, un wc, deux chambres et une salle de bains, situé au 2ème étage du bâtiment A, qui constituait les lots n°s 10 et 11 de la copropriété de l'immeuble du [...], outre les millièmes de parties communes correspondant à ces lots.

Or, la SCI la Cotière a, à la suite de l'échec de la vente à M. Le L., cédé les lots n°s 10 et 11 à M. Jacques O. selon un acte reçu le 26 novembre 2014 par Me Gaëtan R., notaire à Plancoët, et il s'est avéré à l'occasion de cette vente que le lot n° 10, au 2ème étage du bâtiment A, [...], était constitué d'un logement d'une pièce et le lot n° 11, au même étage du même bâtiment, d'un appartement de deux pièces.

Selon cet acte, il était vendu en outre à M. O. une salle de bains constituant le lot n° 21, au 2ème étage du bâtiment A d'une copropriété du [...].

Et l'origine de propriété qui y était rapportée indiquait que la partie située au [...] avait été acquise par la SCI La Cotière le 5 janvier 2007, tandis que celle-ci n'était devenue propriétaire de la partie située au [...] que le 15 octobre 2014, pour l'avoir achetée, suivant un acte reçu par Me R., au syndicat de copropriétaires de l'immeuble auquel elle appartenait comme constituant alors un élément des parties communes de l'immeuble.

Il apparaît ainsi que, contrairement à ce qu'énonçait l'acte sous seing privé du 2 février 2011, soit la salle de bains ne figurait pas dans les lots n°s 10 et 11 dont M. Le L. faisait l'acquisition, soit celle qui y était mentionnée n'appartenait pas alors au vendeur, qui ne possédait aucun droit, même conditionnel, sur ce bien, ce pourquoi précisément il l'a acquis le 15 octobre 2014.

Dans tous les cas, la SCI La Cotière n'était ainsi pas en mesure de délivrer, à la date à laquelle il était convenu que la vente devait être réitérée, ce qu'elle s'était engagée à vendre.

Et à l'évidence, l'existence d'une salle de bains dans un appartement destiné à l'habitation était une qualité substantielle de la chose vendue, de sorte que la nullité de la vente résultant de l'acte du 2 février 2011 est encourue sur le fondement des articles 1109 et 1110 du Code civil ancien, ainsi que le soutient M. Le L., dès lors que son consentement a été vicié par l'erreur sur une telle qualité.

Si une telle nullité est relative, c'est au sens où elle est édictée en faveur de l'acheteur qui peut, et lui seul, l'invoquer, mais sans avoir, contrairement à ce que soutient la SCI La Cotière, à justifier d'un grief.

Dès lors que la vente contenue à l'acte du 2 février 2011 est nulle, ce dont il résulte que cette vente n'a pas existé, la demande de la SCI La Cotière tendant à en voir prononcer, a posteriori, la caducité, alors même d'ailleurs qu'elle soutient en page 21 de ses conclusions que la vente était parfaite, est dépourvue de fondement.

Le jugement déféré doit donc être confirmé en ce qu'il a prononcé la nullité de la vente.

Celle-ci entraîne la restitution à M. Le L. de la somme de 13 000 euros qu'il avait versée à titre d'acompte sur le prix de vente, et le jugement sera confirmé sur ce point également.

Elle a également pour conséquence la nullité de la clause pénale contenue à l'acte du 2 février 2011.

La SCI La Cotière ne démontre d'autre part, aucune faute imputable à M. Le L. relativement à des travaux de réfection, pour un coût au demeurant très modeste, dans une salle de bains qui ne lui appartenait alors pas, ni ne justifie d'un préjudice causé par l'immobilisation et le défaut de location d'un bien destiné à l'habitation, mais dépourvu de salle de bains jusqu'à ce qu'elle fasse l'acquisition de celle-ci le 15 octobre 2014; sa demande d'indemnisation de ces chefs sera rejetée.

S'agissant de la demande de dommages-intérêts formée par M. Le L., l'exception d'irrecevabilité soulevée par la SCI La Cotière au motif que cette demande serait nouvelle en cause d'appel sera rejetée au constat que M. Le L. avait présenté une demande indemnitaire devant le tribunal, qui l'a partiellement accueillie.

Il est constant que si l'acquisition qu'envisageait de faire M. Le L. c'est dans un premier temps heurtée à des difficultés relatives au constat qu'il avait fait d'une importante humidité, d'infiltrations dans la salle de bains et à l'information qu'il avait reçue, au mois d'avril 2011, de ce que des travaux de reprise en toiture avaient été effectués sur une décision de l'assemblée générale des copropriétaires de l'immeuble en décembre 2010, il l'est aussi que cette acquisition a été rendue définitivement impossible lorsqu'il est apparu que la salle de bains en cause ne pouvait être acquise.

S'il est possible que la SCI La Cotière ait pu n'apprendre elle-même cette circonstance que courant 2014, c'est alors par négligence de sa part puisqu'elle pouvait s'assurer de la consistance de sa propriété, et elle avait par ailleurs nécessairement connaissance des travaux de toiture, et de leur cause, les infiltrations constatées, lors de la signature du compromis de vente le 2 février 2011.

M. Le L. s'est ainsi trouvé, depuis 2011, dans une situation litigieuse qui perdure jusqu'à ce jour par l'attitude fautive de la SCI La Cotière; le préjudice moral et matériel qu'il a subi sera réparé par l'allocation de la somme de 5 000 euros à titre de dommages-intérêts, le jugement étant, sur ce point, infirmé.

Il sera en revanche confirmé en ses dispositions sur les dépens de première instance et les frais non compris en ceux-ci.

S'agissant de l'instance d'appel, la SCI La Cotière sera condamnée aux dépens, ainsi qu'à payer à M. Le L. la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

Par ces motifs: La Cour, Après rapport fait à l'audience; Confirme le jugement déféré, sauf en ce qu'il a condamné la SCI La Cotière à verser à M. Nicolas Le L. la somme de 1 652,34 euros à titre de dommages-intérêts; Statuant à nouveau: Condamne la SCI La Cotière à verser à M. Nicolas Le L. la somme de 5 000 euros à titre de dommages-intérêts; Condamne la SCI La Cotière à verser à M. Nicolas Le L. la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile; Rejette toutes autres demandes; Condamne la SCI La Cotière aux dépens d'appel, qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.