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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 5, 26 janvier 2017, n° 15-11447

PARIS

Arrêt

Infirmation partielle

PARTIES

Demandeur :

Waterlook Limited (Sté)

Défendeur :

Volatys (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Dabosville

Conseillers :

Mmes Schaller, du Besset

Avocats :

Mes Regnier, Guillerminet, Henry, Morlet-Schumacher

T. com. Rennes, du 14 avr. 2015

14 avril 2015

Faits et procédure

La société Waterlook Limited, société de droit anglais a pour objet principal une activité d'intermédiaire de commerce et de négoce de tous produits alimentaires.

La société Volatys, société française, a pour principale activité de commercialiser, notamment auprès de groupes agroalimentaires tant en France qu'à l'étranger, une gamme importante de produits volaillers.

Dans le cadre de cette activité, la société Volatys a fait appel pendant 8 ans, depuis 2006, et sans interruption à la société Waterlook Limited afin de faire confectionner les produits demandés par ses clients, notamment dans deux usines italiennes.

La société Volatys a passé en 2013 des commandes de mini-rôtis pour la campagne de fin d'année.

Arguant de ce que, au mois de septembre 2013, des clients avaient fait part de leur mécontentement et de ce qu'il s'était aperçu que les commandes n'étaient pas conformes au cahier des charges, qu'il avait ainsi payé pour 185 428 euros de mini-rôtis non conformes, Monsieur François Rémy, Président de la SAS Volatys, a bloqué tout paiement à Waterlook.

Le 16 juin 2014 la société Waterlook a assigné la société Volatys devant le Tribunal de commerce de Rennes.

Le 14 avril 2015 le Tribunal de commerce de Rennes a rendu un jugement par lequel il a :

- Constaté que la société Waterlook Limited a violé ses obligations contractuelles et a commis une faute au sens de l'article 1382 du Code civil ;

- Constaté qu'il n'y a pas eu rupture brutale des relations commerciales établies au sens de l'article L. 442-6-5° du Code de commerce ;

- Débouté la société Volatys en sa demande d'expertise ;

- Condamné la société Waterlook Limited à payer à la société Volatys la somme de 387 365, 51 euros au titre de la réparation de son préjudice, et débouté cette dernière du surplus de sa demande ;

- Débouté la société Volatys en sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive ;

- Décerné acte à la société Volatys de ce que la marchandise non conforme est tenue à la disposition de Waterlook Limited dans ses entrepôts ;

- Débouté la société Waterlook Limited de l'ensemble de ses demandes ;

- Condamné la société Waterlook Limited à payer à la société Volatys la somme de 10 000 euros par opposition des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;

- Dit qu'il n'y a pas lieu d'ordonner l'exécution provisoire ;

- Condamné la société Waterlook Limited aux seuls entiers dépens de l'instance ;

- Débouté la société Volatys du surplus de ses demandes plus amples ou contraires ;

- Liquidé les frais de greffe à la somme de 8112 euros tels que prévu aux articles 695 et 701 du Code de Procédure Civile.

Vu l'appel interjeté le 7 mai 2015 par la société Waterlook Limited contre le jugement rendu le 14 avril 2015 par le Tribunal de commerce de Rennes.

Vu les dernières conclusions signifiées le 26 janvier 2016 par la société Waterlook Limited, par lesquelles il est demandé à la Cour de :

- Prendre acte de ce que la société Volatys ayant dûment validé des commandes auprès de Waterlook Limited, lesdites commandes ont été honorées par Waterlook Limited ;

- Prendre acte de ce que la société Waterlook Limited est bien fondée à solliciter le paiement de ses factures demeurées totalement impayées à ce jour ci-après, savoir :

116194, 08 euros TTC correspondant au montant global de ses factures impayées susvisées :

- facture n° 199 du 24/10/2013 pour 16 610 euros

- facture n° 205 du 28/10/2013 pour 25 304,58 euros

- facture n° 209 du 30/10/2013 pour 15 817,25 euros

- facture n° 223 du 14/11/2013 pour 7 550 euros

- facture n° 227 du 20/11/2013 pour 18 560,50 euros

- facture n° 235 du 26/11/2013 pour 18 761,75 euros

- facture n° 243 du 3/12/2013 pour 13 590 euros

En conséquence,

- Réformant le jugement entrepris en son intégralité ;

- Condamner la société Volatys à payer à la société Waterlook Limited la somme de 116 194,08 euros TTC correspondant aux factures visées ci-dessus, outre intérêts au taux légal à compter du 3 Février 2014, date de la première mise en demeure ;

- Prendre acte de ce que, en sus, la société Volatys a injustement notifié une brusque rupture de ses historiques relations commerciales avec Volatys ;

- Condamner la société Volatys à régler à la société Waterlook Limited la somme de 200 000 euros à titre de dommages et intérêts au titre de la brusque rupture des relations contractuelles notifiée par Volatys à Waterlook Limited alors que Volatys a tenté " concomitamment " de reprendre une relation commerciale en direct avec les fabricants italiens ;

- Ordonner à la société Volatys d'émettre un avoir au profit de Waterlook Limited au titre de sa facture n° 2014/01/242 du 21 janvier 2014 ;

- Prendre acte du caractère dilatoire de la démarche de la société Volatys qui ne saurait valablement opposer à la société Waterlook Limited l'application de l'article 378 du Code de procédure civile pour solliciter un sursis à statuer totalement dénué de sens au cas d'espèce ;

- Déclarer la société Volatys mal fondée en son appel incident et irrecevable en sa demande nouvelle

- Débouter la société Volatys de sa demande en paiement de dommages et intérêts à l'encontre de la société Waterlook Limited ainsi que de toutes ses demandes, fins et prétentions ;

- Condamner la société Volatys au paiement de la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure Civile, ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance ainsi qu'aux dépens de première instance et d'appel.

Vu les dernières conclusions signifiées le 19 octobre 2016 par la société Volatys, intimée, par lesquelles il est demandé à la cour de :

- Confirmer le jugement en ce qu'il a débouté la société Waterlook de toutes ses demandes ;

- Dire et juger que la société Waterlook a :

* Manqué à son obligation de délivrance de mini-rôtis de chapon conformes,

* Engagé sa responsabilité à l'égard de la société Volatys,

En réparation,

- Condamner la société Waterlook à payer à la société Volatys :

- Pénalités : 105 619,78 euros

- Retours transporteurs : 587,67 euros

- Entreposage frigorifique : 40 268,80 euros

(Au 30 septembre 2016 )

A parfaire, 52 euros HT / jour

Jusqu'à reprise ou destruction des mini-rôtis

- Achat en urgence de produits de couverture pour refabrication : 14 237,50 euros

- Perte de marge : 85 212,10 euros

- Remboursement mini-rôtis non conformes payés : 185 428 euros

- Préjudice moral, perte d'image et de confiance : 50 000 euros

- Condamner Waterlook à verser à Volatys 15 000 euros de dommages-intérêts ;

- Accueillir la demande de la société Volatys comme recevable et,

- Ordonner à la société Waterlook de reprendre possession des 37,93 tonnes de mini-rôtis de chapon non conformes stockés <adresse> dans le mois de la signification de la décision à intervenir

- Dire et juger que faute pour Waterlook de s'être exécutée dans ce délai, la société Volatys pourra faire mettre le stock à la destruction

- Condamner Waterlook à verser à Volatys 16 000 euros, qui comprendront le coût du constat de la SCP Thoumazeau Migne Guillon Leroux des 10 et 13 décembre 2013

- Condamner la même aux entiers dépens.

La société Waterlook souligne que si le tribunal de commerce a jugé " qu'aucun contrat écrit entre les sociétés Waterlook Limited et Volatys n'est versé aux débats " il existe une incompréhension du tribunal sur cette question, le juge ayant rejeté la qualification d'intermédiaire pour retenir celle de fournisseur, terme sur lequel l'ensemble des parties est formellement en phase mais dont la portée doit être rectifiée en cause d'appel en ce que, juridiquement, le fournisseur n'est pas assimilable à un producteur ; que, de fait, elle n'acquérait elle-même les produits retenus par Volatys qu'une fois qu'ils avaient été validés par les services de cette dernière ; qu'ainsi en l'espèce, eu égard à l'ensemble des commandes signées et validées par la société Volatys, elle a dûment passé commande des produits (mini rôtis de chapons) conçus sur mesure par les usines italiennes Colle Verde et Campagnolo ; que la société Volatys a elle-même choisi le produit dont elle souhaitait passer commande, ledit produit ayant été confectionné à façon pour elle, et ce en 2013 et non par reprise d'un produit de 2012 ; que la même société Volatys en a validé la teneur via son service qualité et dans le cadre d'un déplacement sur place, en Italie ; qu'il lui avait été expliqué par l'ensemble des parties (Waterlook et les " fournisseurs ") que la confection par elle imaginée serait vraisemblablement " dure " car sa volonté d'ôter toute graisse de la viande entraînerait nécessairement un produit moins tendre que dans le cas contraire (le chapon étant une viande " grasse ") ; que dans ces conditions, la société Volatys ne peut a posteriori " et parce qu'elle regrette de ne pas avoir suffisamment étudié la question en amont " valablement se retourner contre sa partenaire qui, de son côté a totalement réglé le coût de l'intégralité des commandes qu'elle a passées au nom et pour le compte de Volatys auprès des usines italiennes ; que c'est elle seule qui est victime d'un important préjudice puisque il y a à présent plus d'un an qu'elle a avancé des fonds sans jamais être payée de ses prestations.

S'agissant des motifs retenus par le premier juge, elle estime que le tribunal a fait une inexacte analyse des faits de l'espèce, et notamment, de l'ensemble des échanges de mails entre les parties, entrainant des conséquences juridiquement totalement erronées et désastreuses pour elle; qu'ainsi le courriel du 27 septembre 2013 sur lequel s'est appuyé le tribunal démontrait en réalité à lui seul la mauvaise foi de la société Volatys en ce que le dirigeant de cette société savait parfaitement la composition de la denrée alimentaire utilisée dans le cadre de la confection de sa production et que ce mail est accablant pour la société Volatys et non pour la société Waterlook ; qu'en effet si le jugement relève " qu'un courriel du 27/09/2013 coté sous le numéro 48 dans les pièces versées aux débats par la société Volatys d'un responsable de l'usine italienne fabriquant les mini-rôtis de chapon au Directeur Général de Volatys et en réponse à une demande de sa part précise : " Nous travail est le Scovracoscia (Haut de Cuisse) et le pilon de chapon. Cette information m'a été donnée de Monsieur Periti Massimo et même pendant vos visites, nous avons fait dans la même manière ", le tribunal omet de reprendre et analyser la réponse audit mail de M. Philippe Nicolas, dirigeant de Volatys: " Bonjour, C'est super gentil de ta part et je te remercie de ton explication Slts ". Bien que cette réponse démontre également, à elle seule, la mauvaise foi de la société Volatys qui tente de manipuler la réalité des faits dans sa présentation aux tribunaux en ne s'expliquant pas sur le fait qu'elle aurait continué à acheter et se faire livrer des produits en quantité aussi importante par les usines italiennes si elle en critiquait soi-disant la teneur, et que, passé le 20 septembre 2013 les commandes Volatys ont continué jusqu'au 28 novembre 2013, la réalité étant que cette dernière, qui connaissait parfaitement la composition des produits qu'elle commandait parce qu'elle avait elle-même validé cette composition a imaginé, par la suite, et pour les seuls besoins de la cause une " stratégie " consistant à faire croire que le pilon serait plus dur que la cuisse ce qui est totalement faux et " inepte " au demeurant ; qu'est en outre produit, de part et d'autre un ensemble d'échange de mails intervenus entre les parties lors des phases de production et de confection, qui démontrent que le cahier des charges initial a évolué entre elles au cours du temps, ces échangent valant avenant audit contrat initial lequel n'est, en toute hypothèse pas opposable à Waterlook; que le constat d'huissier produit aux débats par l'intimée "non contradictoire" porte sur la production du 11 juillet 2013, c'est-à-dire celle qui a fait l'objet du contrôle sur place par la Direction de Volatys ; qu'il est étonnant que, pour ce prétendu problème de qualité de la viande, Volatys omette de mettre en cause les principaux fournisseurs et façonniers de la viande en question.

S'agissant du préjudice de la société Volatys la société Waterlook estime que celle-ci ne peut se prévaloir, d'un côté, d'avoir prétendument perdu des clients et, d'un autre côté, de les avoir livrés via " une solution de repli "; qu'en outre elle ne justifie nullement d'une prétendue perte de marge car ses clients ont dûment été livrés et elle n'en a perdu aucun.

Sur la question de la brusque rupture, la société Waterlook avance que c'est à tort que le tribunal de commerce a retenu qu'il n'y a pas eu de rupture de la relation commerciale lors qu'elle a subi une telle décision notifiée sans aucune justification, dont le préjudice est évalué à présent à la somme de 200 000 euros selon l'attestation de l'Expert-Comptable de la société qui explicite le quantum de la perte de marge généré par la brusque rupture en question.

La société Volatys oppose que Waterlook était son fournisseur, qui lui livrait les produits après travail par ses façonneurs, et les lui facturait ; que Waterlook prétendait en première instance être un " intermédiaire de commerce " mais que le tribunal a adopté la qualification défendue par Volatys au vu des pièces du dossier ; que vainement Waterlook fait appel à l'article 1386 du Code civil (" La responsabilité du producteur visé par cet article ne peut pas lui être appliquée " ; " Le fournisseur n'est pas responsable de la production qu'il ne maîtrise pas " ; " Seul le producteur peut être jugé responsable de ses produits ") la référence à cet article étant hors sujet.

Volatys soutient ensuite que Waterlook la présente comme une très importante société implantée en France depuis longtemps, spécialisée dans le domaine volailler avec un service qualité hautement performant ; qu'en réalité, ce qui ressort des pièces versées aux débats est qu'elle a été créée le 1er décembre 2003, avec deux associés et qu'elle emploie 9 salariés ;

Sur le fond du litige elle précise que les fiches techniques validées par les usines italiennes pour le produit " mini-rôti "en 2013 n'étaient qu'une reprise d'un nouveau produit développé en 2012, le mini-rôti de chapon, qui nécessitait un travail autre que de simple découpe; que des fiches techniques ont été établies, valant cahier des charges, décrivant la viande à utiliser et le travail à réaliser, mentionné dans la rubrique " composition " : haut de cuisse de chapon sans os sans peau (88 % mini), peau de poulet (12 %) ;

Process : découpe/désossage " viande de haut de cuisse enroulée peau " congélation/conditionnement.

Que la campagne de Noël Nouvel An 2012 ayant parfaitement fonctionné avec le nouveau produit, des fiches techniques avaient de nouveau été remises aux deux usines italiennes et validées par elles en 2013 ; qu'il s'agissait de nouveau d'enfermer de la viande de haut de cuisse de chapon dans de la peau, la " technicité " ne jouant qu'au niveau de l'enveloppement du produit; que les fiches techniques rappelaient de nouveau : " Haut de cuisse de chapon sans os sans peau (88 % mini), peau de poulet (12 % ) "; que ces fiches sont opposables à Waterlook en ce qu'elles constituent le cahier des charges ; que la composition donnée, contrairement à ce qui est allégué, n'a jamais été modifiée ; que les échantillons expédiés étaient conformes, ce qui l'amènera à commander de septembre à novembre 101 palettes, contenant 37,93 tonnes de marchandise ; que suite à des critiques de clients, elle a testé un arrivage et interrogé Colle Verde le 25 septembre : " Quel type de viande de chapon tu travailles viande de haut de cuisse ou de pilon " que la réponse sera : " Le haut de cuisse et le pilon de chapon ", " Cette information m'a été donnée de Periti Massimo ", " Et même pendant vos visites nous avons fait de la même manière ". Qu'il découle clairement de ces mails que Waterlook a donné instruction à ses façonneurs d'introduire du pilon dans le produit, et que, sciemment, il a été ordonné à un sous-traitant de modifier un cahier des charges contractuel, ce qui ressort du mail du 27 septembre 2013 et d'un procès-verbal de constat d'huissier ; qu'elle a reçu en retour de ses clients 37,93 tonnes de marchandise non conforme et que les clients lui ont aussitôt appliqué des pénalités ; que le tribunal lui ayant alloué 387 767,51 euros sur les 395 067,70 euros réclamés, elle reformule son préjudice en cause d'appel et l'établit ; que des frais d'entreposage doivent être comptés à Waterlook à partir du mois de mars 2014; que la marchandise est restée stockée à Parthenay (79) et qu'à ce jour, elle continue de lui coûter des frais d'entreposage ; qu'il y aura lieu en conséquence d'ordonner à Waterlook de reprendre possession du stock dans le mois suivant la signification de la décision à intervenir et de dire qu'à défaut de s'exécuter dans ce délai la marchandise pourra être mise à la destruction par Volatys ;

Qu'il existe en outre une perte d'image de marque et de confiance que le tribunal n'a pas à tort indemnisée au motif que Volatys a conservé son plus gros client (Pomona - Passion Froid).

Cela étant exposé, LA COUR,

Considérant en premier lieu que la société Waterlook est, au terme de ses explications, en peine d'établir et justifier de son rôle qui se situerait à mi-chemin entre une position d'intermédiaire et une fonction de fournisseur-non producteur ; que le premier juge a, par des motifs pertinents que la cour adopte, fait une juste appréciation du droit et des moyens des parties en retenant la qualité de fournisseur, s'entendant manifestement comme producteur des biens commercialisés par la société Waterlook ;

Considérant que le représentant de la société Waterlook, Massimo Periti - présent du reste à l'audience - est la personne qui, sur le lieu de production, répondait fréquemment de celle-ci dans ses échanges avec la société Volatys ; que Massimo Periti se plaignait directement le 13 décembre 2013 auprès de cette dernière de ce que celle-ci avait " bloqué les paiements ", qui devaient être assurés par la société Waterlook auprès de ses producteurs ;

Considérant en outre que, dans la logique de son raisonnement, la société Waterlook devrait conclure à sa mise hors cause, ce qu'elle ne fait pas ;

Considérant de seconde part que la rupture brutale des relations commerciales entre les deux entreprises repose sur l'allégation d'une fraude ayant consisté pour Waterlook à modifier au sein de l'usine italienne sous-traitante la composition d'une recette précédente de chapon en ajoutant du pilon, tout en assurant à la société Volatys que le produit ne contenait que du haut de cuisse ;

Considérant qu'il doit être relevé que la société Volatys n'apporte aux débats aucune pièce attestant de l'antériorité du produit et de sa commercialisation en 2012 ; qu'au contraire, la visite en Italie le 11 juillet 2013 des responsables qualité et commerciaux de l'entreprise, outre la délivrance de fiches techniques nouvelles, attestent de la nouveauté du produit, de même que les échanges de courriels qui ne font nullement référence à une fabrication antérieure ;

Considérant que le tribunal a rejeté l'affirmation, que n'appuie aucune pièce, de la société Waterlook que le produit avait été à cette occasion validé définitivement par la société Volatys ; que cette dernière reconnaît néanmoins qu'elle a, ensuite de cette visite, reçu à la mi-août les échantillons des mini rôtis qu'elle a validés, lui permettant de commander près de 38 tonnes de marchandise entre les mois de septembre et novembre suivants ;

Considérant que la question posée par ce litige est celle de l'existence d'une modification qu'aurait apportée frauduleusement la société Watelook, par l'intermédiaire de Monsieur Periti, dans la composition du produit, lequel devait être fabriqué avec du haut de cuisse de chapon sans os et sans peau, et ce après qu'il ait été accepté par la société Volatys ;

Considérant que les courriels des 25 et 27 septembre 2013 constituent la base des accusations de cette dernière et que le premier juge a reconnu leur caractère " accablant " dès lors que leur teneur, rappelée plus haut, attesterait de la parfaite reconnaissance par Massimo Periti de la présence de pilon dans le produit alors qu'il avait " assuré à Volatys que le produit ne contenait que du haut de cuisse " et l'avait en conséquence trompée ;

Considérant qu'il importe de distinguer clairement les courriels en cause ;

Que ceux des 25 et 27 septembre 2013 (" Quel type de viande de chapon tu travailles viande de haut de cuisse ou de pilon " réponse : " Le haut de cuisse et le pilon de chapon ", " Cette information m'a été donnée de Periti Massimo ", " Et même pendant vos visites nous avons fait de la même manière ") émanaient du directeur de Colle Verde, Paolo Sabba, et qu'ils ne se limitaient pas à ces seules réponses, qui procédaient elles-mêmes d'une vérification très précise du process de la part de la société Volatys ;

Ainsi la question : " Quel type de viande de chapon tu travailles viande de haut de cuisse ou de pilon " émanait de Philippe Nicolas Directeur Général de la société Volatys qui précisait : " nous avons fait des tests de cuisson et nous avons trouvé le mini roti un peu dur ! La viande est sèche et dure. As-tu une explication " que Paolo Sabba expliquait : " je pense que la viande est dure dans les rotis ou il y a le pilon également le chapon all'ouverte est plus tost et savoureux pour l'italienne. En Italie avant le chapon est cuit puis mangé si elle est bouillie est un peu dure, le vrai chapon " ; (sic)

Que Philippe Nicolas répondait " c'est super gentil de ta part et je te remercie de ton explication " ;

Considérant qu'il résulte clairement de ces échanges que fin septembre 2013 la société Volatys savait que la réponse à la question essentielle du caractère " dur " du produit lui était donnée sans le moindre détour par le fabricant qui non seulement n'excluait pas l'existence de la viande de pilon dans les rôtis mais en faisait une des composantes, ce qui était manifestement en contradiction avec les fiches techniques ;

Considérant que la portée réelle de ces courriels est que, pour autant, la société Volatys n'en a tenu aucun compte et a, non seulement implicitement validé la production déjà faite, mais a continué ses commandes alors même que sa démarche auprès de Paolo Sabba procédait des premières critiques de ses clients ;

Considérant que cette attitude incompréhensible est à l'origine des déboires de la société Volatys et des retours du produits émanant de clients insatisfaits de cette viande dure dès lors, en effet, que l'intéressée était en mesure fin septembre d'exiger que la production des mini rôtis soit rendue conforme au cahier des charges ;

Considérant ensuite que les courriels avec Massimo Periti ont débuté le 19 novembre 2013, date à laquelle Philippe Nicolas s'est plaint de nouveau de la présence de viande de pilon (" dure, très rouge, plus nerveuse et incompatible à la fabrication de mini-rôtis ") dans certains échantillons de rôtis, en précisant : " merci de bien vouloir t'assurer que les usines concernées respectent le cahier des charges " ;

Considérant que le cour relève que dès le 16 octobre précédent Karine de Grimaudet, " Responsable Qualité " a réclamé à plusieurs reprises pour des clients une attestation de Massimo Periti garantissant l'utilisation uniquement de viande de haut de chapon pour la fabrication de mini-rôtis ;

Considérant que le 19 novembre Massimo Periti a répondu à Philippe Nicolas " je te confirme que (sic) on utilise de la viande de haute de cuisse de chapon pour faire les mini rôtis de chapon " ;

Considérant que, au rebours des mails de septembre 2013 émanant de son sous-traitant, Paolo Sabba, cette affirmation de Massimo Periti, contredite par les faits, dénote soudainement une volonté évidente de la société Waterlook de tromper son partenaire et de le maintenir dans la croyance erronée que les mentions des fiches techniques étaient respectées ; que Massimo Periti a du reste persisté dans cette attitude dénuée de bonne foi en affirmant le 13 décembre que les produits avaient été validés et qu'il avait " fait la production exactement comme les échantillons " ;

Considérant que ce courriel a entrainé le 16 décembre une réponse très précise de Philippe Nicolas " pourquoi avoir mis du pilon dans le produit avoir modifié une recette qui a toujours bien fonctionné " ;

Considérant que si la réclamation est, hormis pour la seconde partie de la phrase, objectivement justifiée, elle se heurte de nouveau, dans ses conséquences, au fait que Philippe Nicolas connaissait dès le 27 septembre 2013 la composition du produit, son absence de réaction constituant, de la part du donneur d'ordre, l'élément déterminant ayant confirmé en septembre, et relancé une production erronée ; que, à nouveau, et alors qu'elle était saisie en octobre de réclamations de ses clients, la direction de Volatys ne s'est pas interrogée sur la réponse donnée le 19 novembre et a attendu le 28 novembre suivant pour arrêter ses commandes, puis le 16 décembre pour protester, avant que de faire établir un constat d'huissier, lui-même superfétatoire au vu des informations qu'elle possédait dès septembre ;

Considérant qu'il découle de ces éléments que la société Volatys conservera à sa charge les frais qu'elle cite, liés, d'une part, à la validation du produit pour la première période de commandes antérieure à septembre 2013 et d'autre part, à la poursuite ultérieure de commandes non conformes au produit promis à ses clients, soit les frais de constat, de retour, pénalités, stockages et autres préjudices, y compris le préjudice d'image, conséquences de sa propre carence ;

Considérant en revanche que, dans les relations de Volatys avec Waterlook, cette dernière, qui réclame paiement de ses factures, doit répondre de ses propres fautes et de la mauvaise foi manifestée par Massimo Periti : qu'ainsi, dès lors qu'elle était clairement, le 16 octobre, interpellée sur la composition du produit, elle se devait de vérifier cette question dans les plus brefs délais ; que la réponse tardive de Massimo Periti a ensuite ajouté à ce qui n'était auparavant qu'une erreur de bonne foi, validée par le client, une volonté de tromperie commerciale ;

Considérant en conséquence que Waterlook n'est pas fondée à se prévaloir de sa propre turpitude et conservera à sa charge ces factures qui concernent la période du 24 octobre au 3 décembre 2013 ;

Considérant enfin que cette attitude de Waterlook, non seulement fautive mais déloyale, est constitutive d'une faute grave, justifiant de la rupture immédiate des relations commerciales prononcée par la société Volatys le 5 février 2014 ;

Considérant que ni les circonstances du litige, ni les éléments de la procédure ne permettent de caractériser à l'encontre de la société Waterlook une faute de nature à faire dégénérer en abus le droit de se défendre en justice ; qu'il n'est pas fait droit à la demande de dommages intérêts formée à ce titre ;

Considérant qu'aucune considération tirée de l'équité ne conduit à faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile tant en première instance qu'en cause d'appel.

Par ces motifs, Confirme le jugement en ce qu'il a dit qu'il n'y a pas eu rupture brutale des relations commerciales établies au sens de l'article L. 442-6-5° du Code de commerce, débouté la société Volatys de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive et débouté la société Waterlook Limited de l'ensemble de ses demandes. L'infirme pour le surplus. Statuant à nouveau, Déboute la société Volatys de l'ensemble de ses demandes. Rejette toutes autres demandes. Fait masse des dépens de première instance et d'appel qui seront partagés par moitié entre les parties.