TUE, 3e ch. élargie, 1 février 2017, n° T-479/14
TRIBUNAL DE L'UNION EUROPĂENNE
ArrĂȘt
PARTIES
Demandeur :
Kendrion NV
Défendeur :
Union européenne, Commission européenne
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Papasavvas
Juges :
Mme Labucka, MM. Kreuschitz, Forrester, Bieliunas (rapporteur)
Avocats :
Mes Glazener, Ottervanger
LE TRIBUNAL (troisiÚme chambre élargie),
I. Antécédents du litige
1 Par requĂȘte dĂ©posĂ©e au greffe du Tribunal le 22 fĂ©vrier 2006, la requĂ©rante, Kendrion NV, a introduit un recours contre la dĂ©cision C(2005) 4634 de la Commission, du 30 novembre 2005, relative Ă une procĂ©dure d'application de l'article [101 TFUE] (affaire COMP/F/38.354 - Sacs industriels) (ci-aprĂšs la " dĂ©cision C(2005) 4634 "). Dans sa requĂȘte, elle concluait, en substance, Ă ce que le Tribunal, Ă titre principal, annulĂąt, en tout ou en partie, cette dĂ©cision ou, Ă titre subsidiaire, annulĂąt l'amende qui lui avait Ă©tĂ© infligĂ©e par ladite dĂ©cision ou en rĂ©duisĂźt le montant.
2 Par arrĂȘt du 16 novembre 2011, Kendrion/Commission (T-54/06, non publiĂ©, EU:T:2011:667), le Tribunal a rejetĂ© ce recours.
3 Par requĂȘte dĂ©posĂ©e le 26 janvier 2012, la requĂ©rante a formĂ© un pourvoi contre l'arrĂȘt du 16 novembre 2011, Kendrion/Commission (T-54/06, non publiĂ©, EU:T:2011:667).
4 Par arrĂȘt du 26 novembre 2013, Kendrion/Commission (C-50/12 P, EU:C:2013:771), la Cour a rejetĂ© ce pourvoi.
II. Procédure et conclusions des parties
5 Par requĂȘte dĂ©posĂ©e au greffe du Tribunal le 26 juin 2014, la requĂ©rante a introduit le prĂ©sent recours contre l'Union europĂ©enne, reprĂ©sentĂ©e par la Cour de justice de l'Union europĂ©enne.
6 Par acte séparé, déposé au greffe du Tribunal le 8 septembre 2014, la Cour de justice de l'Union européenne a soulevé une exception d'irrecevabilité au titre de l'article 114, paragraphe 1, du rÚglement de procédure du Tribunal du 2 mai 1991.
7 Par ordonnance du 6 janvier 2015, Kendrion/Union européenne (T-479/14, non publiée, EU:T:2015:2), le Tribunal a rejeté l'exception d'irrecevabilité soulevée par la Cour de justice de l'Union européenne et réservé les dépens.
8 Par requĂȘte dĂ©posĂ©e au greffe de la Cour le 17 fĂ©vrier 2015, la Cour de justice de l'Union europĂ©enne a formĂ© un pourvoi, enregistrĂ© sous la rĂ©fĂ©rence C-71/15 P, contre l'ordonnance du 6 janvier 2015, Kendrion/Union europĂ©enne (T-479/14, non publiĂ©e, EU:T:2015:2).
9 Par ordonnance du 2 mars 2015, le président de la troisiÚme chambre du Tribunal a, à la demande de la Cour de justice de l'Union européenne, suspendu la procédure dans la présente affaire jusqu'à la décision de la Cour mettant fin à l'instance dans l'affaire C-71/15 P, Cour de justice/Kendrion.
10 Par ordonnance du 18 décembre 2015, Cour de justice/Kendrion (C-71/15 P, non publiée, EU:C:2015:857), l'affaire a été radiée du registre de la Cour.
11 à la suite de la reprise de la procédure dans la présente affaire, la Commission européenne a, par acte déposé au greffe du Tribunal le 15 janvier 2016, demandé à intervenir au soutien des conclusions de la Cour de justice de l'Union européenne.
12 Le 16 février 2016, la Cour de justice de l'Union européenne a déposé un mémoire en défense.
13 Le 17 février 2016, le Tribunal a renvoyé la présente affaire devant la troisiÚme chambre élargie.
14 Le 2 mars 2016, le Tribunal a dĂ©cidĂ© qu'un deuxiĂšme Ă©change de mĂ©moires n'Ă©tait pas nĂ©cessaire. Par ailleurs, dans le cadre des mesures d'organisation de la procĂ©dure prĂ©vues Ă l'article 89 du rĂšglement de procĂ©dure du Tribunal, il a invitĂ© la Cour de justice de l'Union europĂ©enne Ă indiquer si elle avait demandĂ© et obtenu l'autorisation de la requĂ©rante et de la Commission pour pouvoir produire certains documents qui figuraient dans les annexes du mĂ©moire en dĂ©fense et qui Ă©taient affĂ©rents Ă l'affaire ayant donnĂ© lieu Ă l'arrĂȘt du 16 novembre 2011, Kendrion/Commission (T-54/06, non publiĂ©, EU:T:2011:667) (ci-aprĂšs l'" affaire T-54/06 ").
15 Par ordonnance du 15 mars 2016, Kendrion/Union européenne (T-479/14, non publiée, EU:T:2016:196), le président de la troisiÚme chambre élargie du Tribunal a fait droit à la demande d'intervention déposée par la Commission au soutien des conclusions de la Cour de justice de l'Union européenne et précisé que les droits de la Commission seraient ceux prévus à l'article 116, paragraphe 6, du rÚglement de procédure du 2 mai 1991.
16 Le 18 mars 2016, la Cour de justice de l'Union européenne a répondu à la question mentionnée au point ci-dessus. Elle a conclu à ce qu'il plût au Tribunal de considérer, à titre principal, qu'elle ne devait pas demander et obtenir l'autorisation de la requérante et de la Commission pour pouvoir produire les documents afférents à l'affaire T-54/06 et, à titre subsidiaire, que cette autorisation avait été donnée implicitement par la requérante et par la Commission. à titre trÚs subsidiaire, la Cour de justice de l'Union européenne a demandé que sa réponse fût traitée comme une demande de mesure d'organisation de la procédure visant à ce que le Tribunal ordonnùt la production, dans le cadre du présent recours, des documents constituant le dossier d'instance de l'affaire T-54/06 et, en particulier, des documents annexés au mémoire en défense.
17 Le 4 avril 2016, le président de la troisiÚme chambre élargie du Tribunal a décidé, premiÚrement, de retirer du dossier les documents qui figuraient dans les annexes du mémoire en défense déposé dans la présente affaire et qui étaient afférents à l'affaire T-54/06. Cette décision était motivée par le fait, d'une part, que la Cour de justice de l'Union européenne n'avait ni demandé ni obtenu l'autorisation des parties dans l'affaire T-54/06 pour pouvoir produire lesdits documents et, d'autre part, qu'elle n'avait pas demandé l'accÚs au dossier de ladite affaire en application de l'article 38, paragraphe 2, du rÚglement de procédure. DeuxiÚmement, le président de la troisiÚme chambre élargie du Tribunal a décidé, en application de l'article 88, paragraphe 3, du rÚglement de procédure, d'inviter la requérante à prendre position sur la demande de mesure d'organisation de la procédure qui avait été formulée à titre trÚs subsidiaire par la Cour de justice de l'Union européenne dans sa réponse du 18 mars 2016, mentionnée au point ci-dessus.
18 Le 12 avril 2016, la requĂ©rante a conclu Ă ce qu'il plĂ»t au Tribunal de dĂ©cider en Ă©quitĂ©, en tenant compte des intĂ©rĂȘts des deux parties et de la complexitĂ© procĂ©durale de la demande formulĂ©e par la Cour de justice de l'Union europĂ©enne.
19 Le 11 mai 2016, le Tribunal a constaté que la mise en état et le rÚglement de la présente affaire nécessitaient, eu égard à son objet, la mise à sa disposition du dossier de l'affaire T-54/06. Ainsi, dans le cadre des mesures d'organisation de la procédure prévues à l'article 89 du rÚglement de procédure, le Tribunal a décidé de verser au dossier de la présente affaire le dossier de l'affaire T-54/06.
20 Le 17 juin 2016, la Cour de justice de l'Union européenne a demandé la signification du dossier de l'affaire T-54/06.
21 Le 28 juin 2016, le Tribunal a demandé à la requérante de produire certains documents et posé une question à celle-ci pour réponse lors de l'audience de plaidoiries.
22 Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions orales posées par le Tribunal lors de l'audience du 20 juillet 2016.
23 La requérante conclut à ce qu'il plaise au Tribunal :
- condamner l'Union au paiement, au titre du préjudice matériel, d'une somme d'un montant de 2 308 463,98 euros ou, à tout le moins, d'un montant qu'il estimera raisonnable ;
- condamner l'Union au paiement, au titre du prĂ©judice immatĂ©riel, d'une somme d'un montant de 11 050 000 euros Ă titre principal ou, Ă titre subsidiaire, d'un montant de 1 700 000 euros ou, au moins, Ă titre plus subsidiaire, d'un montant fixĂ© par les parties conformĂ©ment aux modalitĂ©s dĂ©finies par le Tribunal ou, en tout cas, d'un montant raisonnable dĂ©terminĂ© par le Tribunal lui-mĂȘme ;
- majorer, Ă partir du 26 novembre 2013, chacune des sommes allouĂ©es d'intĂ©rĂȘts moratoires Ă un taux qu'il estimera raisonnable ;
- condamner l'Union aux dépens.
24 La Cour de justice de l'Union européenne, soutenue par la Commission, conclut à ce qu'il plaise au Tribunal :
- à titre principal, rejeter comme non fondée la demande d'indemnisation du préjudice matériel allégué et comme irrecevable et, en tout état de cause, comme non fondée la demande d'indemnisation du préjudice immatériel allégué ;
- à titre subsidiaire, rejeter comme non fondée la demande d'indemnisation du préjudice matériel allégué et allouer à la requérante une indemnisation pour le préjudice immatériel allégué d'un montant maximal de 5 000 euros ;
- condamner la requérante aux dépens.
III. En droit
A. Sur la recevabilité
25 La Cour de justice de l'Union europĂ©enne soutient que la requĂȘte manque de clartĂ© et de prĂ©cision en ce qui concerne la nature et l'Ă©tendue du prĂ©judice immatĂ©riel allĂ©guĂ©. En effet, la description du prĂ©judice immatĂ©riel serait particuliĂšrement vague et reposerait sur une confusion entre le prĂ©judice matĂ©riel et le prĂ©judice immatĂ©riel.
26 En vertu de l'article 21, premier alinĂ©a, du statut de la Cour de justice de l'Union europĂ©enne, lu conjointement avec l'article 53, premier alinĂ©a, dudit statut, et de l'article 44, paragraphe 1, sous c), du rĂšglement de procĂ©dure du 2 mai 1991, toute requĂȘte doit contenir l'indication de l'objet du litige et l'exposĂ© sommaire des moyens invoquĂ©s. Cette indication doit ĂȘtre suffisamment claire et prĂ©cise pour permettre Ă la partie dĂ©fenderesse de prĂ©parer sa dĂ©fense et au Tribunal de statuer sur le recours, le cas Ă©chĂ©ant, sans autres informations Ă l'appui. Afin de garantir la sĂ©curitĂ© juridique et une bonne administration de la justice, il faut, pour qu'un recours soit recevable, que les Ă©lĂ©ments essentiels de fait et de droit sur lesquels se fonde celui-ci ressortent, Ă tout le moins sommairement, mais d'une façon cohĂ©rente et comprĂ©hensible, du texte de la requĂȘte elle-mĂȘme. Plus particuliĂšrement, pour satisfaire Ă ces exigences, une requĂȘte tendant Ă la rĂ©paration de dommages prĂ©tendument causĂ©s par une institution de l'Union doit contenir les Ă©lĂ©ments qui permettent d'identifier le comportement que le requĂ©rant reproche Ă l'institution, les raisons pour lesquelles il estime qu'un lien de causalitĂ© existe entre le comportement et le prĂ©judice qu'il prĂ©tend avoir subi ainsi que le caractĂšre et l'Ă©tendue de ce prĂ©judice (voir arrĂȘt du 7 octobre 2015, Accorinti e.a./BCE, T-79/13, EU:T:2015:756, point 53 et jurisprudence citĂ©e).
27 En l'espĂšce, en premier lieu, il convient de souligner que, certes, l'argumentation de la requĂ©rante est sommaire en ce qui concerne la nature des prĂ©judices immatĂ©riels qu'elle allĂšgue. Toutefois, cette argumentation apparaĂźt suffisante Ă la lumiĂšre de l'ensemble des explications et des rĂ©fĂ©rences qui figurent dans la requĂȘte.
28 En effet, d'une part, la requérante souligne notamment qu'elle est " une entreprise cotée en bourse dont les heurs et malheurs sont suivis attentivement, non seulement par ses propres salariés, mais aussi par la presse, par des investisseurs et par ses clients ". La requérante précise que sa réputation a été inutilement écornée.
29 D'autre part, la requérante soutient, en substance, que les années supplémentaires d'incertitude ont eu une incidence négative sur la gestion, les investissements, l'attractivité et la stratégie de l'entreprise. Elle ajoute que cette incertitude a également causé un préjudice moral personnel à ses salariés ainsi qu'à ses dirigeants, soumis à une grande tension.
30 Enfin, l'ambiguïté dénoncée par la Cour de justice de l'Union européenne en ce qui concerne la relation entretenue entre les préjudices immatériels allégués et d'éventuels préjudices matériels relÚve de l'appréciation du bien-fondé de la demande d'indemnisation des préjudices immatériels allégués et, notamment, des critÚres d'évaluation et de réparation de ces derniers.
31 En second lieu, s'agissant de l'Ă©tendue des prĂ©judices immatĂ©riels allĂ©guĂ©s, la requĂ©rante souligne Ă juste titre que, par dĂ©finition, les prĂ©judices immatĂ©riels qu'elle invoque ne se prĂȘtent pas Ă un calcul exact. Par ailleurs, elle rappelle qu'il y a lieu de tenir compte du contexte et donc de la nature de l'affaire et de l'entreprise concernĂ©e pour dĂ©terminer le prĂ©judice immatĂ©riel allĂ©guĂ©. Enfin, la requĂ©rante Ă©value son prĂ©judice selon une mĂ©thode dont la pertinence relĂšve de l'apprĂ©ciation du bien-fondĂ© du recours.
32 Ainsi, la requĂȘte revĂȘt une clartĂ© et une prĂ©cision suffisantes et la requĂ©rante a apportĂ© suffisamment d'Ă©lĂ©ments pour apprĂ©cier la nature et l'Ă©tendue de ses prĂ©tendus prĂ©judices immatĂ©riels. Ces Ă©lĂ©ments ont dĂšs lors permis Ă la Cour de justice de l'Union europĂ©enne d'assurer sa dĂ©fense et mettent le Tribunal en mesure de statuer sur le prĂ©sent recours.
33 Compte tenu de ce qui prĂ©cĂšde, la fin de non-recevoir soulevĂ©e par la Cour de justice de l'Union europĂ©enne doit ĂȘtre rejetĂ©e.
B. Sur le fond
34 En vertu de l'article 340, deuxiĂšme alinĂ©a, TFUE, en matiĂšre de responsabilitĂ© non contractuelle, l'Union doit rĂ©parer, conformĂ©ment aux principes gĂ©nĂ©raux communs aux droits des Ătats membres, les dommages causĂ©s par ses institutions ou par ses agents dans l'exercice de leurs fonctions.
35 Selon une jurisprudence constante, il ressort de l'article 340, deuxiĂšme alinĂ©a, TFUE que l'engagement de la responsabilitĂ© extracontractuelle de l'Union et la mise en Ćuvre du droit Ă la rĂ©paration du prĂ©judice subi dĂ©pendent de la rĂ©union d'un ensemble de conditions, Ă savoir l'illĂ©galitĂ© du comportement reprochĂ© aux institutions, la rĂ©alitĂ© du dommage et l'existence d'un lien de causalitĂ© entre ce comportement et le prĂ©judice invoquĂ© (arrĂȘts du 29 septembre 1982, Oleifici Mediterranei/CEE, 26/81, EU:C:1982:318, point 16, et du 9 septembre 2008, FIAMM e.a./Conseil et Commission, C-120/06 P et C-121/06 P, EU:C:2008:476, point 106).
36 DĂšs lors que l'une de ces conditions n'est pas remplie, le recours doit ĂȘtre rejetĂ© dans son ensemble sans qu'il soit nĂ©cessaire d'examiner les autres conditions de la responsabilitĂ© non contractuelle de l'Union (arrĂȘt du 14 octobre 1999, Atlanta/CommunautĂ© europĂ©enne, C-104/97 P, EU:C:1999:498, point 65 ; voir Ă©galement, en ce sens, arrĂȘt du 15 septembre 1994, KYDEP/Conseil et Commission, C-146/91, EU:C:1994:329, point 81). En outre, le juge de l'Union n'est pas tenu d'examiner ces conditions dans un ordre dĂ©terminĂ© (arrĂȘt du 18 mars 2010, Trubowest Handel et Makarov/Conseil et Commission, C-419/08 P, EU:C:2010:147, point 42 ; voir Ă©galement, en ce sens, arrĂȘt du 9 septembre 1999, Lucaccioni/Commission, C-257/98 P, EU:C:1999:402, point 13).
37 En l'espĂšce, la requĂ©rante soutient, premiĂšrement, que la durĂ©e de la procĂ©dure dans l'affaire T-54/06 a violĂ© les exigences liĂ©es au respect du dĂ©lai de jugement raisonnable (ci aprĂšs le " dĂ©lai raisonnable de jugement "). DeuxiĂšmement, elle fait valoir que cette violation lui a causĂ© des prĂ©judices qui doivent ĂȘtre rĂ©parĂ©s.
1. Sur la prétendue violation du délai raisonnable de jugement dans l'affaire T-54/06
38 La requĂ©rante soutient en premier lieu que, dans l'arrĂȘt du 26 novembre 2013, Kendrion/Commission (C-50/12 P, EU:C:2013:771), la Cour a dĂ©jĂ dĂ©cidĂ© que la condition relative Ă l'existence d'une violation suffisamment caractĂ©risĂ©e d'une rĂšgle de droit ayant pour objet de confĂ©rer des droits aux particuliers Ă©tait remplie en ce qui concerne le dĂ©lai de jugement de l'affaire T-54/06. Il ne serait donc pas nĂ©cessaire d'examiner plus avant les critĂšres d'apprĂ©ciation du caractĂšre raisonnable d'un dĂ©lai de jugement, ni leur application au cas d'espĂšce.
39 En second lieu, la requĂ©rante fait valoir que, dans l'affaire T-54/06, un dĂ©lai de 2 ans et 6 mois Ă©tait un dĂ©lai de jugement appropriĂ© en raison du fait que le Tribunal est une instance internationale, ce qui impliquerait une certaine complexitĂ©, notamment due au rĂ©gime linguistique. Or, dans la prĂ©sente affaire, aucun Ă©lĂ©ment ne justifierait un dĂ©lai de jugement supĂ©rieur Ă 2 ans et 6 mois. Ainsi, dans la mesure oĂč la durĂ©e de la procĂ©dure dans l'affaire T-54/06 aurait Ă©tĂ© de 5 ans et 9 mois, elle aurait dĂ©passĂ© de 3 ans et 3 mois le dĂ©lai raisonnable de jugement.
40 La Cour de justice de l'Union europĂ©enne rĂ©torque que les arguments de la requĂ©rante doivent ĂȘtre rejetĂ©s.
41 PremiĂšrement, elle rappelle que, selon l'arrĂȘt du 26 novembre 2013, Kendrion/Commission (C-50/12 P, EU:C:2013:771), il appartient au Tribunal de se prononcer sur des recours tels que celui de l'espĂšce et de vĂ©rifier si les conditions d'engagement de la responsabilitĂ© non contractuelle de l'Union sont remplies.
42 DeuxiĂšmement, l'allĂ©gation de la requĂ©rante, selon laquelle la durĂ©e de la procĂ©dure dans les affaires qui concernent l'application du droit de la concurrence est raisonnable uniquement si elle ne dĂ©passe pas une pĂ©riode de 2 ans et 6 mois, ne prĂ©senterait aucun rapport avec la rĂ©alitĂ© des procĂ©dures devant le Tribunal, ainsi que le montrerait la durĂ©e moyenne des procĂ©dures devant cette juridiction constatĂ©e entre 2006 et 2015 dans ce type d'affaires. De mĂȘme, la durĂ©e qui s'est Ă©coulĂ©e entre la fin de la phase Ă©crite de la procĂ©dure et l'ouverture de la phase orale de la procĂ©dure dans l'affaire T-54/06 aurait excĂ©dĂ© de 16 mois seulement la durĂ©e moyenne de cette Ă©tape de la procĂ©dure, observĂ©e entre 2007 et 2010 dans les affaires qui concernaient l'application du droit de la concurrence.
43 TroisiĂšmement et surtout, le caractĂšre raisonnable d'un dĂ©lai de jugement devrait ĂȘtre apprĂ©ciĂ© en fonction des circonstances propres Ă chaque affaire et, en particulier, au regard de la prĂ©sence Ă©ventuelle d'une pĂ©riode d'inactivitĂ© anormalement longue. Ainsi, la durĂ©e totale de la procĂ©dure et la durĂ©e comprise entre la fin de la phase Ă©crite de la procĂ©dure et l'ouverture de la phase orale de la procĂ©dure dans l'affaire T-54/06 seraient justifiĂ©es par le caractĂšre volumineux des affaires qui concernent l'application du droit de la concurrence, par la circonstance que quinze recours parallĂšles avaient Ă©tĂ© introduits dans six langues diffĂ©rentes contre la dĂ©cision C(2005) 4634 et par l'environnement multilingue dans lequel opĂšre la Cour de justice de l'Union europĂ©enne. Par ailleurs, il faudrait tenir compte de la durĂ©e limitĂ©e du mandat des juges et de la maladie de longue durĂ©e de l'un des membres de la chambre Ă laquelle l'affaire T-54/06 avait Ă©tĂ© attribuĂ©e.
44 à cet égard, il convient de souligner que l'article 47, deuxiÚme alinéa, de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne dispose notamment que " [t]oute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable par un tribunal indépendant et impartial, établi préalablement par la loi ".
45 Un tel droit, dont l'existence avait Ă©tĂ© affirmĂ©e avant l'entrĂ©e en vigueur de la charte des droits fondamentaux en tant que principe gĂ©nĂ©ral de droit de l'Union, a Ă©tĂ© jugĂ© applicable dans le cadre d'un recours juridictionnel contre une dĂ©cision de la Commission (voir arrĂȘt du 16 juillet 2009, Der GrĂŒne Punkt - Duales System Deutschland/Commission, C-385/07 P, EU:C:2009:456, point 178 et jurisprudence citĂ©e).
46 En l'espĂšce, il ressort d'un examen dĂ©taillĂ© du dossier de l'affaire T-54/06 que, ainsi que l'a soulignĂ© Ă juste titre la Cour dans l'arrĂȘt du 26 novembre 2013, Kendrion/Commission (C-50/12 P, EU:C:2013:771), la durĂ©e de la procĂ©dure dans l'affaire T-54/06, qui s'est Ă©levĂ©e Ă prĂšs de 5 ans et 9 mois, ne peut ĂȘtre justifiĂ©e par aucune des circonstances propres Ă ladite affaire.
47 En premier lieu, il importe de relever que l'affaire T-54/06 concernait un litige affĂ©rent Ă l'existence d'une infraction aux rĂšgles de concurrence et que, selon la jurisprudence, l'exigence fondamentale de sĂ©curitĂ© juridique dont doivent bĂ©nĂ©ficier les opĂ©rateurs Ă©conomiques ainsi que l'objectif d'assurer que la concurrence n'est pas faussĂ©e dans le marchĂ© intĂ©rieur prĂ©sentent un intĂ©rĂȘt considĂ©rable non seulement pour la partie requĂ©rante elle-mĂȘme et pour ses concurrents, mais Ă©galement pour les tiers, en raison du grand nombre de personnes concernĂ©es et des intĂ©rĂȘts financiers en jeu (arrĂȘt du 16 juillet 2009, Der GrĂŒne Punkt - Duales System Deutschland/Commission, C-385/07 P, EU:C:2009:456, point 186).
48 En deuxiÚme lieu, il convient de constater que, dans l'affaire T-54/06, une durée d'environ 3 ans et 10 mois, soit 46 mois, s'est écoulée entre, d'une part, la fin de la phase écrite de la procédure marquée par le dépÎt, le 19 février 2007, de la duplique de la Commission et, d'autre part, l'ouverture, le 30 novembre 2010, de la phase orale de la procédure.
49 Au cours de cette période, il est procédé, notamment, à la synthÚse des arguments des parties, à la mise en état des affaires, à une analyse en fait et en droit des litiges et à la préparation de la phase orale de la procédure. Ainsi, la durée de cette période dépend, en particulier, de la complexité du litige ainsi que du comportement des parties et de la survenance d'incidents procéduraux.
50 S'agissant de la complexité du litige, d'abord, il y a lieu de rappeler que l'affaire T-54/06 concernait un recours introduit contre une décision de la Commission relative à une procédure d'application de l'article 101 TFUE.
51 Or, ainsi que cela ressort du dossier de l'affaire T-54/06, les recours qui concernent l'application du droit de la concurrence par la Commission présentent un degré de complexité supérieur à d'autres types d'affaires, compte tenu, notamment, de la longueur de la décision attaquée, du volume du dossier et de la nécessité d'effectuer une appréciation détaillée de faits nombreux et complexes, souvent étendus dans le temps et dans l'espace.
52 Ainsi, une durée de 15 mois entre la fin de la phase écrite de la procédure et l'ouverture de la phase orale de la procédure constitue en principe une durée appropriée pour traiter les affaires qui concernent l'application du droit de la concurrence, telles que l'affaire T-54/06.
53 Ensuite, il est nécessaire de tenir compte de la circonstance que plusieurs recours avaient été introduits contre la décision C(2005) 4634.
54 En effet, des recours introduits contre une mĂȘme dĂ©cision adoptĂ©e par la Commission en application du droit de la concurrence de l'Union nĂ©cessitent, en principe, un traitement parallĂšle, y compris lorsque ces recours ne sont pas joints. Ce traitement parallĂšle est notamment justifiĂ© par la connexitĂ© desdits recours ainsi que par la nĂ©cessitĂ© d'assurer une cohĂ©rence dans l'analyse de ceux-ci et dans la rĂ©ponse qu'il convient de leur apporter.
55 Ainsi, le traitement parallÚle d'affaires connexes peut justifier un allongement, d'une durée d'un mois par affaire connexe supplémentaire, de la période comprise entre la fin de la phase écrite de la procédure et l'ouverture de la phase orale de celle-ci.
56 En l'espĂšce, quinze recours avaient Ă©tĂ© introduits contre la dĂ©cision C(2005) 4634. Cependant, d'une part, une partie requĂ©rante s'Ă©tait dĂ©sistĂ©e de son recours contre cette dĂ©cision (ordonnance du 6 juillet 2006, Cofira-Sac/Commission, T-43/06, non publiĂ©e, EU:T:2006:192). D'autre part, deux recours introduits contre la dĂ©cision C(2005) 4634 avaient donnĂ© lieu au prononcĂ© des arrĂȘts du 13 septembre 2010, Trioplast Wittenheim/Commission (T-26/06, non publiĂ©, EU:T:2010:387), et du 13 septembre 2010, Trioplast Industrier/Commission (T-40/06, EU:T:2010:388).
57 Dans ces conditions, le traitement des douze autres affaires relatives à des recours introduits contre la décision C(2005) 4634 a justifié un allongement de la procédure de 11 mois dans l'affaire T-54/06.
58 Par conséquent, une durée de 26 mois (15 mois plus 11 mois) entre la fin de la phase écrite de la procédure et l'ouverture de la phase orale de la procédure était appropriée pour traiter l'affaire T-54/06.
59 Enfin, le degré de complexité factuelle, juridique et procédurale de l'affaire ne justifie pas de retenir une durée plus longue en l'espÚce. à cet égard, il convient notamment de relever que, entre la fin de la phase écrite de la procédure et l'ouverture de la phase orale de la procédure dans l'affaire T-54/06, la procédure n'a été ni interrompue ni retardée par l'adoption, par le Tribunal, d'une quelconque mesure d'organisation de celle-ci.
60 S'agissant du comportement des parties et de la survenance d'incidents procéduraux dans l'affaire T-54/06, la durée qui s'est écoulée entre la fin de la phase écrite de la procédure et l'ouverture de la phase orale de la procédure dans l'affaire T-54/06 n'a aucunement été influencée par un tel comportement ou par la survenance de tels incidents.
61 DÚs lors, au regard des circonstances de l'affaire T-54/06, la durée de 46 mois qui s'est écoulée entre la fin de la phase écrite de la procédure et l'ouverture de la phase orale de la procédure laisse apparaßtre une période d'inactivité injustifiée de 20 mois dans cette affaire.
62 En troisiĂšme lieu, l'examen du dossier de l'affaire T-54/06 n'a rĂ©vĂ©lĂ© aucune circonstance permettant de conclure Ă l'existence d'une pĂ©riode d'inactivitĂ© injustifiĂ©e, d'une part, entre la date du dĂ©pĂŽt de la requĂȘte et la date du dĂ©pĂŽt de la duplique et, d'autre part, entre l'ouverture de la phase orale de la procĂ©dure et le prononcĂ© de l'arrĂȘt du 16 novembre 2011, Kendrion/Commission (T-54/06, non publiĂ©, EU:T:2011:667).
63 Il s'ensuit que la procĂ©dure, qui a Ă©tĂ© suivie dans l'affaire T-54/06 et qui s'est achevĂ©e avec le prononcĂ© de l'arrĂȘt du 16 novembre 2011, Kendrion/Commission (T-54/06, non publiĂ©, EU:T:2011:667), a violĂ© l'article 47, deuxiĂšme alinĂ©a, de la charte des droits fondamentaux en ce qu'elle a dĂ©passĂ© de 20 mois le dĂ©lai raisonnable de jugement, ce qui constitue une violation suffisamment caractĂ©risĂ©e d'une rĂšgle de droit de l'Union ayant pour objet de confĂ©rer des droits aux particuliers.
2. Sur les préjudices allégués et le supposé lien de causalité
64 Selon une jurisprudence constante, le dommage dont il est demandĂ© rĂ©paration dans le cadre d'une action en responsabilitĂ© non contractuelle de l'Union doit ĂȘtre rĂ©el et certain, ce qu'il appartient Ă la partie requĂ©rante de prouver (voir arrĂȘt du 9 novembre 2006, Agraz e.a./Commission, C-243/05 P, EU:C:2006:708, point 27 et jurisprudence citĂ©e). Il incombe Ă cette derniĂšre d'apporter des preuves concluantes tant de l'existence que de l'Ă©tendue du prĂ©judice qu'elle invoque (voir arrĂȘt du 16 septembre 1997, Blackspur DIY e.a./Conseil et Commission, C-362/95 P, EU:C:1997:401, point 31 et jurisprudence citĂ©e).
65 Toujours selon une jurisprudence constante, la condition relative au lien de causalitĂ© posĂ©e Ă l'article 340, deuxiĂšme alinĂ©a, TFUE porte sur l'existence d'un lien de cause Ă effet suffisamment direct entre le comportement des institutions et le dommage (arrĂȘts du 18 mars 2010, Trubowest Handel et Makarov/Conseil et Commission, C-419/08 P, EU:C:2010:147, point 53, et du 14 dĂ©cembre 2005, Beamglow/Parlement e.a., T-383/00, EU:T:2005:453, point 193 ; voir Ă©galement, en ce sens, arrĂȘt du 4 octobre 1979, Dumortier e.a./Conseil, 64/76, 113/76, 167/78, 239/78, 27/79, 28/79 et 45/79, EU:C:1979:223, point 21). Il appartient Ă la partie requĂ©rante d'apporter la preuve de l'existence d'un lien de causalitĂ© entre le comportement reprochĂ© et le prĂ©judice invoquĂ© (voir arrĂȘt du 30 septembre 1998, Coldiretti e.a./Conseil et Commission, T-149/96, EU:T:1998:228, point 101 et jurisprudence citĂ©e).
66 En l'espÚce, la requérante soutient que la violation du délai raisonnable de jugement dans l'affaire T-54/06 lui a causé des préjudices matériels et immatériels.
a) Sur les préjudices matériels allégués et le supposé lien de causalité
67 La requĂ©rante soutient qu'elle a subi un prĂ©judice matĂ©riel qui consisterait en des charges financiĂšres additionnelles qu'elle a dĂ» supporter au cours de la pĂ©riode comprise entre le 26 aoĂ»t 2010, date Ă laquelle la Cour aurait dĂ» rendre son arrĂȘt, et le 26 novembre 2013, date Ă laquelle la Cour a effectivement rendu son arrĂȘt Kendrion/Commission (C-50/12 P, EU:C:2013:771). Le montant de ces charges s'Ă©lĂšverait Ă 2 308 463,98 euros. Ce montant serait calculĂ© selon la mĂ©thode qui suit. Dans un premier temps, il conviendrait d'additionner, d'une part, les frais de la garantie bancaire qui a Ă©tĂ© constituĂ©e afin de ne pas acquitter immĂ©diatement le montant de l'amende infligĂ©e par la dĂ©cision C(2005) 4634 (ci-aprĂšs les " frais de garantie bancaire ") et, d'autre part, les intĂ©rĂȘts payĂ©s sur le montant de l'amende (ci-aprĂšs les " intĂ©rĂȘts sur le montant de l'amende "). Dans un second temps, il conviendrait de dĂ©duire du rĂ©sultat de cette addition les frais que la requĂ©rante aurait dĂ» supporter si elle avait Ă©tĂ© obligĂ©e de payer l'amende le 26 aoĂ»t 2010.
68 La Cour de justice de l'Union europĂ©enne fait valoir, en premier lieu, qu'il n'existe pas de lien de causalitĂ© suffisamment direct entre, d'une part, le prĂ©judice matĂ©riel affĂ©rent aux frais de garantie bancaire et aux intĂ©rĂȘts sur le montant de l'amende et, d'autre part, la violation du dĂ©lai raisonnable de jugement. En effet, d'abord, ce prĂ©judice matĂ©riel dĂ©coulerait du propre choix de la requĂ©rante. En outre, l'existence d'un lien de causalitĂ© ne pourrait pas ĂȘtre Ă©tablie sur la base du seul constat que, en l'absence de dĂ©passement du dĂ©lai raisonnable de jugement, la requĂ©rante ne se serait pas trouvĂ©e dans l'obligation de payer des frais de garantie bancaire et des intĂ©rĂȘts sur le montant de l'amende pour la pĂ©riode correspondant Ă ce dĂ©passement.
69 En second lieu, les intĂ©rĂȘts que la requĂ©rante a dĂ» payer ne pourraient pas ĂȘtre qualifiĂ©s de prĂ©judice. En effet, ces intĂ©rĂȘts constitueraient la compensation du fait que la Commission n'a pas pu disposer d'une somme dont elle Ă©tait en droit de disposer et la requĂ©rante bĂ©nĂ©ficierait d'un enrichissement sans cause si elle se voyait accorder une indemnisation pour un montant Ă©quivalent Ă ces intĂ©rĂȘts. Ă titre subsidiaire, la Cour de justice de l'Union europĂ©enne soutient que les tableaux produits en annexe Ă la requĂȘte ne prouvent pas le prĂ©judice matĂ©riel que la requĂ©rante aurait subi. Elle prĂ©cise que l'existence et l'Ă©tendue du prĂ©judice matĂ©riel ne sauraient ĂȘtre dĂ©terminĂ©es simplement en Ă©quitĂ©.
1) Observations liminaires
70 Il convient de souligner que l'article 2 de la dĂ©cision C(2005) 4634 prĂ©voyait que les amendes infligĂ©es par cette dĂ©cision devaient ĂȘtre payĂ©es dans un dĂ©lai de trois mois Ă compter de sa signification. En application de l'article 86 du rĂšglement (CE, Euratom) n° 2342/2002 de la Commission, du 23 dĂ©cembre 2002, Ă©tablissant les modalitĂ©s d'exĂ©cution du rĂšglement (CE, Euratom) n° 1605/2002 du Conseil portant rĂšglement financier applicable au budget gĂ©nĂ©ral des CommunautĂ©s europĂ©ennes (JO 2002, L 357, p. 1), l'article 2 de cette dĂ©cision prĂ©cisait que, Ă l'expiration de ce dĂ©lai de trois mois, des intĂ©rĂȘts seraient automatiquement dus au taux d'intĂ©rĂȘt appliquĂ© par la Banque centrale europĂ©enne (BCE) Ă ses opĂ©rations principales de refinancement le premier jour du mois au cours duquel ladite dĂ©cision Ă©tait adoptĂ©e, majorĂ© de trois points et demi de pourcentage, soit un taux de 5,56 %.
71 ConformĂ©ment Ă l'article 299, premier alinĂ©a, TFUE, la dĂ©cision C(2005) 4634 formait titre exĂ©cutoire, dĂšs lors qu'elle comportait, en son article 2, une obligation pĂ©cuniaire Ă la charge de la requĂ©rante. Par ailleurs, l'introduction d'un recours en annulation contre cette dĂ©cision, en application de l'article 263 TFUE, n'a pas remis en cause le caractĂšre exĂ©cutoire de ladite dĂ©cision, dans la mesure oĂč, aux termes de l'article 278 TFUE, les recours formĂ©s devant la Cour de justice de l'Union europĂ©enne n'ont pas d'effet suspensif.
72 Par lettre datĂ©e du 13 dĂ©cembre 2005, la Commission a signifiĂ© la dĂ©cision C(2005) 4634 Ă la requĂ©rante. Ă cette occasion, elle a signalĂ© que, si la requĂ©rante engageait une procĂ©dure devant le Tribunal ou devant la Cour, aucune mesure de recouvrement ne serait prise tant que l'affaire serait pendante, pour autant que deux conditions soient respectĂ©es avant la date d'expiration du dĂ©lai de paiement. En application de l'article 86, paragraphe 5, du rĂšglement n° 2342/2002, ces deux conditions Ă©taient les suivantes : premiĂšrement, la crĂ©ance de la Commission devait produire des intĂ©rĂȘts Ă partir de la date d'expiration du dĂ©lai de paiement au taux de 3,56 %, deuxiĂšmement, une garantie bancaire acceptable pour la Commission, couvrant Ă la fois la dette et les intĂ©rĂȘts ou majorations de la dette, devait ĂȘtre fournie avant la date limite de paiement.
73 La requĂ©rante a dĂ©cidĂ© de ne pas acquitter immĂ©diatement le montant de l'amende qui lui avait Ă©tĂ© infligĂ©e et de constituer une garantie bancaire, moyennant le paiement d'intĂ©rĂȘts au taux de 3,56 %.
74 C'est à la lumiÚre de ces observations qu'il convient d'examiner les préjudices matériels allégués et le supposé lien de causalité entre ces préjudices et la violation du délai raisonnable de jugement dans l'affaire T-54/06.
2) Sur le paiement d'intĂ©rĂȘts sur le montant de l'amende
75 En premier lieu, il importe de constater que, en raison de l'application combinĂ©e de l'article 299, premier alinĂ©a, TFUE et de l'article 278 TFUE, mentionnĂ©s au point ci-dessus, le montant de l'amende infligĂ©e par la dĂ©cision C(2005) 4634 Ă©tait dĂ» Ă la Commission malgrĂ© l'introduction d'un recours en annulation contre ladite dĂ©cision. Ainsi, les intĂ©rĂȘts sur le montant de l'amende, dont le taux Ă©tait de 3,56 %, doivent ĂȘtre qualifiĂ©s d'intĂ©rĂȘts de retard.
76 En second lieu, il convient de relever que, au cours de la procĂ©dure dans l'affaire T-54/06, la requĂ©rante n'a pas acquittĂ© le montant de l'amende, ni les intĂ©rĂȘts de retard. Ainsi, au cours de la procĂ©dure dans ladite affaire, la requĂ©rante a eu la jouissance de la somme qui correspondait au montant de cette amende majorĂ©e des intĂ©rĂȘts de retard.
77 Or, la requĂ©rante n'apporte pas d'Ă©lĂ©ments permettant de dĂ©montrer que, au cours de la pĂ©riode qui correspond au dĂ©passement du dĂ©lai raisonnable de jugement dans l'affaire T-54/06, le montant des intĂ©rĂȘts de retard, ultĂ©rieurement payĂ©s Ă la Commission, a Ă©tĂ© supĂ©rieur Ă l'avantage dont elle a pu bĂ©nĂ©ficier en raison de la jouissance de la somme, Ă©gale au montant de l'amende majorĂ©e des intĂ©rĂȘts de retard. En d'autres termes, la requĂ©rante ne dĂ©montre pas que les intĂ©rĂȘts sur le montant de l'amende qui ont couru au cours de la pĂ©riode qui correspond au dĂ©passement du dĂ©lai raisonnable de jugement Ă©taient supĂ©rieurs Ă l'avantage qu'elle a pu retirer de l'absence de paiement de l'amende, majorĂ©e des intĂ©rĂȘts qui Ă©taient Ă©chus Ă la date Ă laquelle la violation du dĂ©lai raisonnable de jugement est intervenue et des intĂ©rĂȘts qui sont arrivĂ©s Ă Ă©chĂ©ance pendant que cette violation se poursuivait.
78 Cette appréciation n'est pas remise en cause par la méthode de calcul proposée par la requérante, qui aurait consisté à déduire du montant du préjudice allégué les frais de financement qu'elle aurait dû supporter, au titre du financement par une banque, si elle avait été obligée de payer l'amende le 26 août 2010.
79 En effet, dans la requĂȘte, la requĂ©rante ne soutient, Ă aucun moment, ni, a fortiori, ne dĂ©montre, qu'elle aurait Ă©tĂ© obligĂ©e d'avoir recours Ă un financement par un tiers aux fins de payer le montant de l'amende infligĂ©e dans la dĂ©cision C(2005) 4634.
80 Compte tenu de ce qui prĂ©cĂšde, il n'est pas Ă©tabli que, au cours de la pĂ©riode qui correspond au dĂ©passement du dĂ©lai raisonnable de jugement dans l'affaire T-54/06, la requĂ©rante a subi un prĂ©judice rĂ©el et certain liĂ© au paiement d'intĂ©rĂȘts de retard sur le montant de l'amende non acquittĂ©e. La demande de rĂ©paration d'un prĂ©tendu prĂ©judice subi de ce chef doit donc ĂȘtre rejetĂ©e, sans qu'il soit besoin d'apprĂ©cier l'existence du lien de causalitĂ© invoquĂ©.
3) Sur le paiement de frais de garantie bancaire
81 En premier lieu, s'agissant du préjudice, il ressort du dossier que la requérante a constitué une garantie bancaire et qu'elle a payé, sous la forme de commissions trimestrielles, des frais de garantie bancaire au cours de la procédure dans l'affaire T-54/06.
82 Il s'ensuit que la requérante démontre qu'elle a subi un préjudice réel et certain en raison du paiement de frais de garantie bancaire au cours de la période qui correspond au dépassement du délai raisonnable de jugement dans l'affaire T-54/06.
83 En deuxiÚme lieu, s'agissant du lien de causalité, il convient de relever, d'une part, que, si la procédure dans l'affaire T-54/06 n'avait pas dépassé le délai raisonnable de jugement, la requérante n'aurait pas dû s'acquitter de frais de garantie bancaire au cours de la période qui correspond à ce dépassement.
84 Ainsi, il existe un lien de cause à effet entre la violation du délai raisonnable de jugement dans l'affaire T-54/06 et la survenance du préjudice qui a été enduré par la requérante en raison du paiement, par celle-ci, de frais de garantie bancaire au cours de la période qui correspond au dépassement de ce délai raisonnable de jugement.
85 D'autre part, il y a lieu de souligner que, certes, le comportement reprochĂ© doit ĂȘtre la cause dĂ©terminante du prĂ©judice (ordonnance du 31 mars 2011, Mauerhofer/Commission, C-433/10 P, non publiĂ©e, EU:C:2011:204, point 127, et arrĂȘt du 10 mai 2006, Galileo International Technology e.a./Commission, T-279/03, EU:T:2006:121, point 130 ; voir Ă©galement, en ce sens, arrĂȘt du 18 mars 2010, Trubowest Handel et Makarov/Conseil et Commission, C-419/08 P, EU:C:2010:147, point 61). En d'autres termes, mĂȘme dans le cas d'une Ă©ventuelle contribution des institutions au prĂ©judice dont l'indemnisation est demandĂ©e, ladite contribution pourrait ĂȘtre trop Ă©loignĂ©e en raison d'une responsabilitĂ© incombant Ă d'autres personnes, le cas Ă©chĂ©ant Ă la partie requĂ©rante (arrĂȘt du 18 mars 2010, Trubowest Handel et Makarov/Conseil et Commission, C-419/08 P, EU:C:2010:147, point 59, et ordonnance du 31 mars 2011, Mauerhofer/Commission, C-433/10 P, non publiĂ©e, EU:C:2011:204, point 132).
86 Par ailleurs, il a dĂ©jĂ Ă©tĂ© jugĂ© qu'un prĂ©judice allĂ©guĂ©, consistant en des frais de garantie bancaire encourus par une sociĂ©tĂ© sanctionnĂ©e par une dĂ©cision de la Commission ultĂ©rieurement annulĂ©e par le Tribunal, ne rĂ©sultait pas directement de l'illĂ©galitĂ© de cette dĂ©cision, au motif que ce prĂ©judice rĂ©sultait du propre choix de cette sociĂ©tĂ© de constituer une garantie bancaire afin de ne pas exĂ©cuter l'obligation de payer l'amende dans le dĂ©lai imparti par la dĂ©cision litigieuse [voir, en ce sens, arrĂȘt du 21 avril 2005, Holcim (Deutschland)/Commission, T-28/03, EU:T:2005:139, point 123, et ordonnance du 12 dĂ©cembre 2007, Atlantic Container Line e.a./Commission, T-113/04, non publiĂ©e, EU:T:2007:377, point 38].
87 Toutefois, en l'espĂšce, il convient de relever que, premiĂšrement, au moment oĂč la requĂ©rante a introduit son recours dans l'affaire T-54/06, le 22 fĂ©vrier 2006, et au moment oĂč elle a constituĂ© une garantie bancaire, la violation du dĂ©lai raisonnable de jugement Ă©tait imprĂ©visible. En outre, la requĂ©rante pouvait lĂ©gitimement s'attendre Ă ce que son recours soit traitĂ© dans un dĂ©lai raisonnable.
88 DeuxiÚmement, le dépassement du délai raisonnable de jugement dans l'affaire T-54/06 est intervenu postérieurement au choix initial de la requérante de constituer une garantie bancaire.
89 Ainsi, les faits de la prĂ©sente affaire diffĂšrent d'une maniĂšre substantielle de ceux qui ont Ă©tĂ© constatĂ©s dans l'arrĂȘt du 21 avril 2005, Holcim (Deutschland)/Commission (T-28/03, EU:T:2005:139), et dans l'ordonnance du 12 dĂ©cembre 2007, Atlantic Container Line e.a./Commission (T-113/04, non publiĂ©e, EU:T:2007:377), mentionnĂ©s au point ci-dessus. Le lien entre le dĂ©passement du dĂ©lai raisonnable de jugement dans l'affaire T-54/06 et le paiement de frais de garantie bancaire au cours de la pĂ©riode qui correspond Ă ce dĂ©passement ne peut donc, contrairement Ă ce que prĂ©tend la Cour de justice de l'Union europĂ©enne, avoir Ă©tĂ© rompu par le choix initial de la requĂ©rante de ne pas payer immĂ©diatement l'amende infligĂ©e par la dĂ©cision C(2005) 4634 et de constituer une garantie bancaire.
90 Il s'ensuit qu'il existe un lien de causalité suffisamment direct entre la violation du délai raisonnable de jugement dans l'affaire T-54/06 et le préjudice subi par la requérante, en raison du paiement de frais de garantie bancaire au cours de la période qui correspond au dépassement dudit délai.
91 En troisiĂšme lieu, la requĂ©rante soutient qu'elle a subi un prĂ©judice matĂ©riel qui consisterait en des charges financiĂšres additionnelles qu'elle a dĂ» supporter au cours de la pĂ©riode comprise entre le 26 aoĂ»t 2010 et le 26 novembre 2013, date Ă laquelle la Cour a rendu son arrĂȘt Kendrion/Commission (C-50/12 P, EU:C:2013:771) (voir le point ci-dessus).
92 Ă cet Ă©gard, d'abord, il y a lieu de relever que, dans son recours, la requĂ©rante invoque une violation du dĂ©lai raisonnable de jugement uniquement dans l'affaire T-54/06. Elle n'invoque donc pas une violation du dĂ©lai raisonnable de jugement en raison de la durĂ©e totale de la procĂ©dure dans l'affaire T-54/06 avec l'affaire ayant donnĂ© lieu Ă l'arrĂȘt du 26 novembre 2013, Kendrion/Commission (C-50/12 P, EU:C:2013:771).
93 Ainsi, en l'espÚce, il a été uniquement constaté que la procédure dans l'affaire T-54/06 avait violé le délai raisonnable de jugement (voir le point ci-dessus).
94 Ensuite, la violation du dĂ©lai raisonnable de jugement dans l'affaire T-54/06 a pris fin avec le prononcĂ© de l'arrĂȘt du 16 novembre 2011, Kendrion/Commission (T-54/06, non publiĂ©, EU:T:2011:667).
95 Ainsi, à partir du 16 novembre 2011, la requérante était en mesure d'apprécier l'existence d'une violation du délai raisonnable de jugement dans l'affaire T-54/06 et le préjudice qu'elle avait enduré en raison du paiement de frais de garantie bancaire au cours de la période correspondant au dépassement dudit délai.
96 D'ailleurs, dans le pourvoi qu'elle a formĂ© le 26 janvier 2012 contre l'arrĂȘt du 16 novembre 2011, Kendrion/Commission (T-54/06, non publiĂ©, EU:T:2011:667), la requĂ©rante a fait valoir que la longueur excessive de la procĂ©dure dans l'affaire T-54/06 avait eu, pour elle, des consĂ©quences prĂ©judiciables et demandĂ©, Ă ce titre, la rĂ©duction du montant de l'amende qui lui avait Ă©tĂ© infligĂ©e.
97 Enfin, la dĂ©cision C(2005) 4634, qui a infligĂ© une amende Ă la requĂ©rante, est devenue dĂ©finitive uniquement le 26 novembre 2013 et la facultĂ© offerte par la Commission de constituer une garantie bancaire a pris fin Ă cette date, en raison du choix de la requĂ©rante de former un pourvoi contre l'arrĂȘt du 16 novembre 2011, Kendrion/Commission (T-54/06, non publiĂ©, EU:T:2011:667).
98 Il s'ensuit que le paiement de frais de garantie bancaire aprĂšs le prononcĂ© de l'arrĂȘt du 16 novembre 2011, Kendrion/Commission (T-54/06, non publiĂ©, EU:T:2011:667), qui a mis fin Ă la violation du dĂ©lai raisonnable de jugement dans l'affaire T-54/06, ne prĂ©sente pas un lien de causalitĂ© suffisamment direct avec cette violation, dans la mesure oĂč le paiement de tels frais dĂ©coule du choix personnel et autonome de la requĂ©rante, postĂ©rieur Ă ladite violation, de ne pas payer l'amende, de ne pas demander le sursis Ă l'exĂ©cution de la dĂ©cision C(2005) 4634 et de former un pourvoi contre l'arrĂȘt susvisĂ©.
99 Il rĂ©sulte de l'ensemble de ce qui prĂ©cĂšde qu'il existe un lien de causalitĂ© suffisamment direct entre, d'une part, la violation du dĂ©lai raisonnable de jugement dans l'affaire T-54/06 et, d'autre part, le prĂ©judice qui a Ă©tĂ© subi par la requĂ©rante avant le prononcĂ© de l'arrĂȘt du 16 novembre 2011, Kendrion/Commission (T-54/06, non publiĂ©, EU:T:2011:667), et qui consiste dans le paiement de frais de garantie bancaire au cours de la pĂ©riode qui correspond au dĂ©passement de ce dĂ©lai raisonnable.
4) Sur l'évaluation du préjudice matériel subi
100 En premier lieu, il importe de rappeler que la durée de la procédure dans l'affaire T-54/06 a dépassé de 20 mois le délai raisonnable de jugement dans cette affaire (voir le point ci-dessus).
101 En deuxiĂšme lieu, d'une part, la requĂ©rante prĂ©cise, dans la requĂȘte, que le prĂ©judice matĂ©riel qu'elle a subi consiste dans " les charges financiĂšres supplĂ©mentaires qu'elle a dĂ» supporter au cours de la pĂ©riode considĂ©rĂ©e, Ă savoir la pĂ©riode allant du 26 aoĂ»t 2010 au 26 novembre 2013 " (voir le point ci-dessus). En outre, au soutien de sa demande de rĂ©paration, elle fournit des informations sur les frais de garantie bancaire qu'elle a payĂ©s au cours de cette pĂ©riode.
102 Ainsi, lue Ă la lumiĂšre des motifs de la requĂȘte, la demande de rĂ©paration formulĂ©e par la requĂ©rante dans son premier chef de conclusions correspond aux frais encourus Ă partir du 26 aoĂ»t 2010.
103 Or, il dĂ©coule des rĂšgles rĂ©gissant la procĂ©dure devant les juridictions de l'Union, notamment de l'article 21 du statut de la Cour de justice de l'Union europĂ©enne et de l'article 44, paragraphe 1, du rĂšglement de procĂ©dure du 2 mai 1991, que le litige est en principe dĂ©terminĂ© et circonscrit par les parties et que le juge de l'Union ne peut statuer ultra petita (arrĂȘts du 10 dĂ©cembre 2013, Commission/Irlande e.a., C-272/12 P, EU:C:2013:812, point 27, et du 3 juillet 2014, Electrabel/Commission, C-84/13 P, non publiĂ©, EU:C:2014:2040, point 49).
104 Ainsi, le Tribunal ne peut s'écarter de la demande de la requérante et décider d'office de réparer un préjudice subi antérieurement au 26 août 2010, c'est à dire un préjudice subi au cours d'une période chronologiquement différente de celle au cours de laquelle elle prétend avoir subi un préjudice.
105 D'autre part, les frais de garantie bancaire payés par la requérante postérieurement au 16 novembre 2011 ne présentent pas un lien de causalité suffisamment direct avec la violation du délai raisonnable de jugement dans l'affaire T-54/06 (voir le point ci-dessus).
106 DĂšs lors, en l'espĂšce, le prĂ©judice qui peut ĂȘtre rĂ©parĂ© correspond aux frais de garantie bancaire payĂ©s par la requĂ©rante entre le 26 aoĂ»t 2010 et le 16 novembre 2011.
107 En troisiÚme lieu, il ressort des piÚces produites par la requérante que les frais de garantie bancaire ont été payés sur une base trimestrielle. Ces piÚces montrent également que, entre le 26 août 2010 et le 31 décembre 2011, les frais de garantie bancaire payés par la requérante ont été les suivants :
Période / Frais (euros)
26.8.2010-31.12.2010 / 175 709,87
31.12.2010-14.3.2011 / 81 382,15
14.3.2011-31.3.2011 / 18 983,87
31.3.2011-30.6.2011 / 102 533,99
30.6.2011-30.9.2011 / 104 603,82
30.9.2011-31.12.2011 / 105 555,48
Total 588 769,18
108 Il s'ensuit que les frais de garantie bancaire payés par la requérante au cours de la période comprise entre le 26 août 2010 et le 16 novembre 2011 se sont élevés à 588 769,18 euros.
109 Compte tenu de ce qui précÚde, il y a lieu d'accorder une indemnité d'un montant de 588 769,18 euros à la requérante à titre de réparation du préjudice matériel que lui a causé la violation du délai raisonnable de jugement dans l'affaire T-54/06 et qui consiste dans le paiement de frais de garantie bancaire additionnels.
b) Sur les préjudices immatériels allégués et le supposé lien de causalité
110 La requérante fait valoir, en premier lieu, que, selon la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme, il existe une présomption solide quoique réfragable selon laquelle la durée excessive d'une procédure entraßne un dommage immatériel. Par ailleurs, la requérante serait " une entreprise cotée en bourse dont les heurs et malheurs seraient suivis attentivement, non seulement par ses propres salariés, mais aussi par la presse, par des investisseurs et par ses clients ". Ainsi, la réputation de la requérante aurait été inutilement écornée. Enfin, les années supplémentaires d'incertitude auraient eu une incidence négative sur la gestion, les investissements, l'attractivité et la stratégie de l'entreprise. En outre, l'incertitude prolongée aurait également causé un préjudice moral personnel aux salariés ainsi qu'aux dirigeants de la requérante.
111 En second lieu, la requérante souligne qu'une évaluation précise du préjudice immatériel allégué est difficile en raison de la nature de ce préjudice. Cependant, la Cour européenne des droits de l'homme insisterait sur l'importance des affaires similaires lorsqu'elle évalue les préjudices. Ainsi, la meilleure référence pour évaluer le préjudice immatériel subi en l'espÚce serait les affaires dans lesquelles le Tribunal ou la Cour ont constaté une violation du délai raisonnable et réduit, à titre de " satisfaction équitable ", l'amende infligée par une décision de la Commission pour infraction aux rÚgles de concurrence de l'Union.
112 Dans ces conditions, la requĂ©rante demande, Ă titre principal, une rĂ©paration d'un montant de 11 050 000 euros pour la pĂ©riode comprise entre le 26 aoĂ»t 2010 et le 26 novembre 2013, ce qui correspond Ă l'application d'un taux de 10 %, par annĂ©e de retard, au montant de l'amende qui lui a Ă©tĂ© infligĂ©e par la dĂ©cision C(2005) 4634. Ă titre subsidiaire, la requĂ©rante demande une rĂ©paration d'un montant de 1 700 000 euros, qui correspond Ă 5 % du montant de l'amende qui lui a Ă©tĂ© infligĂ©e par la dĂ©cision C(2005) 4634. La requĂ©rante demande, Ă titre plus subsidiaire, une rĂ©paration d'un montant fixĂ© par les parties conformĂ©ment aux modalitĂ©s dĂ©finies par le Tribunal ou, Ă titre encore plus subsidiaire, d'un montant raisonnable dĂ©terminĂ© par le Tribunal lui-mĂȘme.
113 La Cour de justice de l'Union europĂ©enne rĂ©torque, en premier lieu, que la requĂ©rante ne prouve pas l'existence d'un prĂ©judice immatĂ©riel. Elle rappelle qu'il incombe Ă la requĂ©rante de rapporter la preuve du prĂ©judice qu'elle allĂšgue. Or, le prĂ©judice allĂ©guĂ© serait dĂ©crit d'une maniĂšre extrĂȘmement vague, reposerait sur une confusion entre le prĂ©judice immatĂ©riel et le prĂ©judice matĂ©riel et ne serait pas Ă©tayĂ© par le moindre Ă©lĂ©ment de preuve. Par ailleurs, la requĂ©rante rĂ©clamerait des dommages et intĂ©rĂȘts punitifs.
114 En deuxiĂšme lieu, et Ă titre subsidiaire, la Cour de justice de l'Union europĂ©enne soutient que la requĂ©rante ne rapporte pas la preuve de l'existence d'un lien de causalitĂ© entre le prĂ©judice immatĂ©riel allĂ©guĂ© et la prĂ©tendue mĂ©connaissance du dĂ©lai raisonnable de jugement. En effet, le prĂ©judice immatĂ©riel allĂ©guĂ© dĂ©coulerait uniquement de l'infraction aux rĂšgles de concurrence commise par la requĂ©rante. Le prĂ©tendu dĂ©lai dĂ©raisonnable de jugement n'aurait pas aggravĂ© les consĂ©quences immatĂ©rielles du constat d'infraction opĂ©rĂ© par la Commission, dans la mesure oĂč le Tribunal aurait confirmĂ© ce constat d'infraction et le montant de l'amende infligĂ©e.
115 En troisiĂšme lieu, et Ă titre encore plus subsidiaire, la Cour de justice de l'Union europĂ©enne fait valoir que le prĂ©judice immatĂ©riel rĂ©parable devrait ĂȘtre Ă©valuĂ© Ă 5 000 euros au maximum.
116 Il convient d'apprĂ©cier, premiĂšrement, les prĂ©judices immatĂ©riels prĂ©tendument subis par les dirigeants et par les salariĂ©s de la requĂ©rante et, deuxiĂšmement, les prĂ©judices immatĂ©riels prĂ©tendument subis par la requĂ©rante elle-mĂȘme.
1) Sur les préjudices immatériels prétendument subis par les dirigeants et par les salariés de la requérante
117 Il importe de relever que les conclusions de la requĂȘte visent uniquement les intĂ©rĂȘts propres de la requĂ©rante et non les intĂ©rĂȘts personnels de ses dirigeants ou de ses salariĂ©s. Par ailleurs, la requĂ©rante n'invoque pas une cession de droits ou un mandat explicite qui l'habiliterait Ă prĂ©senter une demande de rĂ©paration des prĂ©judices subis par ses dirigeants et par ses salariĂ©s.
118 Ainsi, la demande de rĂ©paration des prĂ©judices immatĂ©riels prĂ©tendument subis par les dirigeants et les salariĂ©s de la requĂ©rante doit ĂȘtre rejetĂ©e comme irrecevable, au motif qu'il ne ressort pas du dossier que la requĂ©rante Ă©tait habilitĂ©e, par lesdits dirigeants et salariĂ©s, Ă introduire un recours en indemnitĂ© en leur nom (voir, en ce sens, ordonnance du 12 mai 2010, CPEM/Commission, C-350/09 P, non publiĂ©e, EU:C:2010:267, point 61, et arrĂȘt du 30 juin 2009, CPEM/Commission, T-444/07, EU:T:2009:227, points 39 et 40).
119 En tout état de cause, l'existence d'un préjudice subi par des dirigeants ou des salariés de la requérante n'est pas établie. En effet, d'une part, la requérante procÚde par pures affirmations et n'apporte aucun élément concret qui démontrerait l'angoisse et les désagréments qui auraient été endurés par ses dirigeants et par ses salariés en raison de la violation du délai raisonnable de jugement dans l'affaire T-54/06. D'autre part, la requérante ne démontre pas que ses dirigeants et ses salariés auraient subi un préjudice personnel, direct et distinct de celui qu'elle aurait personnellement subi.
120 Par consĂ©quent, la demande de rĂ©paration des prĂ©judices immatĂ©riels prĂ©tendument subis par les dirigeants et par les salariĂ©s de la requĂ©rante doit ĂȘtre rejetĂ©e comme irrecevable et, en tout Ă©tat de cause, comme non fondĂ©e.
2) Sur les préjudices immatériels prétendument subis par la requérante
121 Il ressort de la jurisprudence que, dans la mesure oĂč un requĂ©rant n'avance aucun Ă©lĂ©ment de nature Ă dĂ©montrer l'existence et Ă dĂ©terminer l'Ă©tendue de son prĂ©judice moral ou immatĂ©riel, il lui incombe, tout au moins, d'Ă©tablir que le comportement incriminĂ© Ă©tait, par sa gravitĂ©, de nature Ă lui causer un tel dommage (voir, en ce sens, arrĂȘts du 16 juillet 2009, SELEX Sistemi Integrati/Commission, C-481/07 P, non publiĂ©, EU:C:2009:461, point 38 ; du 28 janvier 1999, BAI/Commission, T-230/95, EU:T:1999:11, point 39, et du 16 octobre 2014, EvropaĂŻki Dynamiki/Commission, T-297/12, non publiĂ©, EU:T:2014:888, points 31, 46 et 63).
122 En premier lieu, il convient de rappeler que la requérante invoque une atteinte à sa réputation, notamment à l'égard des investisseurs et de ses clients.
123 Cependant, l'argumentation de la requérante n'est pas étayée par des éléments de preuve qui démontreraient que, par sa gravité, la violation du délai raisonnable de jugement était susceptible d'avoir une incidence sur sa réputation, au-delà de l'incidence causée par la décision C(2005) 4634.
124 Dans ces conditions, il y a lieu de constater que la requérante ne démontre pas que la violation du délai raisonnable de jugement dans l'affaire T-54/06 était de nature à porter atteinte à sa réputation.
125 En tout état de cause, en l'espÚce, le constat de la violation du délai raisonnable de jugement effectué au point ci-dessus serait, eu égard à l'objet et à la gravité de cette violation, suffisant pour réparer l'atteinte à la réputation alléguée par la requérante.
126 En deuxiÚme lieu, la circonstance que la requérante a été placée dans une situation d'incertitude, notamment quant au succÚs de son recours contre la décision C(2005) 4634, est inhérente à toute procédure juridictionnelle. Par ailleurs, la requérante était nécessairement consciente que l'affaire T-54/06 présentait un certain degré de complexité et que cette complexité était liée, d'une part, au nombre de recours parallÚles successivement introduits devant le Tribunal dans différentes langues de procédure contre la décision C(2005) 4634 et, d'autre part, à la nécessité, pour cette juridiction, de procéder à une instruction approfondie de dossiers volumineux et, en particulier, à la nécessité d'établir les faits et de procéder à un examen matériel du litige.
127 Cependant, la durée totale de la procédure dans l'affaire T-54/06, de 5 ans et 9 mois, a dépassé la durée prévisionnelle que la requérante avait pu envisager, notamment au moment de l'introduction de son recours. Par ailleurs, la procédure dans l'affaire T-54/06 laisse apparaßtre une période de 3 ans et 10 mois comprise entre la clÎture de la phase écrite de la procédure et l'ouverture de la phase orale de la procédure. Ces délais ne sont aucunement justifiés par l'adoption de mesures d'organisation de la procédure, de mesures d'instruction ou par la survenance d'incidents procéduraux. Enfin, la requérante n'a aucunement contribué, par son comportement, au délai de jugement observé. Au contraire, la requérante a manifesté à deux reprises, au moins, son attente auprÚs du Tribunal et demandé un traitement urgent de l'affaire T-54/06.
128 Dans ces conditions, la méconnaissance du délai raisonnable de jugement dans l'affaire T-54/06 était de nature à plonger la requérante dans une situation d'incertitude qui a dépassé l'incertitude habituellement provoquée par une procédure juridictionnelle. Cet état d'incertitude prolongé a nécessairement exercé une influence sur la planification des décisions à prendre et sur la gestion de cette société et a donc été constitutif d'un préjudice immatériel.
129 En troisiÚme lieu, dans les circonstances de l'espÚce, le préjudice immatériel subi par la requérante, en raison de l'état d'incertitude prolongé dans lequel elle a été placée, ne se trouve pas entiÚrement réparé par le constat d'une violation du délai raisonnable de jugement.
130 à cet égard, premiÚrement, il convient de relever que l'indemnité, demandée par la requérante et rappelée au point ci-dessus, vise à la réparation de plusieurs préjudices immatériels et, notamment, d'une atteinte à la réputation qui n'est pas démontrée et qui, en tout état de cause, est suffisamment réparée par le constat d'une violation du délai raisonnable de jugement (voir les points ci-dessus).
131 DeuxiĂšmement, la Cour a jugĂ© que, compte tenu de la nĂ©cessitĂ© de faire respecter les rĂšgles de concurrence du droit de l'Union, le juge de l'Union ne saurait permettre, au seul motif de la mĂ©connaissance d'un dĂ©lai raisonnable de jugement, Ă la partie requĂ©rante de remettre en question le bien-fondĂ© ou le montant d'une amende alors que l'ensemble des moyens dirigĂ©s contre les constatations opĂ©rĂ©es au sujet du montant de cette amende et des comportements qu'elle sanctionne ont Ă©tĂ© rejetĂ©s (arrĂȘt du 26 novembre 2013, Kendrion/Commission, C-50/12 P, EU:C:2013:771, point 87 ; voir Ă©galement, en ce sens, arrĂȘts du 16 juillet 2009, Der GrĂŒne Punkt - Duales System Deutschland/Commission, C-385/07 P, EU:C:2009:456, point 194, et du 8 mai 2014, BollorĂ©/Commission, C-414/12 P, non publiĂ©, EU:C:2014:301, point 105).
132 Il s'ensuit que le non-respect d'un dĂ©lai raisonnable de jugement, dans le cadre de l'examen d'un recours juridictionnel introduit contre une dĂ©cision de la Commission infligeant une amende Ă une entreprise pour violation des rĂšgles de concurrence du droit de l'Union, ne saurait conduire Ă l'annulation, totale ou partielle, de l'amende infligĂ©e par cette dĂ©cision (arrĂȘts du 26 novembre 2013, Groupe Gascogne/Commission, C-58/12 P, EU:C:2013:770, point 78, et du 26 novembre 2013, Kendrion/Commission, C-50/12 P, EU:C:2013:771, point 88 ; voir Ă©galement, en ce sens, arrĂȘt du 8 mai 2014, BollorĂ©/Commission, C-414/12 P, non publiĂ©, EU:C:2014:301, point 107).
133 Or, une méthode de calcul de la réparation du préjudice immatériel causé par une méconnaissance du délai raisonnable de jugement, qui consisterait, ainsi que le demande la requérante, à appliquer un certain pourcentage au montant de l'amende infligée par la Commission, aurait pour conséquence de remettre en cause ladite amende, bien qu'il ne soit pas établi que la méconnaissance du délai raisonnable de jugement dans l'affaire T-54/06 ait exercé une influence sur le montant de cette amende.
134 Les demandes de la requĂ©rante visant Ă la rĂ©paration du prĂ©judice immatĂ©riel allĂ©guĂ© au moyen d'une rĂ©duction du montant de l'amende infligĂ©e par la dĂ©cision C(2005) 4634 doivent donc ĂȘtre rejetĂ©es.
135 TroisiÚmement, compte tenu des appréciations portées aux points ci-dessus et, en particulier, de l'ampleur de la méconnaissance du délai raisonnable de jugement, du comportement de la requérante et de l'attente qu'elle a manifestée au cours de la procédure, de la nécessité de faire respecter les rÚgles de concurrence de l'Union et de l'efficacité du présent recours, il y a lieu de décider ex aequo et bono qu'une indemnité de 6 000 euros, accordée à la requérante, constitue une réparation adéquate du préjudice qu'elle a subi en raison de l'état d'incertitude prolongé dans lequel elle s'est trouvée au cours de la procédure dans l'affaire T-54/06.
c) Sur les intĂ©rĂȘts
136 Par son troisiĂšme chef de conclusions, la requĂ©rante demande au Tribunal d'assortir le montant de la rĂ©paration, qu'il est susceptible de lui allouer, d'intĂ©rĂȘts moratoires qui commenceraient Ă courir Ă partir du 26 novembre 2013.
137 Il ressort de la jurisprudence que l'obligation de payer des intĂ©rĂȘts moratoires naĂźt, en principe, Ă partir de l'arrĂȘt qui constate l'obligation de rĂ©parer le prĂ©judice (voir, en ce sens, arrĂȘt du 26 juin 1990, Sofrimport/Commission, C-152/88, EU:C:1990:259, point 32 et jurisprudence citĂ©e).
138 Pour la fixation du taux des intĂ©rĂȘts moratoires, il est appropriĂ© de tenir compte de l'article 83, paragraphe 2, sous b), et de l'article 111, paragraphe 4, sous a), du rĂšglement dĂ©lĂ©guĂ© (UE) n° 1268/2012 de la Commission, du 29 octobre 2012, relatif aux rĂšgles d'application du rĂšglement (UE, Euratom) n° 966/2012 du Parlement europĂ©en et du Conseil relatif aux rĂšgles financiĂšres applicables au budget gĂ©nĂ©ral de l'Union (JO 2012, L 362, p. 1). En application de ces dispositions, le taux d'intĂ©rĂȘt pour les crĂ©ances non remboursĂ©es dans les dĂ©lais est le taux appliquĂ© par la BCE Ă ses opĂ©rations principales de refinancement tel que publiĂ© au Journal officiel de l'Union europĂ©enne, sĂ©rie C, en vigueur le premier jour de calendrier du mois de la date limite, majorĂ© de trois points et demi de pourcentage.
139 En l'espĂšce, les indemnitĂ©s visĂ©es aux points ci-dessus doivent ĂȘtre majorĂ©es d'intĂ©rĂȘts moratoires, Ă compter du prononcĂ© du prĂ©sent arrĂȘt et jusqu'Ă complet paiement.
140 Le taux des intĂ©rĂȘts moratoires sera celui fixĂ© par la BCE pour ses opĂ©rations principales de refinancement, majorĂ© de trois points et demi de pourcentage.
Conclusion sur le montant des indemnitĂ©s et sur les intĂ©rĂȘts
141 Compte tenu de l'ensemble de ce qui prĂ©cĂšde, le prĂ©sent recours doit ĂȘtre accueilli partiellement en ce qu'il tend Ă la rĂ©paration des prĂ©judices subis par la requĂ©rante en raison de la violation du dĂ©lai raisonnable de jugement dans l'affaire T-54/06.
142 L'indemnité due à la requérante à titre de réparation du préjudice qu'elle a subi en raison du paiement de frais de garantie bancaire additionnels s'élÚve à 588 769,18 euros.
143 L'indemnité due à la requérante à titre de réparation de son préjudice immatériel s'élÚve à la somme de 6 000 euros.
144 Le montant des indemnitĂ©s visĂ©es aux points 142 et 143 ci-dessus sera majorĂ© d'intĂ©rĂȘts moratoires dans les conditions visĂ©es aux points ci-dessus.
145 Le recours est rejeté pour le surplus.
IV) Sur les dépens
146 Aux termes de l'article 134, paragraphe 1, du rÚglement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s'il est conclu en ce sens. Or, dans l'ordonnance du 6 janvier 2015, Kendrion/Union européenne (T-479/14, non publiée, EU:T:2015:2), l'exception d'irrecevabilité soulevée par la Cour de justice de l'Union européenne a été rejetée et les dépens ont été réservés. Il convient donc de condamner l'Union, représentée par la Cour de justice de l'Union européenne, à supporter, outre ses propres dépens, ceux qui ont été exposés par la requérante et qui sont afférents à l'exception d'irrecevabilité ayant donné lieu à l'ordonnance du 6 janvier 2015, Kendrion/Union européenne (T-479/14, non publiée, EU:T:2015:2).
147 En vertu de l'article 134, paragraphe 3, du rÚglement de procédure, chaque partie supporte ses propres dépens si les parties succombent respectivement sur un ou plusieurs chefs. Toutefois, si cela apparaßt justifié au vu des circonstances de l'espÚce, le Tribunal peut décider que, outre ses propres dépens, une partie supporte une fraction des dépens de l'autre partie.
148 En l'espÚce, la requérante a obtenu satisfaction en partie en ce qui concerne ses chefs de conclusions sur le fond. Cependant, elle a largement succombé en sa demande d'indemnité. Dans ces conditions, et eu égard à l'ensemble des circonstances de la cause, il y a lieu de décider que chacune des parties supportera ses propres dépens.
149 Selon l'article 138, paragraphe 1, du rĂšglement de procĂ©dure, les Ătats membres et les institutions qui sont intervenus au litige supportent leurs propres dĂ©pens. Il convient de dĂ©cider que la Commission supportera ses propres dĂ©pens.
Par ces motifs,
LE TRIBUNAL (troisiÚme chambre élargie)
dĂ©clare et arrĂȘte :
1) L'Union europĂ©enne, reprĂ©sentĂ©e par la Cour de justice de l'Union europĂ©enne, est condamnĂ©e Ă payer une indemnitĂ© de 588 769,18 euros Ă Kendrion NV au titre du prĂ©judice matĂ©riel subi par cette sociĂ©tĂ© en raison de la violation du dĂ©lai raisonnable de jugement dans l'affaire ayant donnĂ© lieu Ă l'arrĂȘt du 16 novembre 2011, Kendrion/Commission (T-54/06, non publiĂ©, EU:T:2011:667).
2) L'Union, représentée par la Cour de justice de l'Union européenne, est condamnée à payer une indemnité de 6 000 euros à Kendrion au titre du préjudice immatériel que cette société a subi en raison de la violation du délai raisonnable de jugement dans l'affaire T-54/06.
3) Chacune des indemnitĂ©s visĂ©es aux points 1) et 2) ci-dessus sera majorĂ©e d'intĂ©rĂȘts moratoires, Ă compter du prononcĂ© du prĂ©sent arrĂȘt et jusqu'Ă complet paiement, au taux fixĂ© par la Banque centrale europĂ©enne (BCE) pour ses opĂ©rations principales de refinancement, majorĂ© de trois points et demi de pourcentage.
4) Le recours est rejeté pour le surplus.
5) L'Union, représentée par la Cour de justice de l'Union européenne, est condamnée à supporter, outre ses propres dépens, les dépens qui ont été exposés par Kendrion et qui sont afférents à l'exception d'irrecevabilité ayant donné lieu à l'ordonnance du 6 janvier 2015, Kendrion/Union européenne (T-479/14, non publiée, EU:T:2015:2).
6) Kendrion, d'une part, et l'Union, reprĂ©sentĂ©e par la Cour de justice de l'Union europĂ©enne, d'autre part, supporteront leurs propres dĂ©pens affĂ©rents au recours ayant donnĂ© lieu au prĂ©sent arrĂȘt.
7) La Commission européenne supportera ses propres dépens.