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Décisions

Commission, 1 septembre 2016, n° M.7758

COMMISSION EUROPÉENNE

Résumé de la décision

Hutchison 3G Italy/WIND/JV

Commission n° M.7758

1 septembre 2016

Le 1er septembre 2016, la Commission a adopté une décision dans une affaire de concentration en vertu du règlement (CE) n° 139/2004 du Conseil du 20 janvier 2004 relatif au contrôle des concentrations entre entreprises (1) , et notamment de son article 8, paragraphe 2. Une version non confidentielle du texte intégral de la décision dans la langue faisant foi, le cas échéant en version provisoire, figure sur le site web de la direction générale de la concurrence, à l'adresse suivante: http://ec.europa.eu/comm/competition/index_en.html

I. LA PROCÉDURE

(1) Le 5 février 2016, la Commission a reçu notification, conformément à l'article 4 du règlement sur les concentrations, d'un projet de concentration par lequel Hutchison Europe Telecommunications SARL ("HET", Luxembourg), et VimpelCom Luxembourg Holdings SARL ("VIP", Luxembourg) acquièrent, au sens de l'article 3, paragraphe 1, point b), et de l'article 3, paragraphe 4, du règlement sur les concentrations, le contrôle conjoint d'une entreprise commune nouvellement créée (l'"entreprise commune", Luxembourg) par l'intégration, dans l'entreprise commune, de leurs activités respectives en Italie (2). Les parties notifiantes sont collectivement dénommées les "parties".

(2) Après la première phase de l'enquête, la Commission a conclu que l'opération soulèverait de sérieux doutes quant à sa compatibilité avec le marché intérieur et a décidé d'ouvrir la procédure en vertu de l'article 6, paragraphe 1, point c), du règlement sur les concentrations, le 30 mars 2016 [la "décision au titre de l'article 6, paragraphe 1, point c)"]. Le 20 avril 2016, les parties ont soumis une demande de prolongation de cinq jours ouvrables de la seconde phase de l'examen de l'opération et ont présenté leurs observations écrites sur la décision au titre de l'article 6, paragraphe 1, point c), le 21 avril 2016. Le 8 juin 2016, la Commission a adopté une décision sur le fondement de l'article 10, paragraphe 3, deuxième alinéa, troisième phrase, du règlement sur les concentrations, prolongeant de nouveau la seconde phase de l'examen de l'opération de 15 jours ouvrables. Le comité consultatif a examiné le projet de décision le 17 août 2016 et a émis un avis favorable.

II. LES PARTIES ET LA CONCENTRATION

(3) HET est une filiale indirecte à 100 % de CK Hutchison Holdings Limited ("Hutchison"), un groupe multinational ayant son siège à Hong Kong et coté sur le marché boursier de Hong Kong (Hong Kong Stock Exchange Limited). En Italie, Hutchison exerce ses activités à travers sa filiale à 100 %, H3G SpA ("H3G"), qui est active en tant qu'opérateur de réseau mobile ("ORM"), proposant des services de télécommunications mobiles sous la marque "3", notamment des services 2G, 3G et 4G.

(4) VIP est une filiale indirecte à 100 % de VimpelCom Ltd ("VimpelCom"), une société internationale dans le domaine des télécommunications dont le siège se situe à Amsterdam et dont les actions sont négociées sur le NASDAQ Global Select Market. VimpelCom fournit des services vocaux et des services de données au moyen de diverses technologies mobiles et fixes traditionnelles et à haut débit dans 14 pays, sous différentes marques. En Italie, VimpelCom exerce ses activités via sa filiale à 100 % WIND Telecomunicazioni SpA ("WIND"), qui est active en tant qu'ORM, proposant des services de télécommunications mobiles sous la marque "WIND", notamment des services 2G, 3G et 4G ainsi que des services de télécommunications fixes sous la marque "Infostrada".

(5) Le 6 août 2015, VimpelCom, VIP, Hutchison et HET ont conclu un accord-cadre et d'intégration ainsi qu'un pacte d'actionnaires en vertu desquels elles convenaient d'intégrer, dans l'entreprise commune, leurs activités respectives de télécommunications en Italie, H3G et WIND (l'"opération"). Une fois l'opération achevée, H3G et WIND seraient des filiales à 100 % de l'entreprise commune qui, à son tour, serait contrôlée par HET et VIP et, finalement, par Hutchison et VimpelCom.

(6) L'opération consiste en la prise de contrôle en commun par HET et VIP de l'entreprise commune et, partant, constitue une concentration au sens de l'article 3, paragraphe 1, point b), du règlement sur les concentrations.

III. DIMENSION EUROPÉENNE

(7) L'opération revêt une dimension européenne au sens de l'article 1er, paragraphe 2, du règlement sur les concentrations.

IV. SAISINE

(8) Le 25 février 2016, l'autorité italienne de la concurrence (la Autorità Garante della Concorrenza e del Mercato, "AGCM") a demandé à la Commission, sur la base de l'article 9, paragraphe 2, point a), du règlement sur les concentrations, de lui renvoyer l'opération. Toutefois, après l'adoption par la Commission de la décision au titre de l'article 6, paragraphe 1, point c), le 30 mars 2016, l'AGCM n'a pas envoyé de rappel conformément à l'article 9, paragraphe 5, du règlement sur les concentrations. La demande de renvoi est dès lors réputée avoir été retirée par l'AGCM.

V. LE SECTEUR ITALIEN DES TÉLÉCOMMUNICATIONS MOBILES

(9) Le secteur italien des télécommunications mobiles se caractérise par un fort taux de pénétration du mobile, avec 158 cartes SIM de téléphonie mobile pour 100 habitants en 2014 (contre une moyenne de 134 cartes SIM de téléphonie mobile dans l'Union européenne).

(10) En termes de développement technologique, l'Italie est encore essentiellement un marché 3G, étant donné que la majorité des clients de la téléphonie mobile utilisent des réseaux 3G, tandis que les services 4G devraient se développer au cours des prochaines années. En ce qui concerne les différents segments du marché de la téléphonie mobile, la plupart des clients s'appuient sur des services de téléphonie mobile prépayés: 80 % de services prépayés contre 20 % de services postpayés en décembre 2015; et la plupart des clients sont des clients privés: 84 % de lignes de téléphonie mobile sont des clients privés, 16 % sont des entreprises.

(11) La demande d'offres groupées "multiple-play" comportant une composante "mobile" a, jusqu'à présent, été assez limitée sur le marché italien et les services de téléphonie mobile sont surtout achetés séparément par les clients.

(12) Outre les parties, deux autres ORM sont actifs en Italie, TIM et Vodafone. TIM, Vodafone et WIND fournissent également des services de télécommunications fixes au moyen de leurs réseaux fixes, tandis que H3G est un opérateur de services mobiles uniquement. En Italie, tous les ORM sont engagés dans des accords de partage passif. Aucun ORM en Italie n'est actuellement engagé dans le partage actif, le partage du spectre ou le partage du réseau complet.

(13) Il y a également 16 opérateurs de réseaux virtuels mobiles ("ORVM") actifs en Italie, qui proposent des services de télécommunications mobiles sans posséder de réseau. Les ORVM ont une présence très limitée sur le marché en Italie, détenant collectivement une part de marché de [0-5] % sur la base des recettes, [5-10] % sur la base des abonnés.

VI. LES MARCHÉS EN CAUSE

(14) L'opération concerne la prestation de services de télécommunications mobiles de détail et des services de gros pour l'accès et le départ d'appel sur les réseaux publics de téléphonie mobile en Italie. Le marché de produits et le marché géographique en cause pour ces services se définissent comme suit.

a) Marché de détail des services de télécommunications mobiles

(15) La Commission considère, sur la base de sa pratique décisionnelle, que les services des télécommunications mobiles constituent un marché distinct de celui des services de télécommunications fixes. En outre, la Commission considère que les services de téléphonie mobile et les services OTT (over the top, par contournement) ne sont pas substituables étant donné qu'une connexion des données mobiles est à tout le moins nécessaire pour accéder aux services de messagerie instantanée et vocaux OTT. Étant donné la pénétration limitée des offres "multiple play" avec une composante mobile en Italie, il n'est pas nécessaire, aux fins de l'espèce, de définir un marché des produits distinct pour les offres "multiple play" comportant une composante mobile.

(16) En ce qui concerne le marché de la fourniture au détail de services de télécommunications mobiles aux clients finals, conformément à sa pratique décisionnelle antérieure, la Commission conclut qu'il existe un marché de produits global pour la prestation de services de télécommunications mobiles de détail, sans qu'il soit nécessaire de définir des marchés de produits distincts sur la base du: 1) type de technologie (2G, 3G et 4G); 2) type de service (voix, SMS et données); 3) type de contrat (prépayé par opposition à postpayé), et 4) type de client final (entreprise par opposition au particulier).

(17) En outre, en l'espèce, la Commission ne considère pas que les services de téléphonie mobile vendus dans des contrats comprenant l'achat d'un combiné et d'abonnements aux services de téléphonie purement mobile constituent des marchés de produits distincts.

(18) Conformément aux précédentes décisions de la Commission, et conformément à l'avis des parties, la Commission conclut que le marché géographique en cause pour l'évaluation du cas d'espèce est national, correspondant au territoire italien.

b) Marché de gros de l'accès et du départ d'appel sur les réseaux publics de téléphonie mobile

(19) Conformément aux affaires précédentes, la Commission conclut que le marché des produits en cause pour l'appréciation du cas d'espèce est celui de l'accès de gros et de départ d'appel sur les réseaux publics de téléphonie mobile. La Commission conclut que la portée géographique du marché est celle du territoire italien.

c) Les autres marchés en cause

(20) Outre les deux marchés susmentionnés, l'opération concerne également d'autres marchés en cause, dans lesquels les activités des parties se chevauchent ou sont liées verticalement.

(21) La Commission a recensé et défini les marchés en cause pour: 1) le marché de gros pour les services d'itinérance internationale; 2) la fourniture en gros de services de terminaison d'appel sur les réseaux mobiles, et 3) la fourniture en gros des services de terminaison d'appel sur les réseaux fixes. La Commission a retenu un marché distinct pour la fourniture en gros de services fixes de "backhaul" (transport en sens inverse) en Italie mais a laissé ouverte la définition précise du marché. La Commission a estimé que l'opération ne soulevait aucun problème de concurrence sur l'un de ces marchés.

VII. APPRÉCIATION SOUS L'ANGLE DE LA CONCURRENCE

a) Marché de détail des services de télécommunications mobiles

i) Effets horizontaux non coordonnés découlant de l'élimination de fortes contraintes concurrentielles

(22) L'opération combinerait les activités de H3G et WIND, respectivement les troisième et quatrième opérateurs de services mobiles sur le marché de détail des services de télécommunications mobiles en Italie, créant ainsi le leader du marché sur la base du nombre d'abonnés et des recettes et renforçant de manière significative le niveau de concentration du marché.

(23) H3G a été l'ORM le plus agressif et le plus perturbateur sur le plan commercial ces dernières années, offrant constamment les services mobiles les moins chers, ce qui a déclenché une "guerre des prix". H3G s'est livrée à une concurrence agressive sur le marché, en dépit de son réseau 4G (actuellement) moins développé. À cet égard, comme mentionné au point 11 ci-dessus, la Commission relève qu'en Italie, les services 4G ne sont pas encore bien développés, la majorité des clients de téléphonie mobile utilisant des réseaux 3G. La Commission note également que la compétitivité de H3G n'a pas été entravée par son incapacité à offrir des services de télécommunications fixes, étant donné qu'en Italie, les offres de téléphonie fixe-mobile sont encore très limitées et que les clients ont tendance à acheter les services de téléphonie mobile séparément. Le comportement de H3G sur le marché a contraint les autres ORM à baisser leurs prix et à continuer de proposer des bouquets de services plus inclusifs afin de s'adapter aux tarifs agressifs de H3G.

(24) En l'absence de l'opération, H3G est susceptible de continuer à livrer une forte concurrence. Sur la base des éléments de preuve disponibles dans son dossier, la Commission considère qu'il est peu probable que la capacité concurrentielle de H3G se détériore significativement en raison de son envergure limitée, de son absence d'offre de services de télécommunications fixes ou de sa prétendue incapacité à développer son réseau 4G. La Commission relève que H3G obtient de bons résultats sur le marché, gagnant des clients, augmentant sa part de marché et ses résultats d'EBITDA positifs depuis de nombreuses années. La Commission considère que H3G est susceptible de gagner en rentabilité au cours des prochaines années et qu'elle serait en mesure de continuer à opérer et à investir dans le développement de son réseau 4G, lorsque les services 4G gagneront en importance. Par conséquent, la compétitivité de H3G ne devrait pas se détériorer, étant donné qu'elle serait en mesure de développer son réseau 4G et de combler l'écart qui la sépare de TIM et de Vodafone.

(25) Dès lors, sur la base de ses conclusions tirées de la seconde phase de l'enquête, la Commission considère que H3G exerce, avant l'opération, une forte pression concurrentielle conformément au point 37 des lignes directrices sur l'appréciation des concentrations horizontales, ou qu'elle exerce, en tout état de cause, une forte pression concurrentielle sur le marché de détail des services de télécommunications mobiles en Italie, et qu'elle devrait continuer à exercer une telle contrainte en l'absence de l'opération.

(26) La seconde phase de l'enquête a indiqué que WIND joue également un rôle concurrentiel important sur le marché. WIND a été le deuxième ORM le moins cher et le plus agressif sur le marché de la téléphonie mobile de détail après H3G. Par conséquent, la Commission considère que WIND exerce une forte pression concurrentielle sur le marché italien de la téléphonie mobile de détail.

(27) La Commission estime que les actionnaires de WIND auraient une incitation pour soutenir financièrement WIND si cela s'avérait nécessaire pour maintenir sa compétitivité sur le marché et qu'en l'absence de l'opération, WIND conserverait la capacité et l'incitation nécessaires pour exercer une forte pression concurrentielle sur l'ensemble du marché de la téléphonie mobile ainsi que sur le segment de marché centré sur les données.

(28) La Commission considère également que tous les ORM sur le marché italien de la téléphonie mobile de détail sont en étroite concurrence.

(29) L'opération supprimerait la pression concurrentielle que H3G et WIND exercent l'une sur l'autre ainsi que sur les autres ORM, ce qui entraînerait une concurrence fortement affaiblie sur le marché de détail. L'entreprise commune serait le plus grand ORM avec peu, voire pas du tout, d'incitation à livrer une concurrence agressive par les prix.

(30) Sur la base de l'ensemble des éléments de preuve versés au dossier de la Commission, il semble probable que l'entreprise commune livre une concurrence moins agressive et augmente les prix après l'opération. TIM et Vodafone livreraient également une concurrence moins agressive après l'opération et devraient suivre les augmentations des prix de l'entreprise commune.

(31) Il est peu probable que les effets anticoncurrentiels de l'opération soient compensés par les ORVM. Les ORVM ont une très faible présence sur le marché en Italie et exercent déjà une pression concurrentielle limitée avant l'opération. Étant donné leur rôle marginal et leur capacité de concurrence limitée, en particulier sur les données, et à innover du fait de leur dépendance à l'égard des ORM, la Commission considère qu'ils ne seront pas en mesure d'endiguer la perte de pression concurrentielle résultant de l'opération.

(32) La Commission a également entrepris une appréciation quantitative approfondie des effets probables sur les prix résultant de l'élimination de la concurrence sur le marché de détail. Cette appréciation quantitative est réalisée en détail à l'annexe A de la décision (3). En l'absence du préjudice supplémentaire résultant des effets coordonnés, la Commission considère que les parties auraient des incitations importantes à augmenter les prix après l'opération. Plus particulièrement, l'analyse quantitative de la Commission montre que, dans le segment privé, H3G et WIND auraient des incitations à augmenter les prix.

(33) La Commission considère que son analyse quantitative soutient les conclusions de l'enquête qualitative menée sur le marché. Selon la Commission, l'opération est susceptible de générer une incitation considérable à augmenter les prix sur le marché de la téléphonie mobile en Italie.

ii) Effets horizontaux coordonnés

(34) Sur la base de la seconde phase de l'enquête, la Commission considère que l'opération serait susceptible d'aligner les incitations des ORM sur le marché italien de la téléphonie mobile à participer à une coordination. L'opération réduirait le nombre d'opérateurs de quatre à trois sur un marché très concentré. Elle supprimerait également H3G, qui a été l'opérateur dissident aux intérêts commerciaux divergents sur le marché avant l'opération. L'opération créerait également un marché très concentré et relativement symétrique, étant donné que l'entreprise commune, TIM et Vodafone auraient toutes une échelle et des parts de marché similaires après l'opération. Cela contribuerait à l'alignement des intérêts des ORM.

(35) La Commission considère également que l'opération serait susceptible de renforcer la capacité des ORM à s'entendre en vue d'une coordination. Le marché italien de la téléphonie mobile de détail présente certaines caractéristiques (telles que la transparence, un degré limité de différenciation des produits et une facilité de comparaison des tarifs de téléphonie mobile) qui permettraient de parvenir à une coordination après l'opération. Par ailleurs, la Commission a analysé quelques cas passés où les ORM ont réussi à augmenter les prix de manière parallèle, notamment au quatrième trimestre de 2013 et au premier trimestre de 2014. Dans ces cas, la coordination n'est pas parvenue à rester stable en raison de facteurs liés à la structure du marché avant l'opération, y compris le comportement perturbateur de H3G. Après l'opération, un des moyens privilégiés les plus probables pour assurer une coordination entre les ORM serait le statu quo des parts de marché des ORM. Un tel mécanisme de coordination non seulement se démarque comme étant le plus judicieux compte tenu de la structure symétrique du marché après l'opération (avec chaque ORM contrôlant environ [30-40] % du marché de la téléphonie mobile de détail).

(36) La Commission juge également que la coordination pourrait être durable après l'opération. Plus particulièrement, les ORM disposeraient de plusieurs outils directs et indirects qui leur permettraient de détecter rapidement et efficacement les écarts commis par rapport aux modalités d'exercice de la coordination. Les ORM pourraient sanctionner les écarts commis par rapport aux modalités d'exercice de la coordination en engageant une guerre des prix, ce qui constituerait une menace crédible, susceptible de dissuader tout d'abord les ORM d'un tel écart, et les inciterait à respecter ensuite les modalités de la coordination. Étant donné le pouvoir négligeable tant des clients que des ORVM effectifs et existants ainsi que l'absence de nouveaux ORM entrants sur le marché, les réactions des outsiders seraient probablement insuffisantes pour compromettre la coordination entre les ORM après l'opération.

(37) Enfin, la Commission considère qu'après l'opération, les ORM pourraient mettre en œuvre diverses pratiques éventuelles qui seraient susceptibles de faciliter la coordination. Bien qu'aucune de ces pratiques ne soit strictement nécessaire pour qu'une coordination se présente et soit durable après l'opération, elles pourraient faciliter les modalités de la coordination et contribuer à sa durabilité. Ces pratiques, auxquelles les ORM font déjà appel aujourd'hui incluent le recours à des déclarations publiques par les cadres dirigeants des ORM en tant qu'outil pour "faire signe" aux concurrents, l'échange d'informations via les banques d'investissement et les contacts fréquents de haut niveau qui ont lieu entre les principaux dirigeants des ORM.

(38) La Commission conclut dès lors que l'opération donnerait lieu à des effets anticoncurrentiels coordonnés sur le marché italien des services de télécommunications mobiles de détail. L'opération renforcerait la probabilité que les trois ORM restants puissent coordonner leur comportement et augmenter les prix de manière durable, même sans conclure un accord ou recourir à une pratique concertée au sens de l'article 101 TFUE.

iii) Facteurs compensateurs

(39) Sur la base de son enquête menée sur le marché, la Commission considère qu'il n'y a pas de facteurs compensateurs, tels que l'entrée ou la puissance d'achat, qui contrebalanceraient les éventuels effets anticoncurrentiels de l'opération.

iv) Conclusion

(40) Étant donné que les effets anticoncurrentiels décrits ci-dessus ne peuvent être compensés par des gains d'efficacité [voir section VII c) ci-dessous], sur la base de ce qui précède, la Commission conclut que l'opération occasionnerait une entrave significative à une concurrence effective sur le marché des services de télécommunications mobiles de détail en Italie en raison d'effets horizontaux coordonnés et non coordonnés.

b) Marché de gros de l'accès et du départ d'appel sur les réseaux publics de téléphonie mobile

i) Effets horizontaux non coordonnés découlant de l'élimination de fortes pressions concurrentielles

(41) Outre le marché de détail, les parties sont actives sur le marché de gros de l'accès et du départ d'appel sur les réseaux publics de téléphonie mobile. Sur ce marché, les ORM fournissent des services d'hébergement aux ORVM qui, à leur tour, offrent des services de détail aux clients finals.

(42) Actuellement, les quatre ORM offrent un accès de gros aux ORVM en Italie. L'hôte le plus important en matière d'accès de gros est actuellement Vodafone, suivi de près par TIM. WIND est le troisième hôte le plus important. H3G est le plus petit hôte pour l'accès de gros et sa part de marché devrait diminuer au cours des prochaines années en raison de la migration de ses seuls clients ORVM (DIGI et Fastweb) vers TIM.

(43) En ce qui concerne WIND, la Commission considère, sur la base de la seconde phase de l'enquête, qu'elle exerce une contrainte concurrentielle importante sur les autres ORM avant la transaction et que cette contrainte se poursuivrait en l'absence de l'opération.

(44) Sur la base de la seconde phase de l'enquête, la Commission estime que malgré sa part de marché en déclin, H3G exerce également une contrainte concurrentielle importante sur les autres ORM avant la transaction et que cette contrainte se poursuivrait en l'absence de l'opération.

(45) La Commission considère que la réduction du nombre d'hôtes de gros après l'opération réduirait la position concurrentielle des ORVM. Il est probable que l'entreprise commune soit moins incitée à héberger les ORVM à des conditions commercialement attrayantes par rapport à WIND et H3G agissant de manière indépendante sur le marché. Enfin, la réduction de la concurrence sur le marché de gros ne devrait pas être compensée par les autres opérateurs sur le marché, TIM et Vodafone. La Commission note que la réduction de la concurrence sur le marché n'affecterait pas l'ORVM le plus prospère du marché, PosteMobile (qui représente la moitié de la part de marché des ORVM en Italie) pendant plusieurs années. PosteMobile a un accord d'accès de gros avec WIND depuis des années. Fastweb, le second ORVM le plus important sur le marché, a récemment conclu un accord d'ORVM avec TIM. L'opération affecterait principalement les ORVM qui ne sont pas contractuellement liés à un ORM à court terme. La Commission a également constaté que l'opération affecterait les éventuels ORVM entrants. Toutefois, la Commission observe qu'il n'y a pas d'indication de plans d'entrée concrets par les ORVM dans un avenir proche.

ii) Facteurs compensateurs

(46) La Commission considère, sur la base de son enquête menée sur le marché, qu'il n'y a pas de facteurs compensateurs, tels que la puissance d'achat ou l'entrée, qui contrebalanceraient les éventuels effets anticoncurrentiels de l'opération.

iii) Conclusion

(47) Étant donné que les effets horizontaux non coordonnés décrits ci-dessus ne peuvent être contrebalancés par des gains d'efficacité [voir section VII c) ci-dessous], sur la base de ce qui précède, la Commission conclut que l'opération occasionnerait une entrave significative à une concurrence effective sur le marché de gros de l'accès et du départ d'appel sur les réseaux publics de téléphonie mobile en Italie.

c) Gains d'efficacité

(48) Les parties avancent que l'opération donnerait lieu à deux types de gains d'efficacité: 1) des synergies de coûts et de revenus, avec des composantes variables et fixes, et 2) la création d'un troisième réseau de grande qualité, comparable à ceux de TIM et Vodafone, étant donné que l'entreprise commune permettrait un déploiement LTE plus rapide, réalisant une couverture de la population supérieure à celle atteinte en l'absence de l'opération.

(49) Les parties font valoir que les économies variables réalisées devraient générer une incitation directe à offrir des avantages aux clients sous la forme de prix réduits et de plans tarifaires avantageux. Les parties avancent également que des économies en termes de coûts fixes entraîneront des avantages pour les consommateurs étant donné qu'elles atténueront les contraintes d'investissement auxquelles les parties sont actuellement confrontées et permettraient à l'entreprise commune de financer des investissements pour créer une infrastructure de pointe. En conséquence, il en résultera une meilleure qualité pour les consommateurs et cela permettra à l'entreprise commune de livrer concurrence sur la qualité à TIM et Vodafone, concurrence qui ne serait pas possible en l'absence de l'opération.

(50) Les gains d'efficacité allégués liés à un réseau de meilleure qualité, selon les parties, sont dus au déploiement plus rapide d'un troisième réseau de haute qualité, caractérisé par une couverture LTE et une vitesse LTE supérieures à celles des réseaux que l'une ou l'autre partie déploierait en l'absence de l'opération. Afin de quantifier les avantages liés à ce gain d'efficacité pour les consommateurs, les parties ont présenté une étude de simulation de concentration qui conclut que les effets proconcurrentiels de l'opération l'emportent sur ses effets anticoncurrentiels et que l'opération accroîtrait de façon générale le bien-être du consommateur sur le marché italien des télécommunications mobiles.

(51) Selon les parties, tous les gains d'efficacité allégués sont vérifiables selon les normes requises, ne peuvent être atteints de manière comparable dans le cadre d'alternatives moins anticoncurrentielles et profitent aux consommateurs.

(52) En ce qui concerne l'allégation du gain d'efficacité des coûts variables, la Commission conclut que l'importance des gains d'efficacité qui répondent au critère en trois points des lignes directrices sur les concentrations horizontales est limitée et peu susceptible de contrebalancer le préjudice causé par l'entreprise commune. Elle aboutit à cette conclusion sans même inclure le fait que l'entreprise commune pourrait réduire la pression concurrentielle dans une mesure telle qu'il est peu probable que des économies en termes de coûts variables soient répercutées sur les consommateurs de façon à contrebalancer le préjudice (étant donné les effets coordonnés et les attentes des concurrents relatives au marché quant à une réparation possible du marché).

(53) En outre, la Commission considère que des économies en termes de coûts fixes ne bénéficieront pas aux consommateurs, étant donné que ces économies serviront probablement à rembourser la dette de l'entreprise commune (apportée par WIND) et à acheminer la trésorerie en amont vers les actionnaires au lieu de financer un niveau global d'investissements plus élevé, lesquels, globalement, diminueraient par rapport à la somme des investissements autonomes des parties. Par ailleurs, la Commission note que les avantages pour les consommateurs résultant d'une amélioration de la qualité du réseau liée à des économies en termes de coûts fixes font déjà partie d'une allégation distincte et, afin d'éviter une double prise en compte, ne seront comptabilisés qu'une seule fois.

(54) Enfin, en ce qui concerne l'argument tiré d'une qualité de réseau supérieure, la Commission conclut, dans son appréciation, que des accords de partage de réseau sont pertinents pour l'appréciation de l'opération étant donné qu'ils sont susceptibles de constituer une alternative moins anticoncurrentielle à l'opération actuelle et pourraient permettre de réaliser des gains d'efficacité similaires. L'analyse de la Commission montre que: 1) des accords de partage de réseaux constituent des alternatives réalistes et établies; 2) les parties appartiennent à des groupes qui ont conclu de nombreux accords de partage de réseaux sur d'autres marchés géographiques de téléphonie mobile; 3) [...]; 4) les parties auraient une incitation pour conclure un tel accord alternatif de partage de réseau et cet accord générerait des avantages pour les consommateurs, identiques ou similaires à ceux que les parties ont revendiqués pour l'entreprise commune, et ce sur la base des allégations des parties elles-mêmes en matière de gains d'efficacité, et 5) le modèle utilisé par les parties pour analyser le scénario concurrentiel postérieur à l'entreprise commune ne correspond pas aux éléments de preuve relatifs à la réparation du marché et aux effets coordonnés, et, partant, il sous-estime les effets anticoncurrentiels de l'opération. Pour les motifs qui précèdent, la Commission conclut que les gains d'efficacité allégués relatifs aux améliorations de la qualité du réseau ne sont pas spécifiques à la concentration. Par ailleurs, l'étude de simulation de concentration présentée souffre de certains handicaps qui remettent en cause le caractère vérifiable de ses estimations.

(55) Dans l'ensemble, la Commission conclut que les parties n'ont pas réussi à démontrer, sur la base du cadre des lignes directrices sur les concentrations horizontales, que les économies en termes de coûts fixes et les améliorations liées au réseau alléguées par les parties sont spécifiques à la concentration, susceptibles de se concrétiser et capables de contrer les effets anticoncurrentiels qui, selon la Commission, pourraient autrement résulter de l'opération. La seule partie des efficacités alléguées qui répondrait au critère des trois conditions des lignes directrices sur les concentrations horizontales (une branche de l'allégation relative aux coûts variables) est également considérée trop limitée pour contrebalancer l'effet anticoncurrentiel probable de l'entreprise commune.

VIII. ENGAGEMENTS

a) Procédure et timing

(56) Afin de remédier aux problèmes de concurrence relevés par la Commission sur les marchés de détail et de gros des services de télécommunications mobiles, les parties ont présenté des engagements le 6 juin 2016 (l'"engagement des ORM"). La Commission a entamé la consultation des acteurs du marché sur l'engagement des ORM le 8 juin 2016 (la "consultation des acteurs du marché"). Des questionnaires ont été envoyés aux: 1) prestataires actuels et futurs éventuels de services de télécommunications mobiles en Italie, ainsi qu'à l'association des ORVM, MVNO Europe, et 2) aux régulateurs nationaux de télécommunications, dont le régulateur italien, AGCOM. En outre, l'AGCM ainsi que les autorités nationales de la concurrence du Royaume-Uni, des Pays-Bas et de l'Allemagne ont présenté leurs avis sur l'engagement des ORM.

(57) À la lumière du résultat de la consultation des acteurs du marché et de la réponse de la Commission, le 5 juillet 2016, les parties ont présenté des engagements révisés (l'"engagement révisé des ORM"). Le 18 juillet 2016, les parties ont présenté un nouvel ensemble d'engagements (l'"engagement final des ORM"), qui est identique, à tous les égards importants, à l'engagement révisé des ORM (4).

(58) Les parties ont également informé la Commission qu'elles avaient conclu des accords contraignants de longue durée, le 1er juillet 2016, comprenant: 1) un accord-cadre et de transfert; 2) un accord de services d'itinérance national; 3) un accord de partage du RAN, et 4) un accord de regroupement des services (conjointement, les "nouveaux accords des ORM") avec Iliad SA ("Iliad") qu'elles ont présentée comme l'acheteur potentiel de la série de mesures correctives. Les accords des ORM ont ensuite été modifiés et à nouveau exécutés le 18 juillet 2016.

b) Description de l'engagement des ORM

(59) L'engagement des ORM consiste en plusieurs éléments conçus pour permettre l'entrée d'un quatrième ORM (le "nouvel ORM") sur le marché italien: 1) le spectre; 2) l'option d'acquérir/regrouper des services sur des sites d'accès macro; 3) l'option d'un accord de partage du RAN; 4) un accord d'itinérance national, et 5) [...]. Ces éléments sont successivement décrits ci-dessous.

(60) Les parties se sont engagées à transférer un total de 2 × 30 MHz de spectre (le "spectre à céder"), appartenant à différentes bandes de fréquence, à savoir

a) le bloc du spectre de 2 × 5 MHz sur la fréquence de 900 MHz utilisé pour la technologie 3G;

b) le bloc du spectre de 2 × 10 MHz sur la fréquence de 1 800 MHz utilisé pour la technologie 2G;

c) le bloc du spectre de 2 × 5 MHz sur la fréquence de 2 100 MHz utilisé pour la technologie 3G; ainsi que

d) Les deux blocs du spectre de 2 × 5 MHz sur la fréquence de 2 600 MHz utilisés pour la technologie 4G.

(61) Les parties se sont engagées à mettre à la disposition du nouvel ORM jusqu'à [...] sites de réseau macro (les "sites à céder"), dont:

a) [...] disponibles en vue d'un transfert; et

b) [...] disponibles pour un regroupement des services dans des conditions de regroupement des services interopérateurs.

(62) Les parties se sont engagées à libérer le spectre à céder et les sites à céder conformément au plan de libération joint à l'engagement des ORM, achevant la libération du spectre et des sites pour le [...].

(63) Au gré du nouvel ORM, les parties se sont engagées à augmenter le nombre de sites à céder afin d'inclure jusqu'à [...] sites cédés et [...] sites pour le regroupement des services, les uns et les autres dans les zones les moins peuplées d'Italie (les "sites élargis").

(64) Les parties se sont également engagées à offrir une option visant à conclure une solution de partage unilatéral (non réciproque) du RAN couvrant les zones moins densément peuplées d'Italie (l'"option de partage du RAN"). L'option de partage du RAN aurait couvert la technologie 3G et 4G et aurait été déployée sur un maximum de [...] sites. L'option de partage du RAN aurait été mise à disposition pendant une période pouvant aller jusqu'à [...], à des conditions commerciales à convenir entre les parties et le nouvel ORM.

(65) Les parties se sont engagées à conclure un accord d'itinérance national pour une période transitoire sur le réseau de H3G et WIND, sur les technologies 2G, 3G, 4G et 5G (si et lorsqu'elles sont commercialement lancées) (l'"accord d'itinérance national"), pour une période initiale de [...], avec une prolongation facultative de [...]. La structure tarifaire pour les deux périodes devait être convenue entre les parties et le nouvel ORM.

(66) Pour la période initiale de l'accord d'itinérance national, il n'aurait pas été permis au nouvel ORM de fournir des services de gros à des tiers. Au terme de cette période, la prestation de services de gros à des tiers aurait été permise mais aurait été limitée à un pourcentage maximum prédéfini de la capacité d'itinérance totale utilisée par le nouvel ORM.

c) Appréciation de l'engagement des ORM

(67) Les résultats de la consultation des acteurs du marché ont été globalement positifs en ce qui concerne le concept de l'engagement des ORM; les acteurs du marché ainsi que l'AGCM, AGCOM et d'autres autorités de la concurrence ont considéré qu'en principe l'engagement des ORM constituait une solution structurelle aux préoccupations en matière de concurrence établies par la Commission en ce qui concerne le marché de détail et, sous réserve de la suppression de l'interdiction des services de gros y incluse, du marché de gros. Toutefois, les répondants ont décelé un certain nombre de lacunes dans chacun des éléments de l'engagement des ORM, auxquelles il était nécessaire de remédier pour que ledit engagement supprime effectivement ces préoccupations

(68) La Commission a considéré que l'engagement des ORM ne serait pas suffisant tant en ce qui concerne la quantité que la composition du spectre. La Commission a noté que H3G détient actuellement 45 MHz de spectre, comparé aux 30 MHz inclus dans l'engagement des ORM, dont un seul bloc est situé sous 1 GHz et deux blocs seulement ont une licence pour la technologie 4G. En outre, il existait une incertitude importante concernant le spectre à céder. Premièrement, en vertu de l'engagement des ORM, les parties étaient censées avoir respecté l'engagement en concluant les accords pour le transfert du spectre, le transfert étant subordonné à l'approbation du MiSe (ministère du développement économique). Deuxièmement, la date d'expiration des licences pour certains des blocs de spectre (notamment le bloc de 1 800 MHz) se situe dès [...] et toute prorogation de la durée de la licence exige l'approbation du MiSe. Troisièmement, tout réaménagement du spectre à céder pour l'utilisation de la 4G exigerait à nouveau l'approbation du MiSe.

(69) En ce qui concerne les sites à céder, l'engagement des ORM comprend simplement un engagement à "mettre" un certain nombre de sites "à la disposition" du nouvel ORM, n'offrant dès lors aucune certitude quant au fait que le nouvel ORM prendrait tout ou partie des sites à céder. La Commission note que H3G a actuellement environ [...] sites sur l'ensemble du territoire italien. Les résultats de la consultation des acteurs du marché suggéraient qu'un réseau national concurrentiel nécessite entre 10 000 et 15 000 sites. Toutefois, à moins que l'option pour les sites élargis ou l'option de partage du RAN ne soit exercée, l'accord de cession n'aurait inclus que [...] sites au maximum. Par ailleurs, la consultation des acteurs du marché a révélé que l'écart entre les sites proposés dans l'engagement des ORM et le nombre de sites nécessaires à un réseau national concurrentiel pourrait être comblé par des actifs disponibles auprès des sociétés de location.

(70) En ce qui concerne l'option de partage du RAN, la Commission considère qu'elle pourrait constituer une mesure efficace au regard des coûts permettant au nouvel ORM d'étendre sa couverture dans les zones les moins peuplées d'Italie. Toutefois, étant donné que les deux possibilités pour que le nouvel ORM obtienne une couverture des zones les moins densément peuplées d'Italie constituaient des options, il n'existait pas de certitude suffisante quant au déploiement d'un réseau national complet par le nouvel ORM. En outre, les conditions commerciales de l'option de partage du RAN n'étaient pas suffisamment détaillées. Enfin, étant donné que la partage du RAN ne couvre que les technologies 3G et 4G, il existait un risque que le nouvel ORM ne soit pas en mesure d'offrir des services 2G dans les zones de partage du RAN, étant donné que l'itinérance était désactivée.

(71) En ce qui concerne l'accord d'itinérance national, la Commission avait des préoccupations importantes concernant les conditions commerciales de l'accord étant donné que très peu de détails figuraient dans l'engagement des ORM. Au cours de la période transitoire entre le lancement commercial du nouvel ORM et le moment du déploiement de son propre réseau commercial (qui peut nécessiter plusieurs années après l'achèvement du transfert des sites et du spectre), les opérations du nouvel ORM auraient été fondées sur l'accord d'itinérance national. Les conditions de cet accord sont dès lors fondamentales pour la question de savoir si le nouvel ORM a la capacité et l'incitation nécessaires pour livrer une concurrence effective. Par ailleurs, il est d'une importance capitale qu'un équilibre soit trouvé afin de veiller à ce que le nouvel ORM ait une incitation suffisante à déployer son propre réseau au lieu de s'appuyer sur l'accord d'itinérance national à moyen ou long terme. Ne disposant d'aucun détail quant à la structure des coûts de l'accord d'itinérance national dans l'engagement des ORM, la Commission ne peut conclure que l'un ou l'autre de ces objectifs aurait pu être réalisé et considère dès lors que l'engagement des ORM n'était pas suffisant pour répondre à ses préoccupations.

(72) Enfin, la Commission considère que l'interdiction faite au nouvel ORM de fournir des services de gros pendant la période initiale de l'accord d'itinérance national (et dans ce cas, sous réserve d'un plafond de capacité de [...]) a empêché l'engagement des ORM d'apporter une solution aux préoccupations soulevées dans le marché de gros.

d) Description de l'engagement final des ORM

(73) L'engagement final des ORM partage la même composition globale et la même nature structurelle que l'engagement des ORM décrit ci-dessus mais avec des améliorations importantes et des détails supplémentaires.

(74) Les parties s'engagent à céder 2 × 35 MHz du spectre au nouvel ORM (le "spectre à céder révisé"):

a) le bloc du spectre de 2 × 5 MHz sur la fréquence de 900 MHz actuellement utilisé pour la technologie 3G;

b) le bloc du spectre de 2 × 10 MHz sur la fréquence de 1 800 MHz actuellement utilisé pour la technologie 2G;

c) le bloc du spectre de 2 × 10 MHz sur la fréquence de 2 100 MHz actuellement utilisé pour la technologie 3G; et

d) les deux blocs du spectre de 2 × 5 MHz sur la fréquence de 2 600 MHz actuellement utilisés pour la technologie 4G.

(75) Dans les zones densément peuplées, les parties s'engagent à céder/regrouper avec le nouvel ORM [...] sites de réseau macro (les "sites à céder révisés").

(76) Dans les zones les moins densément peuplées), les parties s'engagent à soit:

a) céder et/ou regrouper avec le nouvel ORM [...] sites de réseau macro (les "sites élargis révisés") (5); soit

b) activer une option de partage du RAN déployé sur un minimum de [...] sites (l'"option de partage du RAN révisée").

(77) Les parties s'engagent à ce que les sites à céder révisés, avec soit les sites élargis révisés soit les sites de partage du RAN, soient en mesure de permettre au nouvel ORM de fournir une couverture en extérieur sur le spectre de 900 MHz pour [...] % de la population italienne ([...] % en intérieur) (6). L'engagement des ORM et l'engagement final des ORM restent inchangés en ce qui concerne la libération en plusieurs étapes du spectre et des sites à céder.

(78) Pendant une période transitoire, les parties s'engagent à conclure un accord afin de: 1) fournir des services d'itinérance nationaux 2G ("services d'itinérance 2G"), et 2) mettre en œuvre et exploiter des services MOCN (réseau central multi-opérateur) 3G/4G (7) (les "services MOCN 3G/4G") (dans le cadre de l'"accord national d'itinérance révisé"). Les services d'itinérance nationaux 2G et les services MOCN 3G/4G seront fournis pendant une période initiale de [...], avec possibilité de prorogation pour [...]. La couverture des services d'itinérance nationaux 2G et des services MOCN 3G/4G sera nationale mais avec une réduction des services MOCN 3G/4G au fil du temps, conformément au plan de libération du spectre et des sites et à l'activation de l'option de partage du RAN si elle est exercée.

(79) L'engagement final des ORM inclut une procédure accélérée de résolution des différends et précise également que pendant son mandat, le mandataire chargé de la cession sera habilité à solliciter l'avis d'expert de l'AGCOM sur certaines questions.

e) Appréciation de l'engagement final des ORM

(80) En ce qui concerne le spectre à céder révisé, l'engagement final des ORM inclut 2 × 5 MHz de spectre supplémentaire par rapport à l'engagement initial des ORM, dans la bande de 2 100 MHz. Cela correspond à une quantité de spectre que de nombreux répondants à la consultation des acteurs du marché considéraient comme acceptable pour permettre au nouvel ORM de livrer concurrence sur une base nationale. En ce qui concerne la quantité de spectre sub-1 GHz dans l'engagement final des ORM, la Commission considère qu'avec: 1) la solution MOCN 3G/4G utilisant le spectre de 800 MHz des parties; 2) la possibilité d'acquérir du spectre supplémentaire lors de la prochaine mise aux enchères, et 3) [...] le nouvel ORM sera en mesure de livrer une concurrence effective en ce qui concerne la quantité et la composition du spectre à céder révisé.

(81) La Commission considère également que l'engagement final des ORM répond aux précédentes incertitudes concernant le spectre à céder. Premièrement, l'engagement final des ORM ne sera pas satisfait maintenant à moins et jusqu'à ce que le MiSe ait donné au nouvel ORM son approbation au transfert du spectre à céder révisé. Deuxièmement, la Commission a obtenu une assurance suffisante des parties et du MiSe.

(82) En ce qui concerne les sites à céder révisés dans les zones densément peuplées, les parties s'engagent à céder/regrouper avec le nouvel ORM un nombre minimal bien précis de sites offrant la certitude que le nouvel ORM déploiera un réseau national. En ce qui concerne les zones les moins densément peuplées, les parties s'engagent à céder/regrouper les sites élargis révisés, à moins que l'option de partage du RAN ne soit exercée. Cela offre une certitude quant à l'obtention, par le nouvel ORM, d'une couverture des zones les moins densément peuplées. En outre, l'engagement final des ORM fournit des détails supplémentaires concernant les procédures de libération des sites et de sélection des sites. La Commission considère dès lors que l'engagement final des ORM permettrait au nouvel ORM de livrer une concurrence effective en ce qui concerne les sites à céder révisés.

(83) En ce qui concerne l'option de partage du RAN révisée, la Commission considère que l'obligation d'activer une option de partage du RAN sur un nombre minimal prévu de sites, dans l'éventualité où les sites élargis révisés ne seraient pas cédés, offre une certitude suffisante. L'engagement final des ORM inclut également d'importants détails supplémentaires concernant la mise en œuvre et la structure des coûts de l'option de partage du RAN. Les parties se sont engagées à maintenir les services nationaux d'itinérance 2G sur les zones de partage du RAN afin de veiller à ce que le nouvel ORM puisse livrer concurrence pour les clients 2G. En raison de ces révisions, de la réduction de l'incertitude et des détails supplémentaires, la Commission considère que l'engagement final des ORM permettrait au nouvel ORM de livrer une concurrence effective vis-à-vis de l'option de partage du RAN révisée.

(84) En ce qui concerne l'accord d'itinérance national, les parties ont inclus des informations détaillées sur les conditions commerciales dans l'engagement final des ORM. La Commission considère que les conditions commerciales prévues dans l'accord national révisé veilleront à ce que le nouvel ORM ait la capacité et l'incitation pour livrer une concurrence agressive, et éliminent les risques pendant la durée de l'accord d'itinérance national révisé. Par ailleurs, la Commission considère que ces conditions commerciales offrent une incitation adéquate pour le déploiement de son réseau par le nouvel ORM.

(85) L'engagement final des ORM ne contient pas de restrictions quant à la capacité du nouvel ORM d'offrir un accès de gros aux ORVM et répond dès lors aux préoccupations soulevées par la Commission au sujet du marché de gros. Le nouvel ORM constituera un ORM hôte viable pour les ORVM en quête d'un accès de gros. Par conséquent, la Commission considère qu'aucune mesure corrective supplémentaire n'est requise pour répondre aux préoccupations en matière de concurrence soulevées par l'opération.

f) Appréciation d'Iliad en tant que nouvel ORM

(86) La Commission considère qu'Iliad respecte les exigences types auxquelles l'acquéreur doit satisfaire, détaillées dans la communication sur les mesures correctives, en termes d'indépendance, de ressources financières et d'absence à première vue de problème de concurrence.

(87) Premièrement, la Commission constate qu'il n'existe pas de lien de contrôle entre Iliad et les parties. Iliad peut dès lors être considérée comme indépendante des parties et sans lien avec elles.

(88) Deuxièmement, la Commission considère qu'Iliad possède les ressources financières, une expertise pertinente avérée et qu'elle a l'incitation et la capacité nécessaires pour entrer sur le marché italien en tant que nouvel ORM agissant en tant que force concurrentielle active et viable dans la concurrence avec les parties et d'autres concurrents. Plus particulièrement, la Commission considère que le plan d'entreprise d'Iliad est suffisamment réaliste et agressif pour permettre de façon viable à Iliad d'exercer une contrainte concurrentielle significative sur les marchés des télécommunications mobiles de détail et de gros en Italie. La structure des coûts de l'accord d'itinérance national révisé permet et donne à Iliad l'incitation nécessaire pour se montrer concurrentielle dès le début de ses opérations. En outre, l'investissement substantiel envisagé dans le plan d'entreprise d'Iliad représente un engagement très crédible à déployer son réseau et à agir en tant qu'ORM. Par ailleurs, l'investissement initial dans l'acquisition du spectre à céder révisé et des sites à céder révisés donne à Iliad l'incitation pour: 1) acquérir une clientèle substantielle à court terme et 2) transférer rapidement du trafic du réseau des parties vers son propre réseau en vertu de l'accord d'itinérance national révisé afin de couvrir ses coûts fixes et assurer sa rentabilité.

(89) Troisièmement, la Commission considère que la conclusion des nouveaux accords des ORM n'est ni susceptible de créer de nouveaux problèmes de concurrence, ni d'occasionner un risque que la mise en œuvre de l'engagement final des ORM soit retardée. Alors que certaines approbations réglementaires seraient requises pour mettre pleinement en œuvre l'engagement final des ORM, la Commission estime qu'Iliad devrait pouvoir obtenir toutes les approbations nécessaires des autorités réglementaires concernées.

(90) La Commission a également examiné les nouveaux accords d'ORM entre les parties et Iliad et a conclu que son contenu était conforme aux exigences de l'engagement final des ORM.

IX. CONCLUSION ET PROPOSITION

(91) La décision conclut que, sous réserve du respect des engagements présentés par les parties notifiantes, la concentration envisagée n'entravera pas de manière significative l'exercice d'une concurrence effective au sein du marché intérieur ou dans une partie substantielle de celui-ci. En conséquence, la concentration est déclarée compatible avec le marché intérieur, conformément à l'article 2, paragraphe 2, et à l'article 8, paragraphe 2, du règlement sur les concentrations.

NOTES

(1) JO L 24 du 29.1.2004, p. 1.

(2) Publié au Journal officiel de l'Union européenne C 58 du 13.2.2016, p. 40.

(3) L'appréciation quantitative menée par la Commission est également basée sur les données collectées dans une enquête menée auprès des clients (l'"enquête"). La méthodologie appliquée dans l'enquête et le questionnaire sont respectivement contenues dans les annexes B et C de la décision.

(4) Il y a eu trois modifications entre l'engagement révisé des ORM et l'engagement final des ORM; l'une était substantielle, relative à l'ajout du contrôle par la Commission de l'engagement final des ORM.

(5) Les sites élargis révisés correspondent aux nouveaux sites et aux sites élargis mentionnés dans l'engagement final des ORM. Ces sites sont traités de la même façon dans le cadre de l'engagement final des ORM mais sont distingués en l'espèce pour refléter les accords des ORM. Les sites initiaux et les nouveaux sites représentent conjointement un total de [...], à savoir le nombre de sites qui ont été "offerts" au nouvel ORM dans l'engagement des ORM

(6) À condition que le nouvel ORM installe l'équipement adéquat et prenne les mesures requises pour ce faire.

(7) Les services MOCN 3G/4G couvrent les technologies 3G et 4G et, à la suite du lancement commercial par l'entreprise commune, toutes les futures technologies (y compris la technologie 5G) comme convenu entre les parties et le nouvel ORM et sous réserve de la faisabilité technique.