Cass. soc., 26 janvier 2017, n° 15-26.202
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
PARTIES
Demandeur :
Robert
Défendeur :
Boy diffusion (Sté)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Lacabarats
Rapporteur :
M. Alt
Avocats :
SCP Gadiou Chevallier, SCP Odent Poulet
LA COUR : - Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. Robert a été engagé en qualité de VRP par la société Boy diffusion le 7 juin 2004 ; qu'ayant été licencié le 27 janvier 2011 pour inaptitude avec impossibilité de reclassement, il a saisi la juridiction prud'homale ;
Sur le premier moyen : - Attendu que le salarié fait grief à l'arrêt de dire que le statut de VRP doit s'appliquer à la relation de travail, alors, selon le moyen : 1°° que, la clause par laquelle l'employeur se réserve la possibilité de modifier le secteur de prospection en fonction des besoins de l'entreprise, et qui a été mise en application, est exclusive du statut de voyageur représentant placier ; qu'en l'espèce, il résulte du " contrat de VRP " de M. Robert conclu le 7 juin 2004 avec la société Boy diffusion, que cette dernière pourra " restreindre la superficie du secteur imparti (...) au cas où le représentant ne pourrait plus assurer la prospection complète " et que " le secteur sera modifié dès l'embauche d'un autre VRP sur ce secteur afin d'augmenter la capacité de prospection " ; qu'en jugeant néanmoins que M. Robert a le statut de VRP, la cour d'appel, qui a expressément relevé que ce dispositif contractuel avait été appliqué par la société Boy diffusion, a violé l'article L.7311-3 du Code du travail ; 2°) que, l'acceptation par le représentant de la modification de son secteur de prospection ne peut résulter de la seule poursuite de l'exécution du contrat de travail ; qu'en se bornant à affirmer que M. Robert " ne justifie pas qu'il se serait opposé à cette extension qui lui aurait été imposée par l'employeur ", la cour d'appel, qui n'a pas caractérisé un accord du représentant à une modification de son secteur de prospection, a privé sa décision de toute base légale au regard de l'article L. 7311-3 du Code du travail ; 3°) que, c'est à l'employeur qui modifie le secteur de prospection de son représentant de rapporter la preuve de ce qu'il a obtenu préalablement son accord ; qu'en relevant que M. Robert " ne justifie pas qu'il se serait opposé à cette extension qui lui aurait été imposée par l'employeur ", la cour d'appel a violé les articles 7311-3 du Code du travail et 1315 du Code civil ;
Mais attendu qu'ayant relevé que le salarié avait toujours conservé le même secteur géographique, légèrement étendu à une partie de deux départements limitrophes, la cour d'appel, sans encourir les autres griefs du moyen, a exactement retenu que le salarié avait la qualité de VRP ; que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le troisième moyen : - Attendu que le rejet du premier moyen rend sans objet le troisième moyen qui vise une cassation par voie de conséquence ;
Sur le cinquième moyen : - Attendu que le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de ses demandes au titre de la clause de non-concurrence, alors, selon le moyen qu'une clause de non-concurrence qui apporte une restriction au principe de la liberté du travail est d'interprétation stricte et ne peut être étendue au-delà de ses prévisions ; qu'en l'espèce, la clause de non-concurrence figurant dans le contrat de travail de M. Robert lui fait interdiction d'exercer pour son compte ou au service d'une autre personne physique ou morale, aucune activité susceptible de concurrencer celle de la société Boy diffusion, dans quatre départements, auprès des catégories de clientèle faisant l'objet de la représentation, soit " salon de coiffure et école de coiffure " ; qu'en se bornant à relever, pour le condamner à paiement de dommages-intérêts au titre de la méconnaissance de cette clause, que M. Robert a été embauché par la société BCB, spécialisée dans la fourniture de produits et matériels auprès des coiffeurs, sans rechercher, comme elle y était invitée, si son activité ne le mettait pas en contact, exclusivement, avec des fournisseurs et non des salons ou des écoles de coiffure, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard de l'article L.1221-1 du Code du travail ;
Mais attendu qu'ayant relevé que le salarié avait été engagé à compter du 1er décembre 2011 par une société dont l'objet social est le commerce de gros de parfumerie et de produits de beauté, spécialisée dans la fourniture de produits et matériels auprès des coiffeurs et que ce nouvel employeur exerçait une activité concurrente de celle de la société Boy diffusion, la cour d'appel, qui n'avait pas à faire des recherches que ses constatations rendaient inopérantes, a légalement justifié sa décision ;
Mais sur le deuxième moyen : - Vu les articles L. 3141-12 du Code du travail et 1315 du Code civil dans sa version antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016 ; - Attendu que, pour débouter le salarié de sa demande au titre de la cinquième semaine de congés payés, l'arrêt retient que celui-ci ne rapporte pas la preuve qu'il n'a pas bénéficié de cette semaine ;
Qu'en statuant ainsi, par des motifs inopérants, la cour d'appel, à qui il appartenait de déterminer si le salarié avait pris ou non ses congés acquis au titre des périodes antérieures à celle en cours au moment du licenciement et, dans la négative, de rechercher, eu égard à la finalité qu'assigne aux congés payés annuels la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003, concernant certains aspects de l'aménagement du temps de travail, si l'employeur justifiait avoir pris les mesures propres à assurer au salarié la possibilité d'exercer effectivement son droit à congé en accomplissant à cette fin les diligences qui lui incombent, a violé les textes susvisés ;
Et sur le quatrième moyen : - Vu les articles L. 1152-1 et L. 1154-1 du Code du travail dans leur version applicable au litige ; - Attendu que, pour débouter le salarié de ses demandes au titre du harcèlement moral, l'arrêt retient que le salarié, pour étayer ses affirmations, versait notamment des documents médicaux établissant la dégradation de son état de santé ; que l'employeur contestait tout acte de harcèlement moral et affirmait que les médecins n'avaient fait que retranscrire les déclarations du salarié et que celui-ci ne s'est jamais plaint de quoi que ce soit ;
Qu'en statuant ainsi, sans examiner les éléments invoqués par le salarié et prendre en considération les documents médicaux produits afin d'apprécier si les faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, permettaient de présumer l'existence d'un harcèlement moral, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
Et attendu que la cassation à intervenir sur le quatrième moyen emporte par voie de conséquence la cassation sur le sixième moyen, en application des dispositions de l'article 624 du Code de procédure civile ;
Par ces motifs : Casse et Annule, mais seulement en ce qu'il rejette la demande sur le harcèlement moral et dit que le licenciement repose sur une cause réelle et sérieuse et en ce qu'il déboute le M. Robert de sa demande au titre de la cinquième semaine de congés payés, l'arrêt rendu le 25 septembre 2015, entre les parties, par la Cour d'appel de Toulouse ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la Cour d'appel de Bordeaux.