CA Amiens, ch. économique, 12 janvier 2017, n° 15-04303
AMIENS
Arrêt
Infirmation
PARTIES
Demandeur :
Signes Design (SARL)
Défendeur :
Doublet (SA)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Gilibert
Conseillers :
Mmes Pelissero, Paulmier-Cayol
Avocats :
Mes Plateau, Delfly, Selosse Bouvet, Roggeman
La société Signes Design qui exerce une activité d'agence de publicité et de communication a déposé le 21 février 2007 et le 31 juillet 2008 la marque " TDOU " auprès de l'INPI. Cette marque associant le numéro des différents départements français à leur logo original, a également été déclinée à d'autres collectivités territoriales (régions, villes) ; les produits " TDOU " se matérialisant en particulier par des autocollants destinés à être collés sur la partie droite des plaques d'immatriculation des véhicules, ou sur d'autres objets (briquets, clés USB, porte-clés, stylos à bille ...).
Afin d'assurer la commercialisation des autocollants de la marque " TDOU ", la société Signes Design a signé le 4 février 2009 un contrat de distribution exclusive d'une durée de deux ans avec la société Doublet, fournisseur régulier de nombreuses collectivités territoriales.
Estimant que cette dernière n'avait pas respecté ses engagements au titre de ce contrat, la société Signes Design a assigné la société Doublet devant le Tribunal de commerce de Lille en résolution de celui-ci et en paiement de la somme de 280 000 euros à titre de dommages et intérêts, outre une demande au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.
Devant les premiers juges, la société Signes Design au soutien de sa demande de résolution faisait valoir que la société Doublet n'avait pas fait les diligences commerciales nécessaires auprès des collectivités territoriales pour générer le volume d'achat à hauteur de 140 000 euros par an auquel elle s'était engagée contractuellement ; en défense, la société Doublet rétorquait avoir été parfaitement diligente dans l'exécution de ses obligations, ayant réalisé un mailing, formé ses cadres commerciaux à la vente des produits TDOU, ouvert son stand à la société Signes Design sur les salons 2008 et 2009 des maires de France, mais que les produits n'avaient pas suscité l'intérêt espéré, de sorte qu'en application de l'article 6 du contrat, la société Signes Design qui était en mesure de faire application de la faculté de résiliation du contrat, n'est pas fondée à demander des dommages et intérêts.
Par jugement du 13 mars 2012, le Tribunal de commerce de Lille a débouté la société Signes Design de toutes ses demandes, et la société Doublet de sa demande reconventionnelle en dommages et intérêts pour procédure abusive et condamné la société Signes Design à payer à la société Doublet la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et aux dépens.
Les premiers juges ont considéré que si la société Doublet avait rempli ses obligations contractuelles en termes de moyens, elle n'avait pas satisfait à son obligation de d'achat à hauteur de 140 000 euros par an, que toutefois, la société Signes Design ne pouvait se prévaloir d'aucun préjudice dès lors que sachant que les résultats des ventes n'étaient pas atteints, elle n'a pas usé de la faculté de résiliation du contrat de distribution exclusive, étant stipulé au contrat que son non-renouvellement ou sa résiliation ne donne lieu à aucune indemnité.
Ce jugement était confirmé par un arrêt de la Cour d'appel de Douai du 19 septembre 2013.
La société Signes Design ayant formé un pourvoi à l'encontre de cet arrêt, la Cour de cassation par un arrêt du 23 juin 2015 a, au visa de l'article 1147 du Code civil, cassé et annulé, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 19 septembre 2013 par la Cour d'appel de Douai et a renvoyé les parties devant la Cour d'appel d'Amiens.
Aux termes de ses dernières écritures transmises par voie électronique le 2 février 2016, la société Signes Design a conclu aux fins de voir :
- infirmer le jugement rendu le 13 mars 2012 par le Tribunal de commerce de Lille ;
Statuant à nouveau :
- condamner la société Doublet à lui régler la somme de 280 000 euros ;
- condamner la société Doublet à lui régler la sommes de 15 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ;
- la condamner en tous les frais et dépens dont distraction au profit de la SCP Million Plateau, avocat.
Au soutien de son appel, la société Signes Design fait valoir que les obligations mises à la charge de la société Doublet par le contrat de distribution exclusive sont des obligations de résultat, qu'il s'agisse de ses obligations relevant de la campagne promotionnelle et de publicité et de son obligation de passer commande pour un montant annuel de 140 000 euros HT. Elle soutient que la société Doublet n'a pas satisfait à ses obligations au titre de la campagne promotionnelle, n'ayant pas inclus les produits " TDOU " dans ses catalogues papier ou numérique, elle conteste que la société Doublet ait réalisé une réelle campagne de mailing et estime qu'elle ne justifie pas avoir formé ses commerciaux ; le manquement à son obligation d'achat à hauteur de 140 000 euros par an est par ailleurs avéré et non contesté. Elle affirme que contrairement à ce qu'ont jugé les précédentes juridictions dont les décisions ont été censurées par la Cour de cassation, la société Doublet ne pouvait s'exonérer de ses obligations contractuelles par la prétendue carence de la société Signes Design à tirer les conséquences de la négligence de son co-contractant, en n'ayant pas mis fin au contrat de distribution exclusive, seule la force majeure ou le fait d'un tiers pouvant être exonératoire.
Elle évalue son préjudice à hauteur de 280 000 euros ; son préjudice consiste notamment en la perte de marge sur le chiffre d'affaires que la société Doublet s'était engagée à réaliser pour un montant annuel de 140 000 euros, perte de marge évaluée par son cabinet d'expertise comptable à hauteur de 222 000 euros.
Pour justifier de l'importance de son préjudice, elle dément formellement qu'au moment de la conclusion du contrat d'exclusivité, ses produits étaient dépourvus d'attractivité et en veut pour preuve les courriels échangés avec la société Arthus-Bertrand qui lui proposait un partenariat complet, la valorisation par le commissaire aux apports des produits de marque '' TDOU " à hauteur de 120 000 euros alors même qu'elle est désormais confrontée à la concurrence, les articles parus dans la presse spécialisée et généraliste du fait de l'émoi suscité par l'absence du numéro des départements sur les plaques d'immatriculation des voitures. Elle impute en conséquence l'absence de vente de ses produits aux seules carences de la société Doublet, cette dernière ne les ayant pas fait figurer sur ses catalogues, ne les a en fait pas mis en vente.
Son préjudice résulte également de la perte de son leadership, position qui était la sienne lors de la conclusion du contrat, et est caractérisé par la perte de plusieurs chances comme la perte de sa notoriété que devait lui procurer la commercialisation d'un produit encensé par la presse, de la perte de confiance des banques et des fournisseurs que devait lui assurer la commercialisation de ses produits, ces derniers refusant refusent de lui consentir tout crédit ou exigeant le paiement à la commande.
Aux termes de ses dernières écritures transmises par voie électronique le 6 juin 2016, la société Doublet a conclu aux fins de voir :
A titre principal,
- compte tenu de l'échec commercial des produits ''TDOU " et de l'absence de mise en demeure pendant près de deux années, constater l'accord tacite de la société Signes Design à l'absence de publication de ses produits dans son catalogue ;
- constater l'absence de faute contractuelle qui lui soit imputable ;
- compte tenu de l'échec commercial des produits ''TDOU " et l'enregistrement d'aucune vente, même à l'issue du salon des maires de France, constater l'absence de lien de causalité entre la faute prétendue et le préjudice allégué ;
- constatant qu'en application de l'article 6 du contrat du 4 février 2009, l'absence d'obligation d'achat à sa charge, sauf à perdre son exclusivité, déclarer les demandes indemnitaires de la société Signes Design non fondées ;
En conséquence,
- débouter la société Signes Design de toutes ses demandes, fins et conclusions;
A titre subsidiaire,
- constatant qu'en application de l'article 6 du contrat du 4 février 2009, la sanction du non-respect des objectifs de vente n'était que la résiliation du contrat et la perde de l'exclusivité accordée, déclarer les demandes de paiement du chiffre d'affaires prévus sur deux années non fondées;
- déclarer les demandes indemnitaires de la société Signes Design irrecevables, car elles ne sont pas formulées en terme de perte de chance ;
- déclarer les demandes indemnitaires de la société Signes Design non fondées, car elle ne justifie d'aucune perte de marge ;
- débouter la société Signes Design de toutes ses demandes, fins et conclusions.
En tout état de cause,
- condamner la société Signes Design à lui payer la somme de 15 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens dont distraction au profit de Me Selosse-Bouvet ;
La société Doublet fait valoir qu'aux termes du contrat de distribution exclusive, elle avait la responsabilité d'organiser sous sa seule responsabilité et à ses frais les actions et campagnes de promotion des produits ''TDOU " et qu'elle était donc seul juge de l'opportunité de telle ou telle campagne ou action promotionnelle à mener. Elle se justifie de ne pas avoir fait figurer les produits sur ses catalogues afin d'éviter des frais inutiles au regard de l'absence de succès des démarches et actions déjà entreprises.
Elle dément avoir été défaillante dans ses obligations et expose avoir réalisé des plaques publicitaires des produits " TDOU ", fait des campagnes de mails, formé ses commerciaux, réservé un espace aux produits dans le salon des maires de France de 2008 et 2009 et y avoir associé le dirigeant de la société Signes Design qui a pu se rendre compte du peu de succès rencontré par les produits ; elle explique la perte d'attractivité des produits " TDOU " par différents facteurs, tenant principalement au fait que la réglementation a été modifiée par un arrêté du 9 février 2009, permettant de faire figurer en marge de la plaque d'immatriculation le logo d'une région et le numéro d'un département dépendant de cette région et réservant la reproduction des plaques, y compris les logos et numéros de département à des fabricants titulaires d'une homologation ; enfin, la baisse des budgets des collectivités territoriales n'a pas été favorable à la commercialisation des produits " TDOU ".
Le fait que la société Signes Design n'ait pas procédé à la résiliation du contrat dès les premiers constats, révèle selon elle que cette société était satisfaite du travail accompli par la société Doublet et que les causes de la mévente étaient ailleurs. Elle expose que la seule sanction de la non réalisation de l'objectif de vente à hauteur de 140 000 euros par an prévue au contrat est la possibilité pour la société Signes Design de faire résilier de plein droit le contrat 15 jours après la délivrance d'une mise en demeure restée infructueuse.
A titre subsidiaire sur le montant du préjudice réclamé par la société Signes Design, la société Doublet expose que le contrat de distribution mentionne que la non atteinte des objectifs donne seulement la possibilité pour la société Signes Design de résilier le contrat mais en aucun cas ne peut donner lieu à l'allocation de dommages et intérêts correspondant au montant des objectifs d'achat mentionnés au contrat de distribution exclusive ; le préjudice dont se plaint l'appelante consiste tout au plus en une perte de chance ; qu'en l'occurrence, la demande de société Signes Design à hauteur du montant de l'objectif d'achat pendant les deux années de durée du contrat ne correspond pas à une perte de chance ; de plus, cette perte de chance est minime du fait du peu de succès des produits " TDOU "; en effet, la société Signes Design qui conservait la faculté de commercialiser à des entreprises ou des particuliers pendant toute la durée du contrat n'a pas enregistré alors de ventes et après la cessation du contrat à l'expiration de sa durée contractuelle, n'a enregistré qu'une vente au profit de la ville de Béziers. En tout état de cause, son préjudice ne saurait être calculé qu'en fonction de la perte de marge brute et non sur la base du chiffre d'affaires espéré.
Elle dément tout lien de causalité entre l'absence d'insertion dans ses catalogues et l'échec commercial des produits.
La clôture de l'instruction a été prononcée par ordonnance du 12 septembre 2016.
Sur ce :
L'action en justice opposant les parties ayant été introduite avant le 1er octobre 2016, date d'entrée en vigueur de l'ordonnance n° 2016-31 du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations, celle-ci n'est pas applicable au présent litige ; il sera donc fait référence aux articles du Code civil selon leur numérotation antérieure à cette entrée en vigueur.
La faculté de résiliation unilatérale ouverte par l'article 6 in fine du contrat de distribution exclusive au profit de la société Signes Design pour le cas où la société Doublet ne réaliserait pas un minimum de 100 ventes lors de la première année et 140 000 euros de chiffre d'achat annuel, présentés par ce contrat comme des objectifs à atteindre, a pour effet de conférer à l'obligation de la société Doublet au titre de ces éléments chiffrés le caractère d'une obligation de moyens.
S'il est stipulé à l'article 5.1 du contrat d'exclusivité que la société Doublet organisera sous sa seule responsabilité et à ses frais, les actions et campagnes publicitaires pour la promotion des produits de la marque " TDOU ", selon les termes de cet article, elle s'est engagée à un certain nombre d'actions précisées à ce même article, notamment: " l'intégration des produits et de la marque dans son catalogue en ligne et dans son catalogue papier, mise en avant des produits et de la marque sur son site Internet et notamment par leur intégration parmi les nouveautés ".
A ces prestations s'ajoutent celle relative à une campagne de mails, la présentation sur son stand lors du salon des maires de France des produits " TDOU ".
L'ensemble de ces différentes prestations représente les moyens que la société Doublet devait mettre en œuvre en vue de la réalisation du chiffre d'achat de 140 000 euros par an.
L'arrêté du 9 février 2009 fixant les caractéristiques et le mode de pose des plaques d'immatriculation des véhicules et notamment l'existence d'un identifiant territorial constitué par le logo officiel d'une région et le numéro de l'un des départements de cette région et confiant leur reproduction aux seuls fabricants de plaques ou de matériau réfléchissant titulaires d'homologation, pris seulement cinq jours après la conclusion du contrat de distribution exclusive a été de nature à diminuer l'attractivité des produits de marque " TDOU " conçus en grande partie pour répondre à l'émoi suscité par la disparition annoncée de tout identifiant territorial sur les plaques minéralogiques ; toutefois, la diminution de l'avantage économique espéré du contrat ne constituait pas un empêchement matériel ou juridique pour la société Doublet d'intégrer les produits " TDOU " dans ses catalogues papier et numérique et de les mettre en avant sur son site Internet, ayant été stipulé que l'ensemble des moyens que devait mettre en œuvre la société Doublet restait à ses frais.
Il est relevé, en outre, d'une part que l'identifiant territorial proposé par les produits " TDOU " en ce qu'il met principalement en scène un logo par département auquel est associé le numéro de ce département n'est pas identique à celui issu de l'arrêté précité qui porte sur le logo d'une région, d'autre part que la convention liant les parties ne prévoyait nullement de limiter le champ d'utilisation des produits " TDOU " aux seules plaques d'immatriculation des véhicules et enfin que les produits " TDOU " proposent également des identifiants territoriaux portant sur d'autres collectivités territoriales et notamment plusieurs villes.
Du fait des différentes variantes des produits " TDOU ", il ne peut être déduit de la survenance de l'arrêté précité, qu'ils ne présentaient aucun intérêt commercial.
La liberté dont la société Doublet disposait aux termes du contrat de distribution exclusive pour organiser sous sa seule responsabilité et à ses frais les actions et campagnes publicitaires lui permettait de choisir l'emplacement des produits " TDOU " dans ses catalogues papier et numérique ainsi que leur forme, le choix des couleurs, leur taille (...) mais non de décider de ne pas les intégrer dans ses catalogues, au prétexte que cette insertion était devenue plus onéreuse en raison du moindre profit attendu, la société Doublet s'étant engagée à supporter seule les frais des moyens qu'elle avait l'obligation de mettre en œuvre; il en est de même pour son obligation de " mise en avant " sur son site Internet, étant relevé que sur ce point, la société Doublet disposait de moins de liberté, s'étant contractuellement obligée à les intégrer " parmi les nouveautés ".
Il ne saurait être reproché à la société Signes Design quand il est devenu certain que la société Doublet n'allait pas réaliser l'objectif de chiffre d'achat de 140 000 euros annuel, de ne pas avoir mis en œuvre la procédure de résiliation du contrat de distribution exclusive prévue par son article 6, s'agissant d'une simple faculté qui lui était ouverte et qui en aucun cas n'avait pas pour effet d'exonérer la société Doublet du respect de ses propres obligations au titre des prestations mises à sa charge ci-dessus rappelées.
Par ailleurs, la société Doublet s'était engagée aux termes du contrat de distribution exclusive à réaliser une campagne de mail ; la production d'une liste d'adresses mails de différentes mairies et villes et d'un planning d'envois dont elle est l'unique auteur et qui ne sont accompagnés d'aucun justificatif d'envoi ne permet pas d'apporter la preuve de l'exécution de son obligation à ce titre. Il n'est pas contesté que la société Doublet a réservé aux salons des maires de France en 2009 un stand aux produits " TDOU " conformément aux stipulations contractuelles ; les attestations émanant de ses commerciaux établies dans les conditions de forme prévues à l'article 202 du Code de procédure civile même si ceux-ci sont dans un lien de dépendances, établissent qu'ils ont reçu une formation pour vendre ces produits.
La société Doublet ne justifiant pas avoir rempli son obligation au titre de la campagne de mails, en s'étant abstenue d'intégrer les produits " TDOU " dans ses catalogues papier et numérique et de les mettre en avant sur son site Internet parmi les nouveautés, a manqué à ses obligations contractuelles ; l'inexécution de ses obligations contractuelles justifie qu'elle soit condamnée, en application de l'article 1147 du Code civil, au paiement de dommages et intérêts.
La société Doublet seulement tenue d'une obligation de moyens n'est pas tenue d'indemniser la société Signes Design de la perte de marge brute sur le chiffre d'achat de 280 000 euros pour les deux années du contrat, évaluée par son expert-comptable à hauteur de 222 000 euros, mais de la perte de chance de réaliser cette marge brute, l'existence d'une perte de chance étant dans le débat pour avoir été soulevée par la société Doublet
En raison de la diminution de l'attractivité de ses produits quelques jours après la signature du contrat de distribution exclusive du fait de la parution de l'arrêté précité, le chiffre d'achat à hauteur de 140 000 euros par an n'était pas réalisable. Par ailleurs, alors que l'exclusivité consentie à la société Doublet ne portait que sur les ventes à des collectivités territoriales, la société Signes Design ne justifie pas avoir pendant la durée du contrat consenti des ventes à des entreprises ou des particuliers ; postérieurement à son expiration, la société Signes Design justifie par la production de factures avoir réalisé un chiffre d'affaires à hauteur de 29 228 euros HT.
Au vu de ses éléments, le montant du chiffre d'achat que pouvait légitimement escompter l'appelante est apprécié à hauteur du tiers de l'objectif prévu par le contrat, soit 93 333 euros. L'expert-comptable de la société Signes Design a estimé la perte de marge brute à hauteur de 79 % du montant du chiffre d'achat ; compte tenu du faible coût de la fabrication d'autocollants dont la valeur résulte principalement des droits de propriété intellectuelle, cette estimation est réaliste et sera en conséquence retenue. Il en résulte une perte de marge brute à hauteur de 73 733 euros (93 333,07 euros x 79%)
Le préjudice subi par la société Signes Design résultant de la perte de chance de réaliser cette marge brute, il lui sera alloué à ce titre la somme de 50 000 euros.
En sus de sa demande d'indemnisation au titre la perte de marge brute, la société Signes Design intègre dans sa demande d'autres chefs de préjudices correspondant à une perte de chance. Elle estime notamment avoir été victime de la perte de chance de ne pas avoir contracté avec la société Arthus-Bertrand ; même si la société Signes Design justifie de l'existence de pourparlers avancés avec cette société avant la conclusion du contrat avec la société Doublet, son préjudice à ce titre n'étant pas en lien direct de causalité avec la faute commise par la société Doublet, ne saurait donc être indemnisé.
Il est justifié de son leadership et de la notoriété de ses produits par des articles parus dans la presse généraliste et spécialisée ; faute pour les produits " TDOU " d'avoir été intégrés dans les catalogues de la société Doublet et mis en avant sur son site Internet, ils ont perdu la forte visibilité dont ils disposaient alors ; ce préjudice en lien direct avec les manquements de la société Signes Design à ses obligations doit être indemnisé.
Au vu du chiffre d'affaires réalisé par la société Signes Design depuis la fin du contrat d'exclusivité, il est fait une juste appréciation de son préjudice à ce titre en le fixant à 15 000 euros le montant des dommages et intérêts à lui allouer et auquel sera condamnée la société Doublet.
Les autres postes de préjudice invoqués par la société Signes Design, s'agissant de la perte de chance de contracter avec la société Arthus-Bertrand, de son asphyxie financière l'ayant contraint à licencier qui ne sont pas justifiés ou qui ne sont pas en lien direct avec les manquements reprochés à la société Doublet ne peuvent donner lieu à indemnisation.
La société Doublet ayant manqué à ses obligations contractuelles, elle supportera les dépens de l'instance devant le tribunal et pour les deux procédures d'appel et se verra condamnée au paiement d'une somme fixée en considération des considérations d'équité et tenant à sa situation économique à hauteur de 6 000 euros et le chef de jugement ayant condamné la société Signes Design à payer à la société Doublet la somme de 1 500 euros sur le même fondement sera infirmé.
Par ces motifs : LA COUR statuant sur décision de renvoi de la Cour de cassation par arrêt du 23 juin 2015 publiquement par arrêt contradictoire, mis à disposition au greffe, Infirme le jugement du tribunal de commerce de Lille rendu le 13 mars 2012 en toutes ses dispositions ; Statuant à nouveau : Dit que la société Doublet a manqué à ses obligations contractuelles en n'intégrant pas les produits de la marque " TDOU " dans ses catalogues et en ne les mettant pas en avant sur son site Internet ; Condamne la société Doublet à payer à la société Signes Design la somme de 65 000 euros à titre de dommages et intérêts ; Condamne la société Doublet à payer à la société Signes Design la somme de 6 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile pour les deux procédures d'appel ; Met à la charge de la société Doublet les dépens de première instance et des deux procédures d'appel.