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Décisions

Cass. com., 25 janvier 2017, n° 15-20.151

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

PARTIES

Demandeur :

Face Sud (EURL)

Défendeur :

Face Sud (SC), Face Sud Organisation (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Mouillard

Avocat général :

Mme Beaudonnet

Avocats :

SCP Hémery, Thomas-Raquin, SCP Sevaux, Mathonnet

CA Aix-en-Provence, du 2 avril 2015

2 avril 2015

LA COUR : - Attendu, selon l'arrêt attaqué, que l'EURL Face Sud (l'EURL), immatriculée le 28 février 2002, exerce l'activité de travaux acrobatiques et exploite un site internet accessible par le nom de domaine " facesud.fr " réservé le 6 avril 2000 ; qu'estimant que la dénomination sociale de la SCM Face Sud (la SCM), exerçant l'activité d'escalade, canyoning, via ferrata, stages sportifs, et celle de la SARL Face Sud organisation (la SARL), ayant pour activité notamment l'organisation de prestations sportives et de loisirs, immatriculées respectivement le 15 mai 2006 et le 30 septembre 2008, ainsi que le nom de domaine " face-sud.com ", créé le 7 avril 2006 pour accéder au site internet exploité par ces sociétés, et la marque semi-figurative en couleurs " Face Sud - escalade - canyoning - via ferrata " n° 3 508 735, déposée le 20 juin 2007 par la SCM pour désigner des produits en classe 25 et des services en classes 37, 39 et 41, constituaient des atteintes portées à ses droits d'auteur sur son logo, sa dénomination sociale et son nom de domaine, l'EURL a assigné ces deux sociétés en nullité de la marque et en concurrence déloyale et parasitisme ; qu'en cours de procédure, par déclaration faite à l'Institut national de la propriété industrielle le 12 avril 2011 sous le numéro 546 809, la SCM a renoncé aux services de la classe 37 ; Sur le premier moyen, pris en ses deuxième à septième branches :

Attendu que l'EURL fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande en nullité de la marque semi-figurative " Face Sud - escalade - canyoning - via ferrata " n° 3 508 735 alors, selon le moyen : 1°) que ne peut être adopté comme marque un signe portant atteinte à une dénomination sociale ou un nom de domaine antérieurs, s'il existe un risque de confusion dans l'esprit du public ; qu'en affirmant que l'EURL ne mentionnerait, dans ses dépliants publicitaires, que des travaux acrobatiques spéciaux, sans s'expliquer, comme elle y était invitée, sur le fait que, sur son site internet, cette société consacrait, dès 2003, une rubrique " loisirs " faisant état de " création de via ferrata ", " site d'escalade " et de "parcours d'aventure ", la cour d'appel a entaché sa décision d'une insuffisance de motivation, en violation de l'article 555 du Code de procédure civile ; 2°) qu'en affirmant, pour écarter tout risque de confusion entre la dénomination sociale " Face Sud " et la marque semi-figurative éponyme n° 3 508 735, que l'EURL avait une activité effective de travaux publics et de travaux acrobatiques, sans s'expliquer sur le fait, qu'elle a pourtant elle-même constaté, que cette société réalisait notamment des interventions pour des équipements de loisir, tels que des " parcs accrobranche" et des " murs d'escalade ", et sans rechercher s'il n'en résultait pas un risque de confusion dans l'esprit du public avec les services d'escalade et de loisirs désignés par la marque " Face Sud - escalade - canyoning - via ferrata " n° 3 508 735, la cour d'appel a entaché sa décision d'une insuffisance de motivation en violation de l'article 455 du Code de procédure civile ; 3°) que ne peut être adopté comme marque un signe portant atteinte à une dénomination sociale ou un nom de domaine antérieurs, s'il existe un risque de confusion dans l'esprit du public ; que la circonstance que le titulaire de la marque postérieure n'exerce ses activités que sur une partie limitée du territoire français est dépourvue de toute incidence sur l'appréciation de ce risque de confusion ; qu'en relevant que les activités de la SCM et de la SARL s'exercent en Ardèche et dans les Cévennes et que l'EURL travaille dans toute la France, la cour d'appel s'est déterminée par un motif inopérant, en violation de l'article L. 711-4 du Code de la propriété intellectuelle ; 4°) que le caractère original ou distinctif de la dénomination sociale antérieure n'est pas une condition du succès de l'action en nullité d'une marque postérieure, mais seulement un élément pouvant être pris en compte, parmi d'autres, pour l'appréciation du risque de confusion ; qu'en relevant que l'expression " face sud " serait descriptive, la cour d'appel s'est déterminée par un motif, à lui seul, impropre à écarter l'existence d'un risque de confusion entre la dénomination sociale de l'EURL et la marque semi-figurative " Face Sud - escalade - canyoning - via ferrata ", en violation des articles L. 711-4 et L. 714-3 du Code de la propriété intellectuelle ; 5°) que le caractère original ou distinctif du nom de domaine antérieur n'est pas une condition du succès de l'action en nullité d'une marque postérieure, mais seulement un élément pouvant être pris en compte, parmi d'autres, pour l'appréciation du risque de confusion ; qu'en relevant que l'expression " face Sud " serait descriptive, la cour d'appel s'est déterminée par un motif, à lui seul, impropre à écarter l'existence d'un risque de confusion entre le nom de domaine " www.facesud.fr " et la marque semi-figurative " Face Sud - escalade - canyoning - via ferrata ", en violation des articles L. 711-4 et L. 714-3 du Code de la propriété intellectuelle ; 6°) qu'un signe descriptif est un signe pouvant servir à désigner une caractéristique d'un produit ou d'un service ; qu'en relevant, pour retenir que l'expression " face Sud " serait descriptive, qu'elle correspondrait à "un élément graphique important en matière d'activités verticales faisant appel aux matériels et techniques de montagne ", sans caractériser en quoi cette expression pourrait servir à désigner une caractéristique des activités de l'EURL et serait ainsi dépourvue de caractère distinctif, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 711-4 du Code de la propriété intellectuelle ;

Mais attendu que l'arrêt relève que l'EURL ne mentionne dans ses dépliants publicitaires que des travaux acrobatiques spéciaux, lesquels sont repris dans tous ses devis et factures comme étant des interventions sur des installations en hauteur, tels que des câble, grillage, purge-confortement-équipement de falaise, parc accrobranche, structure artificielle et mur d'escalade, corniche et couverture de toiture ; qu'il retient, en outre, par motifs propres et adoptés, que l'activité de loisirs que cette société invoque ne peut être prise en considération, dans la mesure où la mention " Loisirs - Nouveauté " n'est apparue que récemment sur son site internet et où elle ne démontre pas avoir réalisé le projet de via ferrata dont elle fait état ; qu'il retient, enfin, que l'ajout des mots " escalade - canyoning - via ferrata " à l'expression " Face Sud " dans la marque litigieuse permet au consommateur, même d'attention moyenne, de distinguer les produits et services proposés sous cette marque de l'activité exercée par l'EURL ; que de ces constatations et appréciations, la cour d'appel, qui n'a pas omis de s'expliquer sur le contenu du site internet de l'EURL ni sur la nature précise des prestations offertes par celle-ci et qui n'a pas fait du défaut de distinctivité des dénomination sociale et nom de domaine opposés le seul critère d'appréciation du risque de confusion, abstraction faite des motifs erronés, mais surabondants, critiqués par les troisième et sixième branches, a exactement déduit que cette société avait une activité effective de travaux publics et de travaux acrobatiques, en sorte qu'il n'existait aucun risque de confusion dans l'esprit du consommateur d'attention moyenne entre, d'un côté, sa dénomination sociale et son nom de domaine et, de l'autre, la marque désignant à son enregistrement des produits et services en lien avec les activités de loisirs ; que le moyen n'est pas fondé ;

Et sur le second moyen, pris en ses sept premières branches et en sa neuvième branche :

Attendu que l'EURL fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes au titre de la concurrence déloyale et du parasitisme alors, selon le moyen : 1°) que l'existence d'une situation de concurrence directe et effective n'est pas une condition de l'action en concurrence déloyale ou pour parasitisme, qui exige seulement l'existence de faits fautifs générateurs d'un préjudice ; qu'en relevant, au contraire, que la condition première de l'action en concurrence déloyale ou pour parasitisme est que la SARL intervienne en concurrence de l'EURL, la cour d'appel a violé l'article 1382 du Code civil ; 2°) que l'existence d'une usurpation de dénomination sociale doit s'apprécier notamment au regard des activités énumérées dans l'objet social de la société défenderesse ; qu'en l'espèce, dans ses conclusions d'appel, l'EURL soulignait que la liste des activités déclarées par la SARL, dans ses statuts mis à jour le 31 mars 2009, était plus étendue que celle inscrite au RCS, et faisait notamment valoir qu'il existait un risque de confusion entre ses propres activités et les activités ainsi déclarées dans les statuts de la SARL; qu'en retenant qu'il importait peu, pour cette dernière société, que ses statuts mis à jour au 31 mars 2009 aient élargi son objet, et en refusant ainsi par principe de tenir compte de l'objet social de cette société pour apprécier l'existence d'un risque de confusion, la cour d'appel a violé l'article 1382 du Code civil ; 3°) qu'en affirmant que l'EURL ne mentionnerait, dans ses dépliants publicitaires, que des travaux acrobatiques spéciaux, sans s'expliquer, comme elle y était invitée, sur le fait que, sur son site internet, cette société consacrait, dès 2003, une rubrique " loisirs " mentionnant "création de via ferrata, site d'escalade et parcours d'aventure ", la cour d'appel a entaché sa décision d'une insuffisance de motivation, en violation de l'article 455 du Code de procédure civile ; 4°) qu'en affirmant, pour écarter le risque de confusion, que l'EURL avait une activité effective de travaux publics et de travaux acrobatiques, sans s'expliquer sur le fait, qu'elle a pourtant elle-même constaté, que cette société réalisait notamment des interventions pour des équipements de loisir, tels que des " parcs accrobranche " et des " murs d'escalade ", et sans rechercher s'il n'en résultait pas un risque de confusion dans l'esprit du public avec les services d'escalade et de loisirs exploités par la SCM et la SARL, la cour d'appel a entaché sa décision d'une insuffisance de motivation en violation de l'article 455 du Code de procédure civile ; 5°) qu'un risque de confusion peut exister entre une dénomination sociale utilisée sur l'ensemble du territoire français et un signe utilisé sur une partie limitée de ce territoire ; qu'en relevant que les activités de la SCM et de la SARL s'exercent en Ardèche et dans les Cévennes et que l'EURL travaille dans toute la France, la cour d'appel, qui s'est ainsi déterminée par un motif impropre à écarter un risque de confusion entre les entreprises concernées, a violé l'article 1382 du Code civil ; 6°) que le caractère original ou distinctif d'une dénomination sociale n'est pas une condition du succès de l'action en concurrence déloyale, mais seulement un élément pouvant être pris en compte, parmi d'autres, pour l'appréciation de la faute et du risque de confusion ; qu'en relevant que l'expression " Face Sud " serait descriptive, la cour d'appel s'est déterminée par un motif, à lui seul, impropre à écarter l'existence d'un risque de confusion, en violation de l'article 1382 du Code civil ; 7°) qu'un signe descriptif est un signe pouvant servir à désigner une caractéristique d'un produit ou d'un service ; qu'en relevant, pour retenir que l'expression " face Sud " serait descriptive, qu'elle correspondrait à "un élément graphique important en matière d'activités verticales faisant appel aux matériels et techniques de montagne ", sans caractériser en quoi cette expression pourrait servir à désigner une caractéristique des activités de l'EURL et serait ainsi dépourvue de caractère distinctif, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du Code civil ; 8°) que la cassation de l'arrêt sur le second moyen entraînera également la cassation, par voie de conséquence, de l'arrêt en ce qu'il a débouté l'EURL de ses demandes au titre du parasitisme, et ce par application de l'article 624 du Code de procédure civile ;

Mais attendu, en premier lieu, qu'après avoir relevé, au vu des dépliants publicitaires, devis et factures, que l'EURL n'effectuait que des travaux acrobatiques spéciaux correspondant à des interventions sur des installations en hauteur et retenu que, la mention " Loisirs - Nouveauté " n'étant apparue que récemment sur son site internet et le projet de via ferrata n'ayant pas été réalisé, l'activité de loisirs invoquée par cette société ne pouvait être prise en considération, l'arrêt retient que, peu important la mise à jour des statuts de la SARL ayant élargi son objet social, celle-ci et la SCM ne travaillent réellement que dans les activités de loisirs ; qu'il retient, en outre, que l'EURL ne démontre pas que ces sociétés soient intervenues dans son domaine d'activité ; que de ces constatations et appréciations, la cour d'appel, qui a, à bon droit, pris en considération l'activité effective des sociétés en présence et qui n'a pas omis de s'expliquer sur le contenu du site internet de l'EURL ni sur la nature précise des prestations offertes par celle-ci et n'a pas fait du défaut de distinctivité de la dénomination sociale opposée le seul critère d'appréciation du risque de confusion, abstraction faite des motifs erronés, mais surabondants, critiqués par les première, cinquième et septième branches, a exactement déduit qu'il n'existait pour les clientèles respectives aucun risque de confusion entre les dénominations sociales en présence et entre le nom de domaine litigieux et la dénomination sociale de l'EURL ;

Et attendu, en second lieu, que la cour d'appel ayant retenu que les activités et clientèles respectives de l'EURL et de la SCM étaient différentes, pour en déduire que la première ne démontrait pas que la seconde avait déposé une marque dans le but déloyal et parasitaire d'usurper et de s'approprier ses efforts, ce dont il résultait qu'elle ne se référait pas à l'appréciation portée sur les actes de concurrence déloyale dénoncés, le moyen, pris en sa dernière branche, est inopérant ; D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Mais sur le premier moyen, pris en sa première branche :

Vu l'article 455 du Code de procédure civile ;

Attendu que pour rejeter la demande en nullité de la marque semi-figurative " Face Sud - escalade - canyoning - via ferrata ", l'arrêt retient que cette dernière ne porte pas atteinte à la dénomination sociale et au nom de domaine antérieurs de l'EURL ;

Qu'en statuant ainsi, sans s'expliquer sur l'atteinte, dénoncée par l'EURL, à ses droits d'auteur sur un logo constitué de la combinaison de la dénomination " Face Sud " et d'une création graphique figurant deux monts, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé ; Et sur le second moyen, pris en sa huitième branche :

Vu l'article 455 du Code de procédure civile ;

Attendu que pour rejeter l'ensemble des demandes formées au titre de la concurrence déloyale, l'arrêt retient qu'en l'absence de risque de confusion, les atteintes à sa dénomination sociale, alléguées par l'EURL, ne sont pas caractérisées ;

Qu'en statuant ainsi, sans s'expliquer sur l'usurpation invoquée du nom de domaine " facesud.fr " de l'EURL par la réservation et l'exploitation du nom de domaine " face-sud.com ", la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé ;

Par ces motifs, Casse et annule, mais seulement en ce qu’il rejette la demande en nullité de la marque semi-figurative « Face Sud - escalade - canyoning - via ferrata » no 3 508 735 pour atteinte aux droits d’auteur et la demande en concurrence déloyale pour usurpation du nom de domaine "facesud.fr", et en ce qu’il statue sur les dépens et l’application de l’article 700 du code de procédure civile, l'arrêt rendu le 2 avril 2015, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant.