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Décisions

ADLC, 27 juillet 2016, n° 16-DCC-111

AUTORITÉ DE LA CONCURRENCE

Décision

relative à la prise de contrôle exclusif de Darty par la Fnac

ADLC n° 16-DCC-111

27 juillet 2016

L'Autorité de la concurrence (section IB),

Vu le dossier de notification adressé complet au service des concentrations le 17 février 2016, relatif à la prise de contrôle exclusif de Darty par la Fnac, formalisée par une offre pré-conditionnelle en date du 20 novembre 2015 améliorée les 21 et 25 avril 2016 ; Vu le livre IV du code de commerce relatif à la liberté des prix et de la concurrence, et notamment ses articles L. 430-1 à L. 430-7 ; Vu la décision n° 16-DEX-02 du 23 mars 2016 d'ouverture d'un examen approfondi en application du dernier alinéa du III de l'article L. 430-5 du code de commerce ; Vu les observations présentées par les représentants de La Fnac en date du 16 juin 2016 en réponse au rapport des services d'instruction du 26 mai 2016 ; Vu les engagements présentés le 11 juillet 2016 ;Vu les autres pièces du dossier ; Les rapporteurs, le rapporteur général adjoint, le commissaire du Gouvernement et les représentants de la Fnac entendus au cours de la séance du 21 juin 2016 ; Les représentants des sociétés Amazon, Boulanger, Cdiscount et Cobrason, de la Fédération e-commerce et vente à distance et du comité d'entreprise de l'UES Darty Île-de-France entendus sur le fondement des dispositions de l'article L. 430-6, alinéa 3 du code de commerce ; Adopte la décision suivante :

I. Les entreprises concernées et l'opération

1. La Fnac SA (ci-après " la Fnac ") est une société anonyme créée en 1954 et introduite en bourse sur le marché réglementé du NYSE Euronext le 20 juin 2013. Elle est actuellement détenue par Groupe Artémis (32,9 %), Vivendi SA (15 %), M&G Investment Management Ltd. (6,6 %), DNCA Finance SA (4,2 %), Axa Investment Managers UK Ltd. (3,3 %), Norges Bank Investment Management (2,7 %), CM-CIC Asset Management SA (2,1 %), Government of Kuwait (1,9 %), Edmond de Rothschild Asset Management (France) SA (1,6 %) et Axa Investment Managers (Paris) SA (1,6 %). La Fnac est active dans le secteur de la distribution de produits éditoriaux (musique, vidéo, livres et jeux de société), électroniques (photographie, TV-vidéo, son, micro-informatique, consoles et jeux vidéo), de la billetterie, des jouets pour enfants (espaces " Fnac Kids "), des produits du petit électroménager haut de gamme, de la papeterie, de la téléphonie et des objets connectés. En France, ces produits sont distribués directement via 127 magasins Fnac de quatre formats différents (magasins traditionnels, magasins en périphérie des grandes villes, de proximité et situés dans les aéroports et gares), dont 86 sont détenus en propre et 41 sont franchisés dont un sur l'île de la Réunion. La Fnac prévoit en outre l'ouverture de [...] nouveaux points de vente sous enseigne Fnac avant la fin de l'année 2016. Les produits sont également distribués directement et indirectement via son site internet, www.fnac.com, intégrant une place de marché. Au 31 décembre 2015, la Fnac compte 4,2 millions d'adhérents représentant [60-70]% de son chiffre d'affaires réalisé en France.

2. Darty Plc (ci-après " Darty ") est une société de droit anglais créée en 1957, qui a été introduite à la bourse de Londres le 7 juillet 2003. Elle est actuellement détenue par le groupe Fnac SA (29,7 %), Steinhoff Finance Holding GmbH (20,4 %), Knight Vinke Asset Management LLC (14,4 %), DNCA Finance SA (7,8 %), Morgan Stanley Securities Ltd. (5,1 %), Capital Research & Management Co. (2,9 %), Legal & General Investment Management Ltd. (2,1 %), BlackRock Investment Management (UK) Ltd. (2 %), Crédit Agricole Corporate & Investment Bank SA (1,6 %) et CACEIS Bank SA (1,39 %)1. Darty est actif dans la distribution de produits blancs (gros et petit électroménager), de produits gris (communication et multimédia), de produits bruns (téléviseurs et produits audio) ainsi que des cuisines équipées sur mesure. Darty exploite 219 magasins en France et distribue ses produits par le biais de 83 magasins franchisés, soit 302 points de vente en France, que viendront compléter [...] nouveaux magasins sous enseigne Darty en 2016. Darty exploite également deux sites internet, www.darty.com et www.mistergooddeal.com2, qui distribuent en direct et au moyen de places de marché, une offre de produits élargie par rapport à ses points de vente physiques. Au 31 décembre 2015, Darty compte [...] adhérents à son récent programme de fidélité3, qui représente environ [...] % de son chiffre d'affaires réalisé en France.

3. L'opération notifiée est formalisée par l'offre pré-conditionnelle de la Fnac aux actionnaires de Darty aux fins d'acquérir la totalité du capital émis et à émettre de Darty. Cette offre, rendue publique le 20 novembre 2015, consistait en un apport en nature au profit de la Fnac de l'ensemble des actions de Darty, qui devaient être rémunérées en actions de la Fnac. Depuis l'annonce de cette offre, la Fnac a modifié les modalités et le prix d'acquisition des actions de Darty4 sans que cela n'ait modifié le périmètre de l'opération ni la nature de la prise de contrôle envisagée. Le 26 avril 2016, la Fnac a publiquement déclaré détenir 29,73 % du capital de Darty et avoir en outre reçu des engagements irrévocables d'actionnaires de Darty à hauteur de 22,11 %, représentant ensemble un total de 51,84 % du capital de Darty.

4. En ce qu'elle consiste en la prise de contrôle exclusif de Darty par la Fnac, l'opération notifiée constitue une concentration, au sens de l'article L. 430-1 du code de commerce.

5. Les entreprises concernées réalisent ensemble un chiffre d'affaires hors taxes total mondial de plus de 150 millions d'euros (la Fnac : 3,9 milliards d'euros pour l'exercice clos au 31 décembre 2014 ; Darty : 3,5 milliards d'euros pour l'exercice clos au 30 avril 2015). Chacune de ces entreprises a réalisé, en France, un chiffre d'affaires total hors taxes supérieur à 50 millions d'euros (la Fnac : 2,8 milliards d'euros pour l'exercice clos au 31 décembre 2014 ; Darty : 2,8 milliards d'euros pour l'exercice clos au 30 avril 2015). Les seuils de notification de l'article 1 paragraphe 2 du règlement (CE) 139/2004 sont franchis mais chacune des entreprises concernées réalisant plus des deux tiers de son chiffre d'affaires dans l'Union en France, l'opération ne relève pas de la compétence de l'Union européenne. En revanche, les seuils de contrôle mentionnés au I de l'article L. 430-2 du code de commerce sont franchis. Cette opération est donc soumise aux dispositions des articles L. 430-3 et suivants du code de commerce relatifs à la concentration économique.

II. Délimitation des marchés pertinents

6. Les parties sont toutes deux actives dans le secteur du commerce de détail de produits électrodomestiques via la vente en magasins et à distance. Dans le secteur du commerce de détail, les autorités de concurrence retiennent généralement deux catégories de marchés : les marchés amont de l'approvisionnement des entreprises de commerce de détail (A) et les marchés aval qui mettent en présence les entreprises de commerce de détail et le consommateur final (B).

A. LES MARCHES AMONT DE L'APPROVISIONNEMENT EN PRODUITS ELECTRO-DOMESTIQUES

1. LES MARCHES DE PRODUITS

7. S'agissant des marchés amont de l'approvisionnement, les autorités de concurrence ont relevé que " les producteurs fabriquent des produits ou groupes de produits particuliers et ne sont pas techniquement en mesure de se reconvertir facilement dans la fabrication d'autres produits sans coûts conséquents ". De plus, " au niveau des approvisionnements, on peut considérer qu'il existe autant de marchés que de familles de produits sur lesquels porte la négociation, chaque distributeur mettant en concurrence les divers fournisseurs sur chacun des marchés "5.

8. En se fondant sur l'organisation des divisions " achat " des distributeurs, les autorités de concurrence ont ainsi recours à une segmentation selon les groupes de produits suivants : (i) gros électroménager ; (ii) petit électroménager ; (iii) appareils photo / cinéma ; (iv) appareils hi-fi / son ; (v) appareils TV / vidéo ; (vi) ordinateurs / périphériques ; et (vii) téléphonie.

9. L'Autorité s'est en outre interrogée sur la pertinence de retenir un marché distinct pour les produits de jeux vidéo (incluant consoles, accessoires et jeux vidéo).

10. La partie notifiante considère que la segmentation des marchés de l'approvisionnement en sept groupes de produits n'est plus appropriée, et qu'un marché global de l'approvisionnement en produits électroniques regroupant les produits bruns (appareils photo / cinéma, appareils hi-fi / son et appareils TV / vidéo) et gris (ordinateurs / périphériques et téléphonie) d'une part et les marchés des produits blancs (petit et gros électroménager) d'autre part devrait être retenu.

11. A l'appui de cette hypothèse, elle rappelle que, du point de vue de l'offre, de nombreux fournisseurs sont présents sur plusieurs familles de produits. Du point de vue de la demande, la partie notifiante estime que la plupart des vendeurs au détail proposent l'ensemble des familles de produits dans leur offre.

12. En outre, la partie notifiante considère que les produits de jeux vidéo appartiennent au marché global des produits électroniques, et plus spécifiquement à la catégorie " ordinateurs / périphériques ".

13. Le test de marché réalisé auprès des principaux fournisseurs et concurrents des parties a confirmé la pertinence de la segmentation du marché de l'approvisionnement en produits électroniques par grandes catégories de produits, telle qu'elle a été retenue par les autorités de concurrence6. Cette segmentation répond très majoritairement aux divisions d'achats des distributeurs ainsi qu'aux négociations par familles de produits des fournisseurs. En outre, la grande majorité des fournisseurs interrogés ne sont actifs que sur une ou deux catégories de produits. Enfin, la Fnac elle-même n'a longtemps distribué qu'une partie de la gamme des produits électroniques (bruns et gris). Elle est désormais marginalement présente sur le petit électroménager (blanc).

14. Même si une majorité des fournisseurs juge pertinent d'analyser un marché incluant les produits gris et bruns, ils ont très majoritairement répondu mener leurs négociations par famille de produits.

15. Les réponses au test de marché ne confirment pas l'existence d'un marché global de l'approvisionnement en produits électrodomestiques réunissant produits bruns, gris, et blancs soutenue par la partie notifiante.

16. En ce qui concerne les produits de jeux vidéo, les répondants au test de marché ont majoritairement considéré qu'il s'agissait d'un marché distinct des produits bruns, gris et blancs.

17. En l'espèce, les parties sont toutes deux actives sur les marchés de l'approvisionnement en (i) petit électroménager7 ; (ii) appareils photo / cinéma ; (iii) appareils hi-fi / son ; (iv) appareils TV / vidéo ; (v) ordinateurs / périphériques ; (vi) téléphonie ; et (vii) produits de jeux vidéo.

18. L'analyse concurrentielle sera donc menée sur l'ensemble de ces sept marchés de produits, ainsi que sur le marché global des produits électroniques (produits gris et produits bruns) d'une part et le marché des produits blancs, d'autre part.

2. LES MARCHES GEOGRAPHIQUES

19. Les autorités de concurrence considèrent que les marchés d'approvisionnement du commerce de détail sont de dimension au moins nationale, voire européenne.

20. La partie notifiante estime qu'une délimitation européenne des marchés de l'approvisionnement en produits électrodomestiques est aujourd'hui pertinente. Premièrement, elle explique que les mêmes produits sont distribués au niveau européen et que les principaux fournisseurs de produits électroniques sont des groupes internationaux ou a minima européens, disposant d'une notoriété et d'une image de marque dans l'ensemble des Etats membres. En outre, les produits électrodomestiques seraient standardisés au niveau européen. Deuxièmement, la partie notifiante affirme que les mêmes fournisseurs seraient présents dans plusieurs Etats membres avec des parts de marché et des niveaux de prix relativement similaires. Elle note toutefois que les négociations d'achats en produits électrodomestiques s'effectuent principalement au niveau national, auprès des filiales françaises de groupes internationaux.

21. Le test de marché confirme la pratique décisionnelle qui n'exclut pas une dimension nationale des marchés d'approvisionnement en produits électrodomestiques.

22. Les fournisseurs qui ont répondu au test de marché ont majoritairement confirmé qu'ils étaient présents dans plusieurs pays de l'Union européenne, dans lesquels ils commercialisent les mêmes produits, le plus souvent à des niveaux de prix similaires et sans adaptations spécifiques pour les consommateurs français. Une large majorité d'entre eux indiquent toutefois approvisionner leurs clients depuis la France et mener leurs négociations au niveau national.

23. La majorité des concurrents qui ont répondu au test de marché sont actifs dans d'autres pays de l'Union européenne. Ils expliquent néanmoins que leur politique d'achat n'est pas centralisée au niveau européen et confirment pour la plupart ne pas négocier leurs contrats au niveau européen.

24. Enfin, plusieurs enseignes de distributeurs de produits électrodomestiques ne sont actives qu'en France, parmi lesquels l'un des principaux concurrents des parties, Boulanger.

25. Au cas d'espèce, la question de la délimitation géographique des marchés de l'approvisionnement en produits électrodomestiques peut rester ouverte, les conclusions de l'analyse concurrentielle demeurant inchangées.

B. LES MARCHES AVAL DE LA VENTE AU DETAIL DE PRODUITS ELECTRODOMESTIQUES

1. LES MARCHES DE PRODUITS

26. La pratique décisionnelle des autorités de concurrence a envisagé une segmentation des marchés aval de la vente au détail de produits électrodomestiques selon deux critères : la famille de produits et le canal de distribution.

a) La distinction par famille de produits

i. Produits blancs, bruns et gris

27. Les autorités de concurrence distinguent traditionnellement, au sein de la catégorie des produits électrodomestiques, qui regroupe les produits électroménagers et électroniques, trois familles de produits :

- les produits blancs : les tables de cuisson, les cuisinières, les fours, les ensembles encastrables, les hottes, les lave-linges, les sèche-linges, les lave-vaisselles, les réfrigérateurs, les congélateurs, le petit électroménager de préparation culinaire, les cafetières, les robots, les fers et les aspirateurs ;

- les produits bruns : les téléviseurs, caméscopes, les équipements hi-fi et audio, les appareils numériques et les lecteurs DVD ;

- les produits gris : les micro-ordinateurs personnels, les écrans, les périphériques (imprimantes ou scanners), les claviers, les accessoires ou pièces détachées modulaires (cartes mémoires ou disques durs additionnels), les logiciels et la téléphonie.

28. S'agissant de la distribution de produits blancs, la pratique décisionnelle a laissé ouverte la question d'une éventuelle sous-segmentation entre petit et gros électroménager.

29. Enfin, les autorités de concurrence8 ont également considéré qu'un découpage plus fin du marché entre les produits " bas de gamme " et " haut de gamme " n'était pas pertinent, dans la mesure où les enseignes proposent généralement un large assortiment de produits, quel que soit leur positionnement marketing.

30. La partie notifiante considère qu'il existe aujourd'hui un marché global regroupant produits bruns et gris, en raison notamment de la convergence des technologies, dans la mesure où un nombre croissant de produits bruns dits " connectés " permettent un usage autrefois réservé aux produits gris, qui conduit à l'interpénétration de ces deux familles de produits.

31. Toutefois, la convergence des technologies concerne à ce jour un nombre trop limité de produits pour remettre en cause la segmentation des marchés de la distribution de ces deux catégories de produits. De plus, la convergence fonctionnelle de différents produits n'implique pas nécessairement qu'ils soient considérés comme substituables du point de vue de la demande. Il convient, à cet égard, de distinguer le marché de la distribution des produits bruns et gris, de celui de la fabrication et la vente de chaque catégorie de produits, qui n'est pas concerné par la présente opération. La pratique décisionnelle relative aux opérations de concentration entre entreprises actives dans la fabrication et la vente de différents produits électroniques définit ainsi les marchés pertinents de la production et la vente de chaque type de produits, par exemple, les casques audio9, les téléviseurs10, les ordinateurs11, etc.

32. Il en va différemment des marchés concernés au cas présent, qui concernent des services de distribution. En matière de distribution des produits bruns et gris, la pratique décisionnelle de l'Autorité a déjà eu l'occasion de relever que " même si certains éléments de convergence entre les produits bruns et gris peuvent être constatés (usage client, technologie, fournisseurs, ...), le métier de distributeur est encore structuré autour de cette distinction et tous les spécialistes ne proposent pas tous ces produits (la Fnac par exemple est absente du segment des produits blancs). Les services et conseils offerts militent également pour une distinction entre ces trois catégories de produits "12.

33. Ce constat se vérifie au cas d'espèce, qui concerne la concentration de deux des principales enseignes de distribution de produits électroniques. Chacune des parties distribue des gammes complètes de produits bruns et gris par le biais notamment de points de vente de formats globalement similaires. De même, certains acteurs restent spécialisés dans la distribution d'une seule catégorie de produits, bruns (enseignes comme Cobrason ou Magma) ou gris (Apple Stores), avec un positionnement généralement haut de gamme.

34. Enfin, le test de marché n'a pas permis de confirmer la position soutenue par la partie notifiante, les acteurs interrogés contestant l'existence d'une catégorie unique de produits. Ils mettent en avant l'existence d'un certain nombre de fournisseurs " mono-catégorie ". Les autres distributeurs rappellent également que les négociations entre fournisseurs et distributeurs sont menées par catégorie de produits, et que certains distributeurs ne distribuent qu'une famille de produits.

35. Par conséquent, il n'y a pas lieu de remettre en cause les segmentations retenues par la pratique décisionnelle de l'Autorité dans le cadre de la présente opération. L'analyse concurrentielle sera donc menée sur les marchés de la distribution de produits bruns, d'une part, et de produits gris, d'autre part.

ii. Produits de divertissement multimédia

36. S'agissant de la distribution de produits de " divertissement-multimédia ", la pratique décisionnelle de l'Autorité a envisagé l'existence d'un marché des consoles de jeux, accessoires de consoles, jeux pour consoles et PC, tout en laissant la question de sa délimitation exacte ouverte. Une délimitation plus fine par type de produits entre (i) logiciels de jeux, (ii) consoles et (iii) accessoires de jeux vidéo avait également été évoquée par le ministre chargé de l'économie.

37. La partie notifiante considère que le marché des jeux vidéo appartient à la catégorie des produits gris, et plus largement à un marché des produits électroniques global, incluant les produits gris et bruns. Toutefois, la grande majorité des répondants au test de marché estime que la distribution des produits de divertissement et multimédia correspond à un marché distinct de la distribution de produits bruns et/ou gris.

38. L'Autorité a exclu de l'analyse concurrentielle les jeux dématérialisés vendus à distance13. En effet, elle a relevé que si le secteur du jeu vidéo se caractérise par une innovation constante et rapide, notamment en matière de dématérialisation, le terme de " jeux dématérialisés " recouvrant des produits très hétérogènes, tels que des versions numériques de jeux pour PC ou consoles existant déjà sur supports physiques, des jeux gratuits ou des jeux en ligne. Ces jeux peuvent être offerts sur des supports (tablettes, smartphones, etc.) qui, contrairement aux consoles, ne sont pas principalement dédiés à la pratique du jeu vidéo. L'Autorité a également relevé que les offreurs de jeux dématérialisés diffèrent des offreurs traditionnels en ligne de produits physiques de jeux vidéo. Ainsi, les jeux dématérialisés ne sont pas pris en compte dans le marché de la distribution de produits de jeux vidéo, lequel inclut en revanche les logiciels, consoles et accessoires de jeux vidéo.

39. Par conséquent, les produits de jeux vidéo feront l'objet d'une analyse spécifique, conformément à la pratique décisionnelle de l'Autorité.

40. L'analyse concurrentielle portera donc sur le marché des produits gris, le marché des produits bruns et le marché des produits de jeux vidéo.

b) La distinction par canal de vente

i. Précisions méthodologiques

41. La définition du marché pertinent, élément d'appréciation déterminant au cas d'espèce, a fait l'objet d'un examen approfondi qui a occasionné la collecte de plusieurs types d'éléments au cours de l'instruction. Outre les documents internes des parties, les données quantitatives produites, les analyses du cabinet Altermind, ainsi que plusieurs études économétriques du cabinet Mapp versées au dossier par la partie notifiante, l'Autorité se fonde notamment, pour son appréciation au cas présent, sur les résultats de deux sondages dont il convient de présenter la méthodologie.

42. La partie notifiante a fait réaliser par l'Ifop un premier sondage (ci-après " le sondage réalisé pour la Fnac ") visant à étudier les habitudes de consommation des français en matière de produits électroniques : l'enquête intitulée " Enquête sur les habitudes d'achat des Français en matière de produits électroniques " a été réalisée auprès d'un échantillon de 1 502 personnes représentatif de la population française de 18 ans et plus. La représentativité de l'échantillon a été assurée par la méthode des quotas (sexe, âge, profession du chef de famille) après stratification par région et catégorie d'agglomération.

43. Ce sondage pour la Fnac, réalisé par téléphone du 30 octobre au 3 novembre 2015, avait pour objectif d'étudier les comportements d'achat de produits électroniques et notamment l'utilisation des canaux de distribution par la population française. L'échantillon de personnes sondées a donc été interrogé sur leurs comportements d'achat sur internet et en produits électroniques (fréquence d'utilisation d'internet, préférence pour les achats en magasin ou sur internet, fréquence d'achat de produits électroniques, etc.), sur leurs intentions d'achats et, enfin, sur leur perception des différentes enseignes de produits électroniques.

44. Un second sondage a été réalisé à la demande et pour le compte de l'Autorité (ci-après " le sondage réalisé pour l'Autorité "), par le même institut. Les modalités et la méthodologie de ce sondage ont été élaborées conjointement entre la partie notifiante et les services d'instruction.

45. L'enquête a été menée auprès d'un échantillon de 20 960 personnes, représentatif de la population française, au sein duquel ont été isolés douze sous-échantillons, contenant chacun au moins 1 000 personnes. Chacun de ces sous-échantillons rassemble les acheteurs d'une catégorie spécifique de produits (ordinateur portable, tablette tactile, smartphone, appareil photo numérique, téléviseur, accessoire image et son) dans une des deux enseignes des parties (la Fnac ou Darty). Les catégories de produits choisies correspondent [confidentiel].

46. L'enquête a été réalisée par le biais d'un questionnaire auto-administré en ligne, du 18 avril 2016 au 4 mai 2016. Le recours à une enquête en sortie de magasin a été écarté dans la mesure où le délai d'administration était trop important pour obtenir des données robustes d'un point de vue statistique compte tenu de la brièveté des délais d'instruction. En outre, la représentativité des sondés au regard de la clientèle des deux enseignes, dont une part significative achète en ligne, aurait été difficile à établir. Le sondage en ligne a néanmoins également permis de capter les achats en magasin, par le biais d'une question qui précise les modalités des achats (magasin, en ligne).

47. L'objectif du sondage visait à évaluer les reports de demande (" ratios de diversion ") dans deux scénarios : celui d'une hausse des prix de l'offre des parties postérieurement à l'opération (scénario 1) et celui d'une dégradation de la qualité de l'offre des parties à l'issue de l'opération (scénario 2). C'est la raison pour laquelle seuls les consommateurs ayant effectué un achat à la Fnac ou chez Darty ont été interrogés : ce sont en effet les ratios de diversion de ces clients qui sont pertinents pour l'analyse des effets de l'opération.

48. Enfin, l'Autorité se fonde au cas présent sur les résultats des tests de marché, auditions et autres témoignages recueillis au cours de l'instruction.

ii. Les points de vente physique

Rappel de la pratique décisionnelle

49. Les autorités de concurrence retiennent usuellement trois critères pour délimiter les marchés pertinents : le type de produits vendus, le format et la taille des magasins, dans la mesure où seuls les magasins qui offrent de manière constante tout au long de l'année un large assortiment de produits exercent une réelle pression concurrentielle les uns sur les autres.

50. Ainsi, selon la pratique décisionnelle de l'Autorité14, une grande surface spécialisée (ci-après, " GSS ") en produits électrodomestiques, telle que Darty, est en concurrence avec les autres GSS (Boulanger et la Fnac), les grandes surfaces multi-spécialistes (Conforama et But), qui proposent, outre des produits électrodomestiques, des produits d'ameublement et de décoration, les groupements d'opérateurs indépendants (Euronics/Gitem, Connexion, Digital ou Expert), les magasins de proximité, et les grandes surfaces alimentaires (ci-après, " GSA ") ainsi qu'avec les magasins hard-discount spécialisés dans le commerce de détail de produits électrodomestiques (Electro Dépôt).

51. S'agissant des grandes surfaces multi-spécialistes, l'Autorité considère dans sa pratique décisionnelle qu'elles exercent une pression concurrentielle inégale sur les GSS dans la mesure où toutes n'offrent pas les trois gammes de produits blancs, bruns et gris, et où la surface moyenne et la part des produits électrodomestiques est très variable selon les enseignes. Alors qu'elle est de plus de 80 % pour les magasins spécialisés comme Darty, Connexion ou Boulanger, elle est inférieure à 20 % pour les grandes surfaces d'ameublement (But, Conforama).

52. S'agissant des GSA, les autorités de concurrence ont relevé qu'elles se distinguent traditionnellement des GSS par des gammes de produits, des assortiments et des services offerts plus réduits. Elles ont toutefois considéré que certaines GSA disposent de rayons permanents comparables à ceux des GSS et proposent un nombre significatif de références de produits électrodomestiques, couvrant en général l'ensemble du spectre des produits bruns et gris, avec les mêmes caractéristiques en termes de produits que les GSS. La pratique décisionnelle considère donc ces GSA comme substituables aux GSS. Elle estime également qu'en deçà d'un seuil de 2 500 m² de surface de vente totale, les magasins ne sont pas en mesure de proposer un assortiment comparable à celui proposé par les GSS et/ou n'offrent des produits électrodomestiques que de manière ponctuelle comme " produits d'appel ".

53. S'agissant des autres spécialistes (groupements d'opérateurs indépendants, magasins de proximité), la pratique décisionnelle considère que seuls les groupements d'opérateurs indépendants (tels que Euronics/Gitem, Connexion, Pro&Cie, Digital ou Pulsat) ainsi que les magasins de proximité " d'une surface de plus de 300 m² [sont] en mesure d'offrir une gamme diversifiée de produits blancs, bruns ou gris "15 et peuvent donc concurrencer les GSS.

54. S'agissant des magasins hard discount, la pratique décisionnelle considère, dans le secteur du commerce de détail de produits alimentaires, que les magasins de maxi-discompte relèvent du même marché que les supermarchés. L'Autorité16 a transposé cette analyse au secteur de la distribution au détail de produits électrodomestiques, prenant ainsi en compte des enseignes telles qu'Electro Dépôt dans son analyse concurrentielle.

Appréciation au cas d'espèce

55. La partie notifiante considère que tous les magasins physiques identifiés par la pratique décisionnelle (GSS, GSA de plus de 2 500 m², groupements d'indépendants et magasins de proximité) doivent être inclus dans l'analyse, y compris s'ils disposent d'une surface de vente inférieure à 300 m².

56. Elle soutient également que les ventes directes des fournisseurs devraient être prises en compte, en raison d'un phénomène croissant de désintermédiation, de même que les enseignes spécialistes proposant à la vente uniquement certains produits électroniques, tels que la téléphonie mobile ou la photo, qui exerceraient une pression concurrentielle sur le marché des produits électroniques et devraient par conséquent être prises en compte dans l'analyse concurrentielle.

57. La pression concurrentielle exercée par ces derniers formats de magasins doit être nuancée.

58. S'agissant des GSA, plusieurs répondants au test de marché ont souligné que les GSA exerçaient une contrainte concurrentielle sur les parties moindre que d'autres GSS. Les éléments au dossier montrent en particulier que la pression concurrentielle exercée par les GSA augmente en fonction de leur surface totale de vente : les répondants au test de marché ont estimé que la pression concurrentielle exercée par les GSA d'une surface comprise entre 2 500 m² et 6 000 m² est faible, celle des GSA d'une surface comprise entre 6 000 m² et 10 000 m² moyenne, tandis que cette pression est élevée pour les GSA d'une surface totale de plus de 10 000 m².

59. Seuls les plus grands hypermarchés sont en effet en mesure de consacrer une part de linéaire et un assortiment comparables à ceux d'une GSS et de nature à permettre l'exercice d'un arbitrage effectif par le consommateur. L'intégration des GSA dans l'analyse concurrentielle sera donc pondérée en fonction de leur surface pour les besoins de l'analyse concurrentielle, selon la méthodologie détaillée dans les développements ci-dessous.

60. S'agissant des points de vente d'une surface de vente totale inférieure à 300 m², la partie notifiante soutient qu'ils exerceraient une pression concurrentielle sur les GSS.

61. Il ressort toutefois des éléments au dossier, que la partie notifiante ne tient pas compte des prix pratiqués par ces acteurs dans la détermination de sa propre politique tarifaire au niveau national17. Ces points de vente n'exercent donc à ce titre aucune pression concurrentielle sur la Fnac, et plus généralement sur les GSS au niveau national. De la même manière, ce type de points de vente ne fait pas l'objet d'une veille concurrentielle de la part des GSS au niveau local. Ils n'exercent donc au niveau local pas davantage de pression sur la fixation des prix ou sur le niveau de services qu'au niveau national.

62. Ce constat est conforme aux conclusions de la pratique décisionnelle antérieure. Ainsi, dans son avis n°07-A-06 relatif à l'opération Cafom/Fincar dans le secteur de la distribution d'équipement de la maison, l'Autorité a considéré inapproprié de tenir compte des petits formats dans l'analyse concurrentielle du secteur de la distribution d'équipements de la maison, estimant que :

" Le format et la taille du magasin sont également des critères importants de délimitation des marchés en ce que, notamment, ils déterminent l'aptitude du point de vente considéré à commercialiser un plus ou moins grand nombre de produits ou à offrir certains services annexes (parkings etc.). Les grandes surfaces spécialisées (GSS) se distinguent ainsi des grandes surfaces alimentaires (GSA) et du commerce de proximité. De telles grandes surfaces spécialisées proposent, en effet, des gammes de produits et des assortiments plus étendus ainsi que des services d'accueil et de conseils aux consommateurs. Le petit commerce ne représente généralement qu'une part marginale des achats, remplissant essentiellement une fonction de dépannage ou ne s'adressant qu'à une fraction de clientèle (personnes non motorisées etc.) "18.

63. Ce point de vue est également confirmé par les répondants au test de marché qui estiment majoritairement que le seuil de 300 m², retenu par la pratique décisionnelle, reste justifié.

64. En l'espèce, les formats des points de vente d'une surface inférieure à 300 m² retenus par la partie notifiante apparaissent au demeurant très disparates et susceptibles, pour l'essentiel, de satisfaire à des achats d'appoint. L'assortiment disponible en produits brun et/ou gris s'avère en outre généralement limité, ce type de magasin ne disposant que d'une gamme réduite de produits. Les parties font certes valoir que certains points de vente sont adossés à des enseignes disposant de sites internet leur permettant de proposer une gamme complète de produits et de bénéficier du stock accessible en ligne. Cette caractéristique revient toutefois à assimiler au moins partiellement de tels points de vente à des vendeurs en ligne, dont l'intégration au marché pertinent relève d'une question distincte examinée infra.

65. En définitive, les grandes GSA et GSS disposent d'une largeur de gamme sans commune mesure avec les magasins de moins de 300 m², qui disposent ainsi d'une zone de chalandise plus restreinte. Par ailleurs les magasins de moins de 300 m² mènent généralement des politiques tarifaires moins attractives compte tenu de leurs conditions d'achat moins favorables. Ils ne sont donc pas considérés, par les principaux distributeurs de produits électroniques, comme des concurrents proches.

66. Les magasins d'une surface totale de vente inférieure à 300 m² ne seront donc pas pris en compte au titre de l'analyse concurrentielle.

67. S'agissant des points de vente mono-spécialistes, la partie notifiante considère que les magasins de revendeurs (y compris les opérateurs) de produits de téléphonie fixe et mobile, les spécialistes photo ainsi que les spécialistes en produits informatiques, concurrencent les GSS.

68. Ces distributeurs mono-spécialistes ne proposent toutefois qu'une catégorie de produits en commun avec les parties. Ils disposent ainsi d'une largeur de gamme retreinte et exploitent des points de vente dont l'attractivité n'est pas comparable à celle de GSS, sur lesquels ils ne peuvent par conséquent pas exercer une pression concurrentielle sensible.

69. Ce constat est confirmé en l'espèce par l'absence d'interaction concurrentielle locale avec les points de vente des parties. Ainsi, lorsqu'ils effectuent des relevés de prix dans les magasins concurrents, les GSS n'effectuent généralement aucun relevé dans les boutiques de spécialistes situées dans leur zone de chalandise. Par exemple, le magasin de Darty situé à [...] (Paris) indique effectuer des relevés uniquement à la Fnac [...], qu'il considère comme son unique concurrent, alors même qu'un magasin SFR est présent dans sa zone de chalandise. De même, le magasin Boulanger situé dans le quartier Opéra à Paris estime n'être en concurrence frontale qu'avec la Fnac et Darty19.

70. Enfin, la partie notifiante prétend subir une pression concurrentielle particulière de la part des points de vente dédiés à la téléphonie mobile des principaux opérateurs de télécommunications (SFR, Orange et Bouygues Telecom) compte tenu, notamment, de leur notoriété auprès des consommateurs. La Fnac omet toutefois de relever que les produits de téléphonie commercialisés par les opérateurs de téléphonie sont très majoritairement des terminaux dits " subventionnés ", en ce sens qu'ils sont commercialisés à un tarif réduit dans le cadre de la souscription à un abonnement de téléphonie comprenant une durée minimale d'engagement. La frange commune de clients susceptibles de s'adresser aux parties sont les consommateurs souhaitant acheter un terminal " nu ". Les boutiques des opérateurs de téléphonie se concurrencent donc essentiellement entre elles, pour la commercialisation d'abonnements, et non pour la vente de terminaux " nus ", comme chacun de ces opérateurs l'a confirmé dans le cadre du test de marché.

71. Par conséquent, les magasins spécialistes concernés disposant de surfaces totales inférieures à 300 m² seront exclus de l'analyse concurrentielle.

72. S'agissant de la prise en compte des points de vente des fabricants, la majorité d'entre eux estime ne pas être en concurrence avec les distributeurs, mais agir en tant que " vitrine " pour leurs produits. Plusieurs relèvent même que leur réseau de vente en propre bénéficie à leurs distributeurs, et indiquent avoir constaté que l'implantation de leur magasin à proximité d'un distributeur de produits électroniques augmentait les ventes de ce dernier. En outre, les distributeurs concurrents des parties ont majoritairement estimé dans le cadre de leurs réponses au test de marché que la pression concurrentielle exercée par les fabricants était faible.

73. La situation des points de vente Apple (" Apple Store ") se démarque toutefois par sa spécificité. Apple dispose en effet d'un réseau de magasins physiques plus étendu que les autres fabricants, composé de magasins d'une surface beaucoup plus importante (770 m² en moyenne), systématiquement supérieure à 300 m², contrairement aux points de vente d'autres fabricants. Apple est par ailleurs considéré par de nombreux répondants au test de marché, et la partie notifiante elle-même, comme un concurrent des autres distributeurs de produits bruns et gris, tels que les GSS, les GSA et les groupements d'indépendants.

74. De même, du point de vue du consommateur, un sondage réalisé par l'Ifop à la demande de l'Autorité montre qu'en cas d'indisponibilité de certains produits à la Fnac (tablette, ordinateur et smartphone en particulier), entre 5,6 % et 8,9 % des clients auraient reporté leur achat dans un Apple Store. Ces taux de report sont significativement supérieurs à ceux constatés vers les magasins indépendants (moins de 1 % des répondants) ou les multispécialistes (moins de 3 %).

75. En tout état de cause, dans la mesure où les points de vente des fabricants, à l'exception des Apple Stores, ont une surface totale inférieure à 300 m², leur inclusion ou non dans l'analyse concurrentielle n'en modifie pas les conclusions.

76. Il résulte de qui précède que les magasins Apple seront pris en compte pour les besoins de l'analyse concurrentielle.

77. En conclusion, les GSA de plus de 2 500 m², les multi-spécialistes, les magasins de hard-discount spécialisés dans le commerce de détail de produits électrodomestiques, les groupements d'indépendants et les magasins de proximité d'une surface totale supérieure à 300 m² ainsi que les points de vente physiques d'Apple relèvent du même marché que les GSS. Les différents degrés de pression concurrentielle exercée par ces catégories de distributeurs seront pris en compte au stade de l'analyse concurrentielle.

iii. Les ventes à distance

Introduction

78. Dans une précédente décision relative aux marchés des produits électroniques bruns et gris20, l'Autorité a considéré que les ventes en ligne et les ventes en magasin appartenaient chacune à un marché de produits distinct. Elle a ainsi relevé plusieurs éléments faisant obstacle à la substituabilité de ces deux canaux de vente, en particulier :

- la différence de ces canaux en termes d'expérience du consommateur (disponibilité immédiate du produit et inspection du produit en magasin contre la possibilité de commander à tout moment sur internet) ;

- les différences de service proposées au sein de ces deux canaux de distribution, le niveau de service étant généralement supérieur chez les clicks and mortar ;

- les différences notables entre les sites internet des pure players21 et ceux des clicks and mortar, ces derniers devant maintenir une cohérence entre leur stratégie commerciale en ligne et en magasin ;

- les différences tarifaires entre les deux canaux, la politique tarifaire des pure players étant plus agressive.

79. Dans son avis n° 12-A-20 du 18 septembre 2012 relatif au fonctionnement concurrentiel du commerce électronique, l'Autorité n'a toutefois pas exclu que le rapport de substitution entre les deux canaux de distribution s'accroisse à l'avenir, du fait de la pénétration croissante d'internet dans les foyers et de l'augmentation du nombre de consommateurs effectuant leurs achats par le biais de ce canal.

80. La partie notifiante considère en l'espèce que la distinction selon le canal de distribution n'est plus pertinente, compte tenu de la substituabilité totale qui existerait désormais entre les ventes de produits électrodomestiques en magasins et à distance (majoritairement constituées de ventes en ligne). Elle soutient que les deux canaux offrent des gammes de produits analogues, des services similaires et disposent d'une notoriété équivalente. Elle relève en outre que les politiques tarifaires des différents acteurs tendent à converger en raison d'un nécessaire alignement tarifaire des magasins physiques sur les sites des pure players tels qu'Amazon ou Cdiscount. Elle relève en outre que le modèle de la distribution dite " omnicanale ", qui suppose la présence simultanée des distributeurs sur les différents canaux, est en fort développement, accompagnant l'évolution du parcours d'achat des consommateurs, qui passent désormais aisément d'un canal de vente à l'autre pour un même achat.

81. Cette position est confirmée par la majorité des répondants au test de marché mené au cas présent. La majorité des acteurs interrogés estime en effet que les ventes en ligne et les ventes en magasin relèvent du même marché, alors même qu'ils estimaient, à l'occasion du test de marché réalisé pour les besoins de l'examen de l'opération HTM/Saturn en 2011, " que seule une partie de la clientèle arbitre effectivement entre la VAD et les magasins, compte tenu des différences de services proposés au sein de ces deux canaux de distribution notamment "22.

82. L'évolution du comportement des consommateurs vis-à-vis des ventes en ligne est étayée par les deux sondages réalisés au cours de l'instruction du cas présent. En particulier, le sondage réalisé pour la Fnac démontre que le prix est le premier critère de choix pour le consommateur. De même, ce sondage révèle que la recherche d'information en ligne constitue une étape capitale de tout processus d'achat23, ce dont il résulte que les magasins ne peuvent agir indépendamment du canal internet.

83. Au cas d'espèce, la substituabilité des canaux de distribution du point de vue de la demande ressort en outre d'une série d'indices précis et concordants relatifs à la pénétration des ventes en ligne en matière de produits électroniques, l'analogie des gammes de produits et des services offerts en magasins, l'uniformisation tarifaire croissante au sein des différents canaux de distribution, le développement d'un modèle de distribution omnicanal et les taux significatifs de reports de demande entre canaux de distribution.

La pénétration des ventes en ligne des produits électroniques

84. La vente en ligne des produits concernés par l'opération présente des taux de pénétration importants, même s'ils varient selon les familles de produits. Les estimations diffèrent selon les sources, mais convergent pour constater que les ventes en ligne de produits électroniques constituent à tout le moins entre 20 et 30 % des ventes totales de ces produits.

85. Ainsi, selon une étude de l'institut Forrester Research24, reprise par les analyses d'Altermind et des professeurs Sraer et Thesmar25, le taux de pénétration de la vente en ligne en France était en 2013 de 33 % pour les ordinateurs, de 28 % pour les périphériques informatiques et de 27 % pour les produits électroniques grand public. Il s'élevait à 28% pour les jeux vidéo. D'après une étude de l'institut GfK et de la Fédération du e-commerce et de la vente à distance (" Fevad ")26, qui réunit les principaux acteurs du secteur, le taux de pénétration de la vente en ligne s'élevait en 2014 à 24,6 % pour les produits informatiques, 21,1 % pour les produits photo/vidéo, 21,4 % pour les produits de téléphonie mobile et 15 % pour les produits d'électronique grand public.

86. Ces taux ont connu une croissance importante puisqu'ils étaient, pour les produits électrodomestiques, de 6,7 % en 2006 et de 12 % en 201027. Dans une analyse prospective, il convient d'examiner dans quelle mesure cette tendance est appelée à persister dans le moyen terme. Selon les estimations de la Fevad et de l'institut Forrester, la croissance des ventes en ligne devrait se poursuivre.

87. L'institut Forrester28 estime ainsi que la croissance des ventes en ligne de produits électroniques grand public (" consumer electronics ") serait de 9,6 % entre 2013 et 2018, pour atteindre 34,6 % des ventes totales dans cette catégorie en 2018. La portée de cette prévision doit cependant être relativisée. L'étude Forrester date de début 2014 et fonde ses estimations sur des extrapolations des chiffres de ventes des années 2012 et 2013. Selon l'étude, la part de marché des ventes en ligne des produits bruns aurait dû être de près de 30 % en 201429 alors qu'elle n'a en réalité pas dépassé 18 % (voir infra). L'étude surévalue donc la croissance des ventes en ligne.

88. Selon les éléments au dossier, l'évolution des ventes sur internet des produits gris et bruns de 2012 à 2014 est la suivante :

< TABLEAU >

89. Ces données témoignent d'une croissance de la part de marché des ventes en ligne sur les produits gris et d'une stagnation de ces ventes sur les produits bruns. L'ampleur des évolutions est différente selon les sources utilisées. Par exemple, les données de l'institut GfK versées au dossier par la partie notifiante permettent de calculer les parts du marché suivantes pour la même période :

< TABLEAU >

90. Les niveaux des parts de marché et l'ampleur des variations dans le temps diffèrent donc selon les estimations, mais les conclusions qu'il est possible d'en tirer sont identiques : la part de marché des ventes en ligne augmente pour les produits gris alors qu'elle tend à stagner pour les produits bruns (avec une croissance de seulement [0-5] point entre 2013 et 2014 selon les données GfK).

91. La Fevad, auditionnée le 23 février 2016, confirme que la croissance des ventes en ligne est très variable selon les produits, notamment au sein de la catégorie " gris ", et estime qu'il ne faut pas s'attendre à une évolution de plus de 1 à 2 points par an sur les deux à trois prochaines années.

92. Selon la Fevad et les opérateurs entendus en séance, l'évolution du secteur connaît actuellement une inflexion marquée de par l'adoption par les principaux distributeurs physiques d'un modèle omnicanal, seuls les principaux pure players étant parvenus à maintenir une présence significative et durable sur le marché. Une portion importante de la croissance des ventes en ligne serait donc désormais attendu des distributeurs omnicanaux, si bien que des prévisions précises de croissance sont difficiles à établir, même si l'ensemble des estimations recueillies tend à montrer que la pénétration des ventes sur internet devrait continuer de progresser.

93. L'ensemble de ces éléments permet à tout le moins de constater que les taux de pénétration des ventes en ligne sur les ventes totales du marché sont importants et pérennes. Les perspectives de croissance seront analysées au stade de l'examen des effets de l'opération. En toute hypothèse, il ressort des éléments au dossier que l'importance des ventes en ligne explique en grande partie les choix organisationnels et commerciaux effectués par les parties dans un passé récent.

Eléments documentaires et stratégiques internes

94. Tant les documents internes des parties que leurs choix stratégiques reflètent l'adoption par celles-ci d'un revirement stratégique en grande partie élaboré en réponse à un environnement de marché dans lequel le positionnement d'un distributeur de produits électroniques ne peut s'exonérer d'une prise en compte des ventes en ligne.

95. En premier lieu, chacune des parties a modifié son organisation à la faveur d'une direction commerciale unique, sans distinction selon les canaux de distribution. La Fnac a notamment mis en place, dès 2011, le plan stratégique " Fnac 2015 ", dont les principaux axes étaient le développement des magasins (densification du réseau et amélioration de la satisfaction client), le digital (renforcement de l'offre, des interfaces et services de livraison) ainsi que le renforcement de l'engagement culturel de la Fnac. S'agissant plus particulièrement du volet digital, il ressort tant des documents stratégiques internes de la Fnac que de ses orientations stratégiques publiques disponibles sur son site internet que ce dernier vise à tenir compte de l'omnicanalité du marché en créant un parcours client mêlant réseaux sociaux, call-centers, magasins, kiosques digitaux en magasins, site internet amélioré, achats et recherches sur mobiles et tablettes, click and collect et commandes sur catalogue.

96. De même, le " Plan stratégique Nouvelle Confiance de Darty ", lancé à la fin de l'année 2012, reposait notamment sur la " digitalisation " de Darty. Ainsi, le nouvel article 1 du Contrat de confiance de Darty prévoit " des prix bas, identiques en magasin et sur internet ", tandis que l'article 3, relatif au service " Click and Collect ", prévoit " 1h après votre achat, retirez en magasins votre produit acheté sur darty.com s'il est en stock ".

97. En second lieu, l'analyse des documents internes de la Fnac confirme qu'elle tient effectivement compte des acteurs de la vente en ligne, au premier rang desquels Amazon, dans l'élaboration de sa stratégie commerciale et tarifaire. Dans un document relatif à la mise en place d'une direction commerciale unique, la Fnac affirme que " les stratégies-prix agressives mises en œuvre par les sites de vente en ligne (pure-player n'exploitant pas de réseau physique, parmi lesquels on peut citer Amazon, Cdiscount, Pixmania ou encore Rue du Commerce) trouvent donc un fort écho dans les attentes des consommateurs qui, en période de crise, ont tendance à se focaliser sur les prix. Ces acteurs "pure-players" font ainsi du prix, l'un des principaux arguments de vente. L'absence de contraintes liées à l'organisation de l'activité en magasin leur permet en effet un positionnement-prix souvent plus compétitifs que celui des acteurs traditionnels intervenant sur les marchés de la FNAC au travers de points de ventes physiques ". Ce même document indique qu'" il en résulte [de l'essor du e-commerce] une compétition accrue sur les prix qui concourt à la contraction des marges, une moindre fréquentation des magasins physiques, une réduction de la clientèle et une perte de valeur de la plupart des marchés " ou encore que " l'ensemble des marchés de la Fnac est affecté par le développement de cette pratique d'achat [en ligne] qui vient bouleverser le modèle du grand magasin physique spécialisé ".

98. De même, dans un document [confidentiel] la Fnac précise que " [l]e rapprochement [...] intervient dans un secteur en pleine évolution dont les conditions de concurrence sont bouleversées par la pénétration croissante des pure players internet, leur pression constante sur les prix, et l'amélioration concomitante du niveau de leurs services, qui fait craindre une évolution du marché français similaire à celle connue dans d'autres pays (multiplication des fermetures d'enseignes) ".

99. Dans le document de référence 2014 de la Fnac qui présente l'environnement concurrentiel des marchés sur lesquels la Fnac est présente, les pure players sont par ailleurs présentés comme ses principaux concurrents, en ces termes : " [ils] représentent la majorité du marché de ventes en ligne. Ils misent sur la compétitivité prix et sur un élargissement croissant de leur offre. Les principaux concurrents en France sont les sites internet Amazon, Cdiscount, Pixmania et Rueducommerce ".

100. Enfin, une enquête [confidentielle] montre que la Fnac tient particulièrement compte de la position d'Amazon dans sa stratégie commerciale. Ainsi cette enquête révèle qu'" [...] client Fnac.com sur [...] et [...] adhérent sur [...] ont fait leurs achats de produits électroniques sur Amazon au cours des 12 derniers mois " et qu'" Amazon continue de cibler nos clients les plus importants [confidentiel], et d'attirer notre coeur de cible [confidentiel]".

L'analogie des gammes de produits et services disponibles en ligne et en magasins

Position de la partie notifiante

101. La partie notifiante fait valoir que la plupart des produits distribués par les parties sont vendus simultanément en point de vente physique et en ligne. Le maintien d'une petite quantité de produits vendus uniquement par le canal physique se justifierait, selon la partie notifiante, par leur positionnement haut de gamme nécessitant une présentation physique en magasin.

102. En outre, la partie notifiante relève que les services offerts sur internet seraient de qualité comparable pour les consommateurs, qu'il s'agisse de la mise en avant des produits, des informations et des conseils préalables à l'achat, des conditions de livraison, des modalités de paiement et des services après-vente.

Appréciation au cas d'espèce

103. En premier lieu, les données versées au dossier montrent que les produits communs, vendus sur les deux canaux, en magasins comme en ligne, représentent l'essentiel du chiffre d'affaires des parties à l'opération. Pour Darty, ces produits représentent [90-100] % des ventes tant en volume qu'en valeur ; pour la Fnac, ils représentent [90-100] % des ventes en valeur et [70-80] % des ventes en volume.

104. Le test de marché mené auprès des concurrents des parties a également permis de conclure que ceux-ci, toutes catégories d'acteurs confondues, exploitent très majoritairement un site de vente en ligne. Ils sont également majoritaires à estimer que les sites de vente en ligne disposent en général d'une largeur de gamme supérieure aux magasins physiques, en raison notamment de l'absence des limitations de surface qui contraignent les magasins physiques.

105. Ainsi, malgré quelques réserves exprimées par certains concurrents, relatives notamment aux conditions d'approvisionnement des pure players pour certains produits réservés à la distribution sélective, le test de marché a largement confirmé que les produits disponibles en magasin le sont également sur internet, la gamme des produits proposés étant plus large en ligne.

106. L'instruction montre enfin que les enseignes de distribution traditionnelles, telles que la Fnac, Darty ou Boulanger, s'orientent vers une digitalisation de leurs magasins permettant notamment aux vendeurs de commander en ligne des produits indisponibles dans le magasin concerné et à leurs sites internet d'indiquer les produits pouvant être retirés en magasins.

107. En second lieu, la pratique décisionnelle antérieure s'est fondée sur la persistance de différences entre la vente à distance et en magasin pour considérer que ces deux canaux constituent des marchés distincts, notamment en termes de services. L'Autorité de la concurrence a ainsi pu relever que " du point de vue du consommateur, l'achat en magasin offre la possibilité d'inspecter le produit souhaité et, si besoin, de bénéficier des conseils d'un vendeur spécialisé. De plus, les articles présentés sont, la plupart du temps, disponibles immédiatement. A l'inverse, la VAD présente pour sa part l'avantage de pouvoir réaliser des achats à n'importe quel moment du jour et de la semaine, depuis son lieu de résidence "30. Elle ajoute que " les " pure players " proposent généralement des prix plus agressifs mais ne sont souvent pas en mesure de proposer les mêmes types de services (garanties, frais de livraison, location de véhicule de livraison, mise en route du produit, etc.) ou, s'ils les proposent, ils les facturent à un prix plus élevé à leurs clients "31.

108. Ces distinctions tendent néanmoins à s'amenuiser. L'évolution des sites de vente en ligne se traduit ainsi par un conseil à la vente offert au consommateur, qui dispose de fiches techniques sur le site d'achat, de commentaires et d'avis de consommateurs ayant précédemment acheté un produit, ainsi que d'analyses comparées fournies par des sites ou des revues spécialisés. De la même manière, certains sites de vente en ligne proposent des conseils en temps réel (via des outils de " chat ", par exemple).

109. Ainsi, par exemple, la Fnac a adapté sa stratégie en termes d'informations des consommateurs pour tenir compte de la concurrence des pure-players en enrichissant sa documentation en ligne : selon un document relatif à la mise en place d'une direction commerciale unique au sein du groupe, " [confidentiel] ".

110. De la même façon, la partie notifiante fait valoir que les modes et les délais de livraison assurent désormais une disponibilité du produit presque immédiate à l'instar d'un achat dans une enseigne physique. Il existe en effet un phénomène de réduction croissante du délai de livraison des produits vendus sur internet : ainsi, certains pure players comme Amazon proposent désormais une livraison dans la journée, voire dans l'heure. En outre, les pure players ou les clicks and mortars proposent généralement tous une livraison en point relais ou à domicile à un faible prix par rapport au montant du produit acheté. Dans le secteur des produits électroniques, la majorité d'entre eux proposent d'ailleurs la livraison gratuite au-dessus d'un certain montant d'achat.

111. Enfin, les enseignes traditionnelles comme les acteurs de la vente en ligne mettent en œuvre des politiques de retour des produits et de remboursement de la différence si le consommateur trouve le même produit à un prix inférieur chez un concurrent. Le consommateur bénéficie, indifféremment du canal choisi, d'un service de réparation et de garanties contre les pannes, les casses et les vols.

112. Le test de marché relève toutefois que les concurrents des parties estiment majoritairement que la vente en ligne fait toujours face à certains obstacles déjà observés par le passé, notamment les conditions de retour, les frais et délais de livraison, les conditions du service après-vente, la réticence à payer en ligne pour le consommateur ou encore l'absence de conseil d'un vendeur.

113. Certains de ces obstacles sont également toujours mentionnés par les consommateurs eux-mêmes. Le sondage Ifop réalisé pour la Fnac32 montre que 82 % des personnes interrogées estiment que la présence d'un service après-vente fiable auquel faire appel en cas de difficulté d'installation ou de panne est une raison de préférer un achat en magasin. De même, pour 83 % des sondés, la possibilité de retourner le produit en cas d'insatisfaction est une raison de préférer l'achat d'un produit électronique en magasin.

114. A contrario, les concurrents des parties relèvent également que la vente en ligne bénéficie d'un certain nombre d'avantages, tels que le confort d'achat (livraison à domicile, possibilité de commander depuis chez soi, absence de déplacement), la possibilité de comparer les produits et les prix dans une multitude d'enseignes, l'existence de vidéos de démonstration pouvant compenser l'absence d'expérience produit, la disponibilité des produits 24h/24h et 7 jours/7, la largeur de l'offre, la disponibilité et l'accessibilité des produits, les prix plus attractifs, ou encore l'avis des consommateurs sur les produits.

115. Il ressort de ce qui précède que les services et les avantages inhérents à la vente en ligne ou en magasin physique ne sont pas perçus comme strictement identiques par les concurrents des parties et les consommateurs, chaque canal disposant d'avantages qui lui sont propres. Toutefois, ces caractéristiques ne sont pas de nature à remettre en cause le constat d'un degré important de substitution entre les deux canaux, au regard, notamment, de l'uniformisation des prix et du développement d'un modèle de distribution intégrant les deux canaux de distribution dans le parcours d'achat.

L'uniformisation tarifaire des différents canaux

Position de la partie notifiante

116. La partie notifiante produit plusieurs études économiques33 visant à établir la convergence croissante des conditions tarifaires appliquées par les parties sur les deux canaux, la corrélation des niveaux de prix pratiqués par les enseignes en magasin et en ligne et l'impact des promotions réalisées sur le site internet de la Fnac, www.fnac.com, sur les ventes de ses magasins. Elle fait valoir que la Fnac et Darty ont adopté une politique tarifaire unique entre leur site internet et leurs magasins, avec le remboursement de la différence à leurs clients.

117. En particulier, la Fnac indique avoir adopté en 2013 une politique tarifaire unique appliquée aux deux canaux de vente. Elle précise recevoir quotidiennement un relevé des prix pratiqués sur internet de ses principaux concurrents : [confidentiel]. Ainsi, selon la Fnac, plus de [80-90] % des références de ses produits électroniques distribués en magasins présentent aujourd'hui une différence inférieure à [...] euros par rapport au prix internet, contre [60-70] % des références en 2012.

118. Selon la partie notifiante, l'analyse des indices de prix de l'ensemble des opérateurs permet de conclure que les prix pratiqués par les opérateurs distribuant leurs produits à la fois en ligne et en magasins (dits " click & mortars ") sont fortement contraints par les pure players, à l'image de la Fnac qui définit sa politique tarifaire unique en suivant l'évolution de leurs prix.

Appréciation au cas d'espèce

119. Il ressort de l'instruction que les prix de la Fnac sont fixés: selon [confidentiel].

120. Selon les données au dossier, le prix de [90-100] % des références de la Fnac en stock en [confidentiel] était fixé principalement en fonction des tarifs pratiqués par les pure players, [confidentiel]. Ces références représentaient en outre [80-90] % du chiffre d'affaires réalisé durant le mois précédent.

121. Les données au dossier permettent de rendre compte de l'ampleur des rapprochements tarifaires entre les prix de la Fnac en magasins et en ligne. Les tableaux suivants présentent la répartition des écarts de prix observés en moyenne chaque mois entre le site internet de la Fnac et ses magasins pour différentes catégories de produits34.

< TABLEAU >

122. Il s'ensuit que la grande majorité des articles présentent des écarts faibles (inférieurs à [...] %) entre les prix pratiqués en magasins et en ligne. Toutefois des différences de prix peuvent persister pour certains articles. C'est notamment le cas des ordinateurs portables, des tablettes tactiles et des lecteurs MP3, dont plus de [...]% des références présentent chaque mois des différences de supérieures à [...]%. Les différences de prix pour ces trois dernières catégories de produits ont cependant eu tendance à se réduire en 2015.

123. La partie notifiante a produit une étude économique permettant également de constater un rapprochement entre les indices de prix des magasins de la Fnac, de son site internet et des deux principaux pure players pour certaines catégories de produits35. Les indices de prix utilisés par cette étude ont été construits à partir de données internes à la Fnac et de la base de données [confidentiel] qui recense les prix quotidiens pratiqués par les concurrents sur leur site internet. Les enseignes étant susceptibles de proposer des gammes de produits différents, un simple calcul des prix moyens ne permettrait pas de rendre compte du positionnement tarifaire réel de chaque enseigne. En effet, une enseigne proposant une proportion plus importante de produits haut de gamme pratiquera nécessairement un prix moyen plus élevé que ses concurrents. Elle ne serait pas cependant nécessairement plus chère que ses concurrents au sens où chaque référence prise individuellement ne seraient pas vendus à un prix supérieur à celui des concurrents. La partie notifiante propose donc une estimation économétrique des indices de prix des acteurs permettant de neutraliser les effets liés à la composition de l'offre de ces acteurs. Une régression est ainsi effectuée pour expliquer les prix pratiqués par chaque enseigne sur chaque produit par un effet fixe propre au produit et un effet fixe propre à l'enseigne. Cette méthodologie permet de comparer les prix des différents distributeurs en contrôlant la composition de leur offre (qui est captée par l'effet fixe " produit ")36.

124. Il en ressort que, après avoir pratiqué en 2012 et 2013 des prix substantiellement plus élevés qu'Amazon et Cdiscount pour la vente d'appareils photo numériques, les prix de la Fnac ont fortement diminué pour se rapprocher des prix de Cdiscount.

< GRAPHIQUE >

125. Ces données permettent ainsi de confirmer le rôle directeur joué par les prix les plus bas constatés sur internet, sur lesquels la Fnac a tendance à s'aligner. Les données illustrent en revanche un écart de prix significatif avec Amazon, ce dernier proposant des tarifs plus élevés pour les appareils photo numériques.

< GRAPHIQUE >

126. De la même façon, pour les caméscopes, après avoir pratiqué des prix substantiellement plus élevés que ses concurrents, les prix de la Fnac et des deux pure players se sont rapprochés en 2015.

Evolution des prix des pure players et de la Fnac pour les caméscopes entre 2012 et 2015

127. Le même constat peut être observé sur le segment des téléviseurs (dont s'est retiré Amazon) sur lequel les prix de la Fnac se sont rapprochés des prix de Cdiscount.

Evolution des prix des pure players et de la Fnac pour les téléviseurs entre 2012 et 2015

128. Les différences de prix se sont également fortement atténuées sur les smartphones et téléphones portables.

Evolution des prix des pure players et de la Fnac pour les smartphones entre 2012 et 2015

129. Les différences de prix sont enfin également faibles pour les consoles de jeux vidéo.

< GRAPHIQUE >

130. Il convient toutefois de noter que, pour certaines catégories de produits, les prix pratiqués par la Fnac demeurent plus élevés que les prix pratiqués par les pure players. C'est notamment le cas des [confidentiel].

131. La partie notifiante indique par ailleurs qu'une même politique tarifaire uniformisée s'applique pour l'enseigne Darty. En outre, Darty a étendu sa politique de remboursement de la différence de prix à l'ensemble des enseignes concurrentes, y compris les pure players, ces derniers représentant aujourd'hui plus de [40-50] % des demandes de remboursement.

132. Il ressort en outre de l'instruction que la majorité des concurrents des parties ont également confirmé avoir adopté une politique tarifaire unique et aligner les prix en magasins avec les prix pratiqués sur leur site internet.

133. Par conséquent, le rapprochement tarifaire entre les prix de la Fnac et ceux des pure players est désormais observable et tend à se généraliser, même s'il n'existe pas encore d'alignement général des prix de l'ensemble des produits. Ce constat est également applicable aux principaux concurrents des parties.

Le développement d'un modèle de distribution omnicanal

Position de la partie notifiante

134. La partie notifiante considère que le secteur des produits électroniques est marqué par la présence incontournable d'internet dans le parcours d'achat du consommateur tant du point de vue de la demande que de l'offre. De manière croissante, les distributeurs vendent leurs produits en utilisant, simultanément ou de façon interconnectée, plusieurs moyens de distribution en relation les uns avec les autres, comme les magasins physiques, le téléphone, et internet. Une vente est dite " omnicanale " si elle résulte d'un passage de commande sur internet et d'un retrait du produit en magasin. Selon la partie notifiante, ce type de vente représente désormais près de [20-30] % des ventes sur internet en France (contre environ [10-20] % en 2013). Cette évolution s'expliquerait notamment par la progression du taux de pénétration des ventes en ligne de manière générale, en particulier dans le secteur des produits électroniques qui s'y prête particulièrement.

Appréciation au cas d'espèce

135. L'instruction a confirmé l'évolution des conditions de distribution des produits électroniques. La majorité des répondants au test de marché a confirmé que les concurrents des parties estiment que les consommateurs naviguent sur les deux canaux de vente quand ils réalisent un achat de produits électroniques. Ils considèrent ainsi à la quasi-unanimité que les consommateurs comparent les prix en ligne et en magasin et considèrent également pour la plupart que la pénétration des ventes en ligne continuera d'augmenter dans les années à venir.

136. En outre, les concurrents des parties confirment que l'omnicanalité constitue un relais de croissance et soulignent à cet égard le succès du " click and collect ", consistant à commander en ligne et à retirer la commande dans un point de retrait ou dans un magasin physique. Ce parcours d'achat tend en outre à minimiser certains des inconvénients identifiés pour la vente en ligne, notamment les frais et les délais de livraison. En France, selon la Fevad, le click and collect aurait fortement progressé, passant de 13 % à 21 % des acheteurs en ligne en une année.

137. Les résultats des sondages effectués au cours de l'instruction confirment ces constatations. Le sondage Altermind/Ifop pour la Fnac révèle tout d'abord une préférence marquée des consommateurs pour l'achat en magasins. 89 % des personnes interrogées ont ainsi affirmé préférer effectuer leurs achats de produits électroniques en magasins, contre 10 % seulement qui déclarent une préférence pour l'achat en ligne. Ce sondage révèle également que 64 % des clients Fnac (et 59 % des clients Darty) s'informent sur internet avant d'effectuer un achat de matériel électronique. L'enquête met toutefois en lumière des différences entre les catégories d'âge : concernant la préférence pour des achats en ligne, on constate un écart de 18 points entre les plus de 65 ans (2 %) et les 25-34 ans (20 %). Toutefois, si 99 % des jeunes ont un usage quotidien d'internet, l'enquête montre cependant un développement significatif de cet usage chez les plus de 65 ans (39 % déclarent utiliser internet quotidiennement).

< GRAPHIQUE >

138. Par ailleurs, le sondage réalisé pour la Fnac montre que 70 % des sondés ont déjà reconsidéré un projet d'achat en magasin après avoir trouvé un produit moins cher sur internet

139. En outre, les résultats de ce sondage montrent que, du point de vue des consommateurs, la meilleure offre de produits de TV, ordinateurs portables et smartphones se retrouve indifféremment dans des enseignes disposant à la fois de magasins physiques et de sites de vente en ligne comme chez les pure players, puisque les enseignes Amazon, Darty et la Fnac sont considérées à égalité comme les enseignes disposant de la meilleure offre de produits (17 % des sondés ayant répondu à la question s'étant prononcés pour chacune de ses enseignes), suivies par CDiscount (15 %) et les GSA (14 %).

140. Au surplus, ce sondage révèle que 68 % des personnes interrogées ont déjà effectué un achat auprès de Darty, 64 % auprès de la Fnac, 54 % auprès de Boulanger, 51 % auprès d'Amazon et 46 % auprès de Cdiscount, ce qui montre une répartition relativement proche entre les canaux de distribution. Si l'on considère les seuls clients des parties, ces taux sont également élevés : 54 % des clients de Darty ont déjà acheté des produits sur Amazon et 48 % sur Cdiscount ; 58 % des clients de la Fnac ont déjà effectué un achat sur Amazon et 47 % sur CDiscount.

< TABLEAU >

141. Ce résultat est confirmé par le sondage réalisé pour l'Autorité, puisque les enseignes choisies en cas de hausse des prix de 10 % de la Fnac sont Darty, Amazon et Boulanger (leurs rangs respectifs variant selon la catégorie de produit concernée).

142. S'agissant du parcours d'achat du client, il ressort également du sondage réalisé pour la Fnac que seuls 18 % des consommateurs interrogés estiment que, lors de leur recherche d'information pour un achat de produit électronique tel que TV, ordinateur ou smartphone, les informations disponibles sur internet sont moins bonnes que celles que l'on obtient en magasin, tandis que 31 % estiment qu'elles sont meilleures et 43 % qu'elles sont équivalentes. A cet égard, ils sont également 62 % à estimer que les avis des clients sur un produit donné sont aussi importants que les conseils d'un vendeur en magasin.

143. Ce même sondage permet également de confirmer que plus de la moitié des consommateurs ayant acheté un produit électronique en magasin ont préalablement consulté les offres disponibles sur internet (à titre d'exemple, 65 % ont consulté le site de la marque du produit en question, 64 % ont consulté les avis de consommateurs, 59 % ont consulté des sites autres que celui de la marque ou de l'enseigne de l'achat et 54 % ont utilisé des comparateurs en ligne). En sens inverse, le sondage démontre également que 58 % des clients ayant effectué un achat sur internet consultent régulièrement les prix du produit concerné en magasin au préalable et près de la moitié d'entre eux indiquent demander des conseils en magasin avant de réaliser leur achat sur internet.

144. Le sondage réalisé pour la Fnac permet donc de confirmer la position de la partie notifiante et les résultats du test de marché quant au fait que les consommateurs consultent les deux canaux de vente avant de réaliser leur achat sur l'un des deux. Les résultats du sondage confirment la prévalence des pratiques dite de ROPO (" Research Online, Purchase Offline "), parcours d'achat dans lequel le consommateur recherche son produit en ligne et l'achète dans une enseigne physique, et de " showrooming ", consistant pour le consommateur à se rendre en magasin pour examiner le produit et son tarif puis à l'acheter en ligne. Ce constat est lié à l'accroissement du taux d'équipement en matériel informatique des Français ainsi qu'au développement de l'accès à l'internet haut débit.

Les reports de demande inter-canaux

145. Il ressort de l'instruction que les pure players sont de proches concurrents des parties. Les concurrents interrogés dans le cadre du test de marché, y compris les pure players, ont été invités à classer les enseignes de produits électroniques bruns et/ou gris selon leur proximité avec les parties. Il en résulte que les distributeurs estiment en moyenne qu'Amazon est le 3ème concurrent de la Fnac, derrière Darty37.

< GRAPHIQUE >

146. En outre, à l'occasion d'un second test de marché, les concurrents ont estimé que, dans l'hypothèse d'une augmentation des prix des produits bruns et/ou gris de 5 à 10 % par la nouvelle entité à l'issue de l'opération, les consommateurs se reporteraient majoritairement vers les enseignes Boulanger, Amazon ou Cdiscount. Ce résultat contribue à confirmer que les acteurs du marché considèrent les pure players comme des concurrents crédibles des parties.

147. Le constat de reports significatifs des clients des parties vers les pure players et les enseignes click and mortar a été confirmé et précisé par le sondage de l'Ifop réalisé pour l'Autorité38. Il en ressort qu'en cas d'augmentation des prix de 10 % par la Fnac, 19,2 % des clients se reporteraient sur Darty (tous produits électroniques confondus), tandis que 13,3 % se reporterait vers Boulanger, 16,1 % vers Amazon (ce taux montant jusqu'à 27,9 % pour la catégorie de produits " Accessoires image et son ") et 10,21 % vers CDiscount. Les ratios de diversions de la Fnac et Darty vers les pure players par catégories de produits en cas de hausse des prix de 10 % sont les suivants :

< TABLEAU >

148. Ces résultats montrent par conséquent l'existence de ratios significatifs de diversion des parties vers les seuls pure players. Les taux susvisés minorent en outre l'importance des reports vers des achats en ligne puisqu'ils ne concernent que les reports de demande vers les pure players, les résultats du sondage ne permettant pas de distinguer les reports vers les sites internet ou les points de vente physiques des clicks & mortars. L'importance des reports vers les ventes en ligne sont donc vraisemblablement plus élevés.

149. A l'inverse, le fait que le sondage ait été réalisé en ligne peut également induire une surestimation des taux de report vers les pure players et les ventes en ligne de manière plus générale, dans la mesure où les répondants sont des consommateurs qui achètent en ligne et répondent à des sondages sur internet. Toutefois, au vu de l'ampleur des taux de report ci-dessus, l'existence de ratios significatifs de diversion des parties vers les pure players ne se trouve pas remise en cause par ce biais éventuel.

150. Il s'ensuit que la distribution de produits électroniques sur internet exerce une contrainte significative sur la distribution de produits bruns et gris en points de vente physiques.

Conclusion

151. Il ressort de l'ensemble de ces éléments que le développement de la vente en ligne dans le secteur des produits électroniques au cours de cinq dernières années s'est accompagné d'un amenuisement significatif des différences qui avaient été relevées par la pratique décisionnelle antérieure entre la vente en ligne et la vente en magasins.

152. Du point de vue de l'offre, les enseignes traditionnelles ont adapté leur stratégie interne, tarifaire et commerciale en développant leurs propres sites de vente en ligne notamment dans le but de répondre à l'émergence d'acteurs pure players de poids dans le secteur. Cette évolution s'est traduite par le passage d'une politique multicanale des enseignes traditionnelles, dans laquelle les ventes en ligne étaient complémentaires aux ventes en magasin, à une politique omnicanale réunissant les deux canaux de distribution pour n'en former qu'un seul aux yeux du consommateur. Un paramètre central de cette stratégie est la forte adaptation de la stratégie tarifaire des distributeurs traditionnels vis-à-vis de celle des pure players. De leur côté, les opérateurs de la vente en ligne ont parallèlement amélioré les services proposés aux clients pour correspondre aux critères fixés par la vente en magasins.

153. Du point de vue de la demande, si les consommateurs demeurent encore attachés à l'achat en magasin, il est indéniable, au vu des résultats de l'instruction, qu'internet a été significativement intégré au comportement d'achat des consommateurs, tant en ce qui concerne la comparaison des offres à l'amont que pour l'acte d'achat lui-même.

154. Par conséquent, bien que la substituabilité des canaux ne soit pas parfaite, elle apparait suffisante pour considérer que les ventes en ligne exercent une pression concurrentielle telle sur les ventes en magasin que ces deux canaux doivent à présent être considérés comme faisant partie du même marché.

155. L'analyse concurrentielle sera donc menée sur le marché de la distribution au détail de produits électroniques bruns et gris intégrant à la fois les ventes en magasins et les ventes à distance.

2. MARCHES GEOGRAPHIQUES

a) Rappel de la pratique décisionnelle

156. Dans le secteur du commerce de détail en points de vente physiques, conformément à la pratique décisionnelle, la concurrence s'exerce du point de vue du consommateur principalement au niveau local sur des marchés dont la dimension varie en fonction du type de produits concernés et de l'attractivité des magasins.

157. S'agissant de la distribution de produits d'ameublement et électrodomestiques, les autorités de concurrence ont estimé que le consommateur était prêt à réaliser un trajet d'une durée de 20 à 45 minutes pour se rendre dans un magasin et comparer les produits et les prix d'une enseigne à l'autre39. Cette durée varie cependant en fonction de la taille du magasin et d'autres caractéristiques propres à chaque zone, telles que la géographie, la densité de population ou les autres magasins situés à proximité. La majorité des répondants au test de marché valide cette pratique décisionnelle.

158. Par ailleurs, la Commission européenne a relevé dans plusieurs décisions concernant le secteur de la distribution spécialisée40 ou alimentaire41, que plusieurs éléments de l'analyse concurrentielle peuvent être examinés dans un contexte plus large que le niveau local. En effet, d'importants paramètres de concurrence peuvent être évalués au niveau national notamment lorsque les prix sont dans une large mesure déterminés à ce niveau par des têtes de réseaux ne laissant qu'une faible marge de manœuvre tarifaire aux gérants de magasins. De même, certaines décisions stratégiques non-tarifaires peuvent être centralisées comme, par exemple, la structure des assortiments, les services après-vente, les contrôles de qualité, les campagnes de publicité, les politiques de fidélisation de la clientèle (par le biais, par exemple, de cartes de fidélité), les actions de promotion ou de lancement de nouveaux produits, ou encore la politique d'implantation des magasins.

159. S'agissant des produits de jeux vidéo, la pratique décisionnelle a retenu les empreintes réelles des magasins42. Au cas d'espèce, compte tenu de la faiblesse des ventes de produits de jeux vidéo des magasins cibles (moins de [0-5] % du chiffre d'affaires national de Darty), les empreintes réelles des magasins sur ces seuls produits ne s'avèrent pas pertinentes pour appréhender le comportement réel du consommateur. L'analyse de ces marchés sera donc menée sur les mêmes marchés géographiques que ceux qui seront définis pour les produits bruns et gris.

b) La pertinence d'une estimation nationale et locale du pouvoir de marché des parties

i. Position de la partie notifiante

160. La partie notifiante estime qu'il n'existe pas de différence, sur l'ensemble du territoire national, dans les conditions d'exercice de la concurrence entre la vente à distance et la vente en magasins. Elle explique que les ventes en ligne sont, par construction, opérées au niveau national. Elle fait également valoir que tous les principaux concurrents traditionnels sont actifs au niveau national, qu'il s'agisse des autres GSS, des groupements d'indépendants ou des GSA. Elle soutient que les politiques tarifaires et commerciales de la plupart de ces acteurs seraient fixées au niveau national, de manière identique pour les deux canaux. Enfin, la partie notifiante rappelle que le consommateur est à même de vérifier avant son achat, au moment de l'acte d'achat et même postérieurement à celui-ci, les prix pratiqués par les concurrents au niveau national, grâce à l'usage d'internet. Elle en conclut que la dimension géographique du marché de la vente au détail de produits électroniques serait identique à celle du segment de la vente à distance de produits électroniques, à savoir nationale.

ii. Appréciation au cas d'espèce

Observations liminaires

161. A titre liminaire, il convient de souligner que la détermination d'un positionnement tarifaire national ne s'oppose nullement à l'examen des effets d'une opération de concentration au niveau local43. S'agissant en particulier d'une opération de concentration horizontale dont l'effet est de réunir deux réseaux de points de vente physique, l'examen de l'impact de l'opération au niveau de chaque zone de chalandise affectée par des chevauchements d'activité des parties doit être mené.

162. En l'espèce, la partie notifiante estime que le positionnement tarifaire de la Fnac et de Darty est déterminé au niveau national et que les ajustements de prix effectués au niveau de chaque magasin sont soit de faible ampleur, soit sans rapport avec le degré local de concurrence, pour en déduire que l'analyse concurrentielle devrait être effectuée au niveau national uniquement. La pratique décisionnelle dont la partie notifiante se prévaut à l'appui de sa démonstration adopte toutefois une démarche différente et à certains égards inverse de celle qu'elle préconise. Ainsi, notamment, l'autorité britannique, dans le cadre de l'examen de l'opération Poundland/99p, a évalué dans quelle mesure la concentration risquait de porter atteinte à la concurrence en incitant les parties, qui fixaient leurs prix au niveau national avant l'opération, à adapter leur politique commerciale localement. Reconnaissant que de telles adaptations locales n'étaient pas observées avant l'opération, l'autorité britannique a examiné dans quelle mesure l'impact structurel de la concentration, en réduisant le nombre de concurrents dans les zones locales concernées, risquait de porter atteinte à la concurrence en conférant au nouvel ensemble la possibilité de modifier son positionnement tarifaire ou non-tarifaire en fonction de la réduction de concurrence dans les zones de chalandises concernées44.

163. Au cas présent, les éléments quantitatifs et qualitatifs recueillis au cours de l'instruction montrent que la concurrence sur les marchés de produits bruns et gris s'exerce à deux niveaux géographiques, les déterminants concurrentiels étant fixés à la fois au niveau national et au niveau local.

Sur les déterminants nationaux de concurrence

164. Comme développé supra, l'essor de la vente en ligne a conduit les opérateurs du secteur à harmoniser leurs politiques tarifaire et commerciale au niveau national de manière commune pour les deux canaux de vente, en magasins et en ligne. En ce sens, la majorité des répondants au test de marché a confirmé établir les stratégies commerciales et tarifaires de leur offre au niveau national.

165. Pour sa part, la Fnac a détaillé le fonctionnement de l'algorithme qu'elle utilise pour établir le prix de ses produits en tenant compte des prix observés sur internet, notamment ceux pratiqués par les pure players, lesquels sont évidemment appliqués à l'ensemble du territoire national et jouent par conséquent un rôle directeur dans la fixation de la politique tarifaire de l'enseigne. En outre, les gammes de produits de même que la nature et la qualité des services proposés tendent également à être harmonisées au niveau national, de manière commune pour les deux canaux de distribution, pour la plupart des distributeurs du secteur.

166. Au regard de l'importance de ces déterminants nationaux de concurrence, une analyse concurrentielle sera réalisée au niveau national.

Sur les déterminants locaux de concurrence

167. Il ressort de l'instruction que les opérateurs du secteur prennent en compte des déterminants locaux de concurrence dans la définition de leurs politiques commerciales et tarifaires. Il demeure ainsi des marges importantes d'adaptation du positionnement des opérateurs vis-à-vis de la concurrence locale, que ce soit de la part des parties, tel qu'il ressort des différents éléments de politique interne communiqués, ou de la part de leurs concurrents. Une grande majorité des répondants au test de marché a d'ailleurs considéré qu'il était pertinent d'évaluer la pression concurrentielle de la vente en ligne au niveau local.

168. En l'espèce, plusieurs éléments conduisent à constater l'existence de fortes interactions concurrentielles locales, et notamment la prise en compte de paramètres locaux de concurrence, le développement des réseaux physiques des parties et le constat d'alignements locaux des prix.

La prise en compte de paramètres locaux de concurrence

169. Les opérateurs du secteur interrogés au cours de l'instruction ont mis en exergue l'existence de paramètres locaux de concurrence. En effet, si les stratégies commerciales et tarifaires des concurrents des parties sont également pour la plupart déterminées au niveau national, les directeurs ou gérants des points de vente bénéficient de la possibilité d'adapter les prix aux conditions locales de concurrence. Ainsi, ces derniers réalisent localement des veilles concurrentielles dans les magasins alentours, notamment dans les points de vente de la Fnac et de Darty. Ces visites de magasins ont généralement deux objectifs : relever les prix de certains produits, souvent identifiés comme les meilleures ventes, mais également observer la qualité de services offerte par le concurrent. A l'issue de cette veille, les points de vente des distributeurs peuvent être amenés à modifier leur offre localement, de manière ponctuelle ou permanente.

170. Sur le plan tarifaire, les marges d'ajustement local consistent pour les opérateurs dans la possibilité de pratiquer des prix inférieurs aux prix nationaux, le cas échéant affichés en ligne, afin de tenir compte d'une concurrence locale plus forte. Les concurrents interrogés, qu'il s'agisse de groupements d'indépendants, de réseaux intégrés ou de franchisés, ont notamment fait part de la nécessité de s'adapter aux " attaques de prix " locales pratiquées notamment par les parties à l'opération localement et ponctuellement, en particulier la veille de week-ends. Dès lors, les relevés de prix locaux effectués par les différents opérateurs sont nécessaires car des relevés de prix en ligne ne sauraient appréhender ces " attaques " ponctuelles. Plusieurs directeurs de magasins interrogés, y compris des directeurs de magasins Darty, ont confirmé l'existence de ces attaques de prix et la marge de manœuvre dont bénéficiaient les opérateurs du secteur au niveau local pour lancer ces opérations promotionnelles et pour les contrer. L'ampleur des baisses de prix constatées peut être variable, mais elle est généralement perçue comme significative pour inciter le consommateur à l'achat.

171. S'agissant de la veille concurrentielle réalisée sur les aspects qualitatifs de l'offre, les opérateurs interrogés estiment également qu'elle est opportune au niveau local. Sont ainsi notamment analysés la qualité de services proposée par le magasin inspecté, le flux de clients, l'ambiance du magasin, la présentation de l'offre, la livraison, les horaires d'ouverture et la qualité de l'accueil. Les directeurs de magasins, qui contrôlent ces différents aspects de l'offre concurrente dans les magasins alentours, peuvent alors prendre en compte ces éléments afin d'améliorer leur propre qualité de service.

L'ouverture de nouveaux points de vente par les parties

172. Les parties mettent en œuvre une politique d'ouvertures de points de vente en France en franchise, et développent ainsi des réseaux en vue de mailler de plus en plus finement le territoire national et ainsi se rapprocher du client final. Sur la période 2011-2015, la Fnac a ainsi fermé quatre magasins de format " traditionnel ", et ouvert dans le même temps 36 points de vente (deux magasins " traditionnel ", 18 magasins " travel " et 16 magasins " proximité "). Sur cette même période, Darty a fermé 33 points de vente pour en ouvrir 97 dans toute la France. Ce renforcement du maillage territorial des deux enseignes reflète l'importance, pour ces enseignes, de détenir des points de vente de proximité à même de répondre aux besoins du consommateur non couverts par leur offre en ligne.

173. Cette stratégie ne peut se comprendre qu'au regard du comportement de consommateurs dont l'arbitrage, s'il inclut internet dans le parcours d'achat, reste fortement soumis à un impératif de proximité. Il ressort notamment des témoignages des directeurs de magasins interrogés au cours de l'instruction que les clients effectuent leurs achats près de leur domicile ou de leur lieu de travail, l'ampleur des trajets qu'ils sont prêts à effectuer variant en fonction des caractéristiques des zones considérées. Il s'ensuit que la distance que les consommateurs sont disposés à couvrir pour leurs achats demeure un paramètre déterminant de concurrence.

174. En outre, ces nouveaux magasins sous enseignes Fnac et Darty sont pour la très grande majorité exploités sous franchise. A l'heure actuelle, les magasins franchisés sont au nombre de [...] dans le réseau Fnac et [...] dans le réseau Darty, et [confidentiel]. Or les franchisés sont contractuellement libres de déterminer leurs prix, et de les adapter à la concurrence locale s'ils l'estiment pertinent. A ce titre, les contrats de franchise des deux enseignes prévoient une étude préalable du marché et de la concurrence locale45.

L'existence d'alignements locaux de prix

175. Les parties ont confirmé au cours de l'instruction que des adaptations ponctuelles du prix des produits étaient possibles au niveau de chaque point de vente. En ce qui concerne la Fnac, ce mécanisme est peu utilisé en pratique : ces ajustements locaux ne concerneraient ainsi que [0-5] % des produits électroniques vendus par l'enseigne. Il n'en demeure pas moins que, même dans cette hypothèse, et au regard de l'existence de ce dispositif, la possibilité d'adopter une politique plus locale de prix pourrait apparaître opportune à l'issue de l'opération, dans la mesure où l'opération modifierait les conditions de concurrence auxquelles font face les différents magasins au niveau local. En effet, le seul changement des conditions locales de concurrence pourrait augmenter l'incitation des parties à différencier les prix entre les magasins de façon à mieux répondre aux différences d'intensité concurrentielle auxquelles font face les différents magasins.

176. Il convient également de relever que, quel que soit le nombre des produits concernés, ces modifications ponctuelles et locales de prix correspondent, selon des concurrents des parties, à des produits particulièrement attractifs pour le consommateur, et susceptibles de constituer des produits d'appel.

177. La partie notifiante reconnaît par ailleurs que la pratique d'adaptations locales de prix selon des critères de concurrence locaux est historiquement plus ancrée chez Darty, où l'on observe un plus grand nombre d'alignements tarifaires. Les magasins Darty effectuent un suivi régulier des prix pratiqués par leurs concurrents au niveau local pour certains de leurs produits, et ont par la suite la possibilité de demander à la centrale régionale de s'aligner à la baisse sur le prix d'un concurrent. Ainsi, par exemple, en janvier 2016, [...] magasins Darty en France (soit [50-60] %) ont demandé [...] alignements de prix portant sur [...] références de produits électroniques distincts, soit une moyenne de [...] alignements pour ces magasins en un mois.

178. Les observations relevées pour les mois de septembre 2015, janvier et mars 2016 sont résumées dans le tableau suivant :

< TABLEAU >

179. On constate que les alignements de prix pratiqués par les magasins Darty sont particulièrement nombreux à Paris et en région parisienne. Ainsi, durant le mois de janvier 2016, [60-70] % des magasins Darty parisiens ont fait l'objet de ce type d'ajustements tarifaires locaux, sur un total de [...] alignements en moyenne sur les points de vente concernés. [80-90] % des magasins de petite couronne et [confidentiel] des magasins de grande couronne ont également effectué des adaptations de leurs prix aux conditions de concurrence locales, avec en moyenne respectivement [...] et [...] alignements pour les magasins concernés.

*Rectification d'erreur matérielle

180. La partie notifiante soutient que le nombre de ces alignements locaux diminuerait au profit d'un alignement sur les conditions tarifaires nationales. Elle ne fonde toutefois cette affirmation que sur une période de 7 mois d'observations, de septembre 2015 à mars 2016, ce qui ne permet de tirer aucune conclusion quant à l'évolution pluriannuelle du positionnement tarifaire local de Darty.

181. En toute hypothèse, il convient de noter que ces ajustements concernaient, en fin de période d'observation (mars 2016), [50-60] % des magasins Darty de France, dont [50-60] % des points de vente parisiens, [80-90] % des magasins de petite couronne, et [confidentiel] de grande couronne. Les ajustements concernés ne sont pas négligeables, puisqu'ils consistaient dans un taux moyen de baisse des prix pour la période totale d'observation de l'ordre de [...]% pour les produits bruns et de [...]% pour les produits gris46.

182. La partie notifiante produit également une analyse statistique de l'évolution mensuelle du taux de respect du prix de référence national de Darty. Ces statistiques portent sur les 500 produits les plus vendus et concernent des observations durant une période courant entre janvier 2013 et juillet 2015. Il en ressort que d'importantes variations sont constaté durant la période, tant globalement que par zones géographiques, en particulier pour les produits bruns. Ainsi, pour ces derniers, on relève des taux de respect très disparates par zones et oscillant entre [70-80]% et [80-90] % jusqu'en 2014. Les écarts par zones tendent à se resserrer durant la période 2014-mi 2015, mais les taux de respect des prix nationaux de référence restent variables, entre [80-90] % et [90-100] %, avec d'importantes variations correspondant vraisemblablement aux pics saisonniers de ventes (les taux de respect du prix de référence ayant tendance à diminuer en fin d'année)47.

183. La partie notifiante minimise l'impact de ces ajustements tarifaires en relevant que la part du chiffre d'affaires représenté par les ventes aux prix inférieurs au prix de référence tendrait à diminuer. Il n'en reste pas moins que l'existence d'une composante locale faisant partie intégrante de la politique tarifaire de Darty n'est pas contestée48.

Conclusion sur le bien-fondé d'une analyse concurrentielle locale

184. Les marchés des produits bruns et gris nécessitent une analyse locale des positions concurrentielles des différents acteurs, compte tenu de la préférence largement majoritaire des consommateurs pour l'achat en magasins. Le taux de pénétration de la vente en ligne sur les marchés des produits bruns et gris est en effet compris entre 15 et 30 % selon les estimations des parties. Une grande proportion de la population, comprise entre 70 et 85 %, continue donc d'effectuer ses achats en magasins. En ce sens, le sondage Altermind/Ifop réalisé pour la Fnac montre que 89 % des consommateurs déclarent préférer effectuer leurs achats de produits bruns et gris en magasins, et 64 % n'envisagent pas à l'avenir de les acheter sur internet.

185. En outre, contrairement à ce que soutient la partie notifiante, la prise en compte de la pression concurrentielle exercée par les sites de vente en ligne sur les points de vente physiques n'implique pas d'analyser exclusivement un marché national. Le e-commerce constitue par nature une activité dématérialisée, qui permet à chaque consommateur d'en bénéficier, quel que soit l'endroit où il se trouve. La distribution sur internet n'est donc pas rattachable à un territoire particulier. Pour autant, appréhender l'offre en ligne n'implique pas d'occulter les différences de situations locales qui peuvent s'offrir au consommateur en fonction de la zone de chalandise dans laquelle il se trouve. En effet, si la minorité des achats effectués sur internet dans le secteur peut être réalisée à partir de n'importe quel endroit du territoire national, la grande majorité des ventes sont effectuées en magasin et résultent d'un arbitrage du consommateur réalisé notamment en fonction des alternatives qui lui sont géographiquement accessibles. L'existence de paramètres locaux de concurrence montre au demeurant que, parmi les alternatives entre lesquelles le consommateur arbitre, les offres locales sont susceptibles de répondre à des logiques commerciales et tarifaires spécifiques à la situation concurrentielle.

186. Le caractère prépondérant des ventes en magasins physiques justifie par conséquent l'examen des effets de l'opération sur les conditions locales de concurrence, seul de nature à refléter l'impact de la concentration sur les alternatives dont dispose le consommateur. Compte tenu de l'ensemble de ces éléments, les positions des différents acteurs seront analysées à la fois au niveau national et local.

c) Les détails de l'analyse locale de la position des parties

187. Il ressort du test de marché qu'il convient de retenir des tailles de zones de chalandise spécifiques lorsque que les magasins considérés sont situés à Paris, en région parisienne, ou dans une grande ville de province, compte tenu des caractéristiques propres de ces différentes zones.

i. Les magasins de gares, aéroports et stations

188. La Fnac exploite plusieurs points de vente " travel " localisés à l'intérieur des gares de centres villes à Paris, Lyon, Metz et Marseille. Leurs surfaces commerciales, comprises entre [...] et [...] m², sont très inférieures à la surface moyenne des magasins situés dans ces grandes villes, et leur offre de produits électroniques est restreinte et centrée sur des produits dits " nomades ", principalement des petits appareils son, photo, téléphonie et informatique et des accessoires. Ces magasins sont en effet prioritairement destinés à des produits éditoriaux culturels (livres, musiques) et d'actualité.

189. La surface consacrée aux produits électroniques dans les six Fnac " travel " localisés dans les gares est ainsi comprise entre [10-20] % et [30-40] %, tandis que les produits éditoriaux représentent entre [60-70] % et [70-80] % de la surface produit. Plus précisément, la partie notifiante indique que les surfaces dédiées aux produits bruns et gris n'excèdent pas [...] m²49, ce qui implique une offre limitée en termes de diversité et de profondeurs de gammes.

190. En ce qui concerne les magasins de gares, l'Autorité a déjà admis que la zone de chalandise pouvait se limiter à la gare ou à la station dans laquelle les magasins étaient installés, dans la mesure où ils répondent aux besoins ponctuels d'une clientèle en transit50.

191. Le même raisonnement s'applique aux magasins de la Fnac situés au sein des aéroports. La partie notifiante considère, conformément à une décision relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur des commerces sous douane des aéroports parisiens51, que la zone de chalandise des Fnac " travel " en zone sous douane doit être limitée à l'aéroport ou à chaque terminal lorsque la configuration des lieux interdit la circulation entre aérogares.

192. Enfin, les répondants au test de marché ont confirmé qu'il était pertinent, pour les magasins situés dans des infrastructures de transport, telles que les gares et les aéroports, de retenir une zone de chalandise limitée à cette zone.

193. Pour l'ensemble de ces raisons, les magasins Fnac Travel situés dans des gares ou aéroports seront donc exclus de l'analyse concurrentielle au niveau local dans la mesure où l'opération (i) n'engendre aucun chevauchement d'activités entre les parties et (ii) ces magasins, au même titre que les points de vente d'une surface inférieure à 300 m², n'exercent pas une pression concurrentielle suffisante sur les marchés de la distribution au détail des produits électroniques.

ii. Les empreintes réelles

194. L'Autorité délimite des zones de chalandise à partir de l'étude de la localisation effective des clients d'un point de vente (également appelée " empreinte réelle "). Le comportement des consommateurs sur une zone donnée peut ainsi être précisé avec les données collectées par les magasins sur la localisation réelle de leurs clients. Il est généralement considéré que la zone de chalandise d'un magasin peut être limitée à celle qui regroupe les clients représentant 80 % du chiffre d'affaires du magasin ou 80 % des clients du magasin, en fonction des données disponibles52. Le solde est considéré comme une clientèle ponctuelle et non significative parfois très éloignée du point de vente.

195. En l'espèce, les parties ont communiqué les empreintes réelles de l'ensemble des magasins Darty53. Ces empreintes réelles ont été comparées avec les tailles de zones isochrones, délimitées en fonction d'un temps de trajet déterminé, proposées par les parties et leurs concurrents. Comme détaillé ci-dessous, les zones délimitées selon ces deux méthodologies se recoupent pour l'essentiel.

196. Par exception, dans Paris intra-muros, l'utilisation des empreintes réelles pour déterminer la taille des zones de chalandise ne s'avère pas pertinente aux fins de l'analyse concurrentielle.

197. Tout d'abord, dans plusieurs cas de figure, l'adresse du domicile des acheteurs n'est pas l'adresse pertinente pour calculer l'empreinte réelle. Les éléments au dossier, et notamment les explications fournies par les directeurs de magasins interrogés, montrent que de nombreux clients parisiens effectuent leurs achats à proximité de leur lieu de travail et non de leur domicile. Paris constitue à cet égard une zone spécifique dans la mesure où elle est un lieu de destination domicile-travail pour de nombreux franciliens, qui effectuent ce type de mouvements pendulaires quotidiennement. De la même façon, Paris constitue une zone de loisirs attractive pour de nombreux franciliens et touristes, qui réalisent ainsi leurs achats en produits bruns et blancs loin de leur domicile.

198. Le raisonnement justifiant habituellement la pertinence des empreintes réelles n'est donc pas satisfait dans le cas présent pour les magasins parisiens. En effet, les empreintes réelles supposent d'identifier la distance parcourue par le consommateur " marginal " qui est le consommateur le plus proche permettant de capter 80 % du chiffre d'affaires du magasin. La distance parcourue par celui-ci fournit ainsi une indication de la distance que sont prêts à parcourir les consommateurs pour acheter le produit en question. Dans le cas présent, le fait que certains consommateurs domiciliés hors de Paris parcourent une distance élevée pour effectuer un achat de produit brun ou gris n'implique cependant pas que les consommateurs résidant à Paris, qui constituent une proportion significative du chiffre d'affaires des magasins parisiens des parties, soient prêts à effectuer une distance similaire.

199. Les huit magasins de la Fnac situés à Paris réalisent [50-60] % de leurs chiffres d'affaires en produits bruns et gris auprès de consommateurs résidant à Paris, en moyenne, tandis que [30-40] % de leurs chiffres d'affaires est réalisé avec des habitants de l'Ile-de-France (hors Paris), et [10-20] % avec des consommateurs résidant dans d'autres départements. Les points de vente de Darty réalisent généralement une plus grande part de leur chiffre d'affaires auprès de consommateurs résidant à Paris, mais celle-ci varie entre [40-50] % et [80-90] % selon la famille de produits et le magasin considérés. La taille des empreintes réelles des magasins de la Fnac à Paris est en outre particulièrement importante, comprise entre [...] et [...] kilomètres de rayon, avec une moyenne à [...] kilomètres. La taille des empreintes réelles des magasins Darty à Paris est comprise entre [...] et [...] kilomètres, avec une moyenne de [...] kilomètres. Pour rappel, Paris s'étend sur 18 kilomètres d'est en ouest, et sur 9,5 kilomètres du nord au sud. En outre, à Paris, seuls [30-40] % des clients de la Fnac réalisent leurs achats dans le magasin de la Fnac le plus proche de chez eux, contre [70-80] % en province. Cette dernière donnée tend à confirmer que l'adresse du domicile n'est pas pertinente pour calculer les empreintes réelles à Paris.

200. Une correction de ce biais pourrait consister à calculer l'empreinte réelle sur la base des seuls achats effectués le samedi, la plupart des consommateurs ne se rendant pas sur leur lieu de travail ce jour-là. Ces zones ont été communiquées par la partie notifiante. Leur taille est en moyenne de [...] kilomètres, et donne une meilleure estimation de la zone de chalandise du magasin. Néanmoins, une telle approche serait également biaisée : en effet, la distance que le consommateur est prêt à parcourir peut être plus élevée le samedi, celui-ci pouvant faire ses courses à proximité d'une autre adresse que son domicile (lieu de loisir par exemple). Plus fondamentalement, une telle méthode conduirait à une analyse des effets de l'opération sur une zone délimitée en occultant les consommateurs effectuant leurs achats à proximité de leur lieu de travail alors qu'ils constituent une proportion très importante des achats dans certaines zones. Une telle démarche pourrait par conséquent conduire à une erreur d'appréciation.

201. La décision Jewson/Build Center du 8 février 2012 de l'ancien Office of Fair Trading (" OFT ") en Grande-Bretagne fournit un exemple similaire d'exercice de délimitation des zones géographiques dans une grande métropole, Londres en l'occurrence. Dans cette affaire, concernant la distribution au détail de matériels de construction et bricolage, les empreintes réelles des points de vente des parties correspondaient à des zones comprises entre 10 et 20 miles de rayon. A l'issue d'une étude de marché auprès des clients et des concurrents, l'OFT a finalement retenu des zones de 10 miles de rayon sur l'ensemble du territoire.

202. L'OFT a néanmoins estimé que les caractéristiques propres au grand Londres impliquaient de retenir une zone de chalandise plus réduite pour les magasins londoniens. Plusieurs facteurs conduisaient à cette conclusion, parmi lesquels le constat d'une proximité entre points de vente supérieure à celle observée sur le reste du territoire, montrant que les consommateurs étaient moins enclins à effectuer de longs déplacements pour réaliser leurs achats. Cette appréciation était confirmée, en l'espèce, par les résultats de questionnaires réalisés auprès de Londoniens, tendant également à montrer que ces derniers n'étaient pas prêts à se déplacer sur des distances aussi grandes que les habitants de province pour acheter les produits concernés. L'empreinte réelle des magasins londoniens était en effet plus étendue que celle des magasins situés en dehors du grand Londres, et conduisait de ce fait à inclure un nombre important de magasins des parties. La méthode de l'empreinte réelle a donc été écartée, et les tailles de zones de chalandise étudiées ont été réduites à 3 miles dans le grand Londres.

203. Ces arguments, également transposables à Paris, ont déjà été pris en compte par l'Autorité dans ses décisions en matière de commerce alimentaire de détail. Il ressort ainsi des lignes directrices de l'Autorité relatives au contrôle des concentrations que " [l]'étendue des zones de chalandise à Paris intramuros est ainsi limitée à un rayon de 300 à 500 mètres compte tenu des contraintes de déplacement et des caractéristiques des magasins "54, délimitation sans équivalent sur le reste du territoire national et notamment justifiée par les limitations spécifiques des capacités de déplacement des consommateurs parisiens55.

d) Les tailles de zones de chalandise

i. La province (hors grandes villes)

204. La partie notifiante a proposé de retenir des zones chalandise de 30 minutes de déplacement en voiture pour la province, hors grandes villes. Cette approche est conforme à la pratique décisionnelle, qui a déjà eu l'occasion d'analyser des zones de 30 à 45 minutes de déplacement en voiture en province, hors grandes agglomérations et région parisienne56. En outre, la taille moyenne des empreintes réelles des magasins cibles se rapproche de cette estimation. Cette taille de zone est également conforme aux résultats du test de marché, qui sont dispersés sur la question mais convergent vers une taille de zone correspondant à un trajet de 30 minutes.

205. Des zones de chalandise correspondant à des temps de trajet de 30 minutes en voiture seront donc analysées en province, en dehors des grandes villes.

ii. La banlieue parisienne et les grandes villes de province

206. En région parisienne et dans les grandes villes de province (Bordeaux, Lille, Lyon, Marseille, Montpellier, Nantes, Nice, Rennes, Strasbourg et Toulouse), la partie notifiante estime pertinent de définir une zone de chalandise plus restreinte. Elle a ainsi proposé de retenir des zones de chalandise de 15 minutes de déplacement en voiture pour la petite couronne, et de 15 à 20 minutes pour la grande couronne et les grandes villes de province.

207. La pratique décisionnelle a déjà eu l'occasion de retenir des tailles de zones spécifiques pour ces localisations, compte tenu notamment de la densité de population et des conditions de circulation57. Dans la décision HTM/Saturn, l'Autorité avait analysé des zones réduites à un trajet en voiture de 15 à 20 minutes58.

208. Dans les villes de province et en région parisienne, la taille moyenne des empreintes réelles se rapproche d'une taille isochrone correspondant à un trajet de 20 minutes en voiture, ce qui correspond à l'une des hypothèses proposées par la partie notifiante. Cette estimation est corroborée par les réponses au test de marché qui, même dispersées, confirment dans leur ensemble la pertinence de cette délimitation.

209. Des zones de chalandise correspondant à des temps de trajet de 20 minutes en voiture seront donc étudiées pour la région parisienne et les grandes villes de province.

iii. Le marché parisien

L'analyse du marché pertinent couvrant Paris intra-muros

210. Il convient en premier lieu de rappeler que les zones de chalandise, qui constituent généralement le point de départ de l'examen d'opérations de concentrations en matière de distribution au détail, ne correspondent pas nécessairement aux marchés géographiques délimités pour l'analyse concurrentielle. Un marché de dimension locale peut ainsi être plus étendu en fonction des conditions particulières de chaque zone, notamment lorsqu'il existe des zones de recoupement entre les zones de chalandise des points de vente.

211. La délimitation du marché pertinent peut être encore plus vaste lorsqu'il existe une chaîne de substituabilité entre les différentes zones de chalandise. Selon la communication de la Commission européenne sur la définition du marché en cause aux fins du droit communautaire de la concurrence, " l'existence de " chaînes de substitution " peut conduire à définir un marché en cause dans lequel les produits ou les territoires situés aux limites du marché ne sont pas directement substituables. A titre d'exemple, on peut citer la dimension géographique d'un produit dont les coûts de transport sont très élevés. Dans de tels cas, les livraisons au départ d'une usine donnée sont limitées à un certain périmètre autour de cette usine du fait de l'impact des coûts de transports. En principe, ce périmètre pourrait constituer le marché géographique en cause. Toutefois, si la répartition des usines est telle qu'il existe d'importants chevauchements entre les périmètres autour de chaque usine, il est possible qu'un effet de substitution en chaîne influe sur les prix pratiqués pour ces produits et que le marché géographique à retenir soit plus étendu "59.

212. Ce raisonnement est transposable aux zones de chalandises en matière de commerce de détail. Au cas d'espèce, les zones de chalandises des différents points de vente des parties à Paris se chevauchent de manière très significative. Il n'existe ainsi aucune zone parisienne qui ne recoupe plusieurs zones supplémentaires, l'ensemble des zones de chalandises des points de vente des parties recouvrant l'intégralité du territoire de la capitale. Il est donc justifié d'examiner les effets de la concentration sur un marché global incluant l'ensemble des magasins situés dans Paris intra-muros.

L'examen de zones de chalandises plus réduites

213. Cette analyse globale n'exclut pas pour autant d'examiner à un échelon plus fin les zones de chalandise des acteurs en présence sur ce territoire parisien, compte tenu notamment de l'importance de la proximité des points de vente pour le consommateur.

214. Les réponses au test de marché, bien qu'assez dispersées sur la question de la taille des zones de chalandise parisiennes, tendent à délimiter des zones de taille limitée. En effet, la plupart des répondants estiment que les zones de chalandises des magasins dans Paris intra-muros ont une taille comprise entre 1 et 3 kilomètres de rayon. Compte tenu de l'absence de pratique décisionnelle à Paris dans le secteur de la distribution au détail de produits électroniques, plusieurs indices supplémentaires ont été réunis au cours de l'instruction pour déterminer la taille précise des zones de chalandise parisienne.

215. Du côté de l'offre, le maillage du territoire parisien par les parties à l'opération révèle l'importance de la proximité pour les consommateurs résidant à Paris. Ainsi, les magasins de la Fnac situés dans Paris sont situés en moyenne à 3 kilomètres les uns des autres60, ce qui correspond à un temps de trajet à pied de 30 minutes environ. En outre, les études d'implantation de nouveaux magasins Fnac à Paris examinent l'éventuelle cannibalisation des nouveaux points de vente par les magasins de l'enseigne les plus proches. Par exemple, l'analyse interne de la zone de chalandise réalisée pour les besoins de l'ouverture du magasin de la Fnac située à [confidentiel]. De même, la Fnac, lorsqu'elle envisageait l'ouverture d'un point de vente à [confidentiel], a étudié l'éventuel impact de cette ouverture sur les ventes des deux magasins les plus proches, c'est-à-dire [confidentiel], et non sur l'ensemble de ses magasins situés à Paris61.

216. De la même manière, les magasins parisiens Boulanger, Cobrason, le BHV, Conforama, et Darty, qui ont été interrogés ou ont fait l'objet de visites dans le cadre de l'instruction, ont confirmé réaliser des veilles concurrentielles locales au sein de points de vente concurrents situés à moins de 3 kilomètres de leurs points de vente.

217. Du côté de la demande, si les empreintes réelles n'apparaissent pas pertinentes à Paris, compte tenu notamment du biais lié aux mouvements pendulaires, une zone de 1 ou 2 kilomètres apparaît néanmoins trop réduite au regard du chiffre d'affaires réalisé par les points de vente cible dans des zones de cette taille. Ainsi à Paris les points de vente Darty réalisent entre [20-30] et [50-60] % de leur chiffre d'affaires dans un rayon de [...] kilomètres autour des magasins (39 % en moyenne), alors que cette proportion est comprise entre [10-20] et [50-60] % pour les points de vente Fnac parisiens (avec une moyenne de [30-40] %). Si elles excluent la clientèle de passage et les pendulaires, c'est-à-dire les personnes effectuant quotidiennement les trajets banlieue-Paris, ces zones ne semblent néanmoins pas recouvrir une proportion suffisante des consommateurs susceptibles de se rendre dans le point de vente pour s'avérer suffisamment représentatives des interactions locales de concurrence.

218. En revanche, la part de chiffre d'affaires réalisée par les magasins parisiens de Darty dans un rayon de 3 kilomètres atteint en moyenne [60-70] % et celle des magasins de la Fnac de [40-50] %62. Au vu de ces proportions et de la correspondance de telles zones avec l'appréciation, par les points de vente, de leurs propres interactions concurrentielles, il conviendra d'examiner les effets de l'opération au sein de zones de chalandise d'un rayon de 3 kilomètres autour des magasins de Paris. Ces zones seront donc étudiées en complément de l'analyse du marché géographique couvrant Paris intra-muros.

III. Analyse concurrentielle

B. LES MARCHES AMONT DE L'APPROVISIONNEMENT EN PRODUITS ELECTRO-DOMESTIQUES

1. LA POSITION DES PARTIES A L'ISSUE DE L'OPERATION

219. La partie notifiante a indiqué ne pas disposer d'informations relatives à la taille des marchés de l'approvisionnement en produits électroniques et en produits blancs, mais considère, conformément à la pratique de l'Autorité63, que les positions des parties en tant qu'acheteurs sur ces marchés sont équivalentes à celles qu'elles détiennent sur les marchés concernés à l'aval. Ces estimations s'avèrent en outre globalement similaires à celles produites par les principaux fournisseurs. Elles peuvent donc être considérées comme pertinentes pour les besoins de la présente analyse concurrentielle.

220. L'estimation des positions des concurrents des parties a été effectuée par catégorie de distributeurs (vente à distance, GSS, indépendants, spécialistes photo, téléphonie, jeux vidéo, GSA, cuisinistes) et non par enseigne, faute de données individuelles disponibles.

a) Position des parties au niveau européen

221. La partie notifiante estime que les parties représentent [5-10] % des achats de produits électroniques (bruns et gris) en valeur (la Fnac : [0-5] % ; Darty : [0-5] %). Elle estime que les GSS (hors parties) représentent [30-40] % des achats européens, les spécialistes télécoms [10-20] %, les spécialistes en informatique [10-20] %, les acteurs de la vente à distance (hors parties) [10-20] %, les groupements d'indépendants [5-10] %, les GSA [0-5] % et les spécialistes photo [0-5] %.

222. Sur un marché européen de l'approvisionnement en produits blancs, la partie notifiante estime que sa part de marché cumulée en valeur à [5-10] % en valeur (la Fnac : [0-5] % ; Darty : [5-10] %). Elle estime que les GSS (hors parties) représentent [40-50] %, les groupements d'indépendants [20-30] %, la vente à distance (hors parties) [10-20] %, les spécialistes cuisine [5-10] % et les GSA [0-5] %.

223. Si l'on considère les positions des parties et de leurs concurrents sur chaque famille de produits, les estimations de leurs positions sont les suivantes :

< TABLEAU >

224. La part d'achat cumulée des parties n'excède donc pas 10 % sur chacune des familles de produits. Cette position n'est donc pas susceptible de conférer à la nouvelle entité un pouvoir de marché susceptible de poser un problème de concurrence sur le marché européen de l'approvisionnement en produits électrodomestiques.

b) Position des parties au niveau national

225. Sur le marché national de l'approvisionnement en produits électroniques, la partie notifiante estime sa part de marché cumulée à [20-30] % en valeur (la Fnac : [10-20] % ; Darty [10-20] %). Elle estime que les GSA représentent [50-60] % des achats nationaux de produits électroniques, les GSS (hors parties) [10-20] %, les acteurs de la vente à distance (hors parties) [5-10] %, les spécialistes informatiques et jeux vidéo [5-10] %, les spécialistes télécom [5-10] %, les groupements d'indépendants [0-5] %, et les spécialistes photo [0-5] %.

226. Sur un marché national de l'approvisionnement en produits blancs, la partie notifiante estime sa part de marché cumulée à [10-20] % (la Fnac : [0-5] % ; Darty : [10-20] %). Elle estime que les GSS (hors parties) représentent [20-30] % des achats, les GSA [10-20] %, les groupements d'indépendants [10-20] %, les spécialistes cuisine [10-20] % et la vente à distance (hors parties) [5-10] %.

227. Si l'on considère les positions des parties et de leurs concurrents sur chaque famille de produits, les estimations de leurs positions sont les suivantes :

< TABLEAU >

228. Les parts d'achat cumulées des parties sur les marchés nationaux de l'approvisionnement en produits électrodomestiques excèdent 25 % sur les familles de produits suivantes : " Hifi-Son ", " Photo-Cinéma " et " Ordinateurs-Périphériques ". Elles restent toutefois inférieures à 40 % pour chacune de ces catégories de produits.

2. L'ANALYSE DU POUVOIR DE MARCHE DES PARTIES

229. Compte tenu des parts de marché des parties au niveau national, il convient d'examiner le risque de dépendance économique des fournisseurs (a). La question des avantages conférés aux parties par les fournisseurs, en termes d'exclusivités notamment, susceptibles de renforcer la position de la nouvelle entité à l'aval à l'issue de l'opération doit également été examinée (b).

a) Sur la création ou le renforcement d'une puissance d'achat

230. L'article L. 430-6 du code de commerce prévoit la possibilité qu'une opération porte atteinte à la concurrence par le renforcement d'une puissance d'achat qui place les fournisseurs en situation de dépendance économique.

231. Les autorités de concurrence considèrent que " le renforcement de la puissance d'achat a en règle générale tendance à s'exercer au bénéfice des consommateurs, dès lors que celle-ci n'affecte pas les structures des marchés amont et aval "65. Ainsi, ce n'est que dans la mesure où il porterait atteinte à la concurrence, par exemple en diminuant les capacités financières ou de recherche et d'innovation de certains acteurs, que le renforcement d'une dépendance économique peut porter atteinte à la concurrence sur un marché.

232. Selon la Commission européenne, un renforcement de la puissance d'achat n'est pas considéré comme dommageable pour l'économie lorsqu'il existe (i) une forte concentration de fournisseurs qui détiennent un pouvoir de négociation important, et (ii) une concurrence effective sur le marché de la vente au détail forçant les entreprises concernées à répercuter la baisse des prix obtenue sur les consommateurs66.

233. L'Autorité s'est déjà prononcée sur les critères cumulatifs nécessaires à l'établissement d'un risque de dépendance économique d'un fournisseur vis-à-vis d'un distributeur. Les critères retenus sont les suivants :

- les achats réalisés par le distributeur concerné doivent représenter une part importante dans le chiffre d'affaires du fournisseur (une part de 22 % des ventes d'un fournisseur a déjà pu être considérée comme importante67) ;

- le distributeur bénéficie d'une forte notoriété par rapport au fournisseur, comme cela peut être le cas sur des marchés caractérisés par une forte présence de marques de distributeurs. A l'inverse, dans des secteurs où les produits de marques de fournisseurs guident la consommation le risque de dépendance économique est plus faible ;

- le distributeur détient une part de marché importante sur les marchés aval ;

- le fournisseur serait dans l'incapacité de trouver un partenaire alternatif en cas de rupture de la relation contractuelle68.

234. En l'espèce, ces conditions cumulatives ne sont pas remplies.

235. En premier lieu, les achats réalisés par les parties représentent une part importante dans le chiffre d'affaires de plusieurs fournisseurs. A cet égard, un grand nombre des fournisseurs ayant répondu au test de marché ont souligné le poids important des parties dans leur chiffre d'affaires réalisé en France, qui représente plus de [40-50] % pour certaines filiales française de fabricants d'envergure mondiale, la moyenne pour les fournisseurs interrogés s'élevant à [20-30] %. La nouvelle entité représentera en outre des parts importantes des ventes des fabricants dans les différentes familles de produits retenues par la pratique décisionnelle, notamment pour le secteur de la photo/cinéma, du hifi/son et des ordinateurs/périphériques. Les deux-tiers des fournisseurs interrogés ont ainsi estimé que l'opération aurait des effets sensibles sur les marchés amont. Ils estiment majoritairement que l'opération aurait des conséquences défavorables pour leur groupe.

236. Toutefois, ces données concernent uniquement les filiales françaises d'acteurs actifs sur les marchés concernés au niveau européen et mondial, et doivent donc être relativisées. En effet, les fournisseurs ne dépendent généralement pas financièrement du marché français compte tenu de leur présence internationale et du chiffre d'affaires qu'ils réalisent en dehors du territoire français. La partie notifiante estime ainsi que son poids dans les ventes des fournisseurs au niveau européen n'excède pas [5-10] %. La grande majorité des concurrents juge par ailleurs que les fournisseurs en produits électrodomestiques jouissent d'un fort contre-pouvoir de négociation.

237. En deuxième lieu, le secteur des produits électrodomestiques est caractérisé par un attachement des consommateurs aux marques. Ainsi, il ressort du sondage de l'Ifop réalisé pour la Fnac que la marque est le second critère déterminant l'achat des consommateurs de produits électroniques, après le prix.

238. Les marques de distributeurs (" MDD ") sont relativement rares sur les marchés des produits électroniques. A cet égard la partie notifiante indique avoir essayé de développer deux marques de distributeurs " Fnac " et " Höher ", [confidentiel]. Darty et Boulanger proposent pour leur part des produits de marque de distributeur, mais leurs ventes de produits bruns et gris sous MDD restent limitées, comme l'atteste notamment la faible proportion qu'elles représentent dans les ventes réalisées par Darty avec ses marques Proline (principalement sur les produits blancs), Premium et Dcybel.

239. En outre, les distributeurs concurrents ayant indiqué ne pas distribuer de produits sous MDD ont justifié cette stratégie par l'importance des marques de fabricants. Ces derniers ont d'ailleurs très majoritairement estimé que les marchés des produits bruns et gris étaient caractérisés par un fort attachement des consommateurs à leurs marques.

240. Ainsi, Apple et Samsung ont été très majoritairement citées par les répondants au test de marché comme des marques incontournables, avec d'autres à des degrés divers, telles que Sony, Bose, Canon, Nikon et HP. Tous ces acteurs disposent par ailleurs d'importants budgets de communication et réalisent de fréquentes campagnes de publicité nationales, directement ou par le biais de leurs distributeurs, qui ont un effet prescripteur pour le consommateur final.

241. Les marchés concernés par l'opération sont donc des marchés dits " de marque ", composés d'un nombre restreint de fournisseurs bénéficiant pour la plupart d'une grande notoriété, et dont certains des produits revêtent un caractère incontournable pour les consommateurs et par conséquent pour les distributeurs.

242. En troisième lieu, les parts de marché nationales des parties sur les marchés aval s'élèvent, à l'issue de l'opération, à environ [20-30] % pour les produits bruns (la Fnac : [10-20] % ; Darty : [10-20] %) et [20-30] % pour les produits gris (la Fnac : [10-20] % ; Darty : [10-20] %). Au niveau des familles de produits, la part de marché cumulée des parties n'excède pas 40 %.

243. Enfin, le marché de la distribution de produits électroniques est caractérisé par la présence d'un grand nombre de distributeurs. Tous ces acteurs, qui distribuent plus de 60 % des produits électroniques en France, représentent un débouché alternatif pour les fournisseurs, susceptible de s'adresser à un grand nombre de consommateurs en France, y compris par le biais des pure players et de leurs places de marché.

244. En outre, les fournisseurs sont en mesure de proposer directement leurs produits aux consommateurs, par le biais de leur site internet ou de magasins. Certains d'entre eux, parmi les plus importants (Apple, Bose, Samsung), ont ainsi développé leur propre réseau de distribution avec des magasins détenus en propre. Le marché se caractérise de plus par le développement croissant des places de marché, telles que Price Minister, Ebay, AliExpress ou Amazon, qui permettent à de très nombreux distributeurs indépendants et de petite taille de s'adresser à l'ensemble des consommateurs en France. Selon le bilan 2015 du e-commerce en France réalisé par la Fevad, les places de marché représentent environ 3 milliards d'euros en 2015 soit 9 % des ventes de produits en ligne. La Fevad mesure également le volume des ventes ?réalisées par les marchands hébergés sur les principales places de marché par le biais d'un indice dit " iPM "69. Cet indice a progressé de 46 % en un an.

245. Il résulte de ce qui précède que l'opération ne portera pas atteinte à la concurrence par le biais d'une création ou d'un renforcement d'une puissance d'achat dans la mesure où les fournisseurs, au vu des parts de marché de cette dernière, du pouvoir de négociation des fabricants, et des différentes voies d'accès aux consommateurs finaux, ne seront pas dépendants de la nouvelle entité.

b) Les avantages conférés aux parties par les fournisseurs

246. Outre la potentielle dépendance économique des fournisseurs, les concurrents des parties font valoir que celles-ci seraient en mesure, à l'issue de l'opération, de bénéficier de conditions préférentielles de la part des fournisseurs. Les distributeurs concurrents estiment ainsi que l'opération pourrait avoir pour effet de permettre aux parties de les évincer en obtenant systématiquement de meilleures conditions tarifaires auprès des fournisseurs, mais également des exclusivités ou d'autres conditions préférentielles que les fournisseurs pourraient avoir intérêt à n'accorder qu'à un nombre limité de distributeurs.

247. Dans son avis n° 12-A-20, l'Autorité a en effet noté que, dans le secteur des produits électrodomestiques, " les fabricants consentent des exclusivités sur certaines références à des distributeurs déterminés, ce qui permet à ces derniers de différencier leur offre de celles des concurrents (ces exclusivités peuvent porter sur des références de produits ou simplement sur le coloris ou le packaging des produits, par exemple). De telles exclusivités peuvent, dans certains cas, être consenties à des distributeurs traditionnels et, dans d'autres cas, à des pure players "70.

248. Elle a constaté en outre " une accélération, depuis quelques années, du développement de la distribution sélective dans des secteurs, comme par exemple le secteur des produits électrodomestiques, où ce mode de distribution n'était pas prédominant jusqu'à récemment. Ce développement peut s'expliquer par le regain d'intérêt des consommateurs pour les produits " haut de gamme " et les produits de luxe. Selon plusieurs acteurs interrogés dans le cadre de l'avis, il découlerait également de la publication des nouvelles lignes directrices sur les restrictions verticales, lesquelles ont souligné la faculté pour les fabricants d'exiger des membres de leur réseau de distribution sélective la détention d'un point de vente physique ou le respect de différents critères de qualité ou de comportement avant de pouvoir vendre en ligne "71.

249. Dans le cadre de la présente opération, une large majorité des concurrents ont ainsi indiqué craindre une détérioration de leurs conditions d'achat auprès des fournisseurs à l'issue de l'opération. Plusieurs concurrents ont en outre relevé que l'un des principaux obstacles dans leurs négociations avec les fournisseurs résidait dans la distribution sélective, qui les empêchait d'avoir accès à certains produits au profit d'autres distributeurs, ainsi que la capacité des enseignes les plus importantes à obtenir de meilleures conditions tarifaires et des exclusivités. Sur les marchés concernés par l'opération, les exclusivités sur des produits phares représenteraient un fort potentiel d'attraction du client et, par conséquent, un avantage concurrentiel non négligeable. Cet avantage pourrait être, selon ces opérateurs, renforcé par le rapprochement des parties à l'issue de l'opération.

250. D'après plusieurs concurrents, certains des sous-marchés concernés sont caractérisés par d'importantes innovations et des produits " pénuriques ", c'est-à-dire livrés en quantités limitées au moment de leur lancement et pour lesquels il existe une " prime au plus gros ". L'accroissement de la puissance d'achat de la Fnac à l'issue de l'opération pourrait ainsi conduire les fournisseurs à augmenter les stratégies tenant au choix du canal de distribution (" channelisation ") ou encore de distribution sélective, et à ne plus fournir certains produits aux concurrents pour conclure des exclusivités de droit ou de fait avec la nouvelle entité. De telles stratégies pourraient également consister pour les fournisseurs à proposer des produits légèrement différents en fonction du canal sur lequel est vendu le produit, ou bien à décaler le lancement d'un produit et sa disponibilité sur un canal.

251. Toutefois, selon les éléments au dossier, les exclusivités accordées aux parties restent à ce jour limitées. Darty n'a bénéficié d'aucune exclusivité au cours des cinq dernières années pour la commercialisation de produits bruns et gris. La Fnac a bénéficié pour sa part d'exclusivités limitées, pour l'année 2015, uniquement sur les familles de produits suivantes : [confidentiel]. Elle relève qu'aucune exclusivité n'existe pour [confidentiel]. Ainsi, les exclusivités dont la Fnac a bénéficié au cours de l'année 2015 représenteraient [0-5] % du chiffre d'affaires réalisé sur la famille de produits [confidentiel], [0-5] % du chiffre d'affaires réalisé en produits [confidentiel] et [10-20] % du chiffre d'affaires de la Fnac réalisé en produits [confidentiel] .

252. S'agissant de cette dernière catégorie, les exclusivités concernées ne sont pas nécessairement des produits disponibles uniquement à la Fnac. Elles correspondent à des " packs " spéciaux pour la Fnac, c'est-à-dire à la combinaison d'un produit principal et d'un ou plusieurs accessoires, disponibles séparément dans d'autres enseignes. Ainsi, sur les [...] produits faisant l'objet d'exclusivités ou d'avant-premières dans la catégorie [confidentiel] en 2015, seuls [...] d'entre eux étaient disponibles uniquement à la Fnac (dont pour [...] d'entre eux, également en vente directe chez le fabricant), correspondant à [0-5] % du chiffre d'affaires de la Fnac sur cet univers de produits.

253. Interrogés sur l'existence d'exclusivités, et les conditions dans lesquelles des avant-premières sont conférées aux distributeurs, les fournisseurs ont confirmé que ces pratiques étaient exceptionnelles et ont majoritairement déclaré ne pas pratiquer d'exclusivités ou d'avant-premières. Certains fournisseurs ont à cet égard déclaré mettre en œuvre le principe du " first come first serve " également appelé " first in first out ", principe consistant à approvisionner en priorité les distributeurs ayant passé commande les premiers. D'autres ont confirmé réserver leurs nouveaux produits aux enseignes à même de fournir les conseils et les démonstrations nécessaires à des produits présentant des spécificités techniques, et qui bénéficient en outre d'un nombre minimum de points de vente. A cet égard, la grande majorité des concurrents des parties ont indiqué distribuer des produits électroniques sous contrats de distribution sélective.

254. Ainsi, les exclusivités de droit et les avant-premières représentent une part relativement faible du chiffre d'affaires des distributeurs sur les marchés de produits bruns et gris et constituent une pratique peu répandue sur le marché.

255. Il ne peut être exclu que des exclusivités de fait soient également pratiquées, comme cela ressort notamment des déclarations de plusieurs concurrents des parties. Néanmoins, ces pratiques apparaissent elles aussi peu développées. Les distributeurs qui se prévalent de l'existence de ces exclusivités ou d'autres avantages dont pourrait bénéficier la nouvelle entité ne sont en mesure que de fournir un faible nombre d'exemples ponctuels de tels comportements, au demeurant généralement temporaires. Aucun élément recueilli au cours de l'instruction n'étaye donc l'existence de pratiques répandues, quantifiables ou d'une portée telle qu'elles entraîneraient un risque sérieux d'éviction, en l'état des pratiques du marché, si elles devaient se développer à l'issue de l'opération.

256. Compte tenu du caractère exceptionnel de ces pratiques, confirmé par les fournisseurs eux-mêmes, et en l'absence de tout élément démontrant leur impact sur le pouvoir de marché des distributeurs qui en bénéficient, il convient d'écarter le risque d'atteinte à la concurrence imputable à la présente opération.

257. Par ailleurs s'agissant de la mise en œuvre d'un réseau de distribution sélective susceptible d'être limité à un nombre réduit de distributeurs, les lignes directrices de la Commission européenne sur les restrictions verticales de 2010 ont souligné la faculté pour les fabricants d'exiger des membres de leur réseau de distribution sélective la détention d'un point de vente physique ou le respect de différents critères de qualité ou de comportement avant de pouvoir vendre en ligne72. Pour autant, selon ces mêmes lignes directrices, la faculté pour le fabricant d'organiser une distribution sélective de ses produits et de choisir des critères d'agrément conditionnant la vente en ligne au respect de critères prédéfinis n'est ni générale ni absolue, et peut être remise en cause si la restriction à la distribution qui en découle porte atteinte à la concurrence sur le marché, sauf à ce qu'elle apparaisse admissible au bénéfice d'une exemption par catégorie ou individuelle73.

258. Il peut enfin être rappelé qu'en cas de mise en œuvre d'accords d'exclusivités, les dispositions des articles L. 420-1 du code de commerce et 101 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE) pourraient trouver à s'appliquer. Tel pourrait ainsi être le cas si des actions concertées, conventions, ententes expresses ou tacites ou coalitions entre des fournisseurs et la nouvelle entité conduisant à limiter l'accès au marché par d'autres entreprises, à faire obstacle à la fixation des prix par le libre jeu du marché en favorisant artificiellement leur hausse ou leur baisse, à limiter ou contrôler la production, les débouchés, les investissements ou le progrès technique ou encore à répartir les marchés ou les sources d'approvisionnement, étaient constatées sur les marchés en cause. Si le fournisseur se trouve en position dominante, l'article L. 420-2 du code de commerce et l'article 102 du TFUE pourraient également trouver à s'appliquer.

259. Par conséquent, les conditions préférentielles accordées aux parties par les fournisseurs, qui demeurent exceptionnelles en l'état du fonctionnement des marchés concernés sans que l'opération ne modifie, en soi, les incitations des fournisseurs à changer leurs comportements, ne sont pas de nature à engendrer l'éviction des concurrents sur les marchés de la distribution des produits électrodomestiques. En outre, il convient de rappeler que la nouvelle entité et ses fournisseurs demeureront soumis aux règles du droit de la concurrence prohibant les ententes et abus de position dominante qui pourraient être caractérisés, le cas échéant.

260. L'opération n'est donc pas de nature à produire des effets anticoncurrentiels sur les marchés amont de la fourniture de produits électroniques au niveau européen et en France.

C. ANALYSE DES EFFETS HORIZONTAUX SUR LES MARCHES AVAL DE LA VENTE AU DETAIL DE PRODUITS ELECTRONIQUES

261. Un risque d'atteinte à la concurrence peut être constaté lorsqu'une concentration confère un pouvoir de marché à la nouvelle entité issue de l'opération, ou renforce un pouvoir de marché que l'entreprise acquéreuse détenait déjà. Cet effet peut aller jusqu'à créer ou renforcer, au profit de cette entreprise, une position dominante, c'est-à-dire le pouvoir de faire obstacle au maintien d'une concurrence effective sur le marché en cause en lui fournissant la possibilité de comportements indépendants vis-à-vis de ses concurrents, de ses clients et, finalement, des consommateurs.

262. Sans aller jusqu'à la création ou au renforcement d'une position dominante au profit de l'entité issue de l'opération, une concentration entre deux entreprises concurrentes peut porter atteinte à la concurrence du seul fait de l'élimination de la concurrence entre elles. Il est en effet possible qu'à l'issue de l'opération, la nouvelle entité puisse de façon profitable augmenter ses prix ou réduire le volume ou la qualité de sa production, des ventes, ou de ses services, alors qu'un tel comportement aurait conduit à une réduction trop importante des ventes au profit d'autres opérateurs avant l'opération74.

263. L'analyse des effets unilatéraux entraînés par une concentration porte sur un faisceau d'indices dont les parts de marché ne constituent qu'un élément. Il convient, en présence de parts de marché élevées, d'étudier la proximité concurrentielle des parties à l'opération ainsi que la pression concurrentielle des concurrents actuels ou potentiels. L'analyse qui résulte de ces critères n'est pas non plus une analyse " statique ", dans la mesure où elle tient compte de l'éventuel déséquilibre des forces en présence à l'issue de la concentration, des déterminants de la stratégie commerciale de la nouvelle entité, en particulier tarifaire, et de la capacité de réaction des concurrents.

264. Il convient donc d'examiner la proximité concurrentielle entre les parties (1) ainsi que les barrières à l'entrée (2), avant d'analyser l'incitation qu'entraînera l'opération à augmenter les prix (3) ou diminuer la qualité de l'offre (4). Les parts de marché des parties seront ensuite présentées aux fins de l'examen de l'impact de l'opération au niveau national et local (5).

1. LA PROXIMITE CONCURRENTIELLE DES PARTIES

265. Il ressort des lignes directrices de l'Autorité que " lorsque le ou les marchés concernés par la concentration sont des marchés de produits ou de services différenciés, la proximité des offres des parties à l'opération constitue l'un des facteurs susceptibles d'influer sur la probabilité qu'une opération entraîne un risque d'atteinte à la concurrence ". En effet, en cas de hausse des prix, plus les produits des parties sont substituables, plus la part des ventes perdues que sera en mesure de recouvrer la nouvelle entité sera importante.

a) Résultats du test de marché

266. L'ensemble des acteurs du marché considèrent la Fnac et Darty comme des concurrents très proches. Ainsi, les concurrents interrogés sur le degré de proximité des principaux acteurs du marché avec les parties ont majoritairement considéré que l'acteur le plus proche de Darty était Boulanger (rang moyen de 2), suivi immédiatement de la Fnac (rang moyen de 3), tandis que les autres acteurs étaient beaucoup plus éloignés, comme cela ressort du tableau ci-dessous. De la même manière, s'agissant de la Fnac, les concurrents interrogés ont considéré que son plus proche concurrent était Darty (rang moyen de 2), suivi de Boulanger et d'Amazon (rangs moyens de 3), les autres acteurs étant plus éloignés.

267. Le tableau ci-dessous, construit à partir des réponses au test de marché, rend compte du degré de proximité des parties du point de vue des répondants qui ont classé les différentes enseignes listées en abscisses en fonction de leur degré de proximité avec les parties.

< TABLEAU >

268. Ces résultats montrent que les principales GSS du marché, Fnac, Darty et Boulanger, sont perçues comme les concurrents les plus proches. La partie notifiante conteste cette appréciation et soutient que la Fnac et Darty ne seraient pas des concurrents proches sur les marchés concernés. Il convient donc d'examiner les éléments fournis à l'appui de cette affirmation, avant d'analyser les autres éléments au dossier établissant la proximité concurrentielle des parties.

b) Arguments des parties

269. La partie notifiante fait valoir que 40 % du chiffre d'affaires des deux enseignes provient de marchés dont l'autre partie est absente (produits blancs pour Darty, produits culturels et de divertissement pour la Fnac) et que sur les marchés de produits où les parties sont simultanément présentes, des différences sensibles de positionnement distinguent la Fnac de Darty (image de marque, profils de leur clientèle ou notoriété numérique).

270. A l'appui de sa démonstration, la partie notifiante a notamment fourni une étude économique sur la différenciation des enseignes Darty et de la Fnac, à partir d'une analyse en composantes principales (" ACP "), qui montrerait que la Fnac et Darty ne sont pas de proches concurrents, et d'une analyse de la localisation des clients adhérents de la Fnac et de leur proximité géographique avec les points de vente Darty. Cette dernière montrerait que les clients adhérents de la Fnac, qui représentent une part importante de son chiffre d'affaires ([50-60] %), sont fidèles à la Fnac et ne verraient pas en Darty une alternative pour leurs achats de produits électroniques75.

i. Sur l'analyse ACP

271. Pour évaluer la proximité concurrentielle des parties par le biais d'une ACP, la partie notifiante compare les différentes enseignes en fonction de huit variables : (i) le nombre de points de vente en France, (ii) la surface moyenne des magasins, (iii) l'effectif moyen de vendeurs par magasin, (iv) la part des magasins de l'enseigne présents dans un centre commercial, (v) la part des magasins de l'enseigne présents en centre-ville, (vi) la part de la surface du magasin dédiée aux produits bruns, (vii) la part de la surface du magasin dédiée aux produits gris, et (viii) la part de la surface du magasin dédiée aux produits blancs. Les enseignes présentant des similarités sur ces variables sont alors considérées comme " proches " d'un point de vue concurrentiel.

272. Les variables choisies permettent de comparer la proximité des modèles économiques ou des stratégies commerciales des différentes enseignes. Elles s'avèrent en revanche impropres à rendre compte de la proximité concurrentielle des parties, au sens où elles ne reflètent aucun facteur relatif aux arbitrages des consommateurs. Tel est notamment le cas des critères du nombre de points de vente76, de l'existence ou non d'un site de vente en ligne, mais aussi des aspects géographiques de la différenciation, notamment la variable de part de magasins en centre-ville et la variable de part de magasins en centre commercial. Ainsi, on conçoit mal pourquoi deux enseignes seraient " proches " aux yeux des consommateurs parce qu'elles exploitent toutes deux un faible nombre de points de vente. De la même manière, la présence ou non en centre-ville est sans pertinence pour l'analyse : deux enseignes possédant des proportions identiques de magasins en centre-ville et en centre commercial ne peuvent pas être " proches " d'un point de vue concurrentiel si elles ne sont pas présentes dans les mêmes centres villes et dans les mêmes centres commerciaux.

273. Les variables retenues apparaissent en réalité correspondre opportunément aux différences existant entre les parties. A l'inverse, l'analyse de la partie notifiante ne tient pas compte de variables a priori déterminantes pour le choix des clients telles que la notoriété de la marque ou la politique de prix de l'enseigne. Boulanger a ainsi produit une autre ACP, dont les variables sont (i) le poids des ventes de produits bruns et gris dans le chiffre d'affaires total des enseignes et (ii) leur positionnement stratégique, en distinguant entre les enseignes focalisées sur une offre de services (conseils, profondeur de gamme, distribution omnicanale, etc.) et celles adoptant plutôt un positionnement de discounteur. Il en ressort un résultat inverse à celui présenté par la partie notifiante, dans lequel les GSS, parmi lesquelles les parties et Boulanger, apparaissent comme les plus proches concurrents, associant une offre de service poussée pour un poids comparable des ventes de produits bruns et gris* dans leur chiffre d'affaires total.

274. Par conséquent, l'étude de la Fnac ne permettant pas de rendre adéquatement compte des choix des consommateurs, elle ne pourra être retenue.

ii. Sur l'analyse de la localisation des clients

275. La partie notifiante a produit une étude économique77 analysant la localisation des clients pour montrer l'existence d'une différenciation entre les parties en comparant la proximité des adhérents de la Fnac aux magasins de Darty et de la Fnac. Elle vise à montrer que de nombreux adhérents de la Fnac achètent des produits gris et bruns auprès de la Fnac alors qu'il existerait une enseigne Darty plus proche de leur domicile. Ce résultat tendrait donc à montrer que les clients de la Fnac sont fidèles à l'enseigne et ne considèreraient pas Darty comme un substitut proche.

276. Cette analyse comporte trois limites principales.

277. En premier lieu, la mesure de la fidélité des clients à la Fnac est très imparfaite. L'étude ne permet ainsi de démontrer que pour une proportion limitée de clients de la Fnac qu'un magasin de Darty serait plus proche de leur domicile. En effet, l'analyse n'est basée que sur les adhérents de la Fnac, qui représentent [50-60] % du chiffre d'affaires réalisés par les ventes de produits électroniques, et exclut donc une proportion significative des clients. Or, sur cette base, selon les données fournies, environ [50-60] % des adhérents de la Fnac disposent d'au moins un magasin de Darty plus proche de leur domicile. La fidélité à la Fnac, qui est déduite du comportement de ces adhérents, n'est donc pas établie.

278. De plus, le fait qu'un client choisisse de fréquenter un magasin de la Fnac alors qu'il dispose d'un magasin Darty plus proche de son domicile ne serait susceptible d'indiquer une préférence marquée du consommateur pour la Fnac que si la distance à un magasin de l'enseigne était significativement plus élevée que la distance au magasin de Darty. Or, l'étude montre que la proportion de consommateurs fréquentant un magasin de la Fnac alors qu'il existe un magasin de Darty plus de deux fois plus proche de leur domicile est limitée (représentant moins de [20-30] % du chiffre d'affaires de la Fnac). L'étude ne démontre donc nullement l'existence d'une préférence marquée pour la Fnac pour une proportion importante de consommateurs.

279. En deuxième lieu, une analyse qui vise à démontrer que les consommateurs achètent auprès de la Fnac alors même qu'ils disposent d'un magasin de Darty plus proche de leur domicile n'est pertinente que si les consommateurs effectuent principalement leurs achats à proximité de leur domicile. Mais tel n'est pas le constat effectué par l'instruction, qui montre qu'un nombre significatif des consommateurs, notamment à Paris, effectuent plutôt leurs achats dans les magasins situés à proximité de leur lieu de travail, et non à proximité de leur domicile. Or, il ressort des données communiquées, que [50-60] % des clients en Ile-de-France ne réalisent pas leur achat en produits électroniques dans le magasin de la Fnac le plus proche de leur domicile ; tel est également le cas de [60-70] % des clients domiciliés à Paris78. Ces résultats confortent le constat, réalisé au cours de l'instruction, que la majorité des clients ne procèdent pas à leurs achats dans les magasins proches de leur domicile, et ne permettent en revanche pas d'analyser la proximité concurrentielle des parties, dans la mesure où le domicile ne constitue pas le point de départ adéquat de l'analyse.

280. En troisième lieu, à supposer que l'analyse fournie puisse démontrer l'existence d'une différenciation significative entre les enseignes Fnac et Darty, il n'est guère établi que cette différenciation soit pertinente pour appréhender les effets de l'opération. En effet, à la supposer fiable, l'analyse produite, tout comme l'ACP, pourrait montrer que certaines caractéristiques de la Fnac, en termes de tarif, de qualité de service, etc., sont suffisamment appréciées par ses clients pour qu'ils préfèrent cette enseigne à un magasin de Darty pourtant situé plus près de leur domicile. Un tel résultat a cependant peu d'impact sur l'analyse des effets de l'opération. En effet, si la Fnac est aujourd'hui en mesure d'attirer des consommateurs pourtant plus proches d'un magasin de Darty grâce à une meilleure politique tarifaire ou qualité, aucun élément de l'étude n'indique qu'à la suite d'une hausse de prix par la Fnac, les consommateurs ne se reporteraient pas, dans une proportion significative, vers un magasin de Darty.

281. L'étude est par ailleurs incomplète car elle ne permet pas de comparer la différenciation entre la Fnac et Darty avec celle qui existe entre la Fnac et d'autres enseignes. Or, si les autres enseignes présentent également une différenciation importante avec la Fnac, les consommateurs ne seront pas conduits à se reporter sur ces enseignes plutôt que sur Darty à la suite d'une hausse de prix par la Fnac. Une hausse profitable de prix par la Fnac à la suite de l'opération ne peut donc être exclue par l'étude réalisée.

c) L'analyse des taux de report

282. Les lignes directrices de l'Autorité considèrent que l'analyse de la proximité des parties est un paramètre important pour l'examen des effets horizontaux d'une opération de concentration. Elles précisent que le degré de proximité des produits ou services commercialisés par les parties peut parfois être évalué directement à partir du calcul de ratios de diversion, c'est-à-dire des reports de demande d'une entreprise à une autre à la suite des hausses de prix de la première.

283. En l'espèce, le sondage réalisé pour la Fnac79 porte notamment sur l'image de marque des différentes enseignes. Les réponses au sondage permettent ainsi d'évaluer la perception du rapport qualité/prix de chaque enseigne selon les enseignes où les consommateurs ont déjà acheté des produits électroniques. Les résultats ont été analysés en distinguant la perception du rapport qualité/prix de chaque enseigne selon que les répondants étaient des clients de Fnac ou de Darty.

284. Il en résulte que Darty et la Fnac sont perçus par les consommateurs des parties comme les deux acteurs présentant le meilleur rapport qualité/prix, aux côtés des GSA et, dans une moindre mesure, d'Amazon et de Boulanger, comme le résume les tableaux récapitulatifs suivants.

< TABLEAU >

285. Il est donc établi qu'une portion significative de la clientèle se reporterait mutuellement entre la Fnac et Darty à la suite de hausses de prix. Ces résultats montrent que les deux enseignes exercent aujourd'hui une pression concurrentielle substantielle l'une sur l'autre.

286. Le sondage réalisé par l'Ifop pour l'Autorité82 comporte les taux de reports suivants en cas d'augmentation des prix de 10 % par la Fnac :

< TABLEAU >

287. Ces résultats confirment qu'en cas d'augmentation des prix par la Fnac, les clients ayant effectué un achat d'ordinateur portable, tablette tactile, smartphone, appareil photo, téléviseur ou accessoire image et son se reporteraient en moyenne vers l'enseigne Darty en premier lieu, devant Amazon, Boulanger, Cdiscount, les GSA, Conforama, But, Electrodépôt et loin devant les réseaux indépendants.

288. De la même manière, les taux de report en cas d'augmentation de 10 % de ses prix par Darty sont les suivants :

< TABLEAU >

289. Il s'ensuit que les clients interrogés se reporteraient vers Boulanger (1ère position avec 19,25 %), Amazon (2ème position avec 15,78 % de report), une GSA (3ème position avec 10,98 % de report) ou la Fnac (4ème position avec 10,78 % de report). Il convient à cet égard de souligner que ces taux de report diffèrent selon les catégories de produits envisagées. Le taux de report vers la Fnac est par exemple sensiblement plus élevé pour un achat d'ordinateur portable (14,2 %) que pour un achat de téléviseur (8,4 %).

290. Il se déduit de l'ensemble de ces résultats que Darty constitue globalement le concurrent le plus proche de la Fnac. A l'inverse, la Fnac n'est pas le concurrent le plus proche de Darty, mais reste parmi les quatre premières options de report des consommateurs en cas de hausses de prix de Darty.

291. La partie notifiante relève en outre que les ratios de diversion vers les pure players considérés ensemble sont plus élevés que ceux à destination de Darty ou de la Fnac. Ce constat n'est toutefois pas déterminant pour l'analyse des effets concurrentiels de l'opération. Celle-ci est en effet susceptible d'entraîner des effets unilatéraux même si les parties à l'opération ne sont pas les concurrents les plus proches sur le marché considéré. Il suffit, pour que de tels effets soient probables, que les parties soient des concurrentes suffisamment proches pour constituer réciproquement une source importante de pression concurrentielle qui sera éliminée par la concentration83. C'est cette proximité que permettent de mesurer les ratios de diversion. En effet, dès lors qu'un taux de report significatif et une proximité concurrentielle suffisante sont constatés, des risques d'effets unilatéraux doivent être envisagés.

292. Il résulte de ce qui précède que les parties constituent des concurrents proches. L'opération de rachat est donc susceptible d'entraîner des effets unilatéraux.

2. LES BARRIERES A L'ENTREE

293. Les autorités de concurrence distinguent les barrières à l'entrée de nature réglementaire, technique et économique. Les premières sont liées à la réglementation en vigueur et ne sont pas susceptibles d'être compensées ou contournées. Ainsi, dans le secteur de la distribution, la législation en matière d'implantation, d'horaires d'ouverture ou encore de droit du travail crée de nombreuses barrières à l'entrée84. La deuxième catégorie inclut le nécessaire savoir-faire et un accès obligatoire à certaines ressources ou à des réseaux de distribution. Les barrières économiques incluent quant à elles la loyauté des clients à une marque, les coûts de publicité, ou encore la notoriété85.

a) Arguments de la partie notifiante

294. Selon la partie notifiante, les barrières à l'entrée sur le marché de la vente au détail de produits électroniques sont faibles. Elle soutient que les caractéristiques du marché sont favorables à l'entrée sur le marché de nouveaux entrants, que ce soit via la vente en magasins ou en ligne. Elle relève ainsi, notamment que les fournisseurs ont intérêt à diversifier leurs canaux de vente et qu'il ne serait donc pas difficile pour un nouvel entrant de s'approvisionner auprès des fournisseurs, d'autant que les contrats d'approvisionnement sont limités à un an, aux termes de l'article L. 441-7 du code de commerce. Elle souligne aussi la faible loyauté des consommateurs aux enseignes, ces derniers recherchant des marques de produits sans considération de l'enseigne distributrice, puisque les produits électroniques ne sont pas spécifiques aux enseignes. Elle souligne également la simplification du droit applicable aux implantations de magasins opéré par la loi LME du 4 août 2008, qui prévoit la liberté de s'implanter sur une surface de vente inférieure à 1 000 m² dans les communes de plus de 20 000 habitants ainsi que l'absence d'autorisation pour la reprise d'un magasin exerçant dans le même secteur d'activité ou dans un autre secteur lorsque la surface de vente est inférieure ou égale à 2 000 m².

295. En outre, la partie notifiante considère que les places de marché permettent le développement de concurrents de petite taille, grâce à de faibles coûts d'inscription, à la grande visibilité offerte aux vendeurs qui leur permet d'éviter de mettre en œuvre des investissements en publicité, et à de nombreux services offerts. Elle estime par ailleurs que des concurrents sont susceptibles d'entrer sur le marché via la création d'un site de vente en ligne à des coûts abordables.

b) Appréciation au cas d'espèce

296. S'agissant des marchés de la vente au détail de produits électrodomestiques, l'Autorité a déjà eu l'occasion de relever une série de barrières à l'entrée86. Ont ainsi été constatées :

- la maturité du marché ainsi que la faiblesse des marges des opérateurs exerçant sur ces marchés ;

- le système d'autorisation en matière d'équipement commercial. A ce titre, plusieurs obstacles ont été relevés : (i) la difficulté d'obtention des autorisations en matière de distribution de produits électrodomestiques ; (ii) la durée pour obtenir une autorisation (6 à 18 mois) ; (iii) le retour sur investissement de plus en plus long (5 à 10 ans) :

- la réglementation environnementale, en matière de sécurité notamment :

- la rareté du foncier : les emplacements d'implantation d'un point de vente physique sont coûteux et rares ;

- les importants frais publicitaires nécessaires pour faire connaitre le point de vente localement.

297. S'agissant de la vente sur internet dans ce même secteur, l'Autorité a constaté que " [s]i les barrières à l'entrée sont inférieures sur internet par rapport à la distribution en points de vente physiques, les sites internet, en particulier ceux des pure players, subissent cependant des contraintes fortes en termes de logistique, de marketing, et plus accessoirement de sécurité des paiements, qui leur imposent des coûts significatifs dans ces domaines, et constituent autant de barrières à l'entrée pour de nouveaux entrants "87.

298. L'Autorité a ainsi relevé les barrières à l'entrée suivantes en matière de vente en ligne :

- les coûts logistiques : il s'agit de l'ensemble des dépenses engagées pour gérer les flux physiques et les flux d'informations nécessaires à l'acheminement des produits vers le lieu où se trouve la demande. Dans le secteur du commerce électronique, les coûts logistiques se situent (i) en amont (approvisionnement, contrôle qualité, stockage, conditionnement, préparation de commandes, étiquetage, etc.) ; (ii) en aval (livraison) ; et (iii) dans la gestion des flux retour (liée par exemple à l'exercice du droit de rétractation, au service après-vente ou au recyclage) ;

- les coûts marketing : la notoriété est considérée comme une barrière à l'entrée. En effet, " accéder à une audience permettant d'être rentable suppose d'acquérir une certaine notoriété ". Les coûts marketing sont atténués pour certains " click and mortar " qui peuvent faire bénéficier le site de vente en ligne de la notoriété des points de vente physiques ;

- les coûts liés au moyen de paiement : l'Autorité a distingué la tarification bancaire des encaissements. Il existe également des coûts induits par le fait que les transactions se font à distance. Ces coûts couvrent les sommes engagées pour prévenir les fraudes (par exemple les systèmes 3D Secure) qui sont plus importantes pour les ventes à distance qu'en point de vente physique.

299. A plusieurs reprises88 l'Autorité a cependant souligné que les places de marché participent à une réduction significative des barrières à l'entrée sur les marchés de la vente en ligne. D'une part, elles permettent à de petits opérateurs d'accéder à une large audience et ainsi réduire leurs coûts marketing ; d'autre part, elles favorisent l'activité des petits sites marchands qui ne seraient pas en mesure de supporter les coûts liés au paiement ou à la logistique que la vente en ligne implique.

300. Sur la base de ces constats, pour apprécier l'importance des différentes barrières à l'entrée, il doit être relevé que le marché de la vente au détail de produits électroniques a connu une vague de fermetures de magasins au cours des dernières années et de disparition d'enseignes majeures. Ainsi, selon GfK, le nombre de points de vente de produits électroniques est passé de 23 000 à 17 000 en France entre 2002 et 2012, soit une diminution de 26 %. Ainsi, ce marché se caractérise davantage par des sorties que de nouvelles entrées sur le marché. A Paris notamment, les enseignes PC City, Surcouf et Virgin ont connu de grandes difficultés puis ont cessé leur activité entre 2007 et 2013, sans trouver de candidat pour la reprise de leurs enseignes. Par exemple, la chaîne Virgin Megastore a fermé progressivement ses magasins les moins rentables en 2012, avant de déposer le bilan en 2013. Les sites de vente en ligne font également face à des difficultés, comme en attestent notamment les rachats récents de nombreux pure players par des acteurs de la distribution traditionnelle (Cdiscount racheté par Casino, Rueducommerce par Carrefour, ou Mistergooddeal par Darty). En ce qui concerne les parties à l'opération, la partie notifiante indique que la Fnac comme Darty ont également dû fermer un certain nombre de magasins physiques [confidentiel], même s'il apparaît qu'elles ont également procédé à de nombreuses ouvertures de magasins et développé un modèle de franchise.

301. En outre, contrairement aux affirmations de la partie notifiante, même si le marché de la distribution de produits électroniques se caractérise par un attachement des consommateurs aux marques des produits, la majorité des répondants au test de marché a estimé que les clients sont également attachés à leur enseigne. Il convient en outre de rappeler l'existence de programmes de fidélité qui contribuent à renforcer l'attachement des consommateurs aux enseignes. S'agissant de la Fnac, les adhérents constituent entre [30-40] et [60-70] % de sa clientèle.

302. En outre, la majorité des concurrents estime que les barrières à l'entrée sont importantes sur le marché de la distribution de produits électroniques. Les résultats de l'instruction montrent que les barrières sont principalement d'ordre économique. Le test de marché montre notamment que l'entrée de nouveaux distributeurs est limitée par le coût important des infrastructures nécessaires et l'effet de taille qui jouent en faveur des gros opérateurs, notamment s'agissant de l'accès aux produits et de la notoriété89. Les répondants au test de marché ont ainsi souligné l'importance des coûts induits par la nécessité de disposer d'un stock suffisant, y compris pour des pure players. Les distributeurs interrogés considèrent également que de nouveaux entrants peuvent rencontrer des difficultés à avoir accès aux produits, notamment en raison du système de distribution sélective pratiquée par certains fournisseurs. De plus, les concurrents considèrent que les faibles marges du secteur peuvent également constituer une barrière à l'entrée.

303. Au surplus, les opérateurs du secteur soulignent l'existence de difficultés techniques pour un nouvel entrant dans la mise en œuvre d'un service après-vente performant.

304. S'agissant spécifiquement des ventes en magasins, les concurrents confirment la barrière à l'entrée que représente le régime d'autorisation administrative relatif à l'urbanisme commercial, ainsi que le coût de l'immobilier commercial, malgré les assouplissements apportés par la loi LME précitée. Selon certains répondants au test de marché, ces barrières seraient plus importantes à Paris où le foncier est onéreux mais surtout très rare.

305. S'agissant des ventes en ligne, les coûts engendrés par l'exploitation d'un site de vente en ligne, notamment les investissements marketing, constituent une véritable barrière à l'entrée pour les répondants au test de marché. Un répondant déclare ainsi " qu'aucune nouvelle marque pure-player ne pourra se créer " seule " sur ce marché ". A cet égard, on relève notamment le placement en redressement judiciaire de la société Pixmania, au début de l'année 2016.

306. Enfin, même si les places de marché peuvent constituer une alternative moins onéreuse d'accéder au marché pour de plus petits acteurs, elles ne permettent pas à des acteurs importants d'émerger au point d'exercer une pression concurrentielle sensible sur les parties. En outre, les places de marché, si elles permettent de contourner certaines barrières (telles que la notoriété ou la gestion du paiement en ligne, voire l'expédition) ne remédient pas à tous les obstacles, tels que la faiblesse des marges, les difficultés d'approvisionnement ou le service après-vente.

307. Il ressort de ce qui précède que les marchés de la distribution de produits électroniques présentent de fortes barrières à l'entrée, que ce soit pour les acteurs de la vente en ligne ou ceux qui exploitent des magasins physiques, susceptibles de ralentir ou empêcher l'entrée de nouveaux acteurs sur les marchés concernés.

3. LES PARTIES AURONT UNE INCITATION A AUGMENTER LES PRIX OU A NE PLUS LES BAISSER

a) L'évaluation économique du risque d'augmentation des prix

308. Sont successivement décrits le principe d'utilisation des indices dits de " GUPPI " (i), le mode de calcul des taux de marge et des rapports des prix (ii), et les deux méthodes alternatives d'estimation des ratios de diversion utilisées pour les calculs ainsi que les résultats afférents (iii).

i. Principe

309. L'incitation de la nouvelle entité à augmenter ses prix à la suite de l'opération résulte notamment de l'internalisation au sein du nouvel ensemble de reports de clientèle vers Darty en cas d'augmentation des prix pratiqués par la Fnac, ou inversement. En effet, la hausse des prix de l'une des enseignes réunies par l'opération sera plus profitable qu'avant l'opération car une partie de la clientèle qui renonce à acheter auprès de l'enseigne ayant augmenté ses prix effectue ses achats auprès de l'autre enseigne. Les ventes ainsi réalisées contribuent au profit global de la nouvelle entité, à hauteur des marges réalisées sur ces ventes.

310. Cet impact peut notamment être quantifié à travers le GUPPI (" Gross Upward Pricing Pressure Index "). Ainsi, le GUPPI de la Fnac vers Darty, qui mesure l'incitation à la hausse des prix de l'enseigne Fnac postérieurement à l'opération, se calcule comme le produit de la proportion des ventes perdues par la Fnac qui se reporte sur Darty dans le cas d'une hausse de prix (i.e., le " ratio de diversion " de la Fnac vers Darty), du taux de marge de Darty et du rapport des prix de Darty sur la Fnac. L'indice GUPPI se calcule de la manière suivante:

311. Le rôle de ce type de test quantitatif est précisé par les lignes directrices de l'Autorité relatives au contrôle des concentrations, qui indiquent que " l'indice pourra servir de filtre afin de vérifier si l'opération est susceptible de générer des effets importants. Une valeur limite de 5 à 10 % pourrait ainsi être retenue pour un tel filtre "90. Ainsi, un indice GUPPI supérieur à 5 % suggère une incitation de la nouvelle entité à augmenter ses prix. Les résultats des calculs détaillés ci-dessous ont donc vocation à alimenter le faisceau d'indices retenus au cas présent en donnant une indication de l'impact de l'opération sur les incitations tarifaires du nouvel ensemble.

ii. Calcul des taux de marge et des rapports de prix

312. La partie notifiante91 a calculé des marges sur coûts variables de Fnac et Darty, pour les ventes en magasins d'une part et pour les ventes sur internet d'autre part. Selon elle, les coûts de marketing et les coûts de masse salariale variable hors rémunération variable des vendeurs n'ayant pas été fournis par Darty, les marges sur coûts variables calculées pour les magasins Darty sont surévaluées, avec pour conséquence de surestimer les GUPPI Fnac vers Darty.

313. L'ampleur de ce biais, qui n'a pas été estimée par la partie notifiante, devrait toutefois être limitée : il est en effet peu probable que les coûts de marketing de Darty ou/et la masse salariale variable de Darty hors rémunération variable des vendeurs augmentent significativement suite à une hausse de prix de la Fnac.

314. S'agissant de l'évaluation des rapports de prix entre les enseignes Fnac et Darty92, les enseignes étant susceptibles de proposer des gammes de produits différents, un simple calcul des rapports de prix moyens serait susceptible de conduire à des résultats biaisés. En effet, comme expliqué supra, une enseigne proposant une proportion plus importante de produits haut de gamme pratiquera nécessairement un prix moyen plus élevé ses concurrents, sans pour autant nécessairement pratiquer des prix plus élevés par référence. La partie notifiante a proposé une estimation économétrique des indices de prix des acteurs, dont la construction a été décrite supra, permettant de neutraliser les effets liés à la composition de l'offre des acteurs93.

iii. Estimation des ratios de diversion et calcul des GUPPI

Précisions méthodologiques

315. Pour appréhender la pression concurrentielle différenciée qui s'exercera sur la nouvelle entité, en particulier celle du commerce en ligne, les ratios de diversion entre la Fnac et Darty sont calculés à partir d'une évaluation empirique. Deux méthodes distinctes ont été employées : l'une économétrique, à partir de l'observation des variations des prix et des ventes des deux enseignes, l'autre à partir du sondage Ifop réalisé pour l'Autorité, aboutissant à des GUPPIs qualifiés par la partie notifiante de " comportementaux ".

316. La méthode économétrique présente l'avantage d'être basée sur les comportements réels des consommateurs, à l'inverse de la méthode par sondage qui repose sur un comportement hypothétique. Toutefois, au cas d'espèce, plusieurs hypothèses et approximations sont nécessaires pour estimer économétriquement les ratios de diversion, hypothèses qui en réduisent la fiabilité. De fait, dans plusieurs cas, les ratios de diversion tirés des analyses économétriques apparaissent aberrants. Ceci est notamment le cas des ratios de diversion vers les " pure players " qui sont surestimés, comme expliqué ci-dessous. Un crédit plus important sera donc accordé aux estimations des ratios de diversion tirés du sondage Ifop, bien que celles-ci puissent sous-estimer l'ampleur des ratios de diversion, comme expliqué infra.

317. Enfin, il convient de préciser que les données au dossier sont insuffisantes pour estimer les ratios de diversion au niveau de chaque magasin, quelle que soit la méthode considérée. Par conséquent, les ratios de diversion concernent le comportement de consommateurs relevant de zones territoriales plus larges que les marchés locaux examinés au cas d'espèce. Ils agglomèrent donc des zones où la nouvelle entité sera confrontée à une forte concurrence (conduisant à des ratios de diversion faibles) et des zones où la nouvelle entité sera confrontée à une faible concurrence (conduisant à des ratios de diversion élevés). Il s'ensuit que les ratios ainsi estimés sont nécessairement inférieurs à ceux qui auraient été calculés uniquement sur des zones dans lesquelles la nouvelle entité serait peu concurrencée. Les GUPPI calculés sont donc sous-estimés.

Ratios de diversion et GUPPI obtenus par la méthode économétrique

318. La méthode économétrique consiste à étudier comment les ventes de Darty (respectivement de la Fnac) varient en fonction des prix pratiqués par la Fnac (respectivement Darty). L'estimation des ratios de diversion est effectuée pour différentes zones géographiques94 et pour différents périmètres de produits95 ainsi que pour l'ensemble des références ou les 200 les plus vendues.

319. Les principaux résultats obtenus à partir des ratios de diversion estimés de manière économétrique sont les suivants :

< TABLEAU >

320. Les GUPPI pour les produits bruns sont supérieurs à 5 %. Cependant, faute de données suffisantes, certains d'entre eux (correspondant à la mention " GSS " dans la colonne " acteur ") sont estimés en considérant non pas le prix pratiqué par l'enseigne Fnac ou Darty, mais le prix le plus bas pratiqué par l'ensemble des enseignes spécialisées, y compris Fnac ou Darty96.

321. Par exemple, pour les produits bruns, les données présentées dans le tableau ci-dessus indiquent que le GUPPI Darty vers Fnac (qui fournit un indicateur de la propension de Darty à augmenter ses prix du fait des reports de volumes vers la Fnac) pour Paris a été calculé sur la base d'un " acteur GSS ", représentant les opérateurs relevant de cette catégorie97. Le GUPPI ainsi calculé qui mesure l'incitation de Darty à augmenter ses prix sur Paris après l'opération est de 7,3 % et est donc supérieur au seuil de 5 %.

322. Les GUPPI pour les produits gris estimés à partir de la méthode économétrique sont en revanche inférieurs à 5 %, à l'exception du GUPPI de Darty vers Fnac calculé au niveau national, égal à 5,1 %.

323. Les GUPPI économétriques présentés par la partie notifiante présentent néanmoins plusieurs limites qui en réduisent la portée.

L'évaluation des effets des variations de prix sur les ventes de Fnac ou Darty

324. Comme expliqué supra, l'estimation économétrique des ratios de diversion nécessite d'analyser l'effet que des hausses de prix de Darty ou de la Fnac ont sur les ventes respectives des parties. Cet effet traduit ainsi le report de demande de l'une des parties vers l'autre en cas de hausse de prix. Cette analyse suppose que l'effet des hausses de prix des parties puisse être distingué de celui entraîné par des hausses de prix d'enseignes concurrentes. Cette tâche est d'autant plus délicate qu'il existe une corrélation très forte entre les prix de la Fnac, des GSA, des autres enseignes click & mortar et des pure players.

325. Or, la partie notifiante se heurte, pour réaliser cet exercice, à d'importantes contraintes de données. Premièrement, les données de prix utilisées pour l'enseigne Darty ainsi que pour l'ensemble des enseignes " click and mortar " concurrentes sont les prix affichés en ligne, sans prise en compte des prix en magasin. Cependant, en dépit d'un rapprochement tarifaire entre les prix en magasins et en ligne, les prix en magasins peuvent faire l'objet d'adaptations locales98.

326. Deuxièmement, l'effet des variations de prix des concurrents sur les ventes de la Fnac ou Darty est appréhendé en ne tenant compte que du prix le plus bas pratiqué, d'une part, par l'ensemble des enseignes spécialisées, d'autre part, par l'ensemble des pure players. Ainsi, si une enseigne très attractive diminue son prix sans toutefois proposer le prix le plus bas, l'effet de cette baisse de prix n'est pas pris en compte. Par ailleurs, l'impact des variations de prix des GSA sur les volumes des parties n'est pas non plus pris en compte dans l'analyse.

Le calcul des ratios de diversion

327. En raison de la modélisation retenue, pour passer de l'estimation économétrique aux ratios de diversion, la partie notifiante doit faire l'hypothèse qu'à l'équilibre concurrentiel, tous les acteurs qui commercialisent un produit donné le proposent au même prix. Toutefois, les analyses des indices de prix des différents acteurs effectuées par les parties et présentées supra montrent que les prix de certains distributeurs, comme la Fnac et Cdiscount, présentent des différences persistantes. L'hypothèse sur laquelle s'appuie la partie notifiante n'est donc pas vérifiée en pratique.

Des résultats parfois peu crédibles

328. Selon les parties, pour les produits bruns, les ratios de diversion de Darty vers les pure players atteignent [50-60] % et ceux de la Fnac vers les mêmes pure players sont compris entre [60-70] et [70-80] %. Ces estimations sont vraisemblablement surestimées. En effet, les produits bruns sont ceux pour lesquels la pénétration des pure players est la plus faible. Selon des données communiquées par les parties, la part de marché des pure players pour les produits bruns serait de [10-20] %. Il a également été précisé supra que les ventes sur internet progressent moins rapidement pour les produits bruns que pour les produits gris.

329. De même, les ratios de diversion économétriques vers les pure players pour les produits bruns ne sont nullement confortés par ceux calculés sur la base du sondage réalisé pour l'Autorité. Sur la base de ce dernier, pour la Fnac, ce ratio serait compris entre [20-30] et [30-40] % pour les téléviseurs et appareils photo numériques, reports qui sont certes significatifs, mais sans commune mesure avec ceux estimés selon la méthode économétrique. Ces derniers sont donc probablement très surestimés. La surestimation des ratios de diversion vers les pure players conduit alors nécessairement à sous-estimer les ratios de diversion entre la Fnac et Darty et les GUPPI correspondants.

330. En tout état de cause, comme le montre le tableau ci-dessous, plusieurs GUPPI estimés par la partie notifiante excèdent le seuil de 5 %.

< TABLEAU >

331. En définitive, la portée des GUPPI issus de l'estimation économétrique des ratios de diversion, qui ne permettent pas, en tout état de cause, d'exclure les risques concurrentiels, doit être fortement relativisée du fait des limites importantes inhérentes à leur estimation.

Ratios de diversion et GUPPI tirés du sondage Ifop

332. Des GUPPI ont également été calculés à partir des ratios de diversion estimés à partir du sondage Ifop réalisé à la demande de l'Autorité. Ce sondage a porté sur trois catégories de produits bruns (appareils photo numériques, téléviseurs et accessoires images et son) et trois catégories de produits gris (tablettes, ordinateurs portables et smartphones). Il a permis d'identifier vers quelles enseignes se seraient reportés les consommateurs qui ont effectivement acheté un produit appartenant à l'une de ces catégories auprès de la Fnac ou Darty si le prix pratiqué par l'enseigne auprès de laquelle ils ont effectué leur achat avait été supérieur à 10 %.

333. Des GUPPI ont alors été calculés à partir de ces ratios de diversion pour les trois catégories de produits gris et pour deux des trois catégories de produits bruns étudiées100. Les calculs ont été effectués au niveau national ainsi que pour plusieurs zones du territoire, parmi lesquelles l'agglomération parisienne101.

334. Les principaux résultats de ces calculs de GUPPI sont présentés dans les tableaux ci-dessous. Pour les produits gris, l'ensemble des GUPPI calculés sur la base du sondage sont inférieurs à 5 %, y compris sur l'agglomération parisienne.

< TABLEAU >

335. S'agissant des produits bruns, les GUPPI calculés au niveau national sont également inférieurs à 5 %. En revanche, deux GUPPI calculés pour l'agglomération parisienne sont supérieurs à 5 %, celui de Darty vers la Fnac pour les appareils photo numériques et celui de la Fnac vers Darty pour les téléviseurs.

< TABLEAU >

336. Comme indiqué supra, la partie notifiante soutient que les GUPPI Fnac vers Darty seraient surévalués du fait de l'omission dans les calculs des coûts variables de marketing et des coûts variables de masse salariale hors rémunération variable des vendeurs. Toutefois, l'ampleur de cette surestimation paraît relativement faible. En outre, cette éventuelle surestimation ne concerne pas les GUPPI Darty vers la Fnac sur les téléviseurs, qui resteraient donc supérieurs à 5 %.

337. Ces résultats montrent donc que la concentration peut entraîner des effets unilatéraux sur le marché des produits bruns dans l'agglomération parisienne. Ils ne permettent pas en revanche d'identifier de risques concurrentiels sur les produits gris ou en dehors de l'agglomération parisienne. Comme rappelé supra, cependant, ces GUPPI inférieurs à 5 % n'impliquent pas qu'il n'existe pas de risques concurrentiels dans certaines zones de chalandise spécifiques. Les ratios de diversion peuvent en effet être plus élevés dans certaines zones de chalandise où les enseignes Fnac et Darty détiennent une part de marché élevée.

iv. Conclusion

338. Les analyses de GUPPI montent que l'opération est susceptible de conférer au nouvel ensemble une incitation à augmenter les prix, au moins pour certains produits. L'ampleur des risques dépend toutefois des estimations retenues. Les GUPPI économétriques font naître davantage de préoccupations que les GUPPI comportementaux. Toutefois, même ces derniers mettent en exergue l'existence de risques concurrentiels pour la distribution des produits bruns dans l'agglomération parisienne.

b) L'évaluation du risque de ne plus procéder à des baisses de prix

339. Comme expliqué supra dans les développements consacrés à la définition des marchés pertinents, la concurrence sur le marché de la distribution de produits électroniques s'exerce aussi à un niveau local. Ceci est notamment reflété dans le fait que certains paramètres de concurrence n'interviennent qu'à cet échelon. L'instruction a ainsi montré que les GSS effectuent des veilles tarifaires, afin de vérifier leur positionnement par rapport aux points de vente voisins, avec lesquels ils sont en concurrence directe. Cette veille les conduit régulièrement à appliquer des baisses tarifaires ponctuelles, dérogeant aux prix définis par leur enseigne au niveau national.

340. La partie notifiante soutient que ces ajustements de prix au niveau local constituent une pratique marginale et qu'il s'agirait généralement d'adaptations de prix mineures. Elle souligne en outre qu'en tout état de cause, les promotions et baisses de prix répondent à une attente forte de la clientèle, et ne pourraient donc être remises en cause par les parties à l'issue de l'opération.

341. En pratique, les données transmises par la partie notifiante tendent au contraire à établir que les pratiques d'ajustement au niveau local, notamment en ce qui concerne l'enseigne Darty, constituent un paramètre important de positionnement tarifaire. La partie notifiante a communiqué un historique des ajustements appliqués par les magasins Darty à la suite de relevés de prix conduits dans des points de vente concurrents alentour. Ces données, détaillées supra au paragraphe 177, portent sur [confidentiel]. Elles montrent qu'une proportion élevée de magasins Darty exploite la possibilité d'appliquer des ajustements tarifaires afin de s'adapter au contexte concurrentiel local.

342. Sur les périodes étudiées, [...] magasins différents ont ainsi effectué une adaptation de prix. Par ailleurs, si la proportion de références concernées par ce type d'ajustement est limitée en moyenne (sur chaque mois étudié, les magasins Darty ont en moyenne adapté les prix d'environ [...] références), il apparaît que certains points de vente recourent à ce procédé de manière assez fréquente102. Il ressort aussi des données que les ajustements tarifaires mis en œuvre par les magasins Darty correspondent en moyenne à des baisses de prix de [...]%. Ces ajustements de prix sont donc substantiels, au vu en particulier des niveaux de marge relativement faibles appliqués généralement sur ce type de produits.

343. De plus, d'autres éléments versés au dossier confirment que les ajustements tarifaires locaux des magasins Darty demeurent un paramètre déterminant de concurrence pour l'enseigne. La partie notifiante explique en effet que les produits concernés par des réductions tarifaires en deçà du prix de référence représentaient [confidentiel] environ [...]% en valeur de l'ensemble des ventes du groupe, toutes zones géographiques et catégories de produits confondues103.

344. Concernant enfin l'idée selon laquelle les promotions et baisses de prix demeureraient une pratique commerciale incontournable à l'issue de l'opération, il convient de distinguer les promotions nationales, auxquelles la partie notifiante fait référence, des ajustements de prix locaux, qui sont pour leur part un effet direct des interactions concurrentielles en vigueur au sein de chaque zone de chalandise. En réduisant la pression concurrentielle s'exerçant sur la nouvelle entité dans certaines zones de chalandises, l'opération risque donc de réduire son incitation à recourir à des ajustements de prix spécifiques, et de conduire ainsi à une augmentation des niveaux de prix appliqués dans ces zones.

345. En définitive, la Fnac souligne qu'elle tend déjà à limiter le recours à des adaptations de prix locales, en incitant chacun de ses magasins au respect des prix fixés au niveau national. Elle ajoute que Darty s'est engagé dans la même voie, avant même l'opération, renonçant progressivement aux alignements tarifaires locaux issus de " l'héritage de l'histoire du groupe "104 pour tendre à une uniformisation de la politique tarifaire de l'ensemble des magasins du territoire. Il n'est néanmoins pas établi que le mouvement d'harmonisation nationale des prix invoqué par les parties a vocation à perdurer et à s'appliquer à l'ensemble des points de vente du réseau. Au demeurant, au vu de l'importance documentée des ajustements locaux des prix des magasins Darty, l'opération, en généralisant la politique d'harmonisation tarifaire plus marquée au sein du réseau de la Fnac, risque de porter atteinte à la concurrence en restreignant les baisses locales des prix au sein du réseau de Darty.

4. LA QUALITE DE L'OFFRE DE SERVICES POURRAIT ETRE REDUITE

346. L'acquisition ou le renforcement d'un pouvoir de marché par une opération de concentration ne s'apprécie pas uniquement à l'aune de ses effets sur la concurrence en prix, mais plus généralement comme la capacité de l'entité issue de la concentration de profitablement, augmenter les prix, réduire la production, le choix ou la qualité des biens et des services, diminuer l'innovation ou exercer, d'une autre manière, une influence sur les facteurs de la concurrence105.

347. Les lignes directrices de l'Autorité rappellent également que l'un des risques anticoncurrentiels qu'une opération, notamment horizontale, est susceptible d'engendrer, a trait à la réduction de la qualité ou du volume de la production des parties. Elles précisent que, " sans aller jusqu'à la création ou au renforcement d'une position dominante au profit de l'entité issue de l'opération, une concentration entre deux entreprises présentes sur un même marché peut porter atteinte à la concurrence du seul fait de l'élimination de la concurrence entre elles. Il est en effet possible qu'après l'opération, la nouvelle entité puisse de façon profitable augmenter ses prix ou réduire le volume ou la qualité de sa production, alors qu'avant l'opération un tel comportement aurait conduit à une réduction trop importante des ventes au profit d'autres opérateurs "106.

348. La Commission européenne, puis la Cour de justice de l'Union européenne107, ont également relevé qu'" au-delà des effets sur les prix, l'entité issue de la concentration n'étant plus confrontée aux pressions qui existaient antérieurement entre [les parties], la concentration aurait également des répercussions sur la qualité de l'offre et le choix offert aux clients "108.

349. Au cas d'espèce, la qualité de service revêt une importance significative dans l'acte d'achat du consommateur en produits bruns et gris et constitue un paramètre déterminant de la concurrence entre les distributeurs de produits électroniques.

350. Ainsi, il ressort du sondage Ifop réalisé pour l'Autorité, afin notamment d'évaluer les taux de report des consommateurs vers d'autres opérateurs en cas de hausse des prix ou dégradation de la qualité de l'offre des parties à l'issue de l'opération, qu'en cas de dégradation du service offert, la majorité des consommateurs changeraient d'enseigne.

351. Le tableau ci-dessous présente les réponses à la question suivante : " Toujours en repensant à votre dernier achat de [produit] que vous avez réalisé auprès de la Fnac, si la qualité de service proposé au consommateur avait été moins bonne qu'elle ne l'est actuellement (par exemple : pas de vendeur disponible pour vous conseiller, produits mal exposés, horaires d'ouverture réduits, temps d'atteinte important en caisse, etc.), auriez-vous malgré tout effectué cet achat auprès de la Fnac ? "

< TABEAU >

352. La même question a été posée s'agissant de Darty. Les réponses obtenues sont les suivantes :

< TABEAU >

353. A la question posée : " En pensant à votre dernier achat de [produit acheté] que vous avez réalisé auprès de la Fnac/Darty, si la qualité de service proposé au consommateur avait été moins bonne qu'elle ne l'est actuellement (par exemple : pas de vendeur disponible pour vous conseiller, produits mal exposés, horaires d'ouverture réduits, temps d'attente important en caisse, etc.), auriez-vous malgré tout effectué cet achat auprès de la Fnac/Darty ? ", la majorité des répondants explique qu'ils n'auraient pas effectué cet achat chez Darty ou à la Fnac. Ce pourcentage varie entre 51,8 % et 60,1 % pour Darty, selon la catégorie de produits considéré, et entre 52,2 % et 55,8 % pour la Fnac.

354. Les effets de l'opération sur la qualité de l'offre sont susceptibles de recouvrir deux aspects. Le premier d'entre eux a trait à la dégradation de la qualité de l'offre, le second impliquerait une diminution de la diversité de l'offre proposée au consommateur.

355. L'opération est tout d'abord susceptible d'engendrer une dégradation de la qualité de l'offre proposée au consommateur, notamment en termes de services. Elle pourrait altérer les services dont bénéficient les consommateurs lors de leur expérience d'achat dans les magasins de la Fnac et de Darty, par exemple en termes de conditions d'accueil, de conseil, de service après-vente ou d'horaires d'ouvertures. Ce risque a également été relevé par les concurrents des parties à l'occasion du test de marché. La partie notifiante estime qu'une diminution de la qualité de service constituerait une remise en cause de l'" identité " des enseignes et entraînerait un risque de perte de clientèle trop important pour les parties. Elle ne démontre toutefois pas qu'une diminution de qualité plus minime ne lui serait pas profitable. Or, dès lors que la nouvelle entité ne fera plus face, dans certaines zones de chalandise locale, à des concurrents constituant une alternative crédible pour le consommateur, son incitation à maintenir ou renforcer la qualité de son offre ou de ses services sera nécessairement plus faible, dans la mesure où, dans ces zones, le consommateur n'aurait pas la possibilité de se reporter vers une enseigne concurrente.

356. La partie notifiante soutient en outre que les pure players ont considérablement amélioré leur qualité de service au cours des dernières années, renouvelant ainsi la pression concurrentielle exercée sur les clicks and mortars et gagnant la confiance du consommateur. Toutefois, la présente opération consiste en un rapprochement de réseaux de magasins physiques, auxquels s'ajoute la vente à distance : ainsi, la qualité de services offerte en magasin par un click and mortar ne peut être directement comparée à celle offerte par un pure player, et la contrainte exercée par ces derniers n'apparaît pas suffisante pour inciter un puissant opérateur click and mortar à maintenir et améliorer sa qualité de service sur une zone où il disposerait d'une part de marché élevée.

357. Or, l'opération pourrait également entraîner une réduction de l'offre pour le consommateur, qui ne bénéficierait de fait plus de la même liberté de choix dans le secteur des produits électroniques à l'issue de l'opération. Il est en effet envisageable, comme souligné par les répondants au test de marché, que la nouvelle entité harmonise son offre, en se concentrant sur les produits que les deux parties proposaient séparément au consommateur antérieurement à l'opération. Il en résulterait une diminution de l'offre disponible, notamment dans les zones locales où la nouvelle entité fera face à un nombre réduit de concurrents, au détriment du consommateur.

358. Le risque de dégradation de l'offre qualitative des parties sera d'autant plus probable que la nouvelle entité fera face à peu d'opérateurs capables d'exercer une concurrence effective sur les différentes zones concernées à l'issue de l'opération.

359. La partie notifiante a communiqué [confidentiel]. S'il ne ressort pas de l'analyse [confidentiel], il ne peut toutefois pas en être conclu que l'obtention de parts de marché importantes par la Fnac du fait de l'opération n'aura pas d'incidence sur le niveau de la qualité offerte aux consommateurs.

360. Ce classement montre tout de même que l'ensemble des magasins parisiens, [confidentiel], figure d'ores et déjà parmi ceux recevant les notes de satisfaction les plus basses, [confidentiel]. La partie notifiante justifie ce constat par [confidentiel]. Il n'en demeure pas moins que Paris est la zone où la Fnac faisait face, avant l'opération, au plus petit nombre d'opérateurs concurrents. Dans ces zones parisiennes, une nouvelle diminution de la qualité serait donc particulièrement préjudiciable.

361. Au regard de ces éléments, il ressort que la qualité apparaît comme un paramètre significatif de concurrence, et qu'un risque de dégradation de l'offre qualitative des parties à l'issue de l'opération, que ce soit en termes de services ou de diversité du choix, ne peut être écarté.

5. ANALYSE DE LA POSITION DE LA NOUVELLE ENTITE

a) Sur la prise en compte des magasins franchisés

362. L'Autorité et le Conseil d'Etat, dans sa fonction de contrôle juridictionnel, ont rappelé109 que le pouvoir de marché d'un groupe de distribution doit s'apprécier en tenant compte des magasins détenus en propre et de ceux exploités en réseau, quel que soit leur statut juridique, dès lors que leur politique commerciale n'est pas suffisamment autonome par rapport à la tête de réseau.

363. L'Autorité a notamment considéré que les critères suivants permettaient de caractériser l'absence d'autonomie des membres d'un réseau de franchise : (i) la possibilité de la tête de réseau de fixer des prix maxima à ses adhérents impactant la liberté de l'adhérent de fixer ses prix de manière indépendante, (ii) les obligations d'approvisionnement des adhérents auprès du groupement pour une part importante de leurs achats, (iii) l'obligation de respecter des clauses de préemption, de substitution et de préférence au profit du groupement en cas de cession de leur magasin en dehors du périmètre familial, (iv) l'obligation de participer à un certain nombre d'opérations promotionnelles par an, durant lesquelles les adhérents doivent mettre en vente les produits au prix indiqué sur les documents publicitaires, (v) l'obligation de référencer plus de 50 % des lignes de produits de la tête de réseau, (vi) la durée plus ou moins longue des contrats.

i. Les franchisés Fnac

364. La Fnac a recours à des contrats de franchise pour deux formats de magasins en France :

- le format " proximité ", implanté dans les villes moyennes (moins de 100 000 habitants), avec des magasins d'une surface commerciale de 300 à 1 300 m² présentant l'intégralité de l'offre de produits et de services de la Fnac ;

- le format " travel ", implanté dans les gares et dans les aéroports et correspondant à des points de vente de petite surface (environ [...] m²) avec une offre spécifique principalement tournée vers les produits éditoriaux et des produits techniques axés sur la mobilité.

365. Ce dernier format n'étant pas pris en compte dans le cadre de l'analyse concurrentielle comme expliqué supra, seuls les contrats de franchise des magasins de la Fnac qui ont un format " proximité " doivent être examinés.

366. Les contrats de franchise destinés au format " proximité " ont pour objet de permettre au franchisé d'exploiter un magasin lui appartenant sous l'enseigne Fnac en utilisant le concept, le savoir-faire, la marque et les noms commerciaux de la Fnac. Il ressort de l'examen de ces contrats que [confidentiel].

367. Les franchisés sous contrat de type " proximité " apparaissent par conséquent insuffisamment autonomes pour être considérés comme indépendants de la Fnac. Les ventes de produits électrodomestiques de ces magasins seront donc incluses dans le calcul des parts de marché de la Fnac.

ii. Les franchisés Darty

368. Le contrat de franchise de Darty a pour objet de permettre aux franchisés, pour une durée de [confidentiel], d'exploiter un magasin leur appartenant sous l'enseigne Darty, en utilisant le concept, le savoir-faire et les méthodes de Darty, ainsi que sa marque et ses noms commerciaux.

369. Ce contrat contient [confidentiel]. Il ressort de l'examen de ces contrats que [confidentiel]

370. Il convient d'ajouter que Darty exploite également un magasin sous licence de marque à [confidentiel]. [confidentiel], le contrat de licence de marque fixe également [confidentiel].

371. Les franchisés et licencié Darty apparaissent par conséquent insuffisamment autonomes pour être considérés comme indépendants de Darty. Les ventes de produits électroniques de ces magasins seront donc incluses dans le calcul des parts de marché de Darty.

b) Les méthodes utilisées pour le calcul des parts de marché

372. La partie notifiante propose une méthode alternative de calcul des parts de marché à la méthode traditionnelle (ou " standard "), mentionnée dans les lignes directrices de l'Autorité110. La partie notifiante considère que cette dernière présente des biais, et que la méthode qu'elle propose, dite " géométrique ", devrait lui être préférée.

i. Méthodes de calcul des parts de marché présentées par la partie notifiante

373. La méthode standard d'estimation des parts de marché au niveau local consiste à délimiter une zone de chalandise111 autour de chaque magasin cible et à prendre uniquement en compte, pour le calcul des parts de marché, les concurrents présents à l'intérieur de cette zone.

374. La partie notifiante estime que cette méthode comporte un biais dans la mesure où elle ne prend pas en compte la pression concurrentielle exercée par les acteurs situés à proximité de la zone de chalandise. Elle ne permet donc pas de mesurer la sensibilité aux effets de seuils. En effet, un magasin situé en dehors de la zone de chalandise du magasin cible, mais à la limite extérieure de celle-ci, dispose lui-même d'une zone de chalandise qui chevauche au moins en partie celle du magasin cible. Ainsi, un consommateur situé dans la zone concernée par le chevauchement serait susceptible d'arbitrer entre les deux magasins. Les magasins situés en dehors de la zone de chalandise exercent donc une pression concurrentielle sur le magasin cible qui n'est pas reflétée par les parts de marché estimées selon la méthode standard. Cette dernière ne serait donc pertinente que pour les consommateurs situés au même endroit que le magasin cible. En outre, les magasins situés dans la zone de chalandise d'un magasin cible sont supposés réaliser l'intégralité de leurs ventes dans cette zone, même si leur propre zone de chalandise est en grande partie située en dehors. Ce biais est illustré par la figure suivante :

375. La figure ci-dessus présente la zone de chalandise d'un magasin Darty et de deux magasins concurrents voisins. La méthode standard conduirait à tenir compte de l'intégralité de la surface112 du magasin C1 dans le calcul des parts de marché du magasin Darty et à exclure totalement le magasin C2 du calcul. L'exclusion totale du magasin C2 apparaîtrait alors injustifiée puisque ce magasin entrerait bien en concurrence avec le magasin Darty pour une partie de la clientèle (celle correspondant à l'intersection de la zone de chalandise du magasin Darty et de la zone de chalandise du magasin C2).

376. La partie notifiante suggère alors de retenir l'approche géométrique qui permettrait de répondre à ces critiques. Cette méthode, précédemment admise par la Commission européenne113 et examinée par l'Autorité114, consiste à allouer, pour calculer la part de marché d'un magasin, un poids à chaque magasin retenu en fonction de la distance le séparant du magasin cible. La méthode géométrique examine la position des parties au regard de l'ensemble les magasins dont la zone de chalandise chevauche - au moins en partie - celle du magasin cible. Le périmètre retenu pour identifier de potentiels concurrents correspond à deux fois la taille de la zone de chalandise pertinente, afin de s'assurer que les zones de chalandises du magasin cible et des magasins concurrents se chevauchent effectivement.

377. La méthode géométrique permet d'attribuer un " poids concurrentiel " différent à un magasin en fonction de sa distance par rapport au magasin cible. Ainsi, la part de marché affectée à un magasin dont la zone de chalandise chevauche celle du magasin cible décroît proportionnellement à sa distance à ce dernier.

378. Cette méthode présente néanmoins une limite dans la mesure où elle suppose que les consommateurs se répartissent uniformément dans chaque zone de chalandise considérée. Or, dans les zones où les parties sont simultanément présentes, une proportion élevée des consommateurs du Darty pourrait être domiciliée dans la zone d'intersection des zones de chalandise des parties, de sorte que la pression réelle exercée par la Fnac sur Darty serait en réalité importante. Ce biais est particulièrement pertinent au cas d'espèce puisque, dans plusieurs agglomérations, les magasins Darty sont situés en périphérie tandis que les magasins Fnac sont situés en centre-ville, de sorte que la densité de population dans la zone d'intersection des zones de chalandise de Darty avec la Fnac est plus élevée que dans la fraction de la zone de chalandise du Darty qui n'est pas en intersection avec celle des magasins Fnac.

ii. Comparaison des deux méthodes

379. Compte tenu de la pondération par l'éloignement des concurrents, la méthode géométrique conduit fréquemment à minorer les parts de marché des parties par rapport à la méthode standard quand cette dernière leur attribue une part de marché importante. C'est le cas, par exemple, lorsqu'un magasin de la Fnac se situe à l'extrémité de la zone de chalandise d'un magasin de Darty : la méthode standard conduit à prendre en compte la totalité de la surface de vente en produits électroniques du magasin de la Fnac tandis que la méthode géométrique ne prend en compte qu'une partie de cette surface, réduisant de ce fait la part de marché du magasin de la Fnac. Or, comme indiqué supra, cette méthode est susceptible d'entraîner des biais d'analyse minimisant la pression concurrentielle exercée par la Fnac sur Darty, notamment lorsque la fraction de la zone de chalandise d'un magasin Darty concurrencée par un point de vente Fnac est plus densément peuplée que la fraction de la zone de chalandise non concurrencée et représente ainsi une part élevée de la clientèle du magasin Darty.

380. La part de marché des parties dans l'offre totale dans une zone géographique déterminée est un indicateur couramment utilisé par les autorités de concurrence pour apprécier leur pouvoir de marché, même lorsque cette zone est locale et que les zones de chalandise de chaque offreur s'interpénètrent. Cette approche est généralement complétée, pour les zones sur lesquelles ces parts de marché sont élevées, par une analyse détaillée qui prend en compte un ensemble d'indicateurs supplémentaires déterminants pour la situation concurrentielle locale parmi lesquels, précisément, la présence de points de vente en bordure de zone.

381. En l'espèce, l'approche géométrique proposée par la partie notifiante ne peut donc pas se substituer à cette analyse détaillée compte tenu du biais induit par les implantations respectives des magasins des parties. La méthode standard sera donc retenue pour le cas présent.

382. Cependant, comme il sera détaillé infra, l'Autorité a étudié les estimations de part de marché des parties intégrant les ventes en ligne selon une méthodologie se rapprochant de la méthode géométrique en prenant en compte des magasins extérieurs à la zone de chalandise des magasins cibles qui vendent à des consommateurs résidant dans celle-ci.

c) L'analyse concurrentielle au niveau national

383. La partie notifiante a estimé ses parts de marché à l'issue de l'opération en valeur sur le marché français de la vente au détail de produits électroniques à partir des données publiées par l'institut GfK.

384. Sur les marchés nationaux de la vente au détail de produits bruns et gris, incluant ventes en magasins et ventes en ligne, les positions de la nouvelle entité seraient les suivantes :

< TABLEAU >

385. Les parts de marché de la nouvelle entité telles qu'elles ressortent du tableau ci-dessus apparaissent donc modérées, et en tout état de cause, inférieures à 30 % quel que soit le marché considéré.

386. La nouvelle entité fera face à l'issue de l'opération à un nombre important et varié de concurrents, dont notamment les GSS (telles que Boulanger ou Electrodépôt), les enseignes multispécialistes (telles que But et Conforama), les GSA (telles que Auchan, Carrefour ou Leclerc), les sites de vente en ligne (tels qu'Amazon et Cdiscount) et les groupements d'indépendants (tels que Gitem, Connexion ou Ubaldi).

387. Compte tenu de ces éléments, tout risque d'atteinte à la concurrence engendré par l'opération sur les marchés nationaux peut être écarté116. Néanmoins, il convient d'analyser les effets de l'opération au niveau local dans la mesure où l'Autorité considère qu'une concurrence par les prix et par la qualité de service s'exerce également à ce niveau.

d) L'analyse concurrentielle au niveau local

i. Précisions méthodologiques sur les calculs de parts de marché

Sur les estimations de parts de marché en valeur

388. Dans le secteur du commerce de détail, les autorités de concurrence analysent fréquemment la position des parties à une concentration par le biais de parts de marché calculées en surface, faute notamment de connaître les chiffres d'affaires des concurrents. Toutefois, si une estimation de la part de marché des parties et de leurs principaux concurrents en surface s'avère être un bon indicateur du pouvoir de marché réel dans la plupart des cas, une telle estimation peut être affectée d'un certain nombre de limitations dans d'autres circonstances.

389. C'est la raison pour laquelle les lignes directrices de l'Autorité précisent qu'" il est usuel, pour le commerce de détail, d'analyser les parts de marché calculées à partir des surfaces de magasin, en plus ou à défaut des parts de marchés en valeur. Les parties sont alors invitées à proposer des modes alternatifs de calcul des parts de marché en justifiant leur proposition. Pour le commerce de détail, les données en termes de surface de magasins doivent être complétées par les chiffres d'affaires moyens par m², constatés par les parties notifiantes "117.

390. Dans le cas d'espèce, et à la différence notable d'autres secteurs de distribution, la nature, le positionnement et l'offre des différents concurrents relevant des marchés de la distribution de produits bruns et gris sont très variés. L'hétérogénéité des opérateurs retenus se reflète également dans la rentabilité par m² des différentes enseignes de distribution. Par conséquent, l'estimation des parts de marché en surface conduit à mésestimer le poids de chacun des opérateurs dans les zones de chalandise. Plus précisément, les parts de surface des différents distributeurs sous-évaluent sensiblement le pouvoir de marché des parties dans la mesure où ces dernières réalisent un chiffre d'affaires par mètre carré significativement supérieur à la majorité de leurs concurrents, à surfaces comparables. Le test de marché adressé aux concurrents confirme qu'une estimation des parts de marché en valeur apparaît plus pertinente dans le secteur de la distribution des produits électroniques.

391. Enfin, d'un point de vue méthodologique, une estimation des parts de marché en valeur permet d'inclure et évaluer la pression concurrentielle exercée par les opérateurs de la vente en ligne, dont le pouvoir de marché ne peut par nature être apprécié par la quantification des seules surfaces de vente.

Sur la prise en compte des ventes en ligne

392. La délimitation du marché pertinent retenu au cas d'espèce intègre les ventes réalisées en ligne par les distributeurs de produits bruns et gris. Sur un tel marché, l'analyse des positions des concurrents en présence nécessite d'intégrer les parts de marché des ventes en ligne réalisées par les pure players ainsi que celles des distributeurs traditionnels qui, comme les parties à l'opération, exploitent un site de distribution sur internet.

393. Cette intégration soulève une difficulté méthodologique dans la mesure où il n'existe pas de données publiques permettant de reconstituer les ventes en ligne dans chacune des zones locales examinées au cas d'espèce. Elle implique donc d'adopter une méthode spécifique de calcul qui conduit à estimer le plus fidèlement possible la part que représentent les ventes en ligne pour les consommateurs des zones de chalandise considérées. Or si la majorité des acteurs du secteur s'accorde sur la question de la répartition géographique des ventes sur internet, Cdiscount, un pure player, présente une appréciation divergente. Le distributeur se fonde sur une étude économique du cabinet CRA dont l'objet est de démontrer l'effectivité de la pression concurrentielle qu'exercent les magasins physiques sur ses ventes en ligne. L'étude tend également à établir que les ventes réalisées par Cdiscount sont réparties de manière hétérogène sur le territoire français. Elles seraient notamment plus faibles dans les zones les plus urbaines et, à l'inverse, d'autant plus fortes dans les zones où la densité en magasins est faible. Selon Cdiscount, la pression concurrentielle exercée par les ventes en ligne est donc variable selon les zones de chalandise, ce qui nécessiterait en vue de l'analyse concurrentielle de collecter les données de vente de l'ensemble des distributeurs sur internet pour chaque zone locale examinée118. Cette appréciation appelle deux séries de commentaires.

394. En premier lieu, comme expliqué en détail ci-dessous, l'approche retenue par l'Autorité reprend une série d'estimations fondées sur une méthodologie qui permet de tenir compte d'éventuelles variations dans l'importance relative des ventes au sein des différents canaux de distribution dans chaque zone de chalandise. En effet, les estimations de parts de marché en valeur communiquées par la partie notifiante se fondent sur les données d'achat réelles des consommateurs de chaque zone de chalandise, en ce compris les achats sur internet. En ce sens, les parts de marché estimées par la Fnac au niveau local permettent de prendre en compte les éventuelles disparités territoriales des comportements d'achat sur internet dont Cdiscount se prévaut. Or il s'avère que les estimations des parties convergent avec celles de l'Autorité et aboutissent à identifier les mêmes zones susceptibles de présenter des problèmes de concurrence à l'issue de l'opération. L'éventuelle hétérogénéité des ventes en ligne ne modifie donc pas les conclusions de l'analyse concurrentielle.

395. En second lieu, la portée et la pertinence de l'appréciation soumise par Cdiscount doivent être relativisées. Premièrement, l'étude fournie par le distributeur présente des limites méthodologiques, dans la mesure où elle porte sur les ventes de produits blancs, bruns et gris sans distinction entre ces catégories, alors que seule la répartition des ventes de produits gris et bruns est pertinente au cas d'espèce. Or il ne peut pas être supposé que la répartition des ventes de produits blancs serait similaire à celle des produits bruns et gris puisque la distribution du gros électroménager fait face à des contraintes logistiques spécifiques. En outre, si CDiscount fait valoir que les ventes réalisées par le biais de son site de e-commerce ne sont pas homogènes sur l'ensemble du territoire, elle n'en déduit pas pour autant une méthode de calcul de parts de marché adéquate pour prendre en compte cet état de fait.

396. Deuxièmement, il convient de relever que la répartition inégale des ventes de Cdiscount sur le territoire n'est aucunement représentative de celle des autres sites de ventes en ligne, comme le prouvent les réponses au test de marché, les auditions des autres opérateurs ainsi que les sondages réalisés dans le cadre de l'examen de l'opération. Le pure player présente à cet égard une spécificité marquée par rapport aux autres opérateurs de sa catégorie. Les propos des autres tiers interrogés au cours de l'instruction convergent en effet : ces derniers considèrent soit que les ventes en ligne de produits électroniques connaissent une répartition relativement homogène sur le territoire, soit que la concurrence exercée par les sites internet sur les ventes en magasin est identique dans toutes les régions de France étant donné l'état des réseaux de communications.

397. Les sondages réalisés dans le cadre de l'examen de l'opération permettent également de relativiser l'hétérogénéité des ventes en ligne dont Cdiscount se prévaut. Ainsi, l'enquête Altermind/Ifop réalisée pour le compte de la Fnac établit que la proportion de consommateurs achetant très régulièrement ou régulièrement leurs produits sur internet serait de 17 % en zone rurale contre 26 % sur l'agglomération parisienne, soit une répartition inverse de celle avancée par Cdiscount. Plus précisément, ce sondage révèle que la fréquence d'achat auprès de Cdiscount est effectivement plus élevée en province que dans l'agglomération parisienne, mais que le constat inverse prévaut pour Amazon, ce qui tend à confirmer le particularisme de Cdiscount. Les fréquences d'achat auprès des autres pure players (Price Minister, Rue du Commerce, LDLC.com etc.) sont relativement équilibrées entre les différentes régions (35 % des consommateurs des zones rurales ont acheté auprès de ces enseignes, 40 % des consommateurs des communes urbaines de province et 41 % des consommateurs de l'agglomération parisienne).

398. Troisièmement, le sondage réalisé pour l'Autorité confirme le caractère uniforme de la pression concurrentielle exercée par les ventes en ligne. Il en ressort que les taux de report de demande vers Cdiscount en cas de hausse des prix de 10 % par les parties sont presque systématiquement plus faibles dans l'agglomération parisienne que dans les autres zones (communes rurales, agglomération jusqu'à 20 000 habitants, agglomérations de 20 à 100 000 habitants, agglomérations de plus de 100 000 habitants), mais que ce résultat n'est pas observé pour les autres pure players. Ainsi, en cas de hausse des prix de Darty, les consommateurs parisiens se reporteraient davantage sur Amazon que les consommateurs ruraux pour les ordinateurs portables, les tablettes et les smartphones. Les consommateurs parisiens se reporteraient par ailleurs davantage vers un " autre vendeur en ligne " (qu'Amazon ou Cdiscount) que les consommateurs ruraux pour les accessoires images et son, les téléviseurs et les appareils photo numériques.

399. Enfin, quatrièmement, compte tenu du fonctionnement des marchés concernés, même s'il était avéré que le montant des ventes en ligne était inférieur au sein de certaines zones en raison d'une plus forte densité de magasins physiques, ceci ne signifierait pas, en soi, que les consommateurs présents dans ces zones seraient réticents à se reporter vers la vente en ligne en cas de hausse de prix des magasins. En effet, les sondages et tests de marché présentés supra ne font ressortir aucun élément démontrant une réticence particulière des consommateurs à substituer des achats en ligne à des achats en magasins dans certaines zones du territoire national. La pression concurrentielle exercée par les ventes en ligne sur les magasins des zones dans lesquelles la part des ventes en ligne serait, par hypothèse, relativement faible ne peut donc être considérée comme significativement différente de celle observée dans les autres zones. L'analyse concurrentielle peut donc reposer sur des estimations selon lesquelles les parts de marché, censées refléter la pression concurrentielle exercée par les différents acteurs, sont construites en faisant l'hypothèse de ventes sur internet homogènes sur le territoire national.

400. En conclusion, l'ensemble de ces éléments confirment l'appréciation largement majoritaire, partagée par les trois quarts des répondants au test de marché, qui considèrent que la concurrence exercée par internet est homogène dans toutes les régions de France. Les représentants du pure player Amazon, interrogés sur ce point en séance, ont indiqué ne pas suivre la répartition géographique de leurs ventes dans la mesure où une telle information n'est pas pertinente pour leur activité en France, puisque la pénétration du haut débit fixe et des réseaux mobile 3G assurent une présence homogène de leur offre sur tout le territoire. De même, la Fevad a indiqué que si certaines régions peuvent connaître des niveaux de vente sur internet légèrement supérieures au reste du territoire, la vente en ligne est homogène en France dans son ensemble. Son délégué général a ainsi déclaré que " certaines zones géographiques sont un peu surreprésentées. Il s'agit des grandes zones urbaines, en raison des difficultés de déplacements dans ces zones denses, et des communes très rurales, car leurs habitants n'ont pas accès à une offre large de produits. Mais globalement, la vente en ligne touche tout le monde "119. Forte de ce constat, partagé par la grande majorité des acteurs du secteur, l'Autorité a jugé pertinent de fonder sa méthode de calcul des parts de marché sur une hypothèse de répartition uniforme des ventes en ligne de produits bruns et gris sur le territoire, tout en soulignant que les conclusions de l'analyse restent inchangées, quelle que soit l'hypothèse retenue.

ii. Sur la méthode d'estimation des parts de marché par l'Autorité

401. Les estimations de parts de marché en valeur réalisées par l'Autorité reposent en partie sur les surfaces de vente exploitées par les parties et leurs concurrents. En premier lieu, la partie notifiante a communiqué les surfaces de ses points de vente et celles de Darty et a estimé les surfaces des magasins concurrents en utilisant principalement des données de l'institut Nielsen120. La surface consacrée à la vente de produits a été estimée à environ 80 % de la surface commerciale totale d'un magasin, les 20 % restants étant dévolus aux caisses, au retrait des achats, etc.

402. La délimitation des surfaces de vente requiert en outre de distinguer les seuls espaces consacrés à la vente des produits bruns et gris. La partie notifiante a donc émis des hypothèses de parts de surface-produits dédiées aux produits bruns et gris dans chaque magasin des enseignes concurrentes. Ces hypothèses s'avérant dans l'ensemble proches des données communiquées par les concurrents des parties, elles ont été utilisées pour les besoins du calcul des parts de marché.

403. En deuxième lieu, pour estimer la part de marché en valeur, les chiffres d'affaires effectivement réalisés lors du dernier exercice écoulé par chaque magasin des parties ont été utilisés pour Fnac et Darty. Pour les concurrents, le chiffre d'affaires moyen réalisé par mètre carré dans quatre types de régions présentant des configurations relativement homogènes121 (Paris, région parisienne, grandes villes de province et province) a été communiqué dans le cadre du test de marché122. Ce chiffre d'affaires moyen a ensuite été multiplié par la surface allouée à la vente des produits bruns et gris de chacun de leurs points de vente (après application du ratio de 80 % comme expliqué ci-dessus).

404. En troisième lieu, la prise en compte de la pression concurrentielle exercée par les acteurs de la vente en ligne sur les marchés des produits bruns et gris a justifié des calculs complémentaires visant à quantifier leur position au niveau local. Cette méthode repose sur l'hypothèse, conforme à la majorité des appréciations recueillies dans le cadre du test de marché, selon laquelle le rapport entre les ventes en ligne et les ventes en magasin est homogène dans l'ensemble des zones concernées.

405. Les parts de marché intégrant les ventes en ligne ont donc été estimées en supposant que les parts de marché locales de chaque enseigne sur le canal des ventes en ligne sont égales à leurs parts de marché nationales sur le segment de la vente en ligne. Le chiffre d'affaires total en ligne de chaque zone est ainsi calculé en appliquant localement au chiffre d'affaires total en magasin le taux national de pénétration des ventes en ligne. Le chiffre d'affaires en ligne de chaque zone est ensuite affecté à chaque concurrent au prorata de ses parts de marché en ligne au niveau national, y compris pour les pure players, auxquels une part de marché locale est ainsi affectée au niveau local.

iii. Sur la méthode d'estimation des parts de marché par la partie notifiante

La démarche méthodologique adoptée

406. La partie notifiante a proposé des méthodes alternatives de calcul de parts de marché permettant de quantifier les ventes en ligne au niveau local. Elle a tout d'abord localisé les ventes de la Fnac et de Darty réalisées dans chaque zone de chalandise : la localisation des ventes en ligne a été déterminée en utilisant les données de vente sur internet des deux enseignes ; les ventes en magasins ont été localisées sur la base des informations tirées des ventes auprès des adhérents pour la Fnac123 et des indications des clients de Darty ayant fourni leur code postal de résidence à l'occasion de questions posées en sortie de caisse. Afin d'identifier les dépenses totales des consommateurs domiciliés dans chaque zone de chalandise, la partie notifiante a proposé deux méthodes alternatives : la première fondée sur des données nationales et départementales produites par l'institut GfK et la seconde sur des données de consommation de produits techniques au niveau de chaque commune auprès de MB-International (ci-après " MBI ").

La " méthode GfK "

407. Les données GfK utilisées sont les suivantes :

- les ventes totales réalisées en 2014, ventilées entre les canaux internet (" online ") et en magasins (" offline "), en volume et en valeur, de produits bruns et gris au niveau national comprenant les ventes sur les deux canaux de l'ensemble des acteurs, y compris pure players ;

- les ventes totales en magasins, en volume et en valeur, de biens bruns et gris au niveau départemental des seules GSS et GSA.

408. La méthode GfK consiste à répartir, au niveau communal, les ventes nationales totales de produits bruns et gris. Elle est menée en deux temps afin de prendre en compte les différences de consommation par habitant entre les départements :

- dans un premier temps, la demande nationale totale est répartie au prorata du poids de chaque département dans la demande s'adressant aux GSS et GSA sur le canal des ventes en magasins. Cette répartition permet d'affecter au niveau départemental la demande réalisée auprès des canaux pour lesquels GfK ne dispose pas d'une information fine au niveau du département, telle que la demande s'adressant aux magasins indépendants ou spécialistes ou auprès de sites en ligne. Cette demande totale estimée au niveau départemental est ensuite divisée par la population du département pour en déduire une demande par habitant ;

- dans un deuxième temps, la demande totale au niveau de la commune est obtenue en multipliant la demande par habitant départementale, calculée dans la première étape, par la population de chaque commune.

La méthode MBI

409. Les données MBI portent, pour leur part, sur des données de dépenses locales en " produits électroniques, photographiques et équipements informatiques " au niveau du code postal, intégrant les ventes réalisées par les acteurs en ligne.

410. Néanmoins, elles ne peuvent être utilisées sans retraitement pour calculer la demande locale pour les raisons suivantes. La catégorie de produits suivie par MBI ne recouvre pas parfaitement l'ensemble des produits bruns et gris. Ainsi, les produits de téléphonie ne sont pas intégrés à cette catégorie. De plus, cette catégorie inclut des produits complémentaires, qui ne sont pas considérés comme des produits bruns ou gris. Elle ne permet en outre pas de calculer des parts de marché distinctes pour les produits bruns et les produits gris.

411. En revanche, les données MBI peuvent être utilisées pour répartir la demande intégrant les ventes en ligne et en magasins de produits bruns et gris fournies par GfK au niveau national à un niveau local, et plus précisément communal. Pour chaque code postal, une demande totale intégrant les ventes en ligne est donc obtenue pour les marchés des produits bruns et gris, en calculant la part que ce code postal représente dans les données MBI, puis en multipliant le poids ainsi calculé pour ce code postal par les ventes totales nationales fournies par GfK.

412. En outre, les données MBI estiment les dépenses des consommateurs auprès des vendeurs en magasins et en ligne au niveau de chaque zone de chalandise. Les parts de marché sont calculées en rapportant à ce chiffre d'affaires total les ventes réellement réalisées par les parties auprès des consommateurs de la zone via un magasin ou depuis un site des parties, sans qu'il soit nécessaire d'émettre la moindre hypothèse quant à la répartition des ventes en ligne sur le territoire concerné.

413. L'approche proposée consiste à évaluer les achats en produits gris et en produits bruns des consommateurs domiciliés dans une zone de chalandise donnée. La part de marché des parties est calculée en effectuant le rapport entre les ventes des parties aux consommateurs d'une zone de chalandise et les achats totaux des consommateurs domiciliés dans cette zone. Cette approche, basée sur les achats des consommateurs domiciliés dans une zone de chalandise, et non sur les ventes des magasins situés dans cette même zone, permet ainsi de tenir compte des ventes en ligne.

414. Cette méthode s'éloigne de l'approche standard de calcul des parts de marché puisqu'elle revient à considérer que le magasin Darty situé au centre de la zone de chalandise n'est pas seulement en concurrence avec les magasins situés dans celle-ci mais plus généralement avec l'ensemble des magasins qui réalisent des ventes auprès des consommateurs domiciliés dans sa zone de chalandise. Intégrer dans l'analyse concurrentielle des magasins qui ne se situent pas dans la zone de chalandise ne constitue pas nécessairement une erreur d'appréciation : si des consommateurs acceptent de sortir de la zone de chalandise pour fréquenter des magasins extérieurs, ces derniers exercent bien une forme de pression concurrentielle sur le magasin cible. Ainsi, cette méthode se rapproche de la méthode géométrique discutée supra, mais prend en compte les ventes réelles du concurrent situé en dehors de la zone de chalandise plutôt que de s'appuyer sur la distance du magasin concurrent vis-à-vis du magasin cible concerné.

415. La démarche proposée pourrait cependant s'avérer erronée dans certains cas de figure. Par exemple, lorsque des consommateurs domiciliés à Paris effectuent leurs achats à Aix-en-Provence, sur leur lieu de villégiature, le magasin Fnac d'Aix-en-Provence serait considéré comme concurrent d'un magasin de Darty situé à Paris. Or il ressort de l'instruction qu'aucune interaction concurrentielle n'existe, localement, entre des points de vente aussi éloignés. La portée de ce biais est difficilement quantifiable. Son impact ne peut être ignoré au cas d'espèce, ce qui conduira à traiter les parts de marché calculées par les parties avec prudence. Il convient toutefois de relever que les données MBI confirment en grande partie les calculs de l'Autorité et n'ajoutent aucune zone dans laquelle l'opération pourrait porter atteinte à la concurrence par rapport à celles identifiées par le biais du filtrage décrit ci-dessous.

Les limites des méthodes proposées par la partie notifiante

416. Les méthodes proposées par la partie notifiante présentent plusieurs limites, certaines communes aux deux méthodes, d'autres spécifiques à la méthode GfK.

Limites communes aux deux méthodes

417. Premièrement, l'approche proposée consiste à prendre en compte comme concurrents des parties l'intégralité des formats de magasins, y compris les magasins de proximité dont la surface totale est inférieure à 300 m². L'incorporation de ces magasins qui n'exercent pas une contrainte concurrentielle sur les parties dilue significativement les parts de marché des parties localement.

418. Deuxièmement, les méthodes proposées ne permettent pas d'appréhender de manière fiable les parts de marché des différents opérateurs sur les zones de chalandise parisiennes. La méthode GfK a en effet tendance à sous-estimer les parts de marché des parties dans certaines zones, en particulier dans les zones touristiques ou à fort pouvoir d'attractivité régionale. GfK considère ainsi les ventes effectuées au niveau d'un département comme la somme des ventes effectuées par les magasins présents dans ce département, que ces ventes soient réalisées auprès de résidents ou de non-résidents, alors que les ventes des parties prises en compte pour calculer leurs parts de marché ne portent que sur les ventes réalisées auprès des personnes résidant dans la zone de chalandise.

419. A l'inverse, la méthode fondée sur les données MBI, si elle s'appuie sur les achats effectivement réalisés par les habitants d'un code postal donné, peut surestimer les parts de marché dans les zones où la demande des consommateurs résidents est nettement plus faible que la demande totale effectivement adressée aux magasins de la zone. C'est le cas de Paris, comme le montrent les parts de marché obtenues avec cette méthode, notamment lorsque la zone de chalandise est définie de manière trop étroite (ces parts de marché peuvent ainsi parfois être supérieures à 100 %). En effet, les données MBI sont fondées sur les seules caractéristiques sociodémographiques de la population française : la répartition qui en résulte ne prend donc pas en compte l'existence d'une demande non liée à la population locale comme celle des touristes124.

420. La méthode GfK étant susceptible de sous-estimer les parts de marché des parties, notamment à Paris, tandis que la méthode MBI conduit plutôt à les surestimer, la partie notifiante propose de retenir une moyenne des deux méthodes. Aucun élément n'indique cependant que les deux types erreurs produisent des écarts d'une ampleur comparable. L'utilisation d'une moyenne n'est donc pas appropriée au cas d'espèce.

421. Enfin, ces méthodes soulèvent des difficultés d'ordre méthodologique. Elles ne permettent pas d'identifier les concurrents des parties au sein de chaque zone, ni de leur attribuer une part de marché. Les calculs fournissent une part de marché globale de l'ensemble des opérateurs réalisant des ventes auprès des consommateurs de chaque zone. Les méthodes ainsi appliquées ne permettent pas d'identifier les rapports de force entre les distributeurs présents dans chaque zone locale.

Limites de la méthode GfK

422. Les données de GfK permettent de connaitre les ventes en magasin (GSS et GSA) au niveau du département. En revanche, la partie notifiante ne dispose que des ventes en ligne au niveau national. A partir de ces données, elle propose de calculer les ventes locales en se basant sur les hypothèses suivantes : (i) à l'intérieur des départements les ventes se répartissent au prorata de la population ; (ii) les ventes totales nationales (en ligne et en magasin) se répartissent entre les différents départements de la même façon que se répartissent les ventes dans les seuls magasins.

423. L'approche proposée présente plusieurs difficultés méthodologiques. Premièrement, l'hypothèse tenant à la répartition des ventes au prorata de la population n'est pas démontrée. Deuxièmement, l'approche met en rapport deux estimations différentes : d'une part, les ventes des parties, définies comme celles réalisées auprès des consommateurs domiciliés dans chaque zone de chalandise et, d'autre part, le chiffre d'affaires total de chaque zone, qui n'est en revanche pas spécifiquement composé des ventes à destination de personnes domiciliées dans la zone. Par exemple, pour Paris intra-muros, la méthode GfK permettrait de calculer les ventes des parties à destination de personnes domiciliées à Paris ; en revanche, le chiffre d'affaires total de Paris serait calculé en répartissant les ventes nationales au prorata de ce que représentent les ventes des magasins situés à Paris, sans égard pour la domiciliation des clients. Or, les magasins situés dans Paris réalisent une part importante de leur chiffre d'affaires auprès de personnes qui ne sont pas domiciliées à Paris (touristes, personnes domiciliées en banlieue). En rapportant les seules ventes auprès de Parisiens aux ventes totales réalisées à Paris, la méthode GfK sous-estime fortement la part de marché des parties dans une telle zone.

424. Cette méthode ne paraît donc pas robuste en l'état. Compte tenu de ces biais, la méthode basée sur les données collectées par GfK a été écartée.

Conclusion

425. Il s'ensuit que les biais et difficultés méthodologiques que présente la méthode GfK font obstacle à son utilisation dans le cadre de l'analyse concurrentielle du cas d'espèce.

426. En revanche, la méthode MBI présente l'avantage de reposer sur une estimation des achats des consommateurs domiciliés dans chaque zone de chalandise pour évaluer le chiffre d'affaires des parties comme le chiffre d'affaires total du marché. Elle paraît donc plus fiable. Elle présente toutefois également plusieurs limites mentionnées supra, et ne pourra constituer seule la base de l'analyse concurrentielle. Elle sera néanmoins utilisée en complément de la méthode retenue par l'Autorité. En outre, la méthode MBI présente l'intérêt de ne pas supposer une répartition uniforme des ventes en ligne sur le territoire français. Sa prise en compte, en complément de la méthode de l'Autorité, permettra ainsi de répondre à la critique formulée par l'un des concurrents, qui remet en cause l'hypothèse d'une répartition homogène des ventes sur internet sur le territoire national.

iv. La méthode de filtrage des zones de chalandise

427. Au total, les activités des parties se chevauchent dans 188 zones de chalandises délimitées autour des magasins Darty. Il convient d'examiner les effets de l'opération en tenant compte à la fois des parts de marché des parties et de l'intensité de la pression concurrentielle à laquelle fera face la nouvelle entité dans les zones où elle détiendra de fortes parts de marché.

Filtrage en parts de marché

428. Dans sa pratique décisionnelle antérieure125, l'Autorité a examiné en détail les effets de concentrations dans les zones de chalandise dans lesquelles la part de marché cumulée des parties, définie en surface, était supérieure à 40 % sur les marchés de produits bruns et gris.

429. Au cas d'espèce, pour les raisons évoquées en détail supra, une estimation des parts de marché en surface des parties conduit à sous-estimer leur pouvoir de marché dans la mesure où elles présentent un chiffre d'affaires par surface plus important que la majorité de leurs concurrents. Une estimation en valeur des parts de marché a donc été réalisée, dans la mesure où elle permet de rendre compte de manière plus fidèle des pouvoirs de marché des différents opérateurs, y compris les pure players qui n'exploitent pas de surfaces de vente.

430. Or il ressort de la pratique constante de l'Autorité et des lignes directrices relatives au contrôle des concentrations que " des parts de marché élevées sont un élément important dans l'appréciation du pouvoir de marché d'une entreprise. Des parts de marché post-opération élevées, de l'ordre de 50 % et plus, peuvent faire présumer l'existence d'un pouvoir de marché important "126. Dans le cadre d'une analyse en valeur, compte tenu des particularités du cas d'espèce, le seuil de 50 % de parts de marché, qui présume l'existence d'un pouvoir de dominance, a donc été retenu pour identifier les zones dans lesquelles l'opération est susceptible de porter atteinte à la concurrence.

431. La prise en compte d'un seuil plus élevé que celui retenu par la pratique décisionnelle antérieure se justifie également en l'espèce par l'intégration des ventes en ligne dans l'analyse concurrentielle locale. En effet, l'utilisation accrue d'internet, en ce qu'elle confère au marché une transparence beaucoup plus importante, en particulier sur les prix des produits, limite globalement le pouvoir de marché des acteurs, même lorsqu'ils disposent de parts de marché relativement élevées dans certaines zones locales, en conférant aux consommateurs une alternative pour leurs achats. Les taux de report vers les pure players mis en exergue par l'instruction en attestent.

432. En outre, il convient de tenir compte des évolutions raisonnables des marchés à court et moyen terme dans le cadre de l'analyse prospective de la présente opération. A ce titre, il doit être rappelé que les ventes sur internet représentent une part croissante des ventes de produits électroniques, tendance plus marquée pour les produits gris, comme expliqué supra. Cette conclusion doit toutefois rester prudente, la Fevad estimant que la croissance des ventes en ligne est variable selon les produits, notamment au sein de la catégorie " gris ", et estime qu'il ne faut pas s'attendre à une évolution de plus de 1 à 2 points par an sur les 2-3 prochaines années.

433. Néanmoins, sans qu'il soit possible de prédire avec précision l'ampleur des taux de croissance des ventes sur internet dans les cinq prochaines années, il peut être constaté que la part de marché des parties sur le segment de la vente en ligne est en légère croissance, plus particulièrement pour les produits gris, comme le montre le tableau suivant.

< TABLEAU >

434. Toutefois, la croissance de la part de marché des parties reste inférieure à la croissance globale des ventes en ligne de produits bruns et gris127. Par conséquent, un seuil plus élevé que celui retenu par la pratique décisionnelle antérieure apparaît pertinent pour présumer les risques d'atteinte à la concurrence sur les marchés en cause.

435. En conséquence, au vu de l'ensemble de ces éléments, l'Autorité considère que l'opération n'est pas de nature à porter atteinte à la concurrence dans les zones où la part de marché cumulée des parties est inférieure à 50 %.

Mesure de l'intensité concurrentielle dans chaque zone de chalandise identifiée

436. Bien que les parts de marché restent un premier indicateur fiable de la position de la nouvelle entité sur les marchés concernés, il convient de noter que les estimations en valeur comprenant les ventes en ligne comportent nécessairement un degré d'approximation, cette approximation étant croissante à mesure que les zones considérées sont restreintes, faute de données suffisamment précises à un tel niveau d'analyse. De plus, à la différence d'autres marchés de distribution, le panel de concurrents considérés est très divers, si bien que des parts de marché en valeur reflètent imparfaitement leur proximité concurrentielle par rapport aux parties.

437. Par conséquent, l'impact structurel de l'opération dans les zones identifiées ci-dessous sera examiné sur la base du nombre de concurrents locaux, de leur proximité concurrentielle et de la distance géographique qui les sépare des magasins des parties lorsque ces concurrents disposent d'un point de vente dans la zone de chalandise étudiée.

438. Dans chaque zone étudiée, les magasins des concurrents des parties ont été répertoriés. Les pure players ont également été pris en compte dans l'analyse.

439. Afin d'évaluer la proximité concurrentielle des concurrents des parties, un score compris entre 0,25 et 3 a été attribué à chaque catégorie de concurrent des parties128. Le score affecté à chaque catégorie de concurrent est fonction des résultats du test de marché et des taux de report calculés à partir du sondage Ifop réalisé pour l'Autorité, en cas d'indisponibilité et d'augmentation de 10 % des prix à la Fnac, ainsi qu'à Darty. Ces résultats montrent que les pure players (principalement Amazon et Cdiscount) et les GSS (Boulanger) bénéficieraient des reports de demande les plus élevés en cas de hausse des prix des parties, la différence avec les autres distributeurs étant très marquée. Ils se sont donc vu affecter les scores les plus élevés, tandis que les magasins indépendants se voient affecter le score le plus faible, conformément aux ratios de diversion mesurés au cas d'espèce.

440. Le score attribué à la catégorie des GSA est croissant selon leur surface totale. En effet, les GSS sont, par nature, les concurrents les plus proches des parties par leur format, et leur stratégie commerciale et tarifaire. Toutefois d'autres acteurs, et notamment des GSA, pourraient être à même d'exercer une pression concurrentielle importante sur des GSS129, sans toutefois constituer des concurrents aussi proches. Ainsi, la pratique décisionnelle précitée relève que " certaines GSA disposent de rayons permanents comparables à ceux des GSS et proposent un nombre significatif de références de produits électrodomestiques, avec les mêmes caractéristiques en termes de produits et de services que les GSS et doivent par conséquent être considérées comme substituables aux GSS "130. A cet égard, seules les GSA de plus de 2 500 m² de surface totale sont jugées à même de concurrencer les GSS. Plus la taille totale d'une GSA augmente, plus la part de surface attribuée aux produits bruns et gris est importante et de nature à exercer une pression concurrentielle sur les parties à l'opération131.

441. Ainsi, selon les estimations au dossier, les GSA de 2 500 m² à 6 000 m² consacrent 5 % de leur surface aux produits électroménagers, les GSA de 6 000 m² à 10 000 m² y consacrent 6 % et les GSA d'une surface totale de plus de 10 000 m² y consacrent jusqu'à 7 %. De même, en réponse au test de marché, les concurrents ont majoritairement estimé que la pression concurrentielle exercée par les GSA d'une surface totale comprise entre 2 500 m² et 6 000 m² était faible, tandis que celle exercée par les GSA d'une surface totale comprise entre 6 000 m² et 10 000 m² était moyenne, la pression concurrentielle exercée par des GSA de plus de 10 000 m² étant, elle, forte.

442. Le sondage Ifop réalisé pour l'Autorité confirme par ailleurs que les GSA sont souvent citées comme la 2ème ou la 3ème catégorie de concurrents des parties vers lesquels les consommateurs se reporteraient en cas d'augmentation du prix des produits électroniques par la Fnac ou par Darty.

443. Ainsi, les scores suivants ont été attribués aux différentes catégories de concurrents :

< TABLEAU >

444. Enfin, la pression concurrentielle exercée par chaque concurrent a été pondérée selon la distance de son point de vente par rapport au magasin cible. Ainsi, si le magasin concurrent est très proche du magasin de la cible, il conserve son score initial tandis qu'en bordure de chaque zone, un coefficient de 0,6 est appliqué. Le score décroît proportionnellement avec la distance : à titre d'exemple, à Paris, où des zones de chalandise de 3 km sont analysées, une GSS située en face du magasin cible se verrait affecter la note maximale de sa catégorie (soit un score de 3). Une GSS située à 3 km se verrait affecter une note de 1,8 (soit une note de 3 pondérée à 0,6). La décote étant progressive, les GSS situées à 1,5 km auraient une note de 2,4 (soit une note de 3 pondérée à 0,8). Le même raisonnement est valable dans toutes les zones de chalandise.

445. Pour leur part, les pure players couvrent l'ensemble des zones de chalandise : leur score ne subit donc pas de pondération. Les points de vente situés à la limite extérieure de la zone étudiée ont été intégrés à l'analyse, le coefficient appliqué continuant de décroître proportionnellement à la distance.

446. Un score total est ainsi calculé pour chaque zone. Ce total, qui reflète la pression concurrentielle locale exercée par les concurrents de la Fnac et de Darty, est obtenu par la somme des scores de chaque concurrent. Deux exemples permettent d'illustrer l'approche retenue :

- dans une zone de province dans laquelle une GSS ainsi qu'une GSA de 10 000 m² seraient localisées dans la proximité immédiate du magasin cible, un magasin multi-spécialiste et un distributeur indépendant se trouveraient à 15 minutes en voiture et, enfin, un distributeur indépendant et deux GSA de taille moyenne (6 000-10 000 m²) à 30 minutes en voiture, on obtiendrait une note totale de 10,55 pour la zone132 ;

- dans une zone parisienne dans laquelle la nouvelle entité ne ferait face qu'à une GSS située dans la proximité immédiate du magasin cible, un magasin multi-spécialiste et une GSA de 2 500 m² seraient situés à 1,5 km et deux indépendants en bordure de zone, à 3 km, on obtiendrait une note totale de 7,5133.

447. Il en ressort qu'un score total supérieur à 10 permet d'écarter les risques d'atteinte à la concurrence dans la zone identifiée. En effet, un tel total ne peut être atteint qu'en présence, en sus des pure players, d'au moins une GSS, ou plusieurs GSA de grande taille, ainsi qu'au moins un acteur auquel a été attribué un score moyen, ou encore un grand nombre d'acteurs aux scores plus faibles, en fonction de leur proximité concurrentielle et éloignement géographique à la cible. Un score minimum de 10 permet ainsi d'assurer la présence d'alternatives importantes et/ou nombreuses dans chaque zone de chalandise, de nature à exercer une contrainte concurrentielle significative sur le nouvel ensemble.

v. Résultats du filtrage

En province

448. Le nouvel ensemble représente moins de 50 % dans l'intégralité des zones situées en province, à une exception près. Dans l'ensemble de ces zones, outre l'offre accessible sur internet, l'implantation des autres distributeurs présente un maillage suffisamment dense sur le territoire pour exercer une concurrence suffisante sur les parties à l'opération.

449. Au regard de la diversité des zones de province et du caractère isolé de certaines d'entre elles, une analyse complémentaire a néanmoins été menée afin de tester la robustesse de la méthode utilisée et prévenir tout effet de seuil. Ces analyses complémentaires permettent de s'assurer que la concentration n'entraînerait pas une modification sensible de la structure concurrentielle des marchés dans ces zones. La prise en compte d'un seuil de sensibilité a ainsi conduit à étudier de manière plus détaillée les zones de Dole et Thonon-les-Bains, où la part de marché de la nouvelle entité avoisine le seuil retenu, voire le dépasse dans le cas de la ville de Thonon-les-Bains.

< TABLEAU >

450. Pour chacune de ces zones, il a été tenu compte du comportement du consommateur en province hors grandes villes, qui diffère de celui des autres zones du territoire. En province, l'attractivité de moyennes ou grandes agglomérations à proximité de la zone doit en effet être intégrée dans l'analyse, conformément à la pratique décisionnelle antérieure. Les moyennes et grandes agglomérations prises en compte sont situées dans un rayon de 45 minutes au maximum autour du point de vente cible. Il ressort en effet de la pratique décisionnelle que le temps de trajet que le consommateur est prêt à effectuer peut varier selon " la taille du magasin et d'autres caractéristiques propres à chaque zone, telles que la géographie, la densité de population et les autres magasins situés à proximité "134 et serait compris entre 20 et 45 minutes.

451. Au cas d'espèce, les grandes villes situées à proximité des magasins cibles étudiées ont donc fait l'objet d'une analyse complémentaire, visant notamment à évaluer l'attractivité effective qu'elles exerçaient sur les consommateurs de la zone. En ce sens, deux séries de données ont été analysées : en premier lieu la base de données relatives aux achats des consommateurs localisés dans la zone de chalandise considérée, issue de la méthode MBI proposée par les parties, qui permet de vérifier l'importance des achats auprès des magasins des parties situés en dehors de la zone considérée ; en deuxième lieu le recouvrement de la zone de chalandise par l'empreinte réelle des magasins situés à proximité.

452. Dans le cas où les villes de taille moyenne ou grande ont été jugées suffisamment attractives pour être intégrées dans l'analyse, les magasins situés dans chaque zone examinée - qu'ils soient exploités par les parties ou par leurs concurrents - ont été ajoutés au calcul de parts de marché de la zone concernée afin d'évaluer le pouvoir de marché des différents opérateurs dans cette zone élargie. Les parts de marché des villes précitées peuvent ainsi être relativisées par la prise en compte de ces comportements d'achats spécifiques aux consommateurs des zones concernées.

453. S'agissant plus particulièrement des zones de Dole et Thonon-les-Bains, cet examen a permis d'écarter le risque que l'opération entraîne une atteinte à la concurrence.

454. Dans la zone de chalandise autour du magasin Darty situé à Dole, la nouvelle entité détiendrait à l'issue de l'opération une part de marché de [40-50] % sur les marchés de produits bruns et [40-50] % sur les marchés de produits gris.

455. Dans cette zone, elle ne ferait face à la concurrence d'aucune autre GSS, ni de GSA de taille significative. Toutefois, le magasin de Dole est situé dans une agglomération de petite taille qui compte moins de 25 000 habitants, entourée de villes plus importantes situées à moins de 45 minutes en voiture, à savoir Besançon et Dijon. Or les éléments au dossier relatifs à la localisation des achats des clients de Dole établissent que ces derniers réalisent une partie significative de leurs achats à Besançon ou Dijon. De même, les cartes des empreintes réelles des magasins Darty situés à Besançon et Dijon couvrent largement la ville de Dole.

456. L'intégration des magasins implantés à Besançon et Dijon à l'analyse diminue sensiblement la part de marché des parties à Dole pour atteindre [20-30] % sur les produits bruns et [20-30] % sur les produits gris. En outre, plusieurs GSS sont présentes dans cette zone élargie (trois points de vente Boulanger et deux points de vente Electrodépôt). Ces résultats sont concordants avec les résultats de la méthode MBI proposée par les parties, qui faisaient apparaître des parts de marché très faibles (produits bruns : [10-20] % ; produits gris : [5-10] %).

457. Il en résulte que l'opération n'est pas susceptible de porter atteinte à la concurrence dans la zone de Dole.

458. Dans la zone de chalandise autour du magasin Darty situé à Thonon-les-Bains, la nouvelle entité détiendrait à l'issue de l'opération une part de marché de [50-60] % sur les marchés de produits bruns et [40-50] % sur les marchés de produits gris.

459. Le magasin cible est précisément situé à Anthy-sur-Léman, localité de taille réduite (environ 2 000 habitants). Elle est toutefois située à moins de 45 minutes en voiture de la ville d'Annemasse, de taille plus importante (environ 35 000 habitants). Or, il ressort des données communiquées par les parties que les consommateurs de la zone de Thonon-les-Bains réalisent une part significative de leurs achats auprès des magasins des parties situés à Annemasse. De même, l'empreinte réelle du point de vente Darty à Annemasse inclut une partie de la zone de chalandise de Thonon-les-Bains, et notamment Anthy-sur-Léman.

460. Sur une zone de chalandise incluant les points de vente des parties et de leurs concurrents situés à Annemasse, la part de marché de la nouvelle entité s'élèverait à [40-50] % sur les produits bruns et [40-50] % sur les produits gris. Dans cette zone, la nouvelle entité serait confrontée à la concurrence d'un acteur GSS (Boulanger) ainsi que d'une GSA de grande taille (Géant Casino, environ 9 000 m²). Les autres concurrents seraient deux points de vente But, trois GSA sous enseigne Leclerc et Carrefour, ainsi que deux points de vente indépendants.

461. Ces résultats sont concordants avec les résultats de la méthode MBI proposée par les parties, qui faisaient apparaître des parts de marché modérées (produits bruns : [30-40] % ; produits gris : [20-30] %).

462. Il en résulte que l'opération n'est pas susceptible de porter atteinte à la concurrence dans la zone de Thonon-les-Bains.

En Ile-de-France

463. La part de marché cumulée des parties est supérieure à 50 % pour un ou plusieurs marchés de produits concernés dans 19 zones de chalandise concernées en région parisienne et à Paris. En Île-de-France, la densité commerciale importante et l'interpénétration des zones ont permis de s'abstenir d'une analyse visant à éviter les effets de seuil. En tout état de cause, les zones où la part de marché de la nouvelle entité avoisinerait le seuil de 50 %, qui sont au nombre de trois (La Villette-Destockage, Villebon, et Vitry-sur-Seine) présentent toutes un résultat en termes de " scoring " très élevé (compris entre 13 et 66) qui rend inutile une analyse qualitative complémentaire.

464. Les parts de marché cumulées des parties excèdent 50 % dans sept zones de banlieue parisienne et douze zones à Paris :

< TABLEAU >

465. L'analyse de l'impact de l'opération dans ces 19 zones, où la part de marché de la nouvelle entité est supérieure à 50 % sur l'un et/ou l'autre marché de la distribution au détail de produits bruns ou gris, a été menée dans un second temps au moyen de la méthode du scoring qui permet une évaluation qualitative de la pression concurrentielle exercée par les concurrents des parties dans la zone de chalandise d'un magasin cible135.

< TABLEAU >

466. Il résulte de cette analyse que sur les 19 zones où la part de marché cumulée de la nouvelle entité est supérieure à 50 % sur les marchés de la distribution de produits bruns et/ou gris, un score supérieur à 10 est obtenu pour dix d'entre elles.

467. Dans les zones de La Madeleine, Les Halles et Montmartre, le score des concurrents est légèrement supérieur à 10 et permet donc d'écarter les risques d'atteinte à la concurrence. En effet, dans ces zones, la nouvelle entité fait face à la concurrence d'une GSS géographiquement proche des magasins des parties (La Madeleine et Montmartre), de points de vente Apple également proches (produits gris), et de plusieurs points de vente indépendants ou spécialistes de produits bruns (Magma et Cobrason).

468. En revanche, dans les neuf zones de chalandise restantes, le score des concurrents est inférieur à 10. Il s'agit des zones des magasins Darty de Beaugrenelle, Belleville, Italie 2, Montparnasse, Passy, République, Saint Ouen, Ternes et Vélizy.

469. Dans ces zones, les magasins des parties sont parfois situés face à face ou très près l'un de l'autre (Ternes, Beaugrenelle, Italie 2) et les magasins concurrents sont dans la plupart des cas trop éloignés pour exercer une pression concurrentielle suffisante. Pour certaines zones, telles que Beaugrenelle, la présence d'une GSS proche s'avère insuffisante en raison du nombre très faible de distributeurs alternatifs de produits bruns et/ou gris.

470. L'opération est donc susceptible de porter atteinte à la concurrence dans les neuf zones, à Paris (Beaugrenelle, République, Montparnasse, Belleville, Italie 2, Saint-Ouen, Passy et Ternes) et en Île-de-France (Vélizy 2). Pour éliminer cette atteinte à la concurrence, la partie notifiante s'est engagée à céder plusieurs points de vente dans les conditions décrites ci-dessous.

B. ANALYSE DES EFFETS HORIZONTAUX SUR LES MARCHES AVAL DE LA VENTE AU DETAIL DE PRODUITS DE JEUX VIDEOS

471. Les parties distribuent des produits de " divertissements-multimédia ", essentiellement des produits de jeux vidéo136. Darty n'est néanmoins présente que très marginalement sur le marché des produits de jeux vidéo. La pratique décisionnelle récente a d'ailleurs exclu l'enseigne Darty des opérateurs GSS susceptibles d'exercer une concurrence effective sur le marché des jeux vidéo :

" s'agissant des GSS, les parties ont proposé de retenir comme concurrents sur le marché en cause, d'une part, les GSS orientées " TV Hifi Vidéo " telles que la Fnac, Virgin, Darty, Nasa et, d'autre part, les GSS orientées " jouets " telles que Maxi Toys, King Jouet ou La Grande Récré. Toutefois, il ressort de l'instruction et du test de marché que les GSS orientées " TV Hifi Vidéo " à l'exception de la Fnac, et dans une moindre mesure des enseignes telles Virgin ou Cultura, ne sont pas en mesure d'offrir la même profondeur d'assortiment par familles de produits que les magasins des parties et d'exercer une réelle pression concurrentielle. Ainsi, seule l'enseigne Fnac sera retenue au titre des GSS orientées " TV Hifi Vidéo " actives sur le marché de la distribution des produits de jeux vidéo dans l'analyse concurrentielle de la présente opération "137.

472. En toute hypothèse, une analyse du faible chevauchement d'activité des parties sur le marché de la vente au détail de produits de jeux vidéo permet d'écarter tout problème de concurrence.

473. Au niveau national, la nouvelle entité représentera [10-20] % du marché (Fnac : [10-20] % ; Darty : [0-5] %). Elle fera face, sur un ce marché, à la concurrence des spécialistes informatiques et en produits de jeux vidéo ([30-40] %) parmi lesquels Micromania (représentant de l'ordre de 25 à 30 % de parts de marché), des GSA ([20-30] %), des GSS ([10-20] %), et des acteurs de la vente en ligne ([10-20] %).

474. Compte tenu de l'addition minime de parts de marché résultant de l'opération, et de la présence de distributeurs alternatifs, notamment spécialistes, celle-ci n'est pas de nature à porter atteinte à la concurrence de manière significative sur le marché national de la vente au détail de produits de jeux vidéo.

475. Sur les marchés locaux, la partie notifiante n'a pas été en mesure de communiquer une analyse détaillée de ses parts de marché et celles de ses concurrents. Elle a toutefois fourni des estimations de parts de marché en surface, qu'elle considère comme " maximalistes " dans les différentes zones de chalandise envisagées. Ces parts de marché n'incluent pas les acteurs de la vente en ligne. Selon les estimations des parties, les opérateurs purs players représentent environ [10-20] % sur ce marché.

476. D'après les données communiquées, les parts de marché cumulées des parties sont inférieures à 40 % sur toutes les zones de province et en Ile-de-France, l'opération entraînant un incrément de parts de marché inférieur à [0-5] points. Dans les différentes zones, la nouvelle entité fera face, à l'issue de l'opération, à la concurrence de chaînes spécialisées telles que Micromania, Game Cash, ou encore les enseignes du réseau Jeuxvideoandco, des hypermarchés (Auchan, Carrefour, Casino, Leclerc), mais aussi de certaines grandes surfaces spécialisées dans l'électrodomestique, les jeux et jouets ou les produits culturels (Boulanger, Toys'R'us, Cultura), et de grands magasins (BHV).

477. A Paris, dans huit zones, ces parts de marché sont supérieures à 40 % (Italie 2, Montparnasse, République, Montmartre, Les Halles, Ternes, Passy et Madeleine). Elles excèdent 50 % dans cinq de ces zones : Montmartre ([50-60] %), Les Halles ([50-60] %), Ternes ([50-60] %), Passy ([50-60] %) et Madeleine ([60-70] %). Cette estimation n'inclut toutefois pas les ventes réalisées par les pure players et surestime la position effective du nouvel ensemble. En tout état de cause, l'opération n'entraîne qu'un incrément très limité de parts de marché, inférieur à [0-5] points.

478. L'opération n'est donc pas de nature à porter atteinte à la concurrence sur le marché des jeux vidéo.

C. ANALYSE DES EFFETS HORIZONTAUX SUR LES MARCHES AVAL DE LA VENTE AU DETAIL DE PRODUITS BLANCS

479. En matière de distribution de produits blancs, les parties sont simultanément présentes sur le seul segment du petit électroménager, sur lequel la part de marché de la Fnac est marginale. A cet égard, la partie notifiante rappelle que l'offre de petit électroménager de la Fnac se concentre sur un nombre limité de références, essentiellement de haut de gamme et afférentes à l'univers de la cuisine. Elle considère à ce titre qu'au regard de la faible largeur et profondeur de sa gamme, de son assortiment de produits et de la surface de vente dédiée à ce type spécifique de produits, la Fnac ne peut pas être considérée comme un véritable distributeur de petit électroménager. Une analyse du faible chevauchement d'activité des parties sur les marchés des produits blancs permet toutefois d'écarter tout problème de concurrence.

480. Sur un marché global de la vente au détail de produits blancs, incluant gros et petit électroménager, ainsi que les ventes en ligne, la part de marché cumulée des parties s'élève à [10-20] % au niveau national, l'incrément de part de marché qu'occasionne l'opération étant toutefois très limité (la Fnac : [0-5] %). Cette part de marché est par ailleurs inférieure sur un marché excluant les ventes à distance puisqu'elle s'élève à [10-20] %, l'opération n'entraîne qu'un incrément de part de marché de [0-5] point correspondant à la position de la Fnac. Sur ce marché, la nouvelle entité fera face à la concurrence des GSS telles que Boulanger, Electrodépôt, But et Conforama (au total [20-30] %), des GSA ([10-20] %), des groupements d'indépendants tels que Connexion, Expert, Digital, Pro&Cie et Ubaldi (au total [10-20] %) et des acteurs de la vente à distance ([5-10] %).

481. Sur le marché national de la vente au détail de petit électroménager, la position de la nouvelle entité s'élève à [10-20] % en y incluant les ventes à distance et à [20-30] % sur un marché limité aux ventes en magasin. L'incrément de parts de marché résultant de l'opération serait également très limité, les positions de la Fnac étant estimées à [0-5] % (ventes à distance incluses) ou [0-5] % (hors ventes à distance). Sur ce marché, la nouvelle entité fera face à la concurrence des GSA ([30-40] %) et des GSS ([20-30] %). Les acteurs de la vente à distance détiennent une part de marché de [10-20] % et les groupements d'indépendants de [5-10] %. L'exclusion des ventes à distance impacterait principalement la position des GSA, dont la part de marché se verrait fortement augmentée ([40-50] %).

482. S'agissant des marchés locaux de la vente au détail de produits de petit électroménager en magasins, les parties ont estimé des parts de marché en surface. La part de marché de la nouvelle entité est inférieure à 40 % quelle que soit la zone considérée en province et en Île-de-France. Dans toutes ces zones, la nouvelle entité fera face à la concurrence des hypermarchés (Auchan, Carrefour, Casino, Leclerc), mais aussi de certaines grandes surfaces spécialisées dans l'électrodomestique ou l'électroménager (Boulanger, Dray, Expert), et de magasins spécialistes du meuble (But, Conforama).

483. A Paris, les parts de marché des parties sont inférieures à 40 % dans les zones de chalandise des onze magasins Darty situés à République, Ternes, La Madeleine, Saint Ouen, Passy, BNF Les Halles, Montmartre, Montparnasse, Belleville et Beaugrenelle. Cette part de marché est supérieure à 40 %, mais inférieure à 50 %, dans la zone du magasin Darty situé à Nation. Dans cette zone, la nouvelle entité, avec quatre points de vente Darty et un magasin Fnac, détiendrait une part de marché de [40-50] %, l'incrément occasionné par l'opération étant inférieur à [0-5] points. Elle fera face à la concurrence de dix points de vente concurrents : six GSA ([30-40] %), un multispécialiste ([10-20] %), et deux indépendants ([0-5] %). Compte tenu de la part de marché modérée et du faible incrément de parts de marché engendré par l'opération, il y a lieu d'écarter les problèmes de concurrence sur le marché du petit électroménager sur cette zone.

484. Enfin, dans la zone de chalandise du magasin Darty situé à Italie 2, la part de marché de la nouvelle entité sera supérieure à 50 %. Dans cette zone, dans laquelle sont implantés cinq magasins Darty et trois magasins Fnac, la part de marché de la nouvelle entité atteindrait [50-60] %. L'incrément engendré par l'opération sur cette zone est de l'ordre de [10-20] points, d'après les estimations communiquées par les parties. Le groupe Fnac fera face à l'issue de l'opération à la concurrence de dix points de vente concurrents : six GSA ([30-40] %), trois indépendants ([0-5] %), un spécialiste de l'électroménager ([0-5] %). Compte tenu du renforcement significatif de la position de Darty, dont la part de marché était déjà élevée sur ce marché avant le rachat, l'opération est susceptible de porter atteinte à la concurrence sur le marché de la distribution au détail de petit électroménager dans la zone parisienne autour du magasin de Darty Italie 2.

485. Toutefois, cette zone de chalandise est également concernée par les risques identifiés sur les marchés de la distribution de produits bruns et gris, qui a conduit les parties à proposer la cession du magasin Darty Italie 2. La part de marché de ce magasin sur le marché du petit électroménager est de l'ordre de [5-10] % selon les estimations de parties. Sa cession à un opérateur concurrent serait donc susceptible de résoudre le problème de concurrence identifié, à condition que le repreneur du magasin cédé par les parties dans cette zone offre, outre des produits bruns et gris, des produits de petit électroménager.

D. ANALYSE DES EFFETS CONGLOMERAUX

486. L'Autorité considère qu'une concentration entraîne " des effets congloméraux lorsque la nouvelle entité étend ou renforce sa présence sur plusieurs marchés dont la connexité peut lui permettre d'exploiter un effet de levier "138. Cet effet de levier est susceptible de produire des effets restrictifs de concurrence lorsque la nouvelle entité est en mesure de lier, techniquement ou commercialement, les ventes, ou les achats, des produits regroupés par la concentration, et ainsi verrouiller le marché et en évincer ses concurrents.

487. Cet effet de levier, nécessaire à la mise en œuvre de telles stratégies, s'analyse à travers l'examen de trois critères cumulatifs : (i) la capacité de la nouvelle entité, qui détient un pouvoir de marché significatif sur un marché déterminé, d'évincer des concurrents sur un autre marché en liant les ventes de produits normalement commercialisés séparément sur les différents marchés concernés (ventes groupées ou ventes liées) ; (ii) l'incitation économique de la nouvelle entité à mettre en œuvre de telles pratiques d'éviction, qui suppose l'existence d'un nombre élevé de clients susceptibles d'être intéressés par l'achat simultané des produits en cause ; et (iii) l'existence d'un effet négatif significatif de la stratégie de verrouillage sur les marchés en cause, qui suppose qu'il serait impossible pour les concurrents d'offrir une gamme aussi complète de produits.

488. En l'espèce, l'opération a pour effet d'élargir la gamme de produits actuellement distribués par la Fnac, en l'étendant aux produits blancs, en particulier le gros électroménager. La distribution de produits culturels par la Fnac n'est pas concernée par le risque d'effets congloméraux dans la mesure où ces produits ne sont ni produits par les fabricants de produits électrodomestiques, ni distribués par les concurrents de la nouvelle entité, et qu'ils ne sauraient être considérés comme des biens complémentaires aux produits actuellement distribués par Darty.

489. A l'issue de l'opération, la nouvelle entité pourrait donc imposer à ses fournisseurs l'achat d'une gamme complète de produits électrodomestiques à des conditions commerciales non réplicables pour ses concurrents. Elle pourrait également lier les ventes de ses différents produits au consommateur final au moyen de packages commerciaux ou de remises de couplages.

490. La partie notifiante estime néanmoins qu'elle ne détiendra pas, à l'issue de l'opération, un pouvoir de marché significatif dans la mesure où ses parts de marché, à l'échelon national, sur les marchés amont de l'approvisionnement en produits électrodomestiques et les marchés aval de leur distribution, sont inférieures à 40 % quelle que soit la segmentation envisagée. Or, l'Autorité estime qu'il est peu probable qu'une concentration emporte un risque d'effet congloméral si la nouvelle entité ne bénéficie pas d'une forte position sur un marché à partir duquel elle pourra faire jouer un effet de levier. Il convient en outre d'ajouter que la nouvelle entité ne sera pas le seul acteur à l'issue de l'opération à proposer une gamme étendue à la fois sur les produits bruns, gris et blancs. Les autres GSS, les GSA, les multispécialistes et les groupements d'indépendants sont pour la plupart actifs sur les trois segments de marchés.

491. Pour autant, la nouvelle entité détiendra des parts de marché plus élevées que ses concurrents sur les marchés définis au niveau national, sur lesquels elle renforce sa position de premier acheteur en produits électrodomestiques en France et complète sa gamme de produits. Par ailleurs, l'analyse locale des marchés de la distribution de produits électrodomestiques a démontré que la nouvelle entité détiendra des parts de marché importantes dans plusieurs zones de chalandise. Ainsi, la nouvelle entité détiendra à l'issue de l'opération un pouvoir de marché qu'elle pourrait utiliser pour envisager des stratégies de verrouillage.

492. Cependant, la nouvelle entité ne sera pas incitée à mettre en œuvre une telle stratégie. S'agissant tout d'abord d'une stratégie de verrouillage du marché aval par la mise en place de remises de couplage entre les différents produits électrodomestiques, un tel risque peut être écarté dans la mesure où une telle stratégie ne serait pas économiquement rentable. En effet, afin d'être profitables, de telles politiques commerciales doivent s'adresser à une part suffisante d'acheteurs susceptibles d'être intéressés par l'achat simultané des produits en cause. Or, du point de vue du consommateur, les produits gris, bruns et blancs ne peuvent être aisément vendus ensemble (y compris par le biais de couplages partiels) dans la mesure où leur prix moyen est assez élevé et limite les achats spontanés. En outre, comme le reconnaît la partie notifiante, ces familles de produits regroupent des produits très disparates, qui ne présentent pas de complémentarité évidente entre eux. Par conséquent, le couplage de ces produits ne saurait trouver une demande suffisante pour rendre profitable cette stratégie. En outre, la nouvelle entité continuera à faire face, à l'issue de l'opération, à la concurrence d'opérateurs disposant de gammes aussi étendues et leur permettant de contrer les stratégies de verrouillage mises en place par la nouvelle entité.

493. S'agissant d'une stratégie de verrouillage du marché amont par l'obtention de remises de gamme imposées aux fournisseurs, l'instruction a montré que l'opération ne plaçait pas les fournisseurs en situation de dépendance économique et que ces derniers disposaient à la fois d'un contrepouvoir de négociation et de débouchés alternatifs suffisants pour refuser de telles demandes.

494. Par conséquent, l'opération n'est pas de nature à porter atteinte à la concurrence sur les marchés concernés par des effets congloméraux.

E. UNE CONTRIBUTION INSUFFISANTE AU PROGRES ECONOMIQUE

495. En application des dispositions de l'article L. 430-6 du code de commerce, lorsque l'Autorité procède à l'examen approfondi d'une opération de concentration, elle " apprécie si l'opération apporte au progrès économique une contribution suffisante pour compenser les atteintes à la concurrence ". L'Autorité examine, en particulier, les gains d'efficacité économique de l'opération susceptibles d'accroître l'incitation de l'entreprise résultant de l'opération à adopter un comportement favorable à la concurrence.

496. Tant le Conseil d'Etat que les autorités de concurrence ont dégagé des critères d'appréciation applicables à la prise en compte des gains d'efficacité économique. Ainsi, les gains d'efficacité allégués doivent être quantifiables et vérifiables, spécifiques à la concentration et une partie des gains doit être transférée aux consommateurs, ce qui exclut les gains ne bénéficiant qu'aux parties à l'opération. Il convient donc d'examiner les gains d'efficacité dont la partie notifiante se prévaut, si les éléments qu'elle fait valoir à ce titre remplissent les critères de prise en compte de tels gains, et dans quelle mesure ils sont susceptibles de contrebalancer les effets anticoncurrentiels de l'opération.

497. En l'espèce, la partie notifiante fait valoir que l'opération entraîne des gains d'efficacité qui devraient être pris en compte dans le cadre de l'analyse concurrentielle. Elle estime en particulier que ces gains d'efficacité se retrouveront à trois niveaux : l'approvisionnement et les achats du futur groupe, l'organisation de son réseau logistique ainsi que la réorganisation de son modèle de développement.

498. Toutefois, les chiffres avancés par la partie notifiante au titre des gains d'efficacité ne sont pas vérifiables, en particulier parce qu'ils sont principalement issus d'estimations internes à la Fnac, qui ne sont pas suffisamment étayées. A cet égard, la partie notifiante soutient que ces gains sont attestés par des auditeurs indépendants, ce qui établirait leur crédibilité. Il convient toutefois de relever que l'attestation des auditeurs comporte une réserve importante en ce qu'elle refuse de se prononcer sur la faisabilité des économies identifiées par les directeurs de la Fnac139. Elle identifie six postes de gains d'efficacité :

- l'alignement des conditions d'achat du futur groupe sur celles de la partie la plus avantagée avant l'opération ;

- la renégociation à la baisse de ses prix d'achat à la suite de l'augmentation des volumes de commande après l'opération ;

- l'approvisionnement direct pour les biens vendus hors marques ;

- l'optimisation logistique du futur groupe ;

- la rationalisation des sièges et des fonctions de support et

- les économies liées à la rationalisation de la gestion du coût de la gestion indirecte des magasins.

499. Or, un des six postes identifiés (lié à la rationalisation des sièges et des fonctions de support) concerne des coûts fixes. Parmi les quatre postes restants, deux (gains liés [confidentiel]) n'apparaissent pas spécifiques à l'opération. Au final, trois catégories de gains ([confidentiels]) auraient pu être prises en compte, à condition d'être correctement démontrés et répercutés au bénéfice du consommateur, ce qui n'est pas le cas en l'espèce.

500. A cet égard, la partie notifiante soutient qu'au vu de la pression concurrentielle exercée par les pure players ainsi que de la faiblesse des marges actuelles, les économies réalisées du fait de l'opération confèreront à la nouvelle entité la marge de manœuvre nécessaire pour s'aligner sur les tarifs des pure players et pour proposer des promotions nationales et sur internet.

501. Toutefois, dans la mesure où les éléments communiqués par la partie notifiante montrent que les tarifs pratiqués par la Fnac tendent en moyenne à être alignés sur ceux des pure players depuis trois ans [confidentiel], rien ne permet de présumer que les économies de coûts attendues seront nécessairement transmises aux consommateurs par la nouvelle entité.

1. S'AGISSANT DES GAINS LIES A L'APPROVISIONNEMENT ET AUX ACHATS DU FUTUR GROUPE

502. Le premier gain d'efficacité identifié par la partie notifiante est relatif à [confidentiel]. Les gains liés à un tel alignement sont estimés au regard d'études internes à la Fnac, qui estime ainsi que [...] % de ses achats seraient effectués auprès des mêmes fournisseurs que Darty, et que les économies attendues de ce fait seraient estimées à [...] millions d'euros.

503. Toutefois, il ne peut être établi avec certitude que les conditions d'achat à l'issue de l'opération seront alignées, compte tenu du pouvoir de négociation des fournisseurs. En outre, les calculs permettant de vérifier que ces économies n'ont pas été communiquées par la partie notifiante.

504. Au surplus la partie notifiante soutient que la pression concurrentielle subie par la future entité, notamment de la part des pure players, la contraindra à se distinguer au travers du facteur prix, et donc à redistribuer les gains sous la forme d'une diminution des prix de vente au consommateur. Il ressort toutefois de l'instruction que l'opération renforcera le poids de la nouvelle entité sur les marchés aval. Ainsi, elle sera mieux à même de résister à la pression concurrentielle des autres acteurs, notamment des pure players.

505. Enfin, la partie notifiante ne démontre pas dans quelle mesure le gain allégué contribuerait à contrebalancer les effets anticoncurrentiels de l'opération.

506. Le deuxième gain d'efficacité allégué par la partie notifiante est relatif à la renégociation à la baisse de ses prix d'achat [confidentiel]. A l'appui de sa démonstration, la partie notifiante se fonde sur des études internes qui reposent à la fois sur sa connaissance du marché, sa structure interne, [confidentiel] et des informations publiques telles que les rapports annuels et comptes de ses concurrents. Ainsi, la partie notifiante anticipe une réduction [confidentielle].

507. Toutefois, la partie notifiante n'a pas communiqué les analyses permettant d'étayer ces estimations, qui ne sont par conséquent pas vérifiables.

508. En outre, la partie notifiante se borne à affirmer que [confidentiel], sans justifier cette affirmation ni démontrer en quoi ce gain serait répercuté au consommateur.

509. Le troisième gain d'efficacité allégué par la partie notifiante est lié à [confidentiel]. Elle estime que le fait de bénéficier de [confidentiel].

510. Elle prévoit ainsi [confidentiel].

511. Toutefois, à supposer que de tels gains puissent être considérés comme suffisamment vérifiables, ce qui n'est pas le cas dans la mesure où aucune étude ou preuve documentaire ne vient les étayer, la partie notifiante ne démontre pas qu'ils seraient répercutés au consommateur.

2. S'AGISSANT DES GAINS D'EFFICACITE LIES A L'ORGANISATION LOGISTIQUE DU FUTUR GROUPE

512. Le quatrième gain allégué par la partie notifiante est lié à l'optimisation logistique du futur groupe. Elle estime que l'opération pourrait permettre, [confidentiel], un gain [confidentiel].

513. L'existence de tels gains n'est toutefois pas non plus démontrée à suffisance et la partie notifiante n'a produit aucune explication pour justifier que [confidentiel] en l'absence de l'opération.

514. Or, il convient de souligner que chaque entreprise peut être amenée à repenser la structure de ses coûts de production et de logistique, en particulier sous la pression de ses concurrents. Ainsi, l'optimisation des processus n'apparaît pas comme spécifique à l'opération, puisque les gains qui en résultent auraient pu être obtenus autrement.

515. La partie notifiante considère en outre que les gains volumiques du fait des contrats de transport pourraient être répercutés sur les frais de livraison, et permettre ainsi au consommateur d'être mieux livré et plus rapidement. Cela contribuerait à améliorer le service qui lui est offert, notamment par la réduction des frais de port durant la période d'affluence saisonnière.

516. Néanmoins, la réduction des frais de port en période d'affluence saisonnière n'est pas propre à l'opération mais est déjà pratiquée par de nombreux sites de vente en ligne. De plus, il n'est pas démontré que la réorganisation des entrepôts aurait un effet direct sur le coût de la livraison pour le consommateur.

3. S'AGISSANT DES GAINS D'EFFICACITE LIES A LA REORGANISATION DU MODELE DE DEVELOPPEMENT DU FUTUR GROUPE

517. Le cinquième gain allégué par la partie notifiante est lié à la rationalisation des sièges et des fonctions de support. Elle estime que [confidentiel] permettent le partage d'un savoir-faire ainsi que des économies d'échelle.

518. Les études internes de la Fnac avancent que [...] millions d'euros pourraient être économisés au titre de la gestion des sièges sociaux et de la réorganisation des fonctions support.

519. La gestion des sièges sociaux et la réorganisation des fonctions support constituent un coût fixe. Les lignes directrices de l'Autorité prévoient à cet égard " qu'il est plus probable que les gains d'efficacité conduisant à des réductions des coûts variables ou marginaux entraînent une baisse des prix à la consommation que les réductions de coûts fixes, le rapport entre les coûts fixes et les prix à la consommation étant habituellement moins direct, au moins à court terme. Néanmoins [...] il est possible de prendre en compte l'effet de l'opération sur les coûts fixes même s'il est moins aisé de démontrer que ces gains de coûts fixes seront transmis aux consommateurs "140.

520. Or, bien que la partie notifiante indique que les données permettant d'estimer la structure de Darty sont publiques, et que leurs activités similaires permettent d'avoir une bonne vision des fonctions qui y sont présentes, elle ne produit pas d'études, de calculs ou de simulations permettant de confirmer son estimation des gains liés à la rationalisation des sièges sociaux et des fonctions support.

521. En outre, à supposer que la partie notifiante parvienne à démontrer les économies envisagées, elle n'apporte pas la preuve que ces gains seraient transmis au consommateur dans la mesure où elle se borne à indiquer que le marché de la vente au détail des produits électroniques est un marché fondé sur les parts de marché, et non les marges, et que l'intérêt de tout acteur économique est donc d'augmenter ses parts de marché en développant sa compétitivité plutôt que d'augmenter ses marges. Elle ne fournit ainsi pas suffisamment d'éléments de nature à étayer cet argument.

522. Le sixième gain allégué par la partie notifiante est relatif au coût de la gestion indirecte des magasins Selon elle, l'opération lui permettra de réaliser environ [...] millions d'euros d'économies liées à la rationalisation de la gestion des coûts indirects des magasins, et de dégager ainsi une marge de manœuvre financière pour des investissements d'innovation tels que [confidentiel].

523. Toutefois, ainsi qu'il a été exposé précédemment, la mise en commun d'un savoir-faire et l'optimisation des process ou des structures de coûts d'une société peuvent être obtenues en l'absence de la concentration. Elles ne peuvent donc pas être considérées comme spécifiques à celle-ci.

524. Il ressort ce qui précède que la partie notifiante se prévaut d'un gain de [...] millions d'euros au minimum, dont elle estime qu'il bénéficiera au consommateur final. Toutefois, une partie de ces gains n'est pas directement imputable à l'opération, tandis que d'autres ne sont pas suffisamment vérifiables et quantifiables. Enfin, il n'est pas démontré que ces gains seront réellement répercutés au consommateur.

IV. Les engagements

A. LES ENGAGEMENTS PROPOSES

525. Après des échanges sur la base de documents de travail successifs, la partie notifiante a présenté le 11 juillet 2016 des engagements visant à remédier aux effets anticoncurrentiels de l'opération sur les marchés aval de la distribution au détail de produits électroniques bruns et gris. Le texte de ces engagements, joint en annexe, fait partie intégrante de la présente décision.

526. Les engagements proposés consistent en la cession de points de vente à l'enseigne Fnac ou Darty, dont cinq à Paris et un en région parisienne.

527. La Fnac a ainsi fourni une liste de six points de vente, exploités en propre, pour lesquels elle s'engage à céder la propriété des baux commerciaux et des fonds de commerce, dans un délai de [...] mois à compter du 1er septembre 2016. Si la cession n'intervient pas dans ce délai, elle sera alors confiée à un mandataire indépendant.

528. La Fnac s'est également engagée à ne pas réacquérir les magasins cédés, ni acquérir sur ceux-ci une influence directe ou indirecte, pour une période de 10 ans.

B. L'APPRECIATION DES MESURES PROPOSEES

1. SUR LES PRINCIPES DEVANT GUIDER CETTE APPRECIATION

529. Les mesures destinées à remédier aux atteintes à la concurrence résultant de l'opération notifiée doivent être conformes aux critères généraux définis par la pratique décisionnelle et la jurisprudence afin d'être jugées suffisantes à assurer une concurrence effective sur les marchés concernés, conformément aux dispositions de l'article L. 430-7 du code de commerce.

530. Ainsi que le précisent les lignes directrices de l'Autorité141, ces mesures doivent être efficaces en permettant de remédier pleinement aux atteintes à la concurrence identifiées. A cette fin, leur mise en œuvre ne doit pas soulever de doute, ce qui implique qu'elles soient rédigées de manière suffisamment claire et précise et que les modalités opérationnelles pour les réaliser soient suffisamment détaillées. Leur mise en œuvre doit également être rapide, la concurrence n'étant pas préservée tant qu'elles ne sont pas réalisées. Elles doivent en outre être contrôlables. Enfin, l'Autorité doit veiller à ce que les mesures correctives soient neutres, au sens où elles doivent viser à protéger la concurrence en tant que telle et non des concurrents spécifiques.

531. Par ailleurs, l'Autorité recherche en priorité des remèdes structurels, qui visent à garantir des structures de marché compétitives par des cessions d'activités ou de certains actifs à un acquéreur approprié, susceptible d'exercer une concurrence réelle, ou l'élimination de liens capitalistiques entre des concurrents. En l'espèce, les mesures adoptées devront donc corriger les effets de la concentration en rétablissant une concurrence suffisante dans chaque zone de chalandise concernée.

532. De plus, l'Autorité veille à ce que les mesures correctives soient proportionnées. Par conséquent, les mesures adoptées doivent être de nature à remédier effectivement aux atteintes à la concurrence identifiées, en imposant aux entreprises une charge strictement nécessaire pour maintenir ou rétablir une concurrence suffisante. En l'espèce, les engagements doivent donc permettre de rétablir une situation où les parties font face à des alternatives nombreuses et/ou importantes, dans chaque zone où la part de marché de la nouvelle entité est supérieure à 50 %. Selon la méthode retenue au cas d'espèce, un score total supérieur à 10 pour chaque zone concernée permettra de garantir l'effectivité d'une telle concurrence pour la nouvelle entité.

533. En outre, compte tenu des barrières à l'implantation de nouvelles surfaces de distribution au détail de produits bruns et/ou gris, en particulier à Paris intra-muros, les engagements de cession proposés contribueront à l'émergence d'alternatives significatives pour les consommateurs des zones de chalandise concernées.

534. Enfin, l'efficacité des remèdes dépend de la cession des actifs concernés à un ou plusieurs acquéreurs appropriés. Pour rétablir des conditions de concurrence suffisante, le ou les repreneurs devront être capables de concurrencer la Fnac de manière effective sur les marchés concernés. Ceci suppose que ceux-ci présentent toutes les garanties d'indépendance, tant juridique que commerciale, vis-à-vis de la Fnac. Les repreneurs potentiels devront donc être des acteurs de la distribution de produits bruns et/ou gris, ainsi que, pour la zone d'Italie 2, de produits de petit électroménager, indépendants de la Fnac, capables d'assurer l'exploitation pérenne des actifs cédés. Ils devront également proposer un assortiment suffisant de produits bruns et/ou gris et/ou de produits de produits de petit électroménager suffisant pour représenter une alternative crédible à l'offre de la nouvelle entité et exercer une pression concurrentielle suffisante sur cette dernière.

2. SUR LE CARACTERE APPROPRIE DES ENGAGEMENTS PROPOSES

535. Selon les lignes directrices de l'Autorité, " [l]orsque l'opération porte atteinte à la concurrence essentiellement en raison du chevauchement horizontal des activités des parties, les cessions d'actifs sont les remèdes les plus efficaces "142.

536. En l'espèce, les engagements proposés par la partie notifiante consistent dans la cession d'un point de vente déterminé dans 6 des 9 zones dans laquelle les effets de l'opération portent atteinte à la concurrence. Conformément aux principes décrits dans les développements précédents, l'objet des engagements est de rétablir une situation suffisamment concurrentielle dans chaque zone, matérialisée par un score total de 10 dans chaque zone.

537. Les zones concernées, dans lesquelles la partie notifiante s'engage à céder des points de vente, sont les suivantes :

< TABLEAU >

538. A Paris, en raison de l'interpénétration des zones de chalandise des différents magasins concernés, la cession d'un point de vente peut avoir pour effet d'augmenter le score attribué aux concurrents dans une ou plusieurs zones adjacentes et donc de remédier aux problèmes identifiés dans plusieurs zones lorsque ce score dépasse 10 points.

539. Ainsi, la cession du magasin Darty Belleville contribue également, outre sa propre zone, à remédier aux atteintes à la concurrence dans la zone de République. La cession du magasin Darty Italie 2 contribue également à remédier aux atteintes à la concurrence dans la zone de Montparnasse. La cession du magasin Fnac du centre commercial de Beaugrenelle a aussi un effet sur les zones des magasins de Passy et de Montparnasse. La cession du magasin Darty de l'avenue de Saint-Ouen contribue également à remédier aux atteintes à la concurrence à Madeleine, Ternes et Montmartre. Enfin, la cession du point de vente Darty Wagram contribue à remédier aux atteintes à la concurrence dans les zones de Ternes et de Passy.

540. L'efficacité de ces engagements dépendra dans une large mesure du caractère approprié du repreneur. L'objectif des engagements étant de compenser la diminution sensible de concurrence qu'entraîne l'opération, la cession de chacun des points de vente concernés par les engagements proposés devra s'effectuer en priorité au profit d'un opérateur de GSS concurrent de la nouvelle entité. Dans l'hypothèse où la cession à une GSS serait impossible, la cession d'un ou plusieurs points de vente concernés par les engagements à d'autres acteurs serait envisageable, et notamment à des acteurs émergents sur le marché parisien qui pourraient ainsi débuter ou développer leur activité dans Paris par le biais de magasins de taille suffisante et à des emplacements recherchés. Toutefois, pour offrir au consommateur une alternative crédible à l'offre de la nouvelle entité, de tels repreneurs devront nécessairement être spécialisés dans les produits bruns et gris et proposer un assortiment suffisant dans la ou les famille(s) de produits pour laquelle ou lesquelles la nouvelle entité dispose d'une part de marché importante à l'issue de l'opération. La sélection et l'agrément des repreneurs potentiels devront notamment être guidés par la démonstration d'une offre adéquate de la part des candidats à la reprise des magasins, en termes de produits, assortiment et gammes proposés. Les repreneurs sélectionnés devront à tout le moins être en mesure de proposer une offre répondant aux problèmes spécifiques soulevés par l'opération dans chacune des zones considérées.

541. Plus précisément, la position de la nouvelle entité est supérieure à 50 % sur les deux familles de produits dans la zone de Passy. Les cessions des points de vente Fnac de Beaugrenelle et/ou Darty Wagram, qui contribuent à remédier aux atteintes à la concurrence dans cette zone, devront donc nécessairement être effectuées au profit d'un acteur présent sur les deux familles de produits. Pour les mêmes motifs, la cession du point de vente de Belleville devra nécessairement s'effectuer en faveur d'un acteur distribuant les deux familles de produits.

542. La position de la nouvelle entité sera supérieure à 50 % uniquement dans les familles de produits bruns dans les zones d'Italie 2, Montparnasse, Saint Ouen, Montmartre et Ternes, ainsi qu'à Vélizy. Les cessions des points de vente concernés, ou contribuant à remédier aux atteintes à la concurrence dans les zones en question, pourront donc être effectuées au profit d'acteurs actifs sur les deux familles de produits bruns et gris ou au profit d'acteurs spécialisés dans la vente de produits bruns, à l'exception des magasins Fnac Beaugrenelle et Darty Wagram.

543. Ainsi, en favorisant l'implantation d'acteurs émergents et/ou le développement d'une GSS de dimension nationale à Paris, les remèdes proposés permettront à un ou plusieurs opérateurs alternatifs de se développer et d'atteindre une taille critique sur le marché parisien. Les remèdes sont donc de nature à maintenir une pression concurrentielle à Paris et en région parisienne.

544. Enfin, l'Autorité relève que la partie notifiante n'a pas présenté d'engagements subsidiaires. Il ressort des lignes directrices de l'Autorité143 que l'engagement de céder des actifs alternatifs, dits " crown jewels " ou " joyaux de la couronne ", se justifie en particulier lorsqu'il existe des incertitudes sur la cessibilité, la viabilité ou la compétitivité des cessions proposées par les parties. En raison de son rôle dissuasif, un engagement de substitution doit être au moins aussi efficace144 que l'engagement de premier rang. En l'espèce, les actifs proposés par la Fnac ont fait l'objet de vérifications par les services d'instruction, qui se sont notamment attachés à contrôler leur viabilité. Il a ainsi été constaté que les magasins proposés au titre des engagements présentent tous un résultat positif, et qu'ils sont situés dans des zones commerciales adéquates, compte tenu des zones dans lesquelles l'opération suscite des risques concurrentielles, et sont donc susceptibles de permettre le développement rapide et pérenne de l'activité d'un concurrent.

545. En outre, dans la mesure où de tels engagements de substitution peuvent être portés à la connaissance des acquéreurs potentiels145, ils risquent de priver d'effet les engagements de premier rang, puisque les acquéreurs auraient intérêt à faire échouer les négociations portant sur les points de vente cédés en première intention afin d'accéder aux points de vente proposés au titre des engagements de substitution.

546. En tout état de cause, le nouvel alinéa de l'article L. 430-8 du code de commerce inséré par la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 dispose qu'en cas d'inexécution, dans les délais fixés, d'un engagement figurant dans sa décision, l'Autorité peut " [e]njoindre sous astreinte [...] aux parties auxquelles incombait l'obligation, d'exécuter dans un délai qu'elle fixe des injonctions ou des prescriptions en substitution de l'obligation non exécutée ". En cas d'échec d'une ou plusieurs cessions dans les délais prévus, constaté selon la procédure prévue au IV de l'article L. 430-8 du code de commerce, la mise en œuvre des pouvoirs ainsi conférés à l'Autorité lui permettra de substituer un magasin à un autre au titre des remèdes en cas d'inexécution constatée à l'issue de la procédure prévue à l'article L. 430-8 du code de commerce.

DECIDE

Article unique : L'opération notifiée sous le numéro 15-233 est autorisée sous réserve des engagements décrits ci-dessus et annexés à la présente décision.

Délibéré sur le rapport oral de Mmes Carole Armoet et Anne Rossion et de MM. Sébastien Lecou et Jérôme Vidal et l'intervention de M. Simon Genevaz, rapporteur général adjoint, par M. Bruno Lasserre Président, présidant la séance, Mmes Claire Favre et Elisabeth Flüry-Hérard, vice-présidentes, et MM. Emmanuel Combe et Thierry Dahan, vice-présidents, Mmes Pierrette Pinot, Isabelle de Silva, Reine-Claude Mader-Saussaye et M. Noël Diricq, membres.

NOTES

1 La répartition du capital de Darty reste toutefois évolutive en raison de la récente offre publique d'achat qui a opposé Fnac et le groupe Steinhoff.

2 L'acquisition de Mistergooddeal par Darty a été autorisée par l'Autorité (décision 14-DCC-28 du 5 mars 2014 relative à la prise de contrôle exclusif de la société Mistergooddeal SA par le groupe Darty).

3 Le lancement du programme de fidélité de Darty date de mai 2015.

4 L'Offre Améliorée Finale en date du 16 mai 2016* consiste en une offre plus élevée, en numéraire, avec une option pour une rémunération partielle en actions.

* Rectification d'erreur matérielle.

5 Voir notamment Avis n° 07-A-06 du 16 juillet 2007 relatif à l'acquisition par la société Cafom du pôle distribution de la société Fincar dans le secteur de la vente d'équipement de la maison ; C2006-155 / Lettre du ministre de l'économie, des finances et de l'emploi du 31 août 2007 au conseil de la société Cafom, relative à une concentration dans le secteur de la vente de biens d'équipements de la maison ; décision n° 09-DCC-21 du 23 juillet 2009 relative à la prise de contrôle exclusif de la société DVMM par le groupe But ; décision n° 09-DCC-62 du 2 novembre 2009 relative à la prise de contrôle exclusif de la société Modera par le groupe But et décision n° 11-DCC-87 du 10 juin 2011 relative à la prise de contrôle exclusif de la société Media Concorde SNC par la société High Tech Multicanal Group.

6 Plusieurs questionnaires ont été envoyésauprès des concurrents et fournisseurs actifs sur les marchés concernés au cours de l'instruction. Deux tests de marché ont été menés auprès des concurrents, d'abord du 22 janvier au 24 février 2016, puis du 10 au 29 mars 2016. De même, les fournisseurs des parties ont été interrogés par un test de marché mené du 22 janvier au 22 février 2016, et du 3 au 10 mai 2016. Par facilité de rédaction, le terme " test de marché " sera utilisé dans le cadre de la présente décision pour viser l'ensemble des éléments ainsi recueillis au cours de l'instruction.

7 Si Darty est active sur les segments du petit et gros électroménager, ce n'est pas le cas de la Fnac, qui distribue néanmoins marginalement des appareils de petit électroménager.

8 Voir notamment la décision n°11-DCC-87 précitée.

9 Voir, par exemple, la décision de la Commission européenne n° M.7290, Apple/Beats, du 25 juillet 2014, §11 et s.

10 Voir, par exemple, la décision de la Commission européenne n° M.6461, TPV/Philips TV Business, du 24 février 2012, §9 et s.

11 Voir, par exemple, la décision de la Commission européenne n° M.4979, Acer/Packard Bell, du 27 février 2008, §8 et s.

12 Voir l'avis n°07-A-06 précité, §59.

13 Voir la décision n° 13-DCC-49 du 22 avril 2013 relative à la prise de contrôle exclusif d'actifs de la société Game France par la société Micromania Group SAS.

14 Décision n° 11-DCC-87 du 10 juin 2011 précitée.

15 Id.

16 Id.

17 Procès-verbal des représentants de la Fnac, 31 mars 2016.

18 Voir l'avis n° 07-A-06 précité, §32 (soulignement ajouté).

19[confidentiel].

20 Décision n° 11-DCC-87 du 10 juin 2011 précitée.

21 Les " pure players " sont des distributeurs intervenant uniquement sur internet.

22 Décision n°11-DCC-87 précitée §33.

23 Il ressort notamment du sondage précité que la majorité des répondants recherchent des informations sur internet avant leur achat, telles que les fiches produites, les comparatifs en ligne, le site du fabricant ou de l'enseigne, ainsi que les avis des clients en ligne.

24 Forrester research online retail forecast, 2013 to 2018, Western Europe.

25 David Sraer et David Thesmar, " La concurrence entre la distribution physique et la distribution par Internet, une pression nationale ", mai 2016.

26 GfK, Fevad, " Le marché e-commerce des biens d'équipement de la maison et biens culturels en 2014 ".

27 Voir la décision n°11-DCC-87 précitée.

28 Forrester research online retail forecast 2013 to 2018 (Western Europe).

29 Il convient également de noter que les produits " bruns " pris en compte dans l'étude Forrester ne correspondent pas exactement à la catégorie de produits bruns retenue dans le dossier. Plus précisément, la catégorie de produits électroniques étudiée par Forrester inclut les produits supplémentaires suivants : " Video (including TVs, home entertainment systems, DVD players, and recorders), games consoles, static audio (such as hi-fi systems, CD players, and turntables), portable audio (such as MP3 players and Walkmans), car audio, and home communications equipment (such as telephones, mobile phone handsets, and other terminal equipment). Tablets are included in the Computers category ". Ces produits supplémentaires pourraient contribuer à expliquer les surestimations de l'étude.

30 Décision HTM/Saturn, précitée, §32.

31 Id., §35.

32 Ifop/Altermind, " Enquête sur les habitudes d'achat des Français en matière de produits électroniques ", novembre 2015.

33 Mapp, " Analyse économique du rapprochement entre Fnac et Darty ", février 2016 ; David Sraer et David Thesmar, " La concurrence entre la distribution physique et la distribution par Internet, une pression nationale ", mai 2016 ; Henri Isaac, " La convergence des canaux " en ligne " et " physique " et ses conséquences sur l'analyse des politiques de prix des enseignes ", mai 2016.

34 Par exemple, sur le premier septembre 2015, [70-80] % des références d'ordinateurs portables présentent en moyenne chaque mois des différences de prix inférieures à [...] % entre les prix en ligne et les prix en magasins.

35 Mapp, " Analyse économique du rapprochement entre Fnac et Darty - Evaluation de la pression concurrentielle des ventes en ligne de produits électroniques sur les enseignes physiques ", 17 février 2016.

36 Les indices obtenus présentent par ailleurs une forte tendance baissière en raison de la baisse des prix des produits électroniques, cette tendance baissière est retirée des indices de prix de façon à mieux mettre en évidence les évolutions relatives des prix des différentes enseignes.

37 Les chiffres en ordonnée correspondent au rang moyen de proximité avec la Fnac/Darty attribué par les répondants au test de marché. La note de proximité à la Fnac attribuée par les distributeurs interrogés pour Amazon est comprise entre 1 et 5.

38Ifop, Enquête auprès des acheteurs récents de la Fnac et de Darty, mai 2016

39 Pour la distribution au détail de produits électrodomestiques, de produits d'ameublement et de produits de bazar et de décoration, voir notamment les décisions n°09-DCC-21 du 23 juillet 2009, et n°11-DCC-87 précitées, ainsi que la décision n° 09-DCC-62 du 2 novembre 2009 relative à la prise de contrôle exclusif de la société MODERA par le groupe BUT.

40 Voir notamment les décisions de la Commission n°COMP/M.2898, Leroy Merlin / Brico, 13 décembre 2002 et n°COMP/M.4226, DSGI / Fotovista, 29 juin 2006.

41 Voir notamment les décisions de la Commission n°IV/M.1221, Rewe / Meinl, 3 février 1999 et n°COMP/M.1684, Carrefour / Promodès, 25 janvier 2000.

42 Voir la décision n° 13-DCC-49 précitée.

43 Voir, en ce sens, notamment, les décisions de la Commission européenne n°IV/M.1221, Rewe / Meinl, 3 février 1999 ; n°COMP/M.1684, Carrefour / Promodès, 25 janvier 2000 ; n°COMP/M.2898, Leroy Merlin / Brico, 13 décembre 2002 et n°COMP/M.4226, DSGI / Fotovista, 29 juin 2006, ainsi que la décision n° 14-DCC-71 du 4 juin 2014 relative à la prise de contrôle exclusif du groupe Nocibé par Advent International Corporation.

44 Competition & Markets Authority, A report on the anticipated acquisition by Poundland Group plc of 99p Stores Limited, 18 septembre 2015, §6.96 et s et 6.112 et s.

45 Le contrat-type communiqué par la Fnac prévoit [confidentiel].

46 Mapp, Analyse complémentaire des effets potentiels du rapprochement entre Fnac et Darty, 15 juin 2016, annexe 2, p. 50-51.

47 Id., figure 11, p. 53.

48 Id., p. 63.

49 Les surfaces moyennes consacrées aux produits bruns et gris sont respectivement de [...] m² et [...] m² pour les formats Traditionnel, [...] m² et [...] m² pour les formats Périphérie, et [...] m² et [...] m² pour les formats Proximité.

50 Voir la décision n°13-DCC-90 du 11 juillet 2013 relative à la prise de contrôle exclusif de la société Monoprix par la société Casino Guichard-Perrachon.

51 Décision n° 08-D-05 du 27 mars 2008 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur des commerces sous douane des aéroports parisiens.

52 Voir notamment les décisions n°09-DCC-21, n°11-DCC-78 et n°11-DCC-87 précitées.

53Les empreintes réelles des magasins Darty se fondent sur les ventes réalisées par les clients localisables de Darty, sur la base des codes postaux, et non sur les seules ventes réalisées par les porteurs de cartes de fidélité. En effet, la localisation des porteurs de cartes de fidélité Darty ne peut être considérée comme pertinente dans la mesure où le programme a été mis en place très récemment (mai 2015) et regroupe un faible nombre de membres ([...] membres), qui ne permet pas de s'assurer de la représentativité de l'ensemble de la clientèle Darty. Darty dispose du code postal des consommateurs représentant [90-100] % du chiffre d'affaires des produits électroniques.

54 Lignes directrices de l'Autorité de la concurrence relatives au contrôle des concentrations, 2013, §365.

55 Voir la décision n°13-DCC-90 précitée, §103 à 109.

56 Voir la décision n°11-DCC-87 précitée.

57 Voir la décision n°13-DCC-90 précitée

58 Voir la décision n°11-DCC-87 précitée.

59 Communication de la Commission européenne sur la définition du marché en cause aux fins du droit communautaire de la concurrence,§57.

60 Le magasin des Champs-Elysées est situé à 1,5 km de celui de Ternes, celui de Saint-Lazare à 2,7 km du point de vente de Ternes, celui du Forum des Halles à 4,1 km de celui de Saint-Lazare, le magasin de Beaugrenelle à 3,3 km de celui des Champs-Elysées, celui de Montparnasse à 3,3 km de celui des Halles, celui de la place d'Italie à 3,5 km de celui de Montparnasse, et le magasin de Bercy à 3 km de celui de la place d'Italie.

61 Voir l'étude [confidentiel].

62 A l'exception des magasins du Forum des Halles, dont l'emplacement spécifique, situé au coeur de Paris dans un centre commercial configuré comme un hub desservi par de nombreux transports en commun, justifie une appréciation particulière.

63 Voir notamment les décisions n° 14-DCC-28 précitée, n° 14-DCC-71 du 4 juin 2014 relative à la prise de contrôle exclusif du groupe Nocibé par Advent International Corporation et n° 15-DCC-28 du 17 mars 2015 relative à la prise de contrôle exclusif de six points de vente sous enseigne Fly et Atlas par But International.

64 La " vente à distance " englobe tous les acteurs de la vente à distance (vente sur Internet et/ou sur catalogue) hors Mistergooddeal, qui représente moins de 0,01 % du chiffre d'affaires 2015 de Darty et dont les parts de marché sont négligeables.

65 Lignes directrices de l'Autorité relatives au contrôle des concentrations précitées, §502.

66 Affaire COMP/M. 1224, Rewe/Meinl du 3 février 1999.

67 Voir, par exemple, la décision de la Commission Rewe/Meinl précitée et les décisions de l'Autorité de la concurrence n°11-DCC-134 du 2 septembre 2011 relative à la prise de contrôle exclusif d'actifs du groupe Louis Delhaize par la société Groupe Bernard Hayot et n°13-DCC-90 du 11 juillet 2013 précitée.

68 Avis n°15-A-06 du 31 mars 2015 relatif au rapprochement des centrales d'achat et d'approvisionnement dans le secteur de la grande distribution.

69 L'indice iPM est calculé à partir des données collectées auprès des places de marché qui participent au panel. Il correspond aux ventes réalisées sur les places de marché par les sites utilisateurs.

70 Avis n° 12-A-20 du 18 septembre 2012 relatif au fonctionnement concurrentiel du commerce électronique, §210.

71 Id., §364.

72 Voir les Lignes directrices sur les restrictions verticales de la Commission européenne, 2010, §174 et s.

73 Id.

74 Lignes directrices de l'Autorité de la concurrence relatives au contrôle des concentrations, §350-351.

75 Mapp, " Analyse économique du rapprochement entre Fnac et Darty - Analyse de la différenciation des parties à l'Opération", 17 février 2016.

76 Selon l'analyse de la partie notifiante, une enseigne présentant un nombre faible de points de vente en France sera plus " proche " d'une enseigne présentant également un nombre de points de vente faible, toutes choses égales par ailleurs.

77 Mapp, " Analyse économique du rapprochement entre Fnac et Darty ", précitée, p. 50 et suivantes.

* Rectification d'erreur matérielle.

78 Mapp, " Analyse économique du rapprochement entre Fnac et Darty ", précitée, p. 51.

79 Altermind/Ifop, Etude des comportements d'achat des produits électroniques, novembre 2015.

80 Vague 1 réalisée auprès de 1 502 personnes du 30 octobre au 3 novembre 2015.

81 Vague 2 réalisée, à des fins de précision, auprès de 1 519 personnes du 23 au 30 novembre 2015.

82 Ifop, Enquête auprès des acheteurs récents de la Fnac et de Darty, mai 2016. Notes attribuées par les consommateurs de la Fnac Enseigne évaluée Vague 180 Vague 281

83 Voir, en ce sens, les lignes directrices de l'Autorité de la concurrence relatives au contrôle des concentrations, §405 et s. ; également, e.g., la décision de la Commission européenne du 2 juillet 2014, Telefonica Deutschland/E-Plus, n° M.7018, §117 et s.

84 Conseil de la concurrence Avis 97-A-04 ; Avis 00-A-06 ; Avis 04-A-18.

85 Conseil de la concurrence Avis 05-A-24.

86 Décision n° 11-DCC-87 du 10 juin 2011 précitée.

87 Avis de l'Autorité de la concurrence n°12-A-20 du 18 septembre 2012.

88 Avis de l'Autorité de la concurrence n°12-A-20 du 18 septembre 2012 ; Décision n° 14-DCC-28 du 5 mars 2014 relative à la prise de contrôle exclusif de la société Mistergooddeal S.A par le groupe Darty.

89 A cet égard, on peut relever que les dépenses publicitaires engagées au titre de l'exercice 2014-2015 par Darty (enseigne bien établie) se sont élevées à [...] millions d'euros, ce qui représente [0-5] % de son chiffre d'affaires pour cet exercice.

90 Lignes directrices de l'Autorité relatives au contrôle des concentrations, §413.

91 Rapport MAPP du 14 avril 2016, Analyse des effets potentiels sur les prix du rapprochement entre Fnac et Darty - Analyse de GUPPIs

92 A savoir, la division des prix de de Darty par les prix de la Fnac dans le cas du GUPPI Fnac vers Darty et division du prix de la Fnac par les prix de Darty dans le cas du GUPPI Darty vers Fnac.

93 Cf. Section 2.3 de l'étude économique de la partie notifiante du 14 avril 2016.

94 France, grande couronne parisienne, Paris, Paris et grande couronne, Paris et petite couronne, petite couronne parisienne, province, ensemble des zones de province dans lesquelles les parts de marché des parties excèdent 40 %.

95 Produits gris, produits bruns, produits électroniques, appareils photo numériques, objectifs, ordinateurs portables, smartphones et téléphones portables, tablettes tactiles, téléviseurs.

96 Selon la partie notifiante, cette approximation surestime le ratio de diversion de Darty vers la Fnac ou de la Fnac vers Darty et, partant, surestime le niveau des GUPPI correspondants.

97 Ceci signifie concrètement qu'en raison d'un nombre trop faible de références communes, la partie notifiante n'a pas pu calculer un ratio de diversion entre Darty et Fnac. Les estimations reposent alors sur un taux de report vers l'acteur composite GSS censé, alors représenter le report de la Darty vers Fnac.

98 L'approximation ainsi effectuée est d'autant plus problématique que les données étudiées remontent jusqu'à fin 2012-début 2013, période pendant laquelle ces adaptations locales étaient, de l'aveu même des parties, plus fréquentes que sur une période plus récente.

99 La catégorie " produits électroniques " inclut l'ensemble des produits gris et bruns.

102 [confidentiel].

103 Analyse complémentaire des effets potentiels du rapprochement entre Fnac et Darty, 15 juin 2016.

104 Observations de la partie notifiante en réponse au rapport, §178.

105 Voir, notamment, les lignes directrices sur l'appréciation des concentrations horizontales au regard du règlement européen relatif au contrôle des concentrations.

106 Les lignes directrices de l'Autorité de la concurrence relatives au contrôle des concentrations, §392.

107 Voir par exemple les décisions de la Commission n°COMP/M.4439 - Ryanair / Aer Lingus, du 27 juin 2007, COMP/M.5727 Microsoft/ Yahoo ! Search Business du 18 février 2010, COMP/M.6458 - Universal Music Group / EMI Music du 21 septembre 2012.

108 Tribunal de première instance des Communautés européennes, 6 juillet 2010,T-342/07, §224.

109 Voir notamment les décisions de l'Autorité n° 13-DCC-42 du 29 mars 2013 relative à la prise de contrôle exclusif de la société Précisium Groupe par la société Financière Alliance Industrie, n° 10-DCC-01 du 12 janvier 2010 relative à la prise de contrôle exclusif par Mr Bricolage de la société Passerelle et n° 14-DCC-71 du 4 juin 2014 relative à la prise de contrôle exclusif du groupe Nocibé par Advent International Corporation. Voir également la décision du Conseil d'Etat du 23 décembre 2010, Société Monsieur Bricolage.

110 Lignes directrices de l'Autorité de la concurrence relatives au contrôle des concentrations précitées, §363.

111 Dans le tracé des zones isochrones, correspondant généralement à un temps de trajet en voiture, la zone ne sera toutefois pas circulaire.

112 En supposant que les parts de marché soient calculées en surfaces de vente.

113 Voir la décision de la Commission COMP/M.7252 Lafarge/Holcim du 15 décembre 2014.

114 Voir la décision nº10-DCC-98 du 20 août 2010 relative à la prise de contrôle exclusif d'actifs du groupe Tarmac par la société Eurovia, et les décisions nº13-DCC-90 du 11 juillet 2013, nº14-DCC-71 du 4 juin 2014 précitées.

115 La vente à distance englobe tous les acteurs de la vente à distance (vente sur Internet et/ou sur catalogue) hors Mistergooddeal

116 L'absence de risque concurrentiel au niveau national sera également établie par le calcul de GUPPI nationaux (voir supra*).

* Rectification d'erreur matérielle.

117 Lignes directrices de l'Autorité de la concurrence relatives au contrôle des concentrations précitées, §185

118 Synthèse des observations de Cdiscount sur l'opération Fnac/Darty, §25.

119 Procès-verbal du représentant de la Fevad en date du 23 février 2016.

120 Lorsqu'aucune donnée relative aux surfaces n'était disponible pour un magasin concurrent donné, les surfaces ont été estimées soit en utilisant la surface moyenne de l'enseigne telle que renseignée dans l'étude Xerfi relative au secteur des produits électroniques soit en calculant la moyenne des surfaces de l'enseigne à partir des données disponibles précitées.

121 La majorité des répondants au test de marché a ainsi estimé pertinent de délimiter des zones de chalandise spécifiques pour chacune de ces catégories de zones.

122 Pour les concurrents n'ayant pas répondu, leurs chiffres d'affaires moyens ont fait l'objet d'estimations : les différents concurrents ont été regroupés par catégories et le chiffre d'affaires moyen de la catégorie (correspondant à la moyenne des concurrents ayant communiqué leurs données de chiffres d'affaires dans cette catégorie) leur a été attribué.

123 Le chiffre d'affaires effectué auprès de non-adhérents est réparti entre les consommateurs de la zone de chalandise et les consommateurs extérieurs à partir de cette même répartition pour le chiffre d'affaires réalisé auprès des adhérents.

124 Si les ventes prises en compte par les parties ne concernent également que la vente à destination des résidents, un certain nombre de ventes ne peuvent être localisées (par exemple, les ventes de la Fnac réalisée à des non-adhérents), ce qui conduit à comptabiliser des ventes réalisées par les parties à des touristes comme des ventes à des consommateurs domiciliés dans la zone de chalandise.

125 Voir la décision n° 11-DCC-87 du 10 juin 2011 précitée.

126 Lignes directrices de l'Autorité de la concurrence relatives au contrôle des concentrations, §397.

127 Celle-ci est de l'ordre de 2,5 à 6 points pour les produits gris et de 1 point pour les produits bruns au cours de la période 2012 à 2014, selon la source des estimations (voir, supra, §86 et s.).

128 Voir, pour une approche similaire, Competition & Markets Authority, A report on the anticipated acquisition by Poundland Group plc of 99p Stores Limited, 18 septembre 2015, §6.117 et s. La notion de " scoring " utilisée dans la présente décision vise cette méthode d'analyse.

129 Décision HTM/Saturn, n°11-DCC-87 précitée.

130 Id., §25.

131 Selon la partie notifiante, une GSA consacre environ 2,5 % de sa surface totale aux produits bruns, et autant aux produits gris.

132 Les notes des concurrents dans cette zone seraient donc les suivantes : pure player : 3 points ; GSS en coeur de zone : 3 points ; GSA de plus de 10 000 m² en coeur de zone : 2 points ; indépendant à 15 minutes : 0,2 points ; multispécialiste à 15 minutes : 0,4 points ; indépendant à 30 minutes : 0,15 points et GSA comprise entre 6 000 et 10 000 m² située à 30 minutes : 0,9 points.

133 Les notes des concurrents dans cette zone seraient les suivantes : pure players : 3 points ; GSS en coeur de zone : 3 points ; GSA de 2 500 m² : 0,8 ; multi-spécialiste : 0,4 ; les deux indépendants en bordure de zone : 0,3.

134 Voir la décision n° 11-DCC-87, HTM/Saturn, §41.

135 L'Autorité s'est inspirée d'une méthode similaire utilisée par l'autorité britannique de concurrence, la CMA dans le cadre de son examen de l'opération de concentration Poundland / 99p (rapport final en date du 18 septembre 2015).

136 La Fnac vend également des CD audio et DVD vierges ou préenregistrés, sur lesquels l'opération ne crée pas de chevauchements d'activité.

137 Voir la décision n° 13-DCC-49 du 22 avril 2013 relative à la prise de contrôle exclusif d'actifs de la société Game France par la société Micromania Group SAS.

138 Lignes directrices de l'Autorité de la concurrence relatives au contrôle des concentrations, § 476.

139 Le résumé public de attestation, disponible à cette adresse http://www.groupe-fnac.com/en/assets/18052016-Offer_Document.pdf dispose à cet égard : " We do not express any opinion as to the achievability of the cost savings identified by the Directors ".

140 Lignes directrices de l'Autorité de la concurrence relatives au contrôle des concentrations précitées, §552.

141 Lignes directrices de l'Autorité de la concurrence relatives au contrôle des concentrations, §573.

142 Lignes directrices de l'Autorité de la concurrence relatives au contrôle des concentrations, §576.

143 Lignes directrices de l'Autorité relatives au contrôle des concentrations §584.

144 Communication de la commission concernant les mesures correctives recevables conformément au règlement (CE) n° 139/2004 du Conseil et au règlement (CE) n° 802/2004 de la Commission

145 En ce sens, voir la décision du Conseil d'Etat du 15 avril 2016, Primagaz et Vitogaz, n° 390457.