CA Amiens, ch. économique, 12 janvier 2017, n° 15-02927
AMIENS
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Transports D. (EURL)
Défendeur :
Liebherr Malaxage & Techniques (SAS)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Gilibert
Conseillers :
Mmes Pelissero, Paulmier-Cayol
DECISION
Vu le jugement en date du 28 mai 2015 par lequel le tribunal de commerce de Soissons statuant sur la demande formée par l'EURL Transports D., a :
- débouté l'EURL Transports D. de ses demandes ;
- l'a condamnée à payer à la SAS Liebherr Malaxage & Techniques la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;
- condamné la SAS Liebherr Malaxage & Techniques aux dépens(sic).
Vu l'appel interjeté par l'EURL Transports D. le 15 juin 2015 ;
Vu les conclusions signifiées par voie électronique le 13 juin 2016 par lesquelles l'EURL Transports D., appelante, demande à la Cour de :
- infirmer le jugement entrepris ;
- la déclarer recevable et bien fondée en son appel ;
- condamner la SAS Liebherr Malaxage & Techniques à exécuter son obligation de délivrance conforme à la commande en remplaçant la bétonnière HTM 804 LTB Nock par une bétonnière HTM 804 Nock et ce, sous astreinte de 1000 euros par jour de retard à compter de l'expiration d'un délai d'un mois après la signification de l'arrêt à venir ;
- la condamner à lui verser la somme de 273 546,32 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice financier (manque à gagner) subi par elle du fait du défaut de conformité de la chose vendue et de la résistance abusive depuis la 26e semaine de 2012 ;
- la condamner à lui verser la somme de 8 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, outre le remboursement des frais et honoraires de l'expertise judiciaire ;
- la condamner aux entiers dépens dont distraction au profit de la SCP M. P., avocat aux offres de droit et autoriser ce dernier à recouvrer directement à l'encontre de la partie condamnée, les dépens dont il a fait avance, sans en avoir reçu provision et ce, en vertu de l'article 699 du Code de procédure civile.
Vu les conclusions signifiées par voie électronique le 09 mai 2016 par lesquelles la SAS Liebherr Malaxage & Techniques, intimée, demande à la Cour de :
- confirmer le jugement du tribunal de commerce de Soissons du 28 mai 2015 en qu'il a débouté l'EURL Transports D. de se demandes ;
- constater que la bétonnière de type HTM 804 Nock livrée est conforme à la commande de l'EURL Transports D. ;
- constater que cette dernière n'est pas fondée à lui reprocher un manquement à son obligation de délivrance conforme ;
- débouter l'EURL Transports D. de toutes ses demandes, fins et conclusions ;
- infirmer le jugement du tribunal de commerce de Soissons en date du 28 mai 2015 en ce qu'il a condamné la SAS Liebherr Malaxage & Techniques aux dépens ;
- condamner l'EURL Transports D. à payer à la SAS Liebherr Malaxage & Techniques la somme de 6000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile ;
- condamner l'EURL Transports D. aux entiers frais et dépens dont distraction au profit de Maître Jérôme LE R. sur son affirmation de droit.
Vu l'ordonnance de clôture en date du 12 septembre 2016;
Pour plus ample exposé des moyens invoqués par les parties il est en application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile fait renvoi aux conclusions susmentionnées.
Ceci étant expose, La Cour,
Le 12 avril 2012, la SAS Liebherr Malaxage & Techniques a émis une offre à l'attention de l'un de ses clients, l'EURL Transports D. concernant une bétonnière portée " type HTM 804 LTB/Nock ", devant être installée sur un véhicule porteur par un carrossier. Cette dernière a alors accepté l'offre en précisant de façon manuscrite " Bétonnière déjà chez D. SA Bon pour commande ".
La commande est ensuite validée par la SAS Liebherr Malaxage & Techniques et confirmée le 03 mai 2012 par l'EURL Transports D.
Toutefois, l'EURL Transports D. a constaté, dès la réception de la bétonnière le 25 janvier 2013, que celle-ci était d'une capacité inférieure et qu'elle présentait, en raison de la surélévation de son centre de gravité une instabilité dans les virages et sur les terrains présentant une dénivellation. De même, la bétonnière serait sujette à des pertes de béton lors des démarrages du véhicule. L'EURL Transports D. a en conséquence saisi le juge des référés du tribunal de commerce de Soissons d'une demande d'expertise, laquelle a été ordonnée le 2 avril 2013.
En se fondant sur le rapport de l'expert, l'EURL Transports D. a assigné la SAS Liebherr Malaxage & Techniques devant le tribunal de commerce de Soissons par acte en date du 7 novembre 2014.
C'est dans ces conditions que le tribunal de commerce de Soissons a, par un jugement en date du 28 mai 2015, débouté l'EURL Transports D. de ses demandes et l'a condamnée à verser à la SAS Liebherr Malaxage & Techniques la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.
Sur ce,
Sur la conformité de la délivrance
L'EURL Transports D. soulève le défaut de conformité de la bétonnière commandée. Elle sollicite le remplacement de la bétonnière HTM 804 LBT Nock par une bétonnière HTM 804 Nock dont la contenance est plus importante, cela sous astreinte de 1000 euros par jour de retard à compter de l'expiration d'un délai d'un mois après la signification de l'arrêt à intervenir.
L'EURL Transports D. fait valoir qu'elle avait déjà commandé une bétonnière 804 HTM Nock dont les critères correspondaient à ces exigences. Ainsi, son acceptation de l'offre émise par la SAS Liebherr Malaxage & Techniques en date du 12 avril 2012 ne concernait que les accessoires et non la nouvelle bétonnière 804 LBT NOCK, d'où sa mention manuscrite sur le document : " Bétonnière déjà chez D. SA Bon pour commande ". L'appelante ajoute que la bétonnière initialement commandée HTM 804 Nock se trouvait alors chez le carrossier aux fins de l'installer sur un véhicule porteur.
La société appelante précise que de surcroit, la bétonnière effectivement livrée présente un centre de gravité différent. Elle est surélevée, ce qui rend son utilisation dangereuse. Son taux de remplissage est moindre que la bétonnière initiale (7,5m3 au lieu de 8m3). L'EURL Transports D. affirme en outre que la bétonnière rejette du béton sur la chaussée, alors même que le taux de remplissage est respecté (7,5m3). Elle estime sur ce point avoir été insuffisamment renseignée. Elle fait aussi valoir que les plaques apposées sur la bétonnière sont trompeuses car elles n'indiquent pas sa référence précise permettant de l'identifier correctement.
Enfin, l'EURL Transports D. souligne que la livraison a eu lieu avec six mois de retard par rapport à ce qui avait été convenu entre les parties (26ème semaine de l'année 2012), et qu'elle a immédiatement, dès la réception, informé la SAS Liebherr Malaxage & Techniques que la livraison ne correspondait pas à ses attentes.
En conséquence, l'EURL Transports D. demande l'indemnisation de son préjudice financier à hauteur de 273.546,32 euros correspondant au manque à gagner et à la résistance abusive de la SAS Liebherr Malaxage & Techniques.
La SAS Liebherr Malaxage & Techniques estime quant à elle que la bétonnière livrée est parfaitement conforme au produit précisément décrit au sein de l'offre acceptée par l'acheteur. Elle fait valoir que le rapport d'expertise n'a décelé aucune dangerosité inhérente à la bétonnière 804 LBT Nock et que le rejet de béton sur la chaussée provient d'un usage non conforme par l'EURL Transports D. Enfin, la SAS Liebherr Malaxage & Techniques estime que les dispositions relatives au délai de livraison contenues dans le contrat ne sont qu'indicatives et n'a donc pas commis de faute en ne respectant pas la date indiquée.
L'article 1604 du Code civil dispose que la délivrance est le transport de la chose vendue en la puissance et possession de l'acheteur.
L'obligation de délivrer une chose conforme consiste pour le vendeur à livrer le bien voulu par l'acheteur, c'est-à-dire un bien correspondant aux caractéristiques souhaitées et spécifiées, sur lesquelles les parties s'étaient mises d'accord.
En l'espèce, l'EURL Transports D., entreprise spécialisée dans le transport de béton, a bien accepté l'offre de la SAS Liebherr Malaxage & Techniques qui concernait une bétonnière portée " type HTM 804 LTB/Nock ". Ladite offre comportait la description précise des caractéristiques techniques du produit (en page 4).
L'imprécision de la formule manuscrite apposée par le gérant de l'EURL Transports D. sur l'offre " Bétonnière déjà chez D. SA Bon pour commande " (page 2) ne permet pas de déduire que l'acceptation ne se limitait qu'aux pièces accessoires. D'autant plus que l'EURL a par la suite expressément confirmé sa commande par télécopie le 3 mai 2012 pour une bétonnière 804 LTB 12. Sa seule réserve portait sur la contenance du réservoir d'eau qu'il souhaitait plus importante. Dans ces conditions, il apparaît sans importance que le nom exact du modèle commandé n'apparaisse pas sur le bon de livraison du 29 janvier 2013 ou sur les plaques apposées sur la bétonnière.
Concernant la dangerosité du produit, il ressort de l'expertise (p. 24) que le risque de rejet du béton sur la chaussée résulte d'un trop plein dans la cuve et d'un usage non recommandé de l'appareil.
L'EURL Transports D. conteste toutefois remplir la cuve au-delà des seuils recommandés. L'appelante produit à l'appui de son affirmation différents témoignages venant accréditer que le béton est rejeté sur la chaussée malgré un remplissage à hauteur seulement de 7m3.
Toutefois, l'expertise établit que la bétonnière livrée présente une sécurité comparable à l'ancien modèle 804 (p. 25).L'expert précise en effet qu'en dehors d'une utilisation avec un chargement d'un volume de béton de 8m3, non prévu par le constructeur qui limite ce volume à 7,5m3, ce qui impose d'augmenter l'inclinaison de la cuve; aucune dangerosité intrinsèque n'a été détectée.
Concernant le délai de livraison, les stipulations contractuelles prévoient bien une date qui n'est qu'indicative puisqu'il est stipulé " semaine 26/2012 + 4 semaines de carrossage, sauf commandes tierces enregistrées entre temps ".
Au vu des éléments qui précèdent, la bétonnière HTM 804 LTB/Nock délivrée est bien conforme au contrat conclu entre les parties. L'EURL Transports D., en tant que spécialiste du transport de béton, ne saurait prétendre avoir été insuffisamment renseignée à propos de cette commande.
La Cour rejettera la demande de l'EURL Transports D. tendant à voir constater le défaut de conformité de la bétonnière livrée par rapport aux prévisions contractuelles. La Cour rejettera par voie de conséquence la demande d'indemnisation de son préjudice économique relatif à un manque à gagner, ainsi que celle concernant la résistance abusive.
Le jugement sera en conséquence confirmé en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'il a condamné la SAS Liebherr Malaxage & Techniques aux dépens dont frais de greffe liquidés à la somme de 70,20 euros.
Sur les dépens et les sommes demandées sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile
L'EURL Transports D. qui succombe en ses prétentions supportera les dépens de première instance et d'appel et se verra condamnée au paiement d'une somme au titre de l'article 700 du code de procédure civile à hauteur de 1000 euros pour la procédure d'appel.
La Cour statuant publiquement par arrêt contradictoire, mis à disposition au greffe, Confirme le jugement rendu le 28 mai 2015 par le tribunal de commerce de Soissons sauf en ce qu'il a condamné la SAS Liebherr Malaxage & Techniques aux dépens dont frais de greffe liquidés à la somme de 70,20 euros ; Statuant à nouveau du chef infirmé et y ajoutant, Condamne l'EURL Transports D. à payer à la SAS Liebherr Malaxage & Techniques la somme de 1000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile pour la procédure d'appel ; Condamne l'EURL Transports D. aux dépens de première instance et d'appel dont distractions au profit de Maître Jérôme LE R., avocat, selon les dispositions de l'article 699 du Code de Procédure Civile.