CA Versailles, 1re ch. sect. 1, 12 janvier 2017, n° 15-00014
VERSAILLES
Arrêt
Infirmation partielle
PARTIES
Demandeur :
Nature et Découvertes (SA)
Défendeur :
Smart/ NV (SA) , Smart Products (SA)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Palau
Conseillers :
Mmes Lelievre, Lauer
Vu le jugement rendu le 27 novembre 2014 par le tribunal de grande instance de Nanterre qui a :
- déclaré irrecevable l'exception de nullité de l'assignation soulevée au fond,
- rejeté le surplus des exceptions de procédures soulevées,
- condamné la société Nature et découvertes à payer à M. De G. une indemnité de 35 603 euros au titre de la contrefaçon du jouet Roller Coaster,
- condamné la société Nature et Découvertes à payer aux sociétés Smart Products et Smart une somme totale de 122 638 euros au titre des dommages-intérêts du fait de la commercialisation du jouet Boulier Vague et une indemnité totale de 21 129 euros à titre de dommages-intérêts du fait de la commercialisation du jouet cube roulant multi jeux,
- condamné la société Nature et découvertes à payer M. De G. et aux sociétés Smart et Smart Products une indemnité totale de 10 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens,
- ordonné l'exécution provisoire.
Vu l'appel de cette décision relevé le 30 décembre 2014 par la société Nature et Découvertes qui dans ses dernières conclusions notifiées le 6 octobre 2016 demande à la cour de :
A titre principal :
- dire et juger que les sociétés Smart et Smart Products sont irrecevables en leurs demandes,
A titre subsidiaire :
- réformer l'évaluation du préjudice prétendument subi par les sociétés Smart du fait des actes de concurrence déloyale retenus par le tribunal et évaluer à un montant plus juste ce préjudice, à savoir au montant de 100 136 euros correspondant à la perte de marge nette subi par les sociétés Smart du fait de la commercialisation des jouets boulier vague et boulier géant par Nature et découvertes,
- débouter M. De G. et les sociétés Smart et Smart Products de leur appel incident et de toutes leurs demandes,
A titre infiniment subsidiaire :
- nommer tel expert que le tribunal choisira aux fins de lui confier la mission d'évaluer les dommages-intérêts auxquels M. De G. et les sociétés Smart et Smart products prétendent avoir droit,
- rejeter toutes demandes plus amples,
- condamner les sociétés Smart et Smart Products ainsi que M. De G. in solidum à verser à la société Nature et découvertes la somme de 20 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,
- condamner les sociétés Smart et Smart products ainsi que M. De G. aux entiers dépens.
Vu les dernières conclusions notifiées le 9 octobre 2015 par les sociétés Smart et Smart products ainsi que M. De G. qui demandent à la cour de :
- débouter la société Nature et découvertes de l'ensemble de ses demandes,
- réformer le jugement sur les points suivants:
- condamner la société Nature et Découvertes à verser aux sociétés Smart et Smart products la somme de 525 000 euros en réparation de leur préjudice personnel subi à cause de la commercialisation de copies des jouets Big eight et Trio,
- condamner la société Nature et découvertes à verser aux sociétés Smart et Smart products la somme de 128 852 euros en réparation du préjudice subi du fait de la commercialisation de copie du jouet Roller coaster
- condamner la société Nature et Découvertes à verser aux sociétés Smart et Smart Products la somme de 350 000 euros en réparation du préjudice subi à raison de la concurrence déloyale et du parasitisme,
- condamner la société nature et Découvertes à payer la somme de 20 000 euros aux sociétés Smart et Smart Products ainsi que M. De G. en remboursement de leurs frais irrépétibles d'instance ainsi qu'aux entiers dépens.
SUR CE, LA COUR
Considérant que les sociétés Smart, Smart Products et M. De G. ont fait assigner devant le tribunal de grande instance de Nanterre, en responsabilité et indemnisation, la société Nature et Découvertes sur le fondement des dispositions des articles L. 111-1 et suivants du Code de la propriété intellectuelle ainsi que les articles 1382 et 1383 du Code civil par acte du 8 décembre 2011 ;
Considérant qu'au soutien de leurs demandes, ils ont fait valoir que la société Nature et Découvertes avait contrefait trois jouets sur lesquels M. Marcel de G. disposait de droits privatifs de propriété intellectuelle tandis que les sociétés Smart et Smart products étaient ses licenciés exclusifs ; que M. Marcel de G. avait été indemnisé de son propre préjudice par arrêt de la cour d'appel de Versailles du du 14 février 2008 concernant les jouets Big eight et Trio ; qu'il n'avait toutefois pas pu s'apercevoir à temps que la société Nature et Découvertes avait également contrefait son jouet Roller coaster de sorte qu'il n'avait pu être indemnisé à ce titre ; quant aux sociétés Smart et Smart products, elles ont soutenu que bien qu'étant intervenues en cause d'appel au soutien des demandes de M. Marcel de G., elles n'ont jamais été indemnisées de leurs propres préjudices nés du trouble subi dans la commercialisation des jouets sur lesquels elles bénéficiaient de licences exclusives ;
Que par le jugement dont appel, il a partiellement été fait droit à leur demande ;
Sur l'autorité de la chose jugée
Considérant que l'appelant fait valoir que les demandes de M. Marcel de G. et des sociétés Smart se heurtent à l'autorité de la chose jugée par l' arrêt de la cour d'appel de Versailles du du 14 février 2008 ; qu'en effet les trois conditions de l'autorité de la chose jugée au sens de l'article 1351 du Code civil sont remplies ; Qu'en effet, " la chose demandée " est la même dans la procédure de 2008 ; qu'il s'agit en effet de condamner Nature et Découvertes à des dommages-intérêts en réparation d'actes de contrefaçon de droits d'auteur sur les modèles Big eight et Trio ; que " les demandes sont fondées sur les mêmes causes puisqu'elles ont trait à des griefs de contrefaçon de droits d'auteur pour les mêmes jeux ; qu'enfin, les parties sont les mêmes et que les demandes sont formées par elles et contre elles en la même qualité " ;
Considérant que les intimés répliquent que le juge de première instance a exactement jugé que : " la présente instance a pour objet d'obtenir la réparation du préjudice causé à M. De G. par la contrefaçon du jouet roller coaster et la réparation du préjudice des sociétés Smart en leur qualité de licenciées exclusives, sur le fondement de l'article 1382 et 1383 du Code civil du fait de la fabrication et de la commercialisation des jouets Big eight, Trio et roller coaster "; que " les demandes dans la présente instance sont relatives d'une part à la contrefaçon du jouet Roller coaster et d'autre part à la concurrence déloyale subie par les sociétés Smart sur les jouets Big eight et Trio ; que la cour d'appel de Versailles n'a pas statué sur ces demandes qui ne sont donc pas affectées de l'autorité de la chose jugée ;
Mais considérant que selon arrêt du 14 février 2008, communiqué par la société Nature et Découvertes en pièce n° 2, la cour d'appel de Versailles a notamment confirmé le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Versailles le 7 novembre 2006 en ce qu'il a dit qu'elle avait commis des actes de contrefaçon des jeux " Big eight " et " Trio ", émendé celui-ci sur le montant des dommages et intérêts en réparation du préjudice subi par M. Marcel de G. du fait de la contrefaçon de ces deux jouets et infirmé le jugement en ce qu'il a condamné la société Nature et Découvertes au titre de la concurrence déloyale en déboutant M. Marcel de G. de sa demande à ce titre ;
Considérant que le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Versailles le 7 novembre 2006 et communiqué par l'appelante en pièce n° 1 montre que les sociétés Smart et Smart products n'ont pas été assignées en première instance quand bien même elles sont intervenues volontairement à l'instance d'appel ; qu'elles n'ont toutefois formulé aucune demande dans le cadre de cette instance ;
Considérant qu'il est donc établi que la cour d'appel de Versailles n'a jamais statué sur les actes de concurrence déloyale que reprochent, dans le cadre de la présente instance, les sociétés Smart et Smart products à la société Nature et Découvertes ; que le jugement déféré sera donc confirmé en ce qu'il a rejeté l'exception de fin de non-recevoir relative à l'autorité de la chose jugée par l' arrêt de la cour d'appel de Versailles du du 14 février 2008 ;
Sur la prescription de l'action en contrefaçon et de l'action en concurrence déloyale
Considérant que l'appelant fait valoir que ces actions se prescrivent par 5 ans à compter du jour où le titulaire du droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer depuis la loi du 19 juin 2008; Que cependant il faut, selon elle, appliquer l'ancien article 2270-1 du Code civil qui prescrit ces actions par 10 ans ; que M. De G. a eu connaissance de l'existence de la commercialisation par Nature et Découvertes du jeu " Boulier géant " au printemps été 1999 ; que ce dernier avait des liens très étroits avec les sociétés Smart notamment ; qu'ils avaient le même représentant légal à cette époque ; que les sociétés Smart auraient dû agir sur ces fondements au cours de la période s'écoulant entre le printemps-été 1999 et celui de 2009 ; qu'en agissant le 9 mai 2011, la prescription était acquise rendant les sociétés Smart irrecevables ;
Que les intimés répliquent que la prescription invoquée ne concerne que le jeu Big eigth, et n'est opposée qu'à la seule société Smart ; que de plus, M. De G. n'a eu connaissance de cette contrefaçon qu'en 2001, date à laquelle il a mis en demeure Nature et Découvertes ; que c'est à cette période qu'il a informé ses licenciés des agissements de Nature et découvertes ; que par conséquent, la prescription n'était pas acquise ;
Mais considérant que le jugement déféré rappelle exactement que l'action en contrefaçon des droits d'auteur comme l'action en concurrence déloyale se prescrivent à l'expiration d'un délai de 10 ans, en application de l'ancien article 2270-1 du Code civil, abrogé par la loi du 17 juin applicable pendant la période transitoire ; qu'en outre l'article 2241 du Code civil énonce que la demande en justice, même en référé, interrompt la prescription ainsi que le délai de forclusion ;
Considérant qu'il n'est pas contesté que la société Smart a délivré une première assignation devant le Tribunal de grande instance de Versailles le 9 mai 2011 ; qu'en suite de l'incompétence de cette juridiction, une seconde assignation a été délivrée devant le Tribunal de grande instance de Nanterre le 8 décembre 2011 ;
Considérant que si la société Nature et Découvertes fait valoir que si M. Marcel de G. a eu connaissance de l'existence de la commercialisation par la société Nature et Découvertes du jeu " boulier géant" au printemps-été 1999, date du catalogue dans lequel ce jouet a présenté, cette affirmation n'est assortie d'aucune offre de preuve ; qu'en effet, aucun élément du dossier ne prouve que M. Marcel de G. ait effectivement eu connaissance de cette commercialisation à la date de publication du dit catalogue ; qu'au contraire la société Nature et Découvertes ne prouve en aucune manière que M. Marcel de G. ait eu connaissance de cette commercialisation avant la mise en demeure qu'il lui a adressée le 10 octobre 2001 ; que le jugement déféré sera donc confirmé en ce qu'il a rejeté la fin de non-recevoir relative à la prescription, l'assignation du 9 mai 2011 en ayant interrompu le cours
Sur les préjudices des sociétés Smart et Smart products
- Du fait des actes de concurrence déloyale
Considérant que les demandes des sociétés Smart concernent les jouets Big eight et Trio que la cour d'appel de Versailles dans son arrêt du 14 février 2008 a reconnu contrefaits par les jouets Boulier géant et Boulier vagues commercialisés par la société Nature et Découvertes ; qu'elle concerne également le jouet Roller coaster, reconnu contrefait par le Cube roulant multi jeux commercialisé par la société Nature et Découvertes aux termes des dispositions non critiquées du jugement déféré ;
- Sur la méthode de calcul
Considérant que le jugement déféré n'est pas critiqué par l'appelante en ce qu'il a retenu que les actes de contrefaçon des jouets Big eight et Trio constituaient des actes de concurrence déloyale vis-à-vis des sociétés Smart et Smart products qui devaient justifier d'un préjudice personnellement subi pour ouvrir droit à indemnisation sur le fondement des articles 1382 et 1383 du Code civil ;
Considérant toutefois que les sociétés Smart et Smart products ont formé appel incident sur l'évaluation de leur préjudice qui, selon elles, doit être effectuée selon les dispositions de l'article L. 331-1-3 du Code de la propriété intellectuelle en leur qualité de tiers lésés ;
Considérant que l'article L. 331-1-3 du Code de la propriété intellectuelle dispose que pour fixer les dommages et intérêts, la juridiction prend en considération distinctement :
1° Les conséquences économiques négatives de l'atteinte aux droits, dont le manque à gagner et la perte subis par la partie lésée ;
2° Le préjudice moral causé à cette dernière ;
3° Et les bénéfices réalisés par l'auteur de l'atteinte aux droits, y compris les économies d'investissements intellectuels, matériels et promotionnels que celui-ci a retirées de l'atteinte aux droits :
Que toutefois, la juridiction peut, à titre d'alternative et sur demande de la partie lésée, allouer à titre de dommages et intérêts une somme forfaitaire ; que cette somme est supérieure au montant des redevances ou droits qui auraient été dus si l'auteur de l'atteinte avait demandé l'autorisation d'utiliser le droit auquel il a porté atteinte ; que cette somme n'est pas exclusive de l'indemnisation du préjudice moral causé à la partie lésée ;
Considérant toutefois que l'action en contrefaçon et l'action en concurrence déloyale ne constituent pas, sous des formes différentes, l'exercice d'un même droit et ne tendent pas aux mêmes fins ; que la première a pour fondement l'atteinte à un droit privatif protégé au titre du droit d'auteur tandis que la seconde sanctionne une faute commise à l'encontre d'une personne qui ne peut justifier d'un tel droit privatif ou en tout cas, qui peut justifier d'une faute distincte de l'atteinte portée à un tel droit ; que, de manière plus générale, l'action en concurrence déloyale vise à réparer le trouble subi dans l'exercice fautif du principe de la liberté du commerce et de l'industrie ;
Considérant que dans l'arrêt du 10 mars 2010 de la cour d'appel de Versailles invoqué par l'appelante au soutien de sa demande de prise en compte des bénéfices du contrefacteur dans l'évaluation du préjudice, la cour a toutefois statué sur la réparation du préjudice subi du fait des actes de contrefaçon ; que la demande des sociétés Smart et Smart products concerne, quant à elle, la réparation de leur préjudice subi du fait des actes de concurrence déloyale ; que, pour statuer sur la réparation du préjudice subi du fait des actes de concurrence déloyale, la cour, dans cet arrêt, a bien pris en considération le détournement de clientèle des articles authentiques au profit des articles contrefaits ; que ce détournement de clientèle justifie donc, dans le cadre de la présente instance, de prendre en considération le manque à gagner subi par les sociétés Smart et Smart products et non les bénéfices de l'appelant ;
Considérant également que l'appelante fait valoir qu'il faut prendre en compte la différence de qualité des parties dans la chaîne de commercialisation ; qu'en effet, la société Nature et Découvertes a la qualité de détaillant alors que les sociétés Smart et Smart products sont fabricant et grossiste ; que M. Marcel de G. et les sociétés Smart répliquent que la société Nature et Découvertes fabrique elle-même certains de ses produits et qu'elle a donc également la qualité de grossiste ;
Considérant toutefois que la société Nature et Découvertes conteste cette qualité à juste titre, la fabrication ne concernant qu'une part marginale de son activité ; qu'aucun élément du dossier n'établit en effet que la société Nature et Découvertes, connue au contraire pour son activité de détaillant au travers d'un important réseau de magasins et de son site Internet, puisse être considérée comme un grossiste ;
Considérant dans ces circonstances que les bénéfices de la société Nature et Découvertes, détaillant, ne peuvent donc être utilisés comme terme de comparaison pour évaluer le préjudice des sociétés Smart, grossistes ; que la cour maintient donc que leur préjudice doit donc être évalué à partir du manque à gagner qu'elles ont subi du fait de la commercialisation par Nature et découvertes des jouets contrefaits ;
Qu'il reste à déterminer comment évaluer ce manque à gagner ;
Considérant que le rapport de M. R. produit par les intimés, qui se fonde sur les bénéfices réalisés par Nature et Découvertes pour évaluer le préjudice ne peut donc être pris en considération compte tenu de ce qui précède ; que la cour observe, au surplus, que la méthode retenue dans ce rapport n'est pas acceptable ; qu'elle se fonde en effet, à partir des résultats de la société Nature et Découvertes publiés au registre du commerce et des sociétés, sur l'ensemble des bénéfices de cette dernière ; que la performance de cette société concerne l'ensemble de son activité ; qu'elle ne peut donc servir à déterminer un préjudice qui concerne trois jouets seulement sur un catalogue qui comprend des centaines de références ; qu'enfin, la méthode par extrapolation des chiffres retenus dans l'arrêt de la cour d'appel de Versailles du 14 février 2008 ne peut être retenue à l'encontre des données comptables que la société Nature et Découvertes a elle-même soumises à l'appréciation de M. N. dans des conditions qui seront étudiées ci-après ;
Sur l'évaluation du préjudice proprement dit
Considérant que l'appelante fait valoir que le tribunal, qui a bien pris en considération la méthode retenue par M.N., a toutefois commis une erreur de calcul ; qu'il ressort en effet d'un rapport de M. N., que le préjudice consiste dans la marge sur coûts variables qu'aurait réalisée les sociétés Smart sur les volumes de jouets vendus par Nature et découvertes de laquelle est soustrait le montant des redevances que les sociétés Smart auraient versé à M. De G. en rémunération du chiffre d'affaires additionnel réalisé ;
Considérant que les intimés répliquent que la contradiction relevée par Nature et Découvertes n'existe pas car le calcul réalisé par le tribunal est identique dans les deux cas puisque le taux de marge du distributeur de 20.8% est déduit du chiffre d'affaires ;
Considérant qu'à titre subsidiaire, l'appelante sollicite une mesure d'expertise judiciaire à laquelle s'opposent les intimés ; que, dans ces circonstances, la cour retient le rapport de M. N. produit par la société Nature et Découvertes ; que celui-ci a en effet été soumis au débat contradictoire ; qu'il a été élaboré à partir des données comptables fournies par la société Nature et Découvertes ; qu'en effet, si M. Marcel de G. et les sociétés Smart observent que ces données proviennent de simples tableaux Excel, ces tableaux n'en sont pas moins certifiés par le commissaire aux comptes de l'appelante comme provenant effectivement des données comptables de la société ;
Considérant par ailleurs qu'aucune donnée comptable ne confirme que la société Nature et Découvertes aurait réalisé, sur une période de commercialisation s'étendant jusqu'à 2006, un chiffre d'affaires de 1 166 666 euro comme le prétendent les sociétés intimées ; qu'au contraire, le commissaire aux comptes de la société atteste d'une commercialisation de 2000 à 2003 ;
Qu'ainsi pour les jouets Big eight et Trio, il résulte de l'attestation de ce commissaire aux comptes qui a été soumise à l'examen de M. N. que de 2000 à 2003, la société Nature et Découvertes a commercialisé 4708 bouliers géants et 37 580 bouliers vagues ; que la masse contrefaisante représente donc 42 288 unités, soit un préjudice de chiffre d'affaires de 676 593 euro pour les sociétés Smart d'après les prix pratiqués par cette dernière tels qu'elle les a communiqués elle-même à M. R. ;
Considérant que le tribunal a évalué le préjudice subi par les sociétés Smart à la perte de la chance de commercialiser elles-mêmes les jouets originaux dont la société Nature et Découvertes a commercialisé 42 288 unités contrefaites ; qu'il convient toutefois de tenir compte des coûts engendrés par ce chiffre d'affaires ; que le préjudice ne peut donc être représenté que par la perte de la marge du grossiste et non par la perte brute de chiffre d'affaires ; que c'est donc à tort que le tribunal a établi ses calculs à partir de cette perte de chiffre d'affaires de laquelle il a déduit le taux de marge et le taux des royalties qui auraient été servies à M. Marcel de G. ; que si la formulation retenue par le jugement déféré est différente pour le boulier vague et le boulier géant, le raisonnement du tribunal est néanmoins identique ;
Considérant que M. N. a évalué la marge d'un grossiste à 20, 8 % ; que les sociétés Smart ne communiquent aucune donnée comptable et, plus généralement, aucun élément, de nature à contredire ce chiffre ;
Que le manque à gagner subi par les sociétés Smart du fait de la commercialisation par la société Nature et Découvertes des jouets contrefaits est représenté par la perte de cette marge ; que celle-ci s'établit donc à 676 593 euro*20, 8 %, soit 140 731 euro ; que toutefois, sur le chiffre d'affaires de 676 593 euro, elles auraient dû verser à M. Marcel de G. des royalties au taux de 6 %, soit une somme de 40 596 euro ;
Que le préjudice net subi s'élève donc à 100 136 euro comme l'a retenu M. N. ; que le jugement déféré sera donc infirmé en ce sens ;
Considérant que le raisonnement pour indemniser le préjudice subi du fait de la commercialisation du cube roulant multi jeux doit donc être identique ; que la société Nature et Découvertes a commercialisé 8043 unités de ce jouet de 2005 à 2008 ; que, compte tenu des prix pratiqués par les sociétés Smart tels qu'ils ont été communiquées à M. R., il s'en est suivi une perte de chiffre d'affaires de 142 763 euro, soit un préjudice de perte de marge, au taux de 20, 8 %, de 29 695 euro ; que sur ce jouet, le montant des royalties servies à M. Marcel de G. se serait élevé à 6 % du chiffre d'affaires, soit une somme de 8 566 euro ; que le préjudice net s'élève donc à 21 129 euro ; que le jugement déféré, aboutit bien à ce chiffre pour ce jouet en prenant cette fois bien en compte la méthode de calcul adoptée par M. N. ; qu'il sera donc confirmé ;
Sur le parasitisme
Considérant que les intimées, appelantes à titre incident, affirment que Nature et découvertes, en s'approvisionnant , sans contrat, auprès du fournisseur " Child friend wood toys " à Taiwan, a exploité de mauvaise foi les réseaux de contrefaçon , ce fournisseur étant connu pour être un contrefacteur notoire ; que de plus, Nature et découvertes a participé à la désorganisation du marchés des " bead frames " et notamment des jeux Big eight, Trio et roller coaster ; que la contrefaçon a engendré une vulgarisation des produits par une exploitation massive des jouets contrefaisants ; que la société Nature et découvertes a volontairement voulu créer une confusion dans l'esprit du public et tirer ainsi profit d'une notoriété sans avoir à effectuer d'investissement préalable ;
Considérant que le parasitisme se définit comme un ensemble de comportements par lesquels un agent économique s'immisce dans le sillage d'un autre afin de tirer profit sans rien dépenser de ses efforts et de son savoir-faire ;
Considérant que par motifs adoptés, le tribunal a exactement retenu que les sociétés Smart ne justifiaient pas que la société Nature et Découvertes, qui bénéficie d'une certaine renommée dans la vente de jeux pour enfants, se soit immiscée dans leur sillage, ni des investissements réalisés par leurs soins au titre de la fabrication et de la commercialisation des modèles de jouets contrefaits ;
Qu'il suffit d'ajouter que la seule érosion des prix pratiqués par les sociétés Smart, évoquée dans la note technique de M. R., n'établit pas en soi le parasitisme ; qu'en effet, passé l'attrait de la nouveauté, l'érosion des prix depuis le lancement des produits peut tout aussi bien s'expliquer par la perte d'intérêt du public pour ce type de jouets ; qu'en outre les sociétés intimées indiquent elle-même dans leurs écritures avoir été victimes de contrefaçons de la part de nombreux autres distributeurs ; qu'il ne saurait donc être reproché à la seule société Nature et découvertes d'avoir engendré une vulgarisation des produits justifiant une indemnisation distincte au titre du parasitisme ; que le jugement déféré sera donc confirmé en ce qu'il a débouté les sociétés Smart et Smart products de cette demande ;
Sur les demandes accessoires
Considérant que le jugement déféré a exactement statué sur l'article 700 du Code de procédure civile ainsi que sur les dépens ; qu'il sera donc confirmé sur ce point ;
Considérant que l'équité ne commande pas de faire application desdites dispositions à hauteur de cour ; que, par conséquent, chaque partie sera déboutée de sa demande en ce sens, chacune conservant au demeurant la charge de ses dépens d'appel ;
Par ces motifs, Statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort, Infirme partiellement le jugement rendu par le Tribunal de grande instance de Nanterre le 27 novembre 2014, Et, statuant à nouveau, condamne la société Nature et Découvertes à payer aux sociétés Smart Products et Smart une somme totale de 100 136 euro à titre de dommages et intérêts pour la commercialisation du jouet Boulier Géant et du Boulier Vagues, confirme pour le surplus le jugement rendu par le Tribunal de grande instance de Nanterre le 27 novembre 2014, et, y ajoutant, déboute la société Nature et Découvertes et les sociétés Smart et Smart products de leurs demandes respectives fondées sur l'article 700 du Code de procédure civile, Laisse à chaque partie la charge de ses dépens d'appel.