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Décisions

Cass. 1re civ., 25 janvier 2017, n° 15-28.064

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

PARTIES

Demandeur :

Leblay (ès qual.), CP création (Sté)

Défendeur :

Pascual (ès qual.) , Solab Notre-Dame-de-Bondeville (Sté) , Solab conquérant (Sté) , Solab investissement (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Batut

Rapporteur :

Mme Ladant

Avocats :

SCP Delaporte, Briard, SCP Delvolvé, Trichet

Rouen, ch. civ. et com., du 17 sept. 201…

17 septembre 2015

LA COUR : - Attendu, selon l'arrêt attaqué (Rouen, 17 septembre 2015), que, le 15 décembre 2011, la société CP création (le franchiseur) a conclu respectivement avec les sociétés Solab Notre-Dame-de-Bondeville (la société Solab NDB) et Solab conquérant (les franchisées) constituées par M. et Mme Barrois, un contrat de franchise pour une durée de sept ans ayant pour objet l'exploitation de deux boutiques à l'enseigne " Bon Cuisinier traiteur ", le concept commercial " Bon Cuisinier traiteur " ayant été créé, courant 2011, par MM. Bonnaire et Hautot qui ont constitué les sociétés CP création et Rouen créagro développement ; que, le 3 janvier 2013, un différend s'étant élevé entre le franchiseur et les franchisées, les parties ont conclu " un protocole d'accord transactionnel " rédigé dans les mêmes termes pour la société Solab NDB et la société Solab conquérant ; que, les 8 janvier et 5 février 2013, les sociétés CP création, Rouen créagro développement, Solab NDB, Solab conquérant, ainsi qu'une troisième société créée par M. et Mme Barrois, la société Solab investissement, détentrice des titres des sociétés Solab NDB et Solab conquérant, ont été mises en liquidation judiciaire, M. Leblay étant désigné en qualité de mandataire liquidateur des sociétés CP création et Rouen créagro développement, et Mme Pascual en qualité de mandataire liquidateur des sociétés Solab NDB, Solab conquérant, et Solab investissement ; que, le 31 mars 2014, Mme Pascual, ès qualités, a assigné M. Leblay, ès qualités, en nullité des contrats de franchise, restitution de diverses sommes et paiement de dommages-intérêts ; que celui-ci s'est prévalu de la transaction conclue entre les parties ;

Sur le premier moyen : - Attendu que M. Leblay, ès qualités, fait grief à l'arrêt de dire que les actes transactionnels signés par les parties sont inopposables à Mme Pascual, ès qualités, et de juger en conséquence recevables les demandes formulées par celle-ci, alors, selon le moyen : 1°) que les concessions réciproques dont l'existence conditionne la validité d'une transaction n'ont pas à être équivalentes ; que constituent des concessions réciproques la renonciation d'une partie à des créances non contestées ainsi que l'abandon de toute action relative à la résiliation du contrat qui la liait à l'autre partie, en contrepartie de la renonciation de cette dernière à toute action relative à la formation, l'exécution et la résiliation de ce même contrat ; que, dès lors, en jugeant que la renonciation du franchiseur au bénéfice de créances non contestées contre les sociétés franchisées, pour un montant respectif de 15 493,94 euros et 6 312,05 euros, étaient dérisoires au regard de la renonciation de ces dernières à leurs actions relatives à la conclusion, l'exécution ou la résiliation de leur contrat de franchise, la cour d'appel a violé l'article 2044 du Code civil ; 2°) que constituent des concessions réciproques la renonciation d'une partie à des créances non contestées ainsi que l'abandon de toute action relative à la résiliation du contrat qui la liait à l'autre partie, en contrepartie de la renonciation de cette dernière à toute action relative à la formation, l'exécution et la résiliation de ce même contrat ; que, dès lors, en jugeant que la renonciation du franchiseur au bénéfice de créances non contestées contre les sociétés franchisées, pour un montant respectif de 15 493,94 euros et 6 312,05 euros, étaient dérisoires au regard de la renonciation de ces dernières à leurs actions relatives à la conclusion, l'exécution ou la résiliation de leur contrat de franchise, sans rechercher, comme elle y était invitée, si la renonciation complémentaire et corrélative du franchiseur aux actions en résiliation et en indemnisation qu'il détenait contre les sociétés franchisées sur le fondement de ces mêmes contrats ne caractérisait pas l'existence d'une concession réciproque, la cour d'appel a violé l'article 2044 du Code civil ; 3°) que les concessions réciproques dont l'existence conditionne la validité d'une transaction s'apprécient à la date de la signature de l'accord transactionnel en fonction des prétentions des parties au moment de la signature de l'acte ; que, dès lors, en déduisant le caractère dérisoire des concessions consenties par le franchiseur des procédures collectives ouvertes postérieurement contre les société franchisées et du passif établi à l'issue de la procédure de déclaration et de vérification des créances, la cour d'appel, qui s'est fondée sur des éléments postérieurs à la signature de l'accord transactionnel sans tenir compte des prétentions formulées par les parties le jour de la signature de l'acte, a violé l'article 2044 du Code civil ;

Mais attendu qu'ayant constaté qu'au moment de la signature de l'acte transactionnel, les franchisés se prévalaient de l'absence de transmission d'un savoir-faire spécifique ainsi que du caractère insuffisamment abouti du concept " Bon Cuisinier traiteur " qui avait été un véritable échec commercial, tandis que le franchiseur se bornait à faire état, à l'encontre des franchisés, de deux factures impayées d'un montant de 15 493,94 euros et 6 312,05 euros, la cour d'appel a pu en déduire, sans encourir le grief énoncé à la première branche, et abstraction faite des motifs surabondants critiqués par la troisième branche, que les concessions faites par le franchiseur présentaient un caractère dérisoire, de sorte que celui-ci ne pouvait pas se prévaloir de cet acte pour s'opposer aux demandes formées par le représentant des franchisés ; que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le second moyen : - Attendu que M. Leblay, ès qualités, fait grief à l'arrêt de dire que le franchiseur n'a pas respecté son obligation de renseignement précontractuelle, qu'il a engagé, de ce chef, sa responsabilité et que la clause exonératoire de responsabilité stipulée au document précontractuel d'information est non écrite, et de fixer les créances des sociétés Solab NDB et Solab conquérant au passif de la société CP création à une certaine somme, alors, selon le moyen : 1°) que n'engage pas sa responsabilité le franchiseur qui transmet spontanément à son franchisé des estimations excédant ses obligations légales et assorties, compte tenu de la nouveauté et de l'absence d'exploitation préalable du concept, de réserves et de mises en garde expresses invitant le franchisé à réaliser ses propres estimations ; que le document précontractuel d'information remis à Mme Barrois, en sa qualité d'associé fondateur des sociétés franchisées en cours de formation, stipulait expressément que les études de marché et les informations comptables et financières qui y figuraient avaient un caractère strictement indicatif, étaient dépourvues de valeur contractuelle et reposaient sur l'aléa inhérent à toute activité de commerçant indépendant, le document invitant même expressément le candidat à faire réaliser lui-même une étude de marché et un prévisionnel d'activité afin d'apprécier la viabilité de son projet ; que, dès lors, en imputant à faute au franchiseur d'avoir transmis aux sociétés franchisées des pronostics excessivement favorables au regard du chiffre d'affaires et de la marge commerciale effectivement réalisés au cours de l'année suivante, quand les réserves et les mises en garde qui leur étaient associées excluaient toute croyance légitime des sociétés franchisées en la réalité des estimations avancées, la cour d'appel a violé l'article 1382 du Code civil ; 2°) que le juge est tenu de préciser le fondement juridique de sa décision ; qu'en jugeant que devait être réputée non écrite la clause stipulant l'exonération de responsabilité du franchiseur sans préciser le fondement juridique de cette décision, la cour d'appel, qui n'a pas mis la Cour de cassation en mesure d'exercer son contrôle, a violé l'article 12 du Code de procédure civile ; 3°) que la faute de la victime ayant contribué à son propre dommage exonère totalement ou partiellement celui dont la responsabilité est recherché ; qu'en sa qualité de commerçant indépendant et responsable, il appartient au franchisé, informé du défaut d'exploitation préalable du concept innovant apporté par le franchiseur ainsi que de la nécessité de faire réaliser sous sa propre responsabilité une étude de marché, d'apprécier lui-même la valeur économique de son projet ; que, dès lors, en ne recherchant pas, ainsi qu'elle y était invitée, si les sociétés franchisées, expressément alertées sur le défaut d'exploitation antérieure du concept et sur la nécessité de procéder personnellement à des prévisions d'activité, n'avaient pas commis une faute à l'origine de leur propre dommage, de nature à exonérer totalement ou partiellement le franchiseur de sa responsabilité, en ne réalisant aucune étude ni aucun prévisionnel d'activité qui leur auraient permis d'apprécier elles-mêmes la viabilité économique de leur projet, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du Code civil ;

Mais attendu qu'après avoir rappelé les dispositions d'ordre public de l'article L. 330-3 du Code de commerce qui mettent à la charge du franchiseur l'obligation de fournir au franchisé un document donnant des informations sincères de nature à lui permettre de s'engager en connaissance de cause, l'arrêt relève, d'une part, qu'aucun document d'information précontractuelle n'a été remis à la société Solab NDB, d'autre part, que celui qui a été remis à la société Solab conquérant fait état d'un chiffre d'affaires moyen de 500 000 euros hors taxe par an et d'une marge commerciale de 55 %, alors que le chiffre d'affaires hors taxe réalisé par la société Solab NDB entre décembre 2011 et janvier 2013 s'est élevé seulement à 109 250 euros et celui de la société Solab conquérant à 271 059 euros, et que la marge n'était que de 28 %, démontrant ainsi le caractère peu sérieux des pronostics avancés par le franchiseur ; qu'il constate, encore, que le rapport d'expertise de M. Hemer, désigné dans le cadre de la procédure de liquidation judiciaire des deux sociétés franchisées, souligne que, outre la surévaluation du double du taux de marge commerciale prévisionnel, les franchiseurs n'avaient pas prévu la rémunération des gérants dans le prévisionnel ni le point mort comptable permettant de déterminer le chiffre d'affaires minimum pour générer du bénéfice, alors que le franchiseur avait la maîtrise complète de la marge commerciale en fixant les prix de vente publics et les prix d'achat des produits à sa centrale d'achat ; que l'arrêt constate, enfin, que Mme Barrois avait une expérience en matière bancaire et non commerciale et M. Barrois en matière agricole ; qu'en l'état de ces constatations et appréciations souveraines, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de procéder à la recherche invoquée par la troisième branche, qui ne lui était pas demandée, a tranché le litige conformément aux règles de droit qui lui étaient applicables ; que le moyen n'est pas fondé ;

Par ces motifs : rejette le pourvoi.