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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 10, 16 janvier 2017, n° 15-11969

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Dupuis (Epoux), Hydro Viti (SA)

Défendeur :

Constructions Mécaniques Champenoises (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Loos

Conseillers :

Mmes Simon-Rossenthal, Castermans

Avocats :

Me Fisselier, Cabinet Derowski, Associées, Mes Sanson, Vlerick

T. com. Lille, du 14 avr. 2015

14 avril 2015

FAITS ET PROCÉDURE

La société constructions mécaniques champenoises (la société CMC) a pour objet la conception et la fabrication de machines agricoles et particulièrement, de tracteurs enjambeurs et d'outillages agricoles, viticoles et industriels.

Ces matériels, fabriqués sur commande, sont commercialisés par des distributeurs agréés dans les différentes régions viticoles du pays. La SA Hydro Viti, représentée par M. Dupuis, était le distributeur exclusif de la marque CMC dans un secteur géographique précis. Mme Dupuis, administrateur de la société, s'est portée caution aux côtés de M. Dupuis d'une créance de la société CMC.

En 2006, la société CMC était cédée au groupe Exel Industries et un nouveau contrat de distributeur agréé était mis en place, d'une durée d'un an. Ce contrat était renouvelé d'année en année jusqu'au mois d'août 2013.

Le 6 novembre 2012, la société CMC mettait en demeure la société Hydro Viti de payer 2 tracteurs - enjambeurs, qu'elle avait revendus, sans s'acquitter du prix auprès de son fournisseur.

Par courrier recommandé du 26 août 2013, la société CMC dénonçait l'absence totale de commande depuis 28 mois. Cette lettre, constatait la rupture de fait de la relation commerciale en l'imputant à la société Hydro Viti et confirmait la cessation définitive du contrat au 1er septembre 2013. Cette rupture des relations commerciales est à l'origine de la présente instance engagée par la société Hydro Viti, M. Dupuis et Mme Dupuis.

Par jugement rendu le 14 avril 2015, le Tribunal de commerce de Lille Métropole, a statué ainsi qu'il suit :

- Déclare Hydro Viti et les époux Dupuis recevables, mais mal fondés en leurs demandes, fins et prétentions,

- Les en déboute purement et simplement.

- Condamne conjointement et solidairement la SA Hydro Viti, et Monsieur et Madame Eric Dupuis à payer à la SAS société constructions mécaniques champenoises, la somme de 56 922,69 euros pour solde de la facture n° 11775 du 10 mai 2012, ladite somme majorée de l'intérêt de retard au taux de refinancement de la BCE majoré de 10 points, conformément à l'article L. 441-6 alinéa 8 du Code de commerce,

- Dit et juge que cet intérêt sera dû depuis le 6 novembre 2012, date de la mise en demeure jusqu'au paiement intégral de la créance.

- Déboute la société CMC de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive.

- Condamne solidairement la SA Hydro Viti, et M et Mme Eric Dupuis à payer à la société CMC une somme de 5 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du CPC et condamner les mêmes sous la même solidarité aux entiers dépens de l'instance.

La SA Hydro Viti, M. Eric Dupuis et Mme Marie-Christine Francois Dupuis, ont relevé appel du jugement.

Par conclusions signifiées le 7 septembre 2015, M. et Mme Dupuis, la société Hydro Viti demandent de :

Recevoir la société Hydro Viti, M. Eric Dupuis et Mme Marie-Christine Dupuis née Francois en leur appel dirigé à l'encontre du jugement rendu par le Tribunal de commerce de Lille Métropole et les y déclarer bien fondés,

Infirmer la décision entreprise, et statuant à nouveau,

Constater que la société CMC s'est comportée anormalement et déloyalement, notamment en violant l'article L. 442-6-5° du Code de commerce,

Constater que la société CMC Viti a créé de très importants préjudices, la condamner à l'indemniser à hauteur des sommes suivantes :

- Préjudice résultant de sa perte commerciale : 433 910 euros (HT) soit 520 692 euros TTC

- Préjudice résultant de la désorganisation subie : 87 000 euros

Constater que la société CMC a créé de très importants préjudices financiers à M. et Mme Eric Dupuis et corrélativement prononcer la nullité des cautions données au profit de la société CMC pour manœuvres dolosives,

Subsidiairement condamner la société CMC à leur verser le solde des sommes cautionnées au profit de la société CMC, soit 56 923 euros

Condamner la société CMC à leur rembourser les indemnisations payées à la Caisse d'Epargne en leur qualité de cautions, soit 152 410,57 euros outre les frais de procédure pour mémoire,

Condamner la société CMC à verser à Hydro Viti la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance dont distraction au profit de la SCP AFG, Avocats dans les termes de l'article 699 du Code de procédure civile.

Par conclusions récapitulatives signifiées le 5 octobre 2016, la SAS Constructions mécaniques champenoises (CMC) demande à la cour de :

Voir déclarer la SA Hydro Viti et les époux Dupuis recevables mais mal fondés en leur appel du jugement rendu le 14 avril 2015

Confirmer le jugement en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'il a débouté la société CMC de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive.

Statuant à nouveau,

Condamner conjointement et solidairement la SA Hydro Viti, Monsieur Eric Dupuis et Madame Marie-Christine Dupuis née Francois son épouse, à payer à la SAS société constructions mécaniques champenoises la somme de 20 000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive et injustifiée.

Condamner les mêmes, et sous la même solidarité, à payer à la société CMC une somme de 10 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.

Condamner conjointement et solidairement la SA Hydro Viti, Monsieur Eric Dupuis et Madame Marie-Christine Dupuis née Francois son épouse, aux entiers dépens d'appel dont distraction est requise au profit de Maître Marc-Olivier Sanson, Avocat, conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.

Sur ce,

Sur la rupture des relations

La société Hydro Viti reproche à la société la SAS Constructions mécaniques champenoises, CMC, un défaut de loyauté sur le fondement de l'article L. 442-6 du Code de commerce. Elle fait valoir que la société CMC a résilié le contrat, le 26 août 2013, sans mise en demeure préalable, sans préavis, alors que le 14 février 2013 la société CMC confirmait que le contrat de concession était toujours valable. Elle soutient que c'est à tort que le tribunal a affirmé que l'absence de vente pendant 18 mois constituait la cause de résiliation du contrat alors qu'elle justifie s'être pleinement investie dans un marché champenois difficile et perturbé. Entre 2011 et 2013, elle a vendu 9 véhicules d'occasion, et proposé 38 devis pour des véhicules neufs et une vente en 2013 n'a pu être réalisée, du fait du refus de la société de livrer le tracteur.

La société CMC rétorque que le droit au nouvellement d'un contrat de distributeur résulte d'un droit discrétionnaire du fournisseur ; il n'y a pas eu violation des dispositions de l'article L. 442-I-6 5e du Code de commerce, qui autorisent la résiliation de la relation commerciale sans préavis, en cas d'inexécution par l'autre partie de ses obligations.

Elle fait valoir que la société Hydro Viti n'avait pas réalisé son objectif de vente annuel de 10 ventes de tracteur-enjambeurs en 2012 et de 5 en 2013, qu'aucune vente n'a été réalisée pendant 28 mois, à compter du mois de mai 2011 ; que l'absence de tout objectif fixé dans le contrat, ne signifiait pas que l'absence de vente était sans conséquence sur le plan contractuel.

Elle soutient que les devis allégués n'ont jamais donné lieu à des commandes ; que les griefs de la société Hydro Viti relatifs à un défaut d'assistance commerciale ne sont pas prouvés ; que la garantie-constructeur est accordée pour les vices de construction mais se limite aux pièces défectueuses sans prendre en charge les heures de main d'œuvre et d'intervention du distributeur ; les délais de fabrication sont demeurés invariables depuis l'origine de leurs relations.

Elle reproche enfin des retards de paiement, et notamment l'absence de paiement d'une facture du 10 mai 2012 malgré deux protocoles d'accord de moratoire.

Il ressort des éléments du dossier que le contrat initial liant les parties a été conclu en 2003. Il visait un objectif de vente de 12 tracteurs enjambeurs chaque année. En 2006, la société CMC a été reprise par le groupe Exel Industrie, le nouveau contrat de distribution liant les parties prévoyait un contrat d'une durée annuelle. Le contrat était renouvelé jusqu'en 2013.

Aux termes de l'article 442-6 du Code de commerce, le fait de rompre brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie, sans préavis écrit, en tenant compte de la durée de la relation commerciale, engage la responsabilité de son auteur. Il est toutefois prévu la possibilité de résilier sans préavis une relation commerciale établie en cas d'inexécution.

En l'espèce, il est établi que la société Hydro Viti n'a réalisé aucune vente de matériel neuf, à compter du mois de mai 2011, avant la rupture qui est intervenue en août 2013.

C'est donc par une appréciation pertinente des éléments du dossier que les premiers juges ont considéré qu'indépendamment de tout objectif fixé dans le contrat de distributeur agréé, le fait pour la société Hydro Viti de n'avoir réalisé aucune vente dans la période de 28 mois précédant la rupture du contrat, constituait une cause de résiliation du contrat sans préavis, pour inexécution de ses obligations conformément aux dispositions de l'article L. 442-6 précitées.

Au surplus, le défaut de paiement répété de la société Hydro Viti constitue un manquement supplémentaire à ses obligations, pour justifier la rupture des relations commerciales.

Les griefs de la société Hydro Viti relatifs à un défaut d'assistance commerciale ne reposent sur aucun élément probant. A contrario, il apparaît, au regard des procès-verbaux de réunions d'associés de la société Hydro Viti, des délais de paiement accordés par la société CMC, que les difficultés financières de l'entreprise ne provenaient pas d'un défaut d'assistance commerciale.

Concernant les délais de fabrication, la société Hydro Viti ne rapporte pas la preuve d'un lien de causalité entre le prétendu retard de livraison avec l'absence de vente entre 2011-2013.

De même, la société CMC justifie de ce que le contrat prévoit que la garantie est accordée pour les vices de construction et se limite aux pièces défectueuses, sans prise en charge des heures de main d'œuvre et d'intervention du distributeur, ce qui clôt le débat sur la prise en charge des interventions critiquées par le distributeur. Le comportement déloyal de la société CMC n'étant pas établi, les demandes de ces chefs seront rejetées.

Il convient donc de confirmer le jugement qui a dite justifiée la résolution du contrat.

Sur le cautionnement de M. et Mme Dupuis

La société Hydro Viti reproche à la société CMC des manœuvres dolosives à l'égard des cautions, sur le fondement de l'article 1116 du Code civil.

Elle prétend caractériser la mauvaise foi de la société CMC en ce qu'elle confirmait, par courrier du 15 février 2013, que le contrat était en cours et obtenait ainsi la signature de la caution du dirigeant. M. Dupuis, président de la société et Mme Dupuis, acceptaient de cautionner la créance de CMC alors que, en décembre 2012, l'engagement de caution était disproportionné avec les capacités financières de M. Dupuis.

La société CMC conteste les manœuvres dolosives qui lui sont reprochées en se prévalant du protocole d'accord conventionnel du 21 décembre 2012, de l'acte de cautionnement consenti par M. Dupuis, assisté de son conseil qui confèrent à ces actes la garantie des droits des intéressés. Il ressort des pièces versées aux débats que :

Le contrat de distributeur agréé, prévoit à l'article 5 que les règlements interviennent par traite à retourner acceptée sous 48 heures, soit un paiement à 30 jours fin de mois.

Le 13 août 2012, la société CMC adressait une sommation de payer à la société Hydro Viti la somme de 177 012,38 euros pour une la commercialisation de 2 tracteurs en 2011-2012, facturés en 2012 ; Le 6 novembre 2012, la société CMC mettait en demeure la société Hydro Viti de lui payer la somme de 183 017,05 euros ;

Le 9 janvier 2013, la société Hydro Viti recevait par l'intermédiaire de son conseil le protocole d'accord transactionnel conclu entre les parties et l'acte de cautionnement signés par M et Mme Dupuis. Il est indéniable que la société Hydro Viti n'a pas respecté les modalités de paiement prévues au contrat et a, de fait, contraint la société CMC de lui accorder des délais de paiement. Ce soutien financier ne pouvait qu'être temporaire, la vocation de la société CMC étant de vendre et non de prêter des fonds à son distributeur. La société Hydro Viti devait donc impérativement régler son fournisseur, sans pouvoir exiger en contrepartie, une poursuite du contrat.

Au vu de ces documents, tant la pression financière, que la mauvaise foi alléguée à l'encontre de la société CMC ne sont pas démontrées.

Par ailleurs, la preuve que l'engagement de caution de M. Dupuis était disproportionné au mois de décembre 2012, n'est pas rapportée dès lors que celui-ci, s'est engagé au moment de la formation du contrat en qualité de dirigeant de société qu'il était assisté de son conseil et qu'enfin il ne fournit pas d'information sur son patrimoine.

Pas davantage n'est démontrée un prétendue collusion avec la caisse d'épargne, partie étrangère à la présente procédure.

Sur la demande reconventionnelle

Ainsi que le tribunal l'a jugé, la société CMC est créancière de la SA Hydro Viti, au titre du solde de la facture n° 11755 du 10 mai 2012, pour une somme de 56 922,69 euros, étant précisé que cette créance n'était pas contestée par la société Hydro Viti en première instance.

Dans ces conditions, la décision des premiers juges sera confirmée en toutes ses dispositions. Le jugement en toutes ses dispositions.

Sur les dommages et intérêts

La société CMC demande la condamnation de la SA Hydro Viti, Monsieur Eric Dupuis et Madame Marie-Christine Dupuis née Francois, à lui payer la somme de 20 000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive et injustifiée.

Le débouté des demandes des parties appelantes, ne suffit pas à caractériser l'abus de procédure. La société CMC sera déboutée de sa demande de ce chef.

Sur l'article 700 du Code de procédure civile et les dépens

Il n'y a pas lieu d'allouer une somme complémentaire à ce titre.

Par ces motifs : LA COUR, Confirme le jugement en toutes ses dispositions, Déboute la société CMC de sa demande de dommages et intérêts, Déboute les parties de toutes leurs autres demandes, Condamne solidairement la SA Hydro Viti, M. Eric Dupuis et Mme Marie-Christine Francois épouse Dupuis, aux dépens d'appel dont distraction au profit de Maître Marc-Olivier Sanson, Avocat, conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.