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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 1, 1 février 2017, n° 16-05596

PARIS

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Détection électronique Française (Sté)

Défendeur :

Autorité de la concurrence

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Fusaro

Avocats :

Mes Baechlin, Vogel

TGI Bobigny, JLD, du 8 févr. 2016

8 février 2016

Le 8 février 2016, le juge des libertés et de la détention (ci-après JLD) de Bobigny, a rendu, en application des dispositions de l'article L. 450-4 du Code de commerce une ordonnance de visite et de saisie dans les locaux des sociétés suivantes :

Siemens, <adresse1> et <adresse 2>, et les sociétés du même groupe sises aux mêmes adresses; Chubb France, <adresse3> et les sociétés du même groupe sises à la même adresse, ci-après " Chubb "; UTC Fire & Security France, <adresse 4>, et les sociétés du même groupe sises à la même adresse, ci-après " UTC "; la Détection Electronique Française (ci-après DEF), <adresse 5> et les sociétés du même groupe sises à la même adresse, ci-après " DEF ".

Cette ordonnance faisait suite à une requête présentée après l'enquête des services de l'Autorité de la concurrence (ci-après ADLC) aux fins d'établir si lesdites entreprises se livreraient à des pratiques prohibées par les articles L. 420-1 1°, L. 420-2 du Code de commerce et 101-1 et 102 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (ci-après TFUE).

Cette requête était consécutive à une demande d'enquête de la rapporteure générale de l'Autorité de la concurrence, conformément aux dispositions de l'article L. 450-4 alinéa 1 du Code de commerce.

A l'appui de cette requête, était jointe une liste de 17 pièces ou documents en annexe. Il était allégué des éléments d'information, selon lesquels les sociétés précitées pratiqueraient une politique commerciale de nature à empêcher ou à limiter l'accès au marché ou le libre exercice de la concurrence par d'autres entreprises et/ou auraient respectivement abusé de leur position dominante sur le marché de la maintenance des systèmes de sécurité incendie qu'elles fabriquent.

Il était relevé que le secteur de la sécurité incendie regroupe notamment les systèmes de détection (alarmes, détecteurs fumée, etc...) et de mise en sécurité incendie, ce secteur faisant intervenir au moins deux catégories d'opérateurs, les fabricants/constructeurs qui installent et assurent la maintenance et les installateurs/mainteneurs. Toutefois, des opérateurs en charge de la maintenance des systèmes de sécurité incendie (ci-après SSI) ne sont pas obligatoirement ceux qui ont réalisé l'installation, les contrats pouvant être indépendants.

Il apparaîtrait que si le marché de la maintenance semblerait ouvert à la mise en compétition, en raison de l'indépendance constatée des contrats d'installation et de maintenance dans les procédures d'appels d'offres d'une part, et de la multitude de petites et moyennes entreprises qui interviennent dans ce domaine d'autre part, en réalité, il s'avérerait que l'arrivée de l'informatique dans les systèmes, à savoir des codes d'accès et l'utilisation de logiciels spécifiques, verrouillerait le matériel des constructeurs et ainsi compromettrait le libre exercice de la concurrence, en ce qui concerne la maintenance des dispositifs incendie.

Dès lors, les constructeurs qui dominent le secteur à savoir des sociétés Siemens, DEF, et UTC/Chubb useraient de leur droit de propriété intellectuelle sur les dispositifs qu'ils fabriquent pour verrouiller le marché de leur maintenance.

A l'appui de cette argumentation, il était cité une étude économique Xerfi d'octobre 2013 qui indiquait que ce secteur était relativement concentré avec près de 42 % du chiffre d'affaire sectoriel entre les mains de cinq acteurs.

Ce constat de position dominante était conforté par les dires de plusieurs installateurs/mainteneurs dont l'un d'entre eux notamment décrivait DEF, Siemens, et Chubb comme les grands constructeurs du secteur et les principaux fabricants.

Par ailleurs, le poids de ces opérateurs serait d'autant plus important que le secteur serait marqué par de fortes barrières à l'entrée, notamment les nombreuses normes et certifications auxquelles doivent répondre les équipements et que ces exigences dissuaderaient l'arrivée de nouveaux entrants et permettraient ainsi aux opérateurs de revaloriser régulièrement les prix de leurs équipements et de leur prestations de services.

En outre, ces opérateurs seraient en position de force vis-à-vis de leurs donneurs d'ordres, dès lors que la réglementation française contraindrait les exploitants d'établissements recevant du public ou des travailleurs à s'équiper en SSI et à les faire régulièrement entretenir.

Enfin, sur le secteur des SSI, chaque constructeur proposerait pour ses propres produits des services de maintenance spécifiques. En effet, la réalisation des prestations de maintenance sur les équipements de marque Siemens, DEF, et UTC/Chubb ne serait pas substituable dans la mesure où ces prestations nécessiteraient l'accès à certains logiciels ou à certains codes d'accès propres à chacun des fabricants susvisés, lesquels auraient recours à des architectures informatiques fermées.

Selon l'Autorité de la concurrence, l'influence des sociétés Siemens, UTC/Chubb et DEF résulterait également de leur positionnement sur ces marchés distincts de la maintenance des équipements de leur marque, ce choix étant particulièrement stratégique du fait du caractère lucratif de ces activités de services. Il était ainsi cité le propos d'un gérant de société qui déclarait " la bataille est à l'installation pour pouvoir assurer la maintenance ". Ainsi, chacune des sociétés précitées seraient susceptibles de détenir respectivement une position dominante sur le marché de la maintenance des SSI qu'elle fabrique.

De plus, dans le dessin d'éliminer ou de circonscrire la concurrence, ces sociétés refuseraient de communiquer aux entreprises chargées de la maintenance de leurs dispositifs dits " fermés ", les logiciels et codes d'accès indispensables à celle-ci, alors que d'autres fabricants tels Finsecur, Nugelec et Esser proposeraient des matériels dits " open source " permettant ainsi aux entreprises indépendantes de maintenir sans difficultés les installations.

Il aurait, par ailleurs, été relevé que plusieurs installateurs/mainteneurs auraient fait état dans leurs déclarations du défaut d'accès aux logiciels pour maintenir les SSI de marque Siemens, DEF et UTC/Chubb et, à titre illustratif, il était cité le cas de la société Aitec, qui avait remporté un appel d'offre concernant le SSI d'un lycée de Poitiers mais s'était vue refuser par le constructeur de DEF la remise du protocole de communication informatique nécessaire au raccordement de la centrale de sa marque.

Il apparaîtrait également que, lorsque les trois fabricants réalisent des opérations de sous-traitance, ils imposeraient des délais d'intervention longs et pratiqueraient des prix excessifs.

De surcroît, l'utilisation par les opérateurs Siemens, DEF et UTC/Chubb de tels logiciels limiterait la capacité des mainteneurs indépendants à réaliser toutes les opérations de dépannage sur les équipements.

Dans ce contexte, des entreprises de maintenance indépendantes, qui disposeraient de la compétence technique pour réaliser les opérations susvisées de niveau 3 et 4, auraient tenté de se former auprès de ces constructeurs mais soit les formations leur auraient été refusées, soit leurs coûts se seraient révélés prohibitifs, soit les documents techniques afférents ne leur auraient pas été communiqués et, en conséquence, certaines entreprises de maintenance indépendantes s'abstiendraient de répondre à des appels d'offres, compte tenu de l'impossibilité d'intervenir seul sur les SSI de marque Siemens, UTC/Chubb et DEF.

Il s'avérerait que ces déclarations seraient corroborées par les résultats de trois procédures de marchés publics organisés par l'atelier industriel de l'aéronautique de Clermont-Ferrand du ministère de la Défense qui se seraient soldées par la victoire de Siemens à chaque fois pour la maintenance de son propre matériel.

Compte tenu de l'impossibilité de maintenir les équipements incendie sans recourir aux grands fabricants et moyennant des conditions désavantageuses, les mainteneurs indépendants perdraient leur clientèle.

Dès lors, les droits de propriété intellectuelle de ces trois sociétés sur leurs logiciels et codes d'accès de SSI sembleraient générer des barrières à l'entrée sur le marché de leur maintenance et le verrouillage qui en résulterait serait de nature à réduire le nombre d'opérateurs actifs sur le marché de la maintenance de SSI de ces trois sociétés.

Il s'en déduirait que ces comportements pourraient s'inscrire dans une stratégie visant à enrayer l'offre de mainteneurs indépendants afin de profiter, par la suite, d'une situation plus favorable une fois la concurrence éliminée et que ces agissements impacteraient aussi la capacité de trois fabricants visés, entrés sur le marché de la maintenance des matériels élaborés par leurs concurrents, étant précisé que chacune de ces trois entreprises serait dans l'impossibilité d'intervenir seule sur les opérations de maintenance de deux autres constructeurs. Compte tenu du poids de ces trois entreprises dans le secteur de la sécurité incendie, les effets de telles pratiques seraient de nature à forclore plus de 80 % de l'activité de ce secteur.

Ces pratiques de verrouillage, segmentant artificiellement le marché de la maintenance par marques, feraient ainsi obstacle à la diversification de l'offre nécessaire pour initier une baisse des prix et une amélioration de la qualité du service rendu, renforçant ainsi le pouvoir de marché détenu par ces trois sociétés et de tels comportements, pourraient constituer des abus de position dominante.

Selon l'Autorité de la concurrence, il ne pourrait pas être exclu que ce parallélisme des comportements des entreprises Siemens, UTC/Chubb et DEF qui cherchaient à éliminer la concurrence entre elles et à réduire celles des entreprises de maintenance indépendante puisse être attribué à un accord anticoncurrentiel entre fabricants, l'éventualité d'un simple comportement de suivisme apparaissant, à ce stade de l'enquête, peu probable.

Il s'évincerait, de l'ensemble de ces agissements, les premiers éléments d'un faisceau d'indices laissant présumer l'existence de comportements anticoncurrentiels visant à verrouiller le marché de la maintenance de SSI de marques Siemens, DEF et UTC/Chubb et seraient susceptibles de limiter, fausser, voire anéantir le jeu de la concurrence dans le secteur considéré.

Ainsi, il existerait des présomptions quant à un éventuel accord anticoncurrentiel et/ou un abus de position dominante et les stratégies élaborées auraient pour objet ou effet l'entente illicite et/ou l'exploitation abusive par entreprise de sa position dominante et seraient établies selon des modalités secrètes, de sorte que les documents nécessaires à la preuve des dites pratiques prohibées seraient vraisemblablement détenus et conservés en des lieux et sous des formes facilitant leur dissimulation, destruction ou altération en cas de vérification.

Selon l'Autorité de la concurrence, le recours aux pouvoirs de l'article L. 450-4 du Code de commerce constituerait le seul moyen d'atteindre l'objectif recherché et que les opérations de visite et de saisie n'apparaîtraient pas disproportionnées au regard de l'objectif à atteindre.

Le JLD de Bobigny autorisait la rapporteure générale de l'Autorité de la concurrence à faire procéder, dans les locaux des entreprises sus-mentionnées et aux visites et aux saisies prévues par les dispositions des articles L. 450-4 du Code de commerce, afin de rechercher la preuve des agissements entrant dans le champ des pratiques prohibées par les articles L. 420-1 1°, L. 420-2 du Code de commerce et 101-1 et 102 du TFUE, relevées dans le secteur concerné.

Il laissait le soin de désigner les agents des services d'instruction de l'Autorité de la concurrence pour effectuer les visites et saisies autorisées et désignait Mme Audrey Roux, commissaire de Neuilly-sur-Marne, M. Julien Herbaut, commissaire de Rosny-sous-bois et M. Jean-Michel Mimram, commissaire-divisionnaire, chef du service de police nationale détaché auprès de la direction générale des douanes et droits indirects, pour nommer les officiers de police judiciaire compétents.

Il donnait commission rogatoire pour les autres lieux de visites domiciliaires et de saisies aux juges des libertés et de la détention des tribunaux de grande instance de Evry, Pontoise et Versailles et indiquait que les occupants des lieux ou leurs représentants avaient la faculté de faire appel à un conseil de leur choix, sans que cette faculté n'entraîne la suspension des opérations de visite et de saisies ; et en mentionnant que la présente ordonnance pouvait faire l'objet d'un appel devant le premier président de la Cour d'appel de Paris par déclaration au greffe dans un délai de dix jours, que cet appel n'était pas suspensif et que l'ordonnance du premier président de la Cour d'appel de Paris était susceptible de faire l'objet d'un pourvoi en cassation.

Les opérations de visite et de saisies se sont déroulées le 18 février 2016.

L'affaire a été audiencée pour être plaidée le 26 octobre 2016 et mise en délibéré pour être rendue le 11 janvier 2017 et prorogée au 1er février 2017.

Par déclaration au greffe de la Cour d'appel de Paris la société DEF a, le 26 février 2016, fait appel de l'ordonnance du JLD de Bobigny.

Par conclusions déposées le 15 juillet 2016, la société DEF a transmis des écritures tendant à l'annulation de l'ordonnance rendue le 8 février 2016 par le Juge des libertés et de la détention de Bobigny.

Par conclusions récapitulatives et en réponse déposées le 17octobre 2016, la société DEF a transmis des écritures tendant à l'annulation de l'ordonnance rendue par le JLD de Bobigny le 8 février 2016.

Elle fait valoir : à titre liminaire, la nécessité d'assurer un contrôle, en droit et en fait, du bien-fondé des opérations de visites et saisies

A titre liminaire, il est argué que les dispositions de l'article 450-4, alinéa 2 du Code de commerce, concernant le contrôle de la part du juge du bien-fondé de la demande qui lui est soumise, doivent être interprétées à la lumière du principe de la nécessité d'un contrôle effectif, en droit et en fait, affirmé au niveau européen. Diverses jurisprudences nationales et européennes sont citées à l'appui de cette argumentation. La société appelante fait valoir qu'en l'espèce, la pertinence des éléments soumis au juge, leur capacité à rendre plausibles les pratiques suspectées ou à former ensemble un faisceau d'indices rapprochables et faisant sens, comme la pertinence en droit de ces mêmes éléments pour rendre vraisemblable une infraction au droit de la concurrence, échapperaient à tout contrôle.

Dès lors, l'office du juge se limiterait à un contrôle de l'apparence d'une possibilité non exclue de comportements matériels dont il serait indifférent de savoir s'ils peuvent éventuellement être appréhendés en droit. Dans ces conditions, toute possibilité de défense serait vaine, sauf à apporter la preuve impossible d'une absence d'infraction.

Par conséquent, la société DEF entend souligner que le raisonnement des services d'instruction aboutit à une négation pure et simple des principes applicables, qui imposent " un contrôle complet, c'est-à-dire intervenant tant sur les questions de droit que sur les questions de fait, du bien-fondé des visites et saisies domiciliaires ".

L'absence d'indices permettant de présumer que DEF détiendrait une position dominante sur quelque marché que ce soit

La société requérante fait valoir que si l'Administration souhaite procéder à des visites et saisies parce qu'elle suspecte qu'une entreprise détiendrait une position dominante dont elle abuserait, il lui appartient d'apporter non seulement des indices permettant de présumer l'existence de ces pratiques, mais aussi des indices permettant de présumer que cette entreprise pourrait détenir une position dominante.

Or, en l'espèce, aucune décision de l'Autorité de la concurrence ou de la Commission européenne n'a jamais considéré que DEF détienne une position dominante sur quelque marché que ce soit.

Au contraire, les pièces versées par l'ADLC à l'appui de sa requête démontrent que DEF détient des parts de marché incompatibles avec la détention d'une position dominante sur le marché de la sécurité incendie et le segment de marché de la détection incendie.

Dans sa communication 2009/C 45/02, la Commission " considère que des parts de marché modestes sont généralement un bon indicateur de l'absence d'un fort pouvoir de marché. Elle sait d'expérience que si la part de marché de l'entreprise représente moins de 40 % du marché en cause, il est peu probable qu'elle s'y trouve en position dominante ".

Les documents fournis par l'Administration attestent cependant que les parts de marché de DEF qui sont limitées et inférieures à celles de ses principaux concurrents sont incompatibles avec la détention d'une quelconque position dominante sur quelque marché que ce soit.

En effet, la décision 05-D-23 du Conseil de la concurrence, invoquée par l'Autorité, indique que, sur le marché de la détection incendie, les parts de marché de DEF sont de 10 %, à savoir un cinquième par rapport au leader du secteur Siemens, qui détient 51 % des parts du marché et moins que la moitié de Chubb, qui détient 24 % des parts du marché.

L'étude Xerfi d'octobre 2013, consacrée au marché général de la sécurité incendie, valorise à 3 milliards la taille de ce marché. Avec un chiffre d'affaires estimé par Xerfi entre 100 et 150 M€, DEF détiendrait sur le marché de la sécurité incendie une part de marché comprise entre 3,33 et 5 % ; elle serait devancée par UTC avec un chiffre d'affaires estimé au doublé du sien (entre 200 et 250 M€), Desautel et Siemens qui réalisent tous deux en chiffre d'affaires une fois et demi plus important que le sien (entre 150 et 200 M€) et serait suivie par de nombreux opérateurs réalisant un chiffre d'affaires relativement proche (Vinci, etc.).

D'après l'étude Xerfi, il y a cinq segments de marché : la détection, l'extinction, le compartimentage et désenfumage, la signalisation, les véhicules incendie. Le segment de la détection incendie est valorisé à 900 M€.

Sur ce segment, qui constitue le cœur de son activité, DEF détiendrait des parts de marché de l'ordre de 7,2 %, avec un chiffre d'affaire estimé à 65,1 M€. Même en prenant en compte l'intégralité du chiffre d'affaires réalisé par le groupe qui est de 145 M€, la part de marché de DEF sur ce segment serait de 16 %.

La société appelante fait valoir donc que l'Autorité de la concurrence n'avance aucun élément permettant de présumer la détention par DEF d'une position dominante sur un marché qui serait celui de la maintenance des systèmes de sécurité incendie de sa marque.

Il est soutenu, tout d'abord, que l'Autorité ne fournit aucun indice rendant plausible l'existence d'un tel marché.

En effet, aucune décision n'a jamais conclu à l'existence d'un tel marché. Bien au contraire, la décision 05-D-23 du Conseil de la concurrence précitée retient l'existence d'un marché général de la maintenance des systèmes de détection incendie, et non des marché de la maintenance des systèmes de détection incendie propres à chaque marque.

Le fait de retenir, comme le fait le JLD dans son ordonnance, que les prestations de maintenance sur les équipements de marque Siemens, DEF et UTC/Chubb " nécessitent l'accès à certains logiciels ou à certains codes d'accès propres à chaque fabricant... qui ont recours à des infrastructures fermées ", est d'ailleurs insuffisant pour retenir l'existence d'un marché, puisque à cet égard, le principal critère est la substituabilité du côté de la demande (cfr. communication de la Commission sur la définition du marché en cause aux fins du droit communautaire de la concurrence, n° C 372).

Il est fait valoir, en second lieu, que l'Autorité n'avance aucune donnée, notamment de parts de marché, permettant de juger plausible le fait que DEF détiendrait une position dominante sur un marché de la maintenance limité à sa marque.

Les services de l'instruction se sont bornés à invoquer les parts de marché cumulées des principaux opérateurs de secteur de la sécurité incendie, en faisant valoir que l'étude Xerfi sus-mentionnée constate que le secteur de la sécurité incendie est " relativement concentré avec près de 42 % du chiffre d'affaires sectoriel entre les mains de cinq acteurs " et que " dans sa décision n° 05-D-23, le Conseil de la concurrence avait déjà souligné que les systèmes de détection incendie étaient dominés par les opérateurs Siemens, Chubb et DEF représentant à eux trois plus de 80 % de ventes sur le secteur ".

Une position dominante est par principe individuelle et seul l'examen des parts de marché de l'entreprise concernée permet de déterminer si cette entreprise détient une position dominante ou, s'agissant des visites et saisies, de présumer qu'elle pourrait détenir une telle position.

En l'espèce, aucun élément ne permet de présumer que DEF disposerait d'une position dominante sur quelque marché que ce soit, et notamment sur les marchés de la sécurité incendie ou sur le segment de marché de la détection incendie.

Par ailleurs, dans sa décision Vulcain/UTC de 2016, qu'elle omet de citer dans ses conclusions, l'Autorité de la concurrence affirme clairement que sur les différents marchés de la sécurité incendie, DEF est confrontée à la concurrence de nombreux acteurs et n'occupe pas de position de leader, loin s'en faut.

Dans ses écritures, l'ADLC se borne à invoquer quelques décisions, qui auraient conclu à l'existence de marchés de l'après-vente distincts du marché de la vente du produit principal ainsi qu'à la détention, au cas d'espèce, par le fabricant des produits concernés d'une position dominante sur le marché de l'après-vente des produits de sa marque.

Aucune de ces décisions ne concerne toutefois le secteur de la sécurité incendie.

Dans ce secteur, il a d'ores et déjà été jugé par l'Autorité de la concurrence qu'il n'existe pas de marché de la maintenance des systèmes de détection incendie propre à chaque marque. Sur ce segment de la maintenance, l'Autorité a constaté que les parts de marché de DEF étaient très limitées.

Aucun indice permettant de conclure à la détention par DEF d'une position dominante sur quelque marché que ce soit, une mesure attentatoire aux libertés individuelles, telle que les visites et saisies domiciliaires, n'est pas fondée.

L'absence d'indices permettant de présumer que DEF se serait concertée avec ses concurrents pour adopter un comportement similaire

La société appelante fait valoir que, pour que des visites et saisies soient autorisées sur le fondement des articles 101 § 1 TFUE et 420-1 du Code de commerce, faut-il que l'Autorité de la concurrence fournisse au juge des éléments permettant de présumer l'existence de l'élément subjectif de l'entente, d'une concertation entre concurrents.

L'ADLC ne présente pas toutefois aucun élément attestant de quelques contacts que ce soit, sous quelque forme que ce soit, entre les sociétés DEF, Siemens et UTC/Chubb.

Dans ses écritures, elle affirme que la participation à une seule réunion (ou à un seul échange illicite d'informations) suffirait à prouver son adhésion à une entente.

L'argumentation n'avait toutefois jamais été soulevée auparavant, ni aucun élément est apporté en ce sens. C'est pour cette raison que DEF n'a jamais soutenu que la participation passive à une réunion exclurait de constater sa participation à une entente.

Le JLD mentionne dans son ordonnance que " il n'est pas exclu que le parallélisme de comportement puise être attribué à un accord anticoncurrentiel ".

A cet égard, la société appelante tient à rappeler que la constatation d'un parallélisme de comportement ne suffit pas à démontrer l'existence d'une entente anticoncurrentielle, une telle attitude pouvant être le fruit d'une entente ou bien résulter de choix similaires mais opérés de manière autonome par les entreprises. Elle cite diverses jurisprudences à l'appui de son argumentation.

Pour que des opérations de visite et saisies domiciliaires puissent être autorisées, la question n'est pas de savoir s'il est possible qu'il y ait une entente, mais d'appréhender l'existence d'indices rendant la réalité de cette entente vraisemblable.

Dès lors que le comportement décelé est neutre du point de vue du droit de la concurrence, il ne peut constituer un début de preuve d'une pratique anticoncurrentielle ou encore un élément qui indique avec une probabilité suffisante l'existence d'une pratique anticoncurrentielle.

En l'espèce, le supposé parallélisme de comportements peut d'autant moins être considéré comme un indice d'une concertation entre concurrents qu'il n'est corroboré par aucun autre élément ou indice rendant vraisemblable cette concertation.

Dans ces conditions, la demande d'autorisation des services de l'instruction à procéder à des visites et saisies domiciliaires aurait dû donc être rejetée.

L'absence d'indices permettant de présumer que DEF aurais mis en œuvre des pratiques ayant pour objet ou pour effet de fausser la concurrence

A titre liminaire, la société DEF apporte certaines précisions concernant ses produits et leur maintenance.

Le caractère ouvert de la maintenance des systèmes DEF

Il est fait valoir, tout d'abord, que les systèmes de sécurité incendie nécessitent de préserver leur conception et intégrité d'origine pour assurer toutes les fonctions nécessaires à la mise en sécurité d'un bâtiment lorsqu'un incendie est détecté.

En effet, le cœur des SSI est une centrale informatique à laquelle sont reliés des détecteurs.

Lorsque les détecteurs font apparaître un risque d'incendie, la centrale va déclencher, de manière automatique, un ensemble d'actions permettant de mettre le bâtiment en sécurité.

Elle contrôle ainsi des alarmes visuelles et sonores, des ventilateurs, un système de fermeture automatique des portes etc.

C'est donc afin d'éviter que le système mis en place en fasse l'objet de reconfigurations qui pourraient nuire à l'efficacité et à la fiabilité du système, que l'accès au logiciel qui commande le système informatique qui fait fonctionner les SSI de DEF n'est pas d'emblée, lors de l'installation, mis à disposition de son acquéreur.

Par ailleurs, si les systèmes mis en place par DEF sont, dans ce sens, des systèmes fermés, leur maintenance est, au contraire, ouverte.

La maintenance des SSI de DEF se fait dans les conditions prévues par la norme NF S 61-931, qui prévoit cinq niveaux d'accès à l'exploitation et à la maintenance des SSI installés, numérotés de 0 à 4.

Les opérations de niveau III sont réservées à du " personnel habilité à faire de la maintenance ou de la vérification " ; celles du niveau IV au " personnel autorisé par le constructeur ".

L'accès au logiciel faisant fonctionner le SSI de DEF n'est nécessaire que pour une seule opération de niveau III, le changement de la carte mère.

Cette opération est rarissime et c'est la raison pour laquelle la norme n'exige pas que le mainteneur soit doté de l'outil logiciel. C'est aussi la raison pour laquelle, indépendamment du fait que les SSI de DEF soient des systèmes fermés, leur maintenance peut être assurée par des tiers et l'est en pratique, le secteur de la maintenance étant, comme le souligne l'ordonnance, marqué par la présence d'une " multitude de petites et moyennes entreprises qui interviennent en ce secteur ".

Dès lors, il est soutenu que le fait que les logiciels des SSI de DEF soient protégés n'a ni pour objet, ni pour effet, de fausser la concurrence sur le marché de la maintenance.

L'absence d'indices de pratiques anticoncurrentielles

La société appelante met en exergue qu'une très grande partie du présent dossier semble reposer sur les déclarations d'un ancien salarié du groupe Siemens.

Lesdites déclarations ne concernent pas DEF, mais visent uniquement d'autres opérateurs.

L'ancien salarié de Siemens a très précisément indiqué aux enquêteurs : " les deux premiers opérateurs Chubb et Siemens sont les plus importants et se réservent la mise en service par logiciel et installations ".

Néanmoins, l'Autorité de la concurrence indique que DEF ne serait " pas absente " du procès-verbal en cause. Elle cite un extrait de ce procès-verbal, qui est le suivant: " Siemens se trouve dans ce cas et de même Chubb et l'un et l'autre ne peuvent répondre à des consultations sur du matériel qui n'est pas de leur marque. DEF serait dans le même cas de figure mais leur système serait plus ouvert ".

Non seulement cette citation est la seule figurant dans l'entier procès-verbal, mais l'ancien salarié de Siemens a pris le soin d'utiliser le conditionnel, ce qui établit qu'il ne sait rien des pratiques de DEF et est incapable d'en attester.

Ce procès-verbal ne fait donc foi de rien en ce qui concerne DEF et ne saurait être utilisé comme indice contre elle.

La société appelante fait valoir qu'en ce qui la concerne, il n'y a donc aucun indice d'une pratique anti-concurrentielle.

Comme précédemment mentionné, le fait que les logiciels de SSI de DEF soient protégés n'a ni pour objet, ni pour effet, de fausser la concurrence sur le marché de la maintenance.

Par ailleurs, aucun indice ne fait état d'un refus de DEF de fournir les formations requises par la norme NF S 61-931 précitée. Des déclarations, annexées à la requête, de certains gérants de société viennent conforter ladite argumentation.

Aussi, aucun indice ne fait état d'un refus de DEF de fournir un logiciel, dans le cadre et pour les besoins d'une opération de maintenance.

Le seul élément qui vise directement DEF dans ce dossier tient aux déclarations faites par la société Aitec (cf. annexe 4), qui a fait état d'un " problème que nous avons eu avec DEF sur le lycée de Poitiers".

Or, les faits auxquels se réfère la société Aitec ne concernent pas le marché de la maintenance mais celui de l'installation.

Comme il ressort clairement des déclarations faites aux enquêteurs, la difficulté mentionnée par la société Aitec ne concerne pas le marché de la maintenance mais est liée à la demande de cette entreprise de voir un logiciel et des données confidentielles transmis à l'une des concurrents de DEF dans le cadre d'un marché d'installation. Comme il a précédemment été mis en exergue, l'accès au logiciel n'est pas requis, ou n'est quasiment pas nécessaire, pour réaliser des opérations de maintenance.

Enfin, aucun indice ne concerne les prix qui seraient pratiqués par DEF pour les opérations de maintenance qu'elle se réserverait prétendument.

En effet, aucune des entreprises interrogées n'a indiqué, en la désignant, que DEF pratiquerait des prix excessifs. De même, les déclarations recueillis par les enquêteurs ne concernent que les prix pratiqués par Siemens.

Quant à l'élément, analysé par l'Autorité de la concurrence comme un indice, selon lequel " les trois grands fabricants, au cas d'espèce DEF par le biais de sa filiale spécialisée et Siemens, ne se concurrencent pas ", il est argué que l'analyse faite n'est pas sérieuse.

L'ADLC fait référence au fait que SSI Service, filiale comme DEF du Groupe Coflec, n'a pas déposé d'offres dans le cadre d'un appel d'offres passé par l'atelier industriel de l'aéronautique, alors qu'elle avait fait une visite sur site et que cet appel d'offres a été remporté par Siemens, son précédent attributaire.

La société DEF fait valoir toutefois que ces centaines d'appels d'offres sont organisés chaque année. Le fait que - et ce dans un cas unique - SSI Service, filiale comme DEF du Groupe Coflec n'ait en définitive pas déposé de dossier en réponse à l'appel d'offres ne constitue pas un indice de pratiques anticoncurrentielles et de concertation avec des concurrents.

Dans ces conditions, il est soutenu qu'il n'existe aucun indice permettant de supposer que DEF aurait mis en œuvre des pratiques ayant pour objet ou pour effet de fausser la concurrence sur le secteur très concurrentiel de la maintenance.

Par conséquent, la demande de l'Autorité de la concurrence tendant à être autorisée à procéder des visites et saisies domiciliaires aurait dû être rejetée.

En conclusion, la société appelante demande de constater l'absence d'éléments justifiant les visites et saisies pour ce qui concerne la société DEF, ainsi que le caractère disproportionné du recours aux visites et saisies en ce qui la concerne, dire et juger que l'ordonnance d'autorisation du JLD a été prise en violation de l'article 8 de la CESDH et en conséquence, annuler et infirmer l'ordonnance du 8 février 2016 du JLD de Bobigny, annuler l'ensemble des opérations de visite et de saisie opérées dans les locaux de la société DEF le 18 février 2016 et les procès-verbaux établis à cette occasion, ordonner la distraction et la restitution à la société DEF de l'ensemble de pièces et fichiers informatiques saisis dans le cadre de ces opérations de visite et saisie, interdire à toute personne ou autorité autre que leur propriétaire de faire usage de dits documents, ordonner qu'aucune copie et/ou original de ces pièces et fichiers informatiques ne soit conservée et utilisée et condamner l'Autorité de la concurrence au paiement d'une somme de 5 000 € au titre de frais exposés par la société DEF non compris dans les dépens, ainsi qu'aux entiers dépens.

Par conclusions en réponse en date du 30 septembre, l'Autorité de la concurrence fait valoir:

A) la prétendue absence d'indices permettant de présumer que DEF détiendrait une position dominante sur quelque marché que ce soit ou permettant de présumer que DEF se serait concertée avec ses concurrents pour adopter un comportement similaire

A titre liminaire, l'Autorité de la concurrence met en exergue l'analyse, à tout le moins erronée, réalisée par l'appelante de la jurisprudence qu'elle cite dans ses conclusions.

Il est soutenu qu'au cas présent, le juge de l'autorisation a bien listé des pratiques spécifiques visées par la loi (articles L. 420-1 1°, L. 420-2 du Code de commerce et 101-1, 102 TFUE), même s'il n'est pas tenu, au stade de l'enquête, d'apporter des éléments de preuve.

En effet, au stade de l'autorisation de visite et saisie où aucune accusation est portée, l'Autorité de la concurrence n'a pas à produire d'éléments de preuve de pratiques anticoncurrentielles mais seulement des indices qui par leur addition, leur rapprochement, leur confrontation et leur combinaison aboutissent à une ou plusieurs simples présomptions de pratiques prohibées. Des nombreuses jurisprudences viennent conforter cette argumentation.

A ce stade de l'enquête, le rôle du juge se limite à recueillir et analyser les faits utiles afin d'en extraire une ou des présomptions simples de pratiques anticoncurrentielles, ce qu'il a fait en l'espèce, en examinant de manière détaillée les 17 annexes, dont la concordance en fonction des agissements reprochés lui a permis de suspecter la société DEF d'abus de position dominante et/ou d'entente prohibée.

Par ailleurs, conformément à l'article L. 450-4 alinéa 2 du Code de commerce, la décision d'autorisation du JLD de Bobigny du 8 février 2016 a été rendue sur le fondement des seules pièces annexées à la requête du 28 janvier 2016. Le dossier n'était pas incomplet et le juge a souverainement caractérisé l'existence de présomptions, des pratiques anticoncurrentielles d'entente et/ou d'abus de position dominante, justifiant sa décision.

L'Autorité cite plusieurs décisions de la Cour de cassation à l'appui de son argumentation.

Ainsi faisant, le juge de l'autorisation a, d'une part, rempli sa mission et satisfait aux exigences de l'article L. 450-4 du Code de commerce en appréciant souverainement que l'ensemble des informations utiles communiquées par l'Administration permettait de présumer l'existence d'agissements frauduleux justifiant la mesure autorisée.

D'autre part, il a vérifié qu'il y avait dans le dossier annexé à la requête une demande d'enquête du rapporteur général de l'Autorité de la concurrence, conformément aux dispositions de l'article L. 450-4 alinéa 1 du Code de commerce et à la jurisprudence constante de la Haute Cour, seule pièce obligatoire, lors d'une demande d'autorisation de procéder, en tous lieux, à des visites et saisies de documents et supports d'information en vue de rechercher la preuve de ces pratiques anti-concurrentielles.

Le JLD a également examiné attentivement les pièces annexées à la requête afin de s'assurer de l'adéquation entre les pièces produites et les énonciations de l'ordonnance, ainsi que de la pertinence de ces pièces au regard de l'appréciation qu'il doit opérer quant à l'existence d'une simple présomption d'entente qui aurait pour objet ou effet de limiter l'accès au marché ou le libre exercice de la concurrence par d'autres entreprises.

En ce qui concerne plus spécifiquement la contestation des éléments d'information figurant dans la motivation de l'ordonnance d'autorisation, il est soutenu que le fait d'analyser les indices un à un ou les pièces annexes à la requête une à une, comme le fait l'appelante, pour en tirer la conclusion que le JLD n'avait rien dans le dossier lui permettant d'autoriser la visite dans ses locaux, n'a pas de sens. Des nombreuses jurisprudences viennent conforter cette argumentation.

En effet, seul le résultat de l'analyse des faits portés à la connaissance du magistrat est révélateur d'une ou plusieurs simples présomptions de pratiques anticoncurrentielles, comme l'établit une jurisprudence constante.

Bien plus, c'est l'ensemble des agissements de différentes entités dans un secteur considéré de l'économie qui importe. Les agissements présumés de l'appelante sont examinés par le juge de l'autorisation à la lumière des comportements express ou tacites des autres acteurs du secteur économique concerné car les pratiques soupçonnées nécessitent la mise au point, par les acteurs suspectés, de stratégies et tactiques communes.

Au cas présent, le juge a satisfait à son obligation de contrôle en s'assurant de la qualité des personnes ayant demandé l'autorisation (recevabilité de la demande) et du caractère suffisant des faits exposés par l'Administration ayant conduit, après description et analyse, à des soupçons de comportements illicites dans le secteur de la sécurité incendie (bienfondé de la demande).

La lecture de l'ordonnance rendue le 8 février 2016 montre en effet que le JLD de Bobigny a estimé, au terme d'une analyse motivée, que les divers documents fournis par l'ADLC permettaient de retenir une présomption d'entente et/ou d'abus de position dominante à l'égard de l'appelante.

Après description et analyse de 17 annexes à la requête concernant le secteur de la sécurité incendie dont 12 visaient l'appelante, le juge de l'autorisation a relevé l'existence possible d'une stratégie d'actions concertées, de conventions, d'entente expresse ou tacite, ou de coalition et/ou d'un abus de position dominante.

Par conséquent, il est en vain que la société DEF soutient qu'aucun des faits visés dans l'ordonnance n'est de nature à constituer un indice d'une implication personnelle de l'appelante dans les pratiques prohibées présumées.

En effet, il suffit que l'appelante paraisse impliquée dans l'un des agissements frauduleux suspectés dont la preuve est recherchée pour que la mesure d'autorisation soit justifiée, comme l'établit une jurisprudence constante.

Or, en le cas d'espèce, tous les agissements semblaient mêler directement l'appelante aux pratiques prohibées présumées et le JLD a bien pris soin dans son ordonnance du 8 février 2016 d'indiquer plusieurs indices solides aboutissant à une simple présomption de pratiques anticoncurrentielles, conformément à une jurisprudence établie.

Par ailleurs, si la méthode du faisceau d'indices est utilisée au fond pour apporter la ou les preuves de pratiques anticoncurrentielles, en l'absence de pièces se suffisent à elles-mêmes, cette méthode est d'autant plus recevable pour établir l'existence d'une ou plusieurs simples présomptions au stade de l'affaire où les investigations n'ont pas encore été réalisées en totalité.

Dans une matière où, par hypothèse, les participants à une entente et/ou l'auteur d'un abus de position dominante dissimulent, souvent avec une grande habileté, leurs faits répréhensibles, il est de plus en plus rare qu'une preuve parfaite soit trouvée par les enquêteurs dès les premières investigations. La plupart du temps, les rapporteurs disposent seulement d'indices issus de divers documents qui, pris en leur ensemble suivant la méthode du faisceau d'indices, sont de nature à faire présumer les comportements litigieux et justifient les opérations de visite et saisie.

C'est donc à tort qu'à l'appui de sa contestation de la demande d'autorisation de visite domiciliaire la concernant, l'appelante a examiné isolément les pièces et les indices produits par l'Autorité pour nier l'existence d'une présomption d'entente et/ou d'abus de position dominante du fait des agissements suspects.

S'agissant plus particulièrement de la concertation prohibée présumée, la participation, même passive de DEF, à une seule réunion (ou à un seul échange illicite d'informations confidentielles par tout autre moyen) suffirait à montrer son adhésion à une entente expresse ou tacite avec ses concurrents, comme l'établit une jurisprudence constante.

En l'espèce, la motivation même de l'ordonnance du 8 février 2016 est suffisante et pertinente, permettant d'écarter les critiques de l'appelante et de justifier l'autorisation de visiter ses locaux.

Par conséquent, l'argumentation de l'appelante sur la qualification des pratiques suspectées et le ou les marchés pertinents concernés est prématurée et relèvera du contentieux au fond dont peuvent être saisies les autorités et juridictions éventuellement appelées à statuer sur les résultats de la mesure autorisée.

L'Autorité fait valoir que la circonstance que les éléments retenus par le JLD puissent faire l'objet d'une interprétation divergente de la part de l'appelante ne saurait empêcher qu'ils constituent des indices suffisamment sérieux au stade de l'enquête, dès lors que l'analyse de l'ADLC apparaît plausible.

En définitive, il est soutenu que seule l'instruction en cours permettra de connaître, par le biais des documents saisi lors des investigations, la véritable motivation de la société DEF et l'existence ou non de pratiques prohibées à son encontre, notamment dans le cadre de réunions et d'échanges illicites d'informations confidentielles par tout autre moyen.

L'Autorité de la concurrence estime en outre opportun d'apporter quelques précisions concernant l'ordonnance d'autorisation et l'argumentation de l'appelante.

En premier lieu, s'agissant du moyen selon lequel, à ce jour, aucune décision n'a considéré que DEF détient une position dominante sur quelque marché que ce soit, l'Autorité fait valoir que la présente enquête a effectivement pour objectif de vérifier ce point et l'instruction en cours permettra de l'établir, le cas échéant.

Par ailleurs, il est inexact de soutenir que la part de marché de DEF dans le secteur de la sécurité incendie a permis au juge de l'autorisation d'affirmer que DEF détenait une position dominante. Au contraire, le JLD a pris soin d'indiquer que chacun des 3 fabricants visés aurait une position dominante pour les matériels de sa marque, dont DEF.

Par conséquent, la part de marché de la société DEF dans le secteur de la sécurité incendie qu'elle prétend limitée ne la met pas à l'abri de l'exercice d'une position dominante sur les SSI de sa propre marque.

Il est également inexact de soutenir qu'une position dominante est pas principe individuelle, des cas de position dominante collective ayant déjà fait l'objet de décisions des autorités de la concurrence, ainsi que d'affirmer qu'une position dominante sur des produits, matériels ou équipements de sa propre marque est impossible et qu'aucune décision n'a jamais été rendue sur ce sujet, des nombreuses jurisprudences nationales et européennes se prononçant sur ce point.

En second lieu, en ce qui concerne l'entente suspectée, il est rappelé qu'au stade des opérations de visite et saisie, le JLD n'a pas besoin de preuve mais d'une simple présomption.

A ce stade de l'enquête, il ne fait aucun doute que le parallélisme de comportements des entreprises visées peut constituer une présomption sérieuse de pratiques anticoncurrentielles et seule l'instruction en cours, par le biais des documents saisis lors des investigations, pourra permettre de déterminer si le parallélisme de comportements des fabricants, dont DEF, repose en réalité sur une action concertée, convention ou entente.

Des jurisprudences de la Cour d'appel de Paris viennent conforter cette analyse.

S'agissant des critiques soulevées par rapport aux déclarations d'un salarié de Siemens, il est argué que si elles portent effectivement en priorité sur Siemens et UTC/Chubb, la société DEF n'en est pas pour autant absente.

En effet, à la page 2 du PV des 13 et 14 juillet 2013 (annexe 12 à la requête), il est précisé par le déclarant : " Pour les consultations, la plupart des acheteurs ne sont pas en mesure de rédiger eux-mêmes leur CCTP [cahier des clauses techniques particulières] et font confiance au fabricant qui propose son propre CCTP ou contrat. Le DCE [dossier de consultation des entreprises] porte à la fois sur le niveau III et IV. C'est là qu'on peut voir que Siemens a verrouillé le système en exigeant le niveau IV que seul le fabricant possède. Siemens se trouve dans ce cas et de même que Chubb et l'un et l'autre ne peuvent pas répondre à des consultations qui portent sur du matériel qui n'est pas de leur marque. DEF serait dans le même cas de figure mais leur système serait un peu plus ouvert ".

Par ailleurs, d'autres déclarants font expressément ou implicitement référence (en mentionnant les 3 fabricants ou les grands fabricants ou les constructeurs) à DEF, ce qui constitue des éléments d'information suffisants et pertinents qui ont permis de retenir l'appelante comme suspecte dans la mise en œuvre de pratiques prohibées.

Aussi, il ressort du rapport de présentation du marché sur appel d'offres ouvert n° 201-11 31 116 000-00 00, annexé à la requête, que la société SSI Service, filiale de DEF et spécialisée dans la maintenance des systèmes de sécurité incendie, a bien effectué une visite sur le site avec l'entreprise Siemens seulement, a retiré un dossier de consultation du marché mais n'a pas proposé de soumission laissant ainsi Siemens remporter le marché.

Ainsi, il existait au dossier suffisamment d'éléments d'information laissant entendre que les trois grands fabricants, dont DEF, ne se concurrencent pas entre eux et empêchent les entreprises de maintenance indépendante d'accéder au marché de la maintenance des installations de leur marque respective.

En troisième lieu, sur le moyen concernant le SSI du lycée de Poitiers, qui serait un marché d'installation et non un marché de la maintenance, il est argué que, par ce biais, l'appelante cherche en réalité à contester l'autorisation judiciaire, délivrée pour un secteur économique.

Cependant, il n'appartient pas à l'appelante de déterminer elle-même le champ d'application de l'ordonnance et les agissements susceptibles de relever des pratiques anticoncurrentielles, mais au JLD, qui a bien indiqué " la sécurité incendie " comme secteur économique concerné par son autorisation.

L'Autorité de la concurrence rappelle que l'autorisation délivrée concerne des présomptions dans un " secteur " économique et non sur un ou des marchés pertinents, dont la délimitation relèvera de l'ADLC et des juridictions qui seront éventuellement amenées à statuer ultérieurement sur les résultats de la mesure autorisée.

En effet, à ce stade de l'enquête, les visites et saisies autorisées ont pour but de vérifier si dans un secteur économique donné, en l'espèce celui " de la sécurité incendie ", les règles de la concurrence jouent pleinement.

De plus, il est de jurisprudence constante que le JLD ne constate pas une autorisation indéterminée et respecte les prescriptions de l'article L. 450-4 du Code de commerce en autorisant des visites et saisies en vue de rechercher la preuve de pratiques dans un secteur de l'économie.

Or, au cas présent, le JLD a bien défini un secteur de l'économie.

Par conséquent, il ne pas lui être reproché de ne pas avoir circonscrit la visite et saisie à un marché mais à un secteur économique.

Contrairement à ce qui affirme l'appelante, le JLD de Bobigny n'a pas voulu exclure du champ des investigations les marchés d'installation des SSI, d'autant plus qu'il n'est pas rare qu'il puisse exister un jeu de compensations réciproques entre les différentes sociétés impliquées à la même époque sur différents marchés individualisés ayant un lien de connexité évident.

Or, ce lien de connexité entre les marchés d'installation et de maintenance des SSI a été expressément relevé par le JLD dans son ordonnance en page 5, notamment quand il fait état des déclarations de M. Jean-Louis Ginestet, gérant de la société CMS, qui affirme : " La bataille est à l'installation pour pouvoir assurer la maintenance " (annexe 2 à la requête).

En s'intéressant à l'ensemble des marchés des SSI, installation et maintenance, le juge de l'autorisation a donc fait une exacte analyse du dossier qui lui était soumis, d'autant plus qu'il disposait dans le dossier d'un exemple où le fabricant DEF semblait manœuvrer pour empêcher la société Aitec d'exécuter dans de bonne conditions la marché du lycée de Poitiers qu'elle avait remporté. L'Autorité cite des jurisprudences à l'appui de son argumentation.

Quant à soutenir, comme le fait l'appelante, que DEF a finalement bien transmis le protocole de communication informatique à la société Aitec, cette transmission n'est intervenue que le 15 mai 2012, vraisemblablement à la suite de la plainte de la société Aitec du 17 avril 2012 déposée auprès de la Directee Poitou-Charentes, alors que la première demande de communication remontait au mois de février 2012.

Autrement dit, c'est bien la plainte qui semble avoir fait réagir positivement l'appelante, alors que les démarches antérieures d'Aitec avaient échoué.

Dans ces conditions, l'Autorité de la concurrence soutient qu'il appartiendra à l'instruction en cours de délimiter le ou les différents marchés pertinents.

L'ADLC demande à que ce moyen soit écarté.

En conclusion, l'Autorité de la concurrence demande de:

confirmer l'ordonnance d'autorisation rendue le 8 février 2016 par le JLD de Bobigny et, par voie de conséquence, l'ordonnance rendue sur commission rogatoire par le JLD du TGI d'Evry le 9 février 2016 ;

condamner la société EDF au paiement de 5000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et aux entiers dépens.

Le Ministère public en ses réquisitions orales demande la confirmation de l'ordonnance d'autorisation rendue le 8 février 2016 par le JLD de Bobigny et, par voie de conséquence, celle rendue sur commission rogatoire par le JLD du TGI d'Evry le 9 février 2016.

SUR CE

A titre liminaire, la nécessité d'assurer un contrôle, en droit et en fait, du bien-fondé des opérations de visites et saisies

Le juge qui autorise des opérations de visite et de saisie sur le fondement de l'article L. 450-4 du Code de commerce est tenu de vérifier si la demande d'autorisation doit comporter tous les éléments d'informations utiles en possession du demandeur de nature à justifier la visite; que par suite le juge doit s'assurer que les éléments produits par l'Administration aient une apparence de licéité et sont suffisants pour justifier que la mesure intrusive de visite et de saisie soit justifiée; qu'à cette fin le juge des libertés et de la détention doit vérifier, en se référant aux éléments d'informations fournis par l'Autorité qu'il existait des indices laissant apparaître des faisceaux de présomptions d'agissements prohibés justifiant que soit recherchée leur preuve au moyen d'une visite et de saisies de documents s'y rapportant sans qu'il soit nécessaire que soit caractérisées des présomptions précises, graves et concordantes ou des indices particulièrement troublants des pratiques; que les présomptions sont appréciées par le juge en proportion de l'atteinte aux libertés individuelles que sont susceptibles de comporter la visite et les saisies envisagées.

Dans le cas présent, il y a lieu de relever que le premier juge a été destinataire de la requête le 28 janvier 2016 et qu'il a pu s'approprier et analyser les 17 documents annexés, s'est assuré du bien-fondé de la demande, avant de rendre son ordonnance le 8 février 2016. Ce laps de temps de plus de dix jours lui a permis de se livrer à un contrôle de proportionnalité, étant précisé qu'il pouvait refuser d'accéder à la demande de l'Autorité, sa fonction n'étant pas celle d'une chambre d'enregistrement.

L'absence d'indices permettant de présumer que DEF détiendrait une position dominante sur quelque marché que ce soit

Sur ce point le premier juge s'est appuyé sur les études économiques produites en annexe qui lui ont permis de relever une présomption simple de position dominante sur le secteur de la sécurité incendie.

Ces études étaient corroborées par les déclarations de dirigeants de sociétés de maintenance dans le secteur des SSI, lesquels citaient DEF comme étant un des grands constructeurs du secteur.

S'agissant des études, il s'est référé à celle de Xerfi d'octobre 2013 laquelle constatait que le secteur est relativement concentré " avec près de 42 % du chiffre d'affaires sectoriel entre les mains de cinq acteurs à savoir UTC, Desautel, Siemens, DEF et Vinci ", que dans le top 20 des spécialistes de la sécurité incendie en France, figuraient les groupes UTC, Siemens et DEF, parmi les quatre premiers en chiffre d'affaires et enfin à la décision n° 05-D-23 du Conseil de la concurrence qui avait déjà souligné que les systèmes de détection incendie étaient dominés par les opérateurs Siemens, Chubb et DEF représentant à eux trois plus de 80 % des ventes du secteur.

Concernant les déclarations des dirigeants, il été mis en évidence celle de M. Lagrèze, PDG de la société Aitec décrivant DEF, Siemens, et Chubb comme les grands constructeurs du secteur et les principaux fabricants de ce secteur des SSI.

Le JLD s'est référé également à la brochure publicitaire de l'entreprise Sécurité consultants faisant état des plus grands constructeurs du marché parmi lesquelles figure DEF.

Ainsi, la présomption de position dominante est constituée par le poids de ces opérateurs lesquels refusent de fournir l'accès aux entreprises de maintenance indépendantes aux logiciels et au codes d'accès que ce soit en refusant de les vendre ou de dispenser des formations rémunérées pour les opérations de maintenance de niveau III et IV (architecture informatique fermée), étant précisé qu'eu égard à la capillarité entre les deux marchés à savoir celui de l'installation et celui de la maintenance, les trois fabricants pourraient être tentés de réduire ou d'éliminer la concurrence sur le marché de la maintenance des SSI.

Il convient de se référer aux déclarations d'un autre dirigeant des sociétés de maintenance indépendants pour en déduire une simple présomption de position dominante notamment en rappelant les propos suivants " il est rare que nous ayant un contrat de maintenance sur un SSI que nous n'avons pas installé (...) nous évitons les fabricants-installateurs tels Siemens, Chubb et DEF car je peux me retrouver en concurrence avec eux sur les marchés d'installation ".

Le premier juge énonçait dans son ordonnance " que l'influence des sociétés Siemens, DEF et UTC/Chubb résulterait également de leur positionnement sur ces marchés distincts de la maintenance des équipements de leur marque " (...) et que dans ces conditions chacune de ces trois sociétés est susceptible de détenir respectivement une position dominante que le marché de la maintenance des SSI qu'elle fabrique ".

Le fait que les plaintes précitées émanent de six entreprises de maintenance indépendantes et qui ne seraient pas représentatives du secteur concerné, est inopérant dans la mesure où le champ des investigations doit être relativement étendu au stage de l'enquête préparatoire et qu'une simple présomption d'abus de position dominante suffit en l'espèce.

Concernant les raisons objectives d'offrir ou de de fournir l'accès aux logiciels à toutes les entreprises de maintenance indépendantes (protection de la marque), elles relèvent de l'appréciation du juge du fond et non pas du juge de l'autorisation ou du délégué du Premier Président statuant sur les contestations des visites domiciliaires.

En déterminant dans le champ d'autorisation, le secteur visé à savoir celui des SSI beaucoup plus large que celui d'un marché (ce dernier se subdivisant en segments notamment celui de la détection incendie invoqué par l'appelante et non pertinent en l'espèce) et eu égard aux éléments précités, le JLD a relevé des indices qui pris en faisceaux laissent apparaître au moins une présomption de position dominante sur le secteur concerné.

Ce moyen sera rejeté.

L'absence d'indices permettant de présumer que DEF se serait concertée avec ses concurrents pour adopter un comportement similaire

S'agissant tout d'abord des indices laissant apparaître une ou plusieurs présomptions anticoncurrentielles, le JLD a relevé que le parallélisme de comportements des trois sociétés pouvait constituer une présomption sérieuse de pratiques anticoncurrentielles au stade de la demande d'autorisation de visite et saisie et seule l'instruction en cours, par l'examen des documents saisis lors des investigations, pourra permettre de déterminer si le parallélisme des comportements des fabricants, dont DEF, reposait ou non sur une action concertée, convention ou entente.

Cette présomption simple de parallélisme de comportement ressortirait également des propos recueillis sur procès-verbal d'un ancien salarié de Siemens qui déclarait au sujet de l'architecture informatique fermée ou verrouillée par Siemens " Siemens se trouve dans ce cas et de même que Chubb et l'un et l'autre ne peuvent pas répondre à des consultations qui portent sur du matériel qui n'est pas de leur marque. DEF serait dans le même cas de figure mais leur système serait un peu plus ouvert ".

Il convient aussi de citer la déclaration de M. Ginestet, gérant de la société CMS " nous consultons les constructeurs sur les tarifs au cas par cas. Nous n'arrivons pas à obtenir des tarifs ou des conditions générales de vente. Les remises se font affaire par affaire. La façon de procéder est la même pour Siemens, DEF ou Chubb " et de rappeler ses autres propos " pour les matériels nous travaillons avec Finsecur, Nugelec et Esser. Nous évitons les fabricants installateurs comme Siemens, Chubb et DEF car je ne peux pas me retrouver en concurrence avec eux sur les marchés d'installation ".

Enfin s'agissant du système de sécurité incendie du lycée de Poitiers où la société DEF aurait manœuvré pour empêcher la société Aitec d'exécuter dans de bonnes conditions le marché qu'elle avait emporté, il est vain de prétendre qu'il s'agit d'un marché d'installation et non par de maintenance. Nous avons indiqué supra la capillarité entre les deux marchés corroborée par les propos d'un dirigeant d'une société indépendante " le bataille est à l'installation pour pouvoir assurer la maintenance "... un autre dirigeant indiquant " notre principale marge se fait sur la maintenance, c'est pourquoi il y a plutôt une concurrence pour obtenir les marchés d'installation ". Dans le cas d'espèce, si la société DEF a bien transmis le protocole de communication informatique à la société Aitec c'est avec retard et probablement à la suite de la plainte de la société Aitec.

A ce stade où aucune accusation n'est portée à l'encontre de la société DEF, le JLD a pu relever que par un parallélisme des comportements et par le fait que les trois groupes ne se concurrençaient pas eux, une présomption à tout le moins tacite, d'une éventuelle entente entre ces trois sociétés que l'instruction en cours pourra confirmer ou infirmer.

Ce moyen sera écarté.

L'absence d'indices permettant de présumer que DEF aurais mis en œuvre des pratiques ayant pour objet ou pour effet de fausser la concurrence

Le caractère ouvert de la maintenance des systèmes DEF et l'absence d'indices de pratiques anticoncurrentielles

L'appelante fait valoir que si les systèmes mis en place par DEF sont, des systèmes fermés, leur maintenance est, au contraire, ouverte.

Cependant cette affirmation est contredite par le cas évoqué supra concernant la maintenance des SSI du lycée de Poitiers où DEF fabricant, avait tenté d'empêcher la société Aitec d'assurer la maintenance du marché qu'elle avait remporté la contraignant à déposer une plainte auprès de la DIRECCTE territorialement compétente, mais aussi par les déclarations de l'ancien employé de Siemens ainsi que celles des dirigeants de sociétés de maintenance indépendants sus-mentionnées dans lesquelles il était indiqué que dans le secteur des SSI étaient mises en place des architectures informatiques fermées de la part des sociétés Siemens, UTC/Chubb et DEF, les empêchant notamment d'avoir accès au marché de la maintenance de niveau III et IV et d'établir ainsi position dominante sur le marché de la maintenance des SSI qu'elle fabriquent, qu'elles refuseraient de communiquer aux entreprises chargées de la maintenance de leurs dispositifs les logiciels et codes d'accès indispensables à celle-ci et qu'elles auraient choisi d'utiliser des logiciels dits " fermés " alors que d'autres fabricants tels Finsecur, Nugelec et Esser proposaient des matériels dits " open source " leur permettant de maintenir sans difficultés les installations.

Concernant les raisons objectives d'offrir ou de de fournir l'accès aux logiciels à toutes les entreprises de maintenance indépendantes (protection de la marque, sécurité informatique) elles relèvent de l'appréciation du juge du fond et non pas du juge de l'autorisation ou du délégué du Premier Président statuant sur les contestations des visites domiciliaires.

Il en résulte que le JLD de Bobigny a bien examiné in concreto les pièces jointes à la requête, s'est livré à un contrôle de proportionnalité et a vérifié qu'il existait dans le dossier un ensemble d'indices laissant présumer l'existence de pratiques anticoncurrentielles ou restrictives de concurrence, dont la preuve ne pouvait être recherchée autrement que par le recours à une enquête lourde.

Dès lors, il y a lieu de confirmer l'ordonnance rendue le 8 février 216 par le JLD de Bobigny et par voie de conséquence, celle rendue sur commission rogatoire par le JLD d'Evry le 9 février 2016.

Par ces motifs : Statuant contradictoirement et en dernier ressort, confirmons en toutes leurs dispositions l'ordonnance rendue par le juge des libertés et de la détention de Bobigny en date du 8 février 2016 et celle sur commission rogatoire du juge des libertés et de la détention d'Evry du 9 février 2016. Rejetons toute autre demande, fin ou conclusion. Disons n’y avoir lieu à application de l’article 700 du Code de procédure civile. Disons que la charge des dépens sera supportée par la société DEF.